Correspondance : Goethe, Carlyle (édition de Charles Eliot Norton ; traduction de Georges Khnopff). – Paris : Éditions du Sandre, 2005. – 183 p., 22 cm. – ISBN 2-914958-22-6.
Claudia Schweizer, Johann Wolfgang von Goethe und Kaspar Maria von Sternberg, Münster 2004, ISBN 3-8258-7579-2
On cite souvent, sous des formes diverses, une phrase attribuée à Goethe : « Mieux vaut une injustice qu'un désordre », en y voyant le comble du cynisme. Robert Legros, professeur de philosophie à l'Université de Caen et à l'Université libre de Bruxelles, l'a expliquée en la replaçant dans son contexte. Goethe avait dit en réalité en allemand : « Es liegt nun einmal in meiner Natur : ich will lieber eine Ungerechtigkeit begehen, als Unordnung ertragen », soit « C'est dans ma nature : j'aime mieux commettre une injustice que tolérer un désordre », et dans une occasion bien particulière. À la fin du siège de Mayence (1793), les Français avaient obtenu le droit de quitter la ville sans être inquiétés ; la foule, montée contre eux, voulut pourtant s'en prendre à un capitaine français qu'elle accusait, d'ailleurs à tort, de certains excès. Goethe arrêta tout de suite les manifestants et, interrogé par la suite sur la raison pour laquelle il était venu au secours de ce Français, il répondit par la phrase en question. Elle signifiait, dans ces circonstances, que, quels que fussent éventuellement les torts du capitaine, la foule n'était pas autorisée à se faire justice elle-même : laisser repartir un coupable éventuel était moins grave que le laisser lyncher.