Janvier de Bénévent - Définition

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Le miracle de saint Janvier

La légende du saint (voir plus haut) raconte qu’à Antignano, le samedi précédent le 1er jour de mai du début du IVe siècle, lors du transfert de son corps vers sa catacombe, le sang se liquéfia lorsque les deux ampoules contenant le sang desséché furent approchées de sa dépouille par sa parente.

Ce phénomène a ensuite été attesté pour la première fois à Naples le 17 août 1389. À noter que la liquéfaction ne nécessita pas ce jour-là que les fioles soient approchées de la dépouille puisque, de 1156 jusqu’en 1480, celle-ci était secrètement dissimulée sous le maître autel de l’abbaye de Montevergine à Avellino. Depuis, le phénomène se produit régulièrement lors de cérémonies organisées spécifiquement à Naples.

Néanmoins, à ce jour, l’Église ne s’est pas prononcée officiellement sur le caractère miraculeux du phénomène.

Le « miracle » de la liquéfaction du sang de saint Janvier est célébré habituellement trois fois par an :

  • le samedi précédant le premier dimanche de mai, date anniversaire du transfert de la dépouille du saint de Fuorigrotta dans sa catacombe à Capodimonte, au début du IVe siècle, où le phénomène se produisit pour la première fois ;
  • le 19 septembre, date anniversaire de son martyre en 305 ;
  • le 16 décembre, date anniversaire de l’éruption du Vésuve de 1631 qui fît 4 000 morts mais en épargnant la ville de Naples.

Le cérémonial

La liquéfaction du sang de saint Janvier fait l’objet d’une cérémonie au Duomo San Gennaro : le sang, contenu dans les deux ampoules hermétiques disposées dans une châsse fait l’objet d’ostensions, face à la foule. La cérémonie se déroule en présence de l’archevêque de Naples, de personnalités de la région et de milliers de fidèles massés dans la cathédrale et sur son parvis.

Généralement au cours des ostensions, le sang se liquéfie - ou même parfois entre en ébullition - en changeant de couleur et de volume (du simple au double), puis les reliques sont précieusement remises sous clefs. En septembre et en mai, la cérémonie se répète huit jours durant.

Si le sang se liquéfie rapidement, c’est le signe que Naples bénéficiera de toutes sortes de bénédictions et c’est la liesse générale dans la ville. Par contre, si le sang tarde à se liquéfier ou ne se liquéfie pas, c’est signe de malheurs à venir pour la ville et le moral des Napolitains s'en ressent, ce qui se comprend.

Ça ne marche pas à tous les coups…

Le 6 mai 2000, alors que le cardinal ouvrait la niche pour prendre la châsse contenant les ampoules pour la cérémonie, il constata que le sang était déjà partiellement liquéfié…

Et il existe aussi des cas où la liquéfaction ne s’est pas produite.

Ainsi, récemment en 1976, en dépit de 8 jours d’invocations et d’ostensions, le contenu des précieuses ampoules refusa de se liquéfier ; ce fut le cas également en 1849 alors que le pape Pie IX était venu assister à l’événement…

Au printemps 1799, alors que Naples était tombé aux mains des Français, le nouveau gouvernement napolitain, installé par eux, voulut asseoir son pouvoir en s’en remettant au jugement de saint Janvier ; un non-accomplissement du miracle de la liquéfaction aurait signifié le rejet divin du nouvel ordre républicain instauré par les Français.
Le général français Macdonald et son état-major étaient venu assister à la cérémonie.
À six heures du soir, aucune trace de début de liquéfaction ne s’était manifestée et les Napolitains commençaient à vociférer contre les Français. À huit heures toujours rien et le climat tournait à l’émeute. Selon le récit qu’en fait Alexandre Dumas dans le chapitre XXII du "Corricolo" ¹, Macdonald voyant l’ambiance s’échauffer se pencha sur un aide de camp et lui dit quelques mots à l’oreille. L’aide de camp… se mêla à la foule des fidèles qui se pressaient pour aller baiser la fiole, arriva jusqu’à la balustrade, se mit à genoux et attendit son tour.
Au bout de cinq minutes, le chanoine prit sur l’autel la fiole renfermant le sang parfaitement coagulé ; ce qui était, vu l’heure avancée, une grande preuve de la colère de saint Janvier contre les Français, la leva en l’air, pour que personne ne doutât de l’état dans lequel elle était ; puis il commença à la faire baiser à la ronde.
Lorsqu’il arriva devant l’aide de camp, celui-ci, tout en baisant la fiole, lui prit la main. Le chanoine fit un mouvement… Je veux vous dire, de la part du général en chef, reprit l’aide de camp, que si dans dix minutes le miracle n’est pas fait, dans un quart d’heure vous serez fusillé… puis il se leva, et revint prendre sa place près du général. Eh bien ? dit Macdonald. Eh bien ! dit l’aide de camp, soyez tranquille, général, dans dix minutes le miracle sera fait.
L’aide de camp avait dit la vérité : seulement il s’était trompé de cinq minutes. Au bout de cinq minutes, le chanoine leva la fiole en criant : Il miracolo è fatto ! Le sang était en train de se liquéfier.
Mais, finalement, les troupes françaises évacuèrent Naples quelques jours après - le 7 mai - suite à l’ordre du Directoire donné le 4 mai : saint Janvier n’avait-il pas eu raison, en fin de compte ? On peut se demander de plus si saint Janvier ne serait pas finalement anti-républicain - ce qui s’expliquerait par ses origines ! - car, en 1849, devant Pie IX, lorsque le sang ne voulût pas se liquéfier, c’était aussi une période où se jouait l’unification républicaine de l’Italie.


¹ Contrairement au récit original d’Alexandre Dumas, c’est Macdonald et non Championnet qui était en place à Naples à ce moment-là : Championnet, démis de son poste, fût en effet remplacé par Macdonald le 13 février 1799.

La procession

Le rituel de la procession de saint Janvier a commencé dès la fin du XVe siècle. Il se déroule à Naples, selon un ordre bien établi. Le cortège se rend de la chapelle du Trésor du Duomo San Gennaro (domicile habituel de saint Janvier) à la cathédrale Santa Chiara - Sainte-Claire - (lieu de culte des rois de Naples). En quelque sorte, Janvier, saint martyr de noble souche, rend régulièrement une visite de courtoisie à ses successeurs temporels…

Le cortège est actuellement constitué ainsi :

  • des portes étendards représentant les chapelles et églises des quartiers de Naples ouvrent la marche ;
  • différentes confréries religieuses suivent, portant les statues des saints et des saintes en argent et en or qui constituent "la cour" de saint Janvier ;
  • suit ensuite l’archevêque cardinal avec le buste en argent de Saint-Janvier et le reliquaire abritant les ampoules ;
  • les notables suivis de la foule ferment la procession…

La description qu’en fait Alexandre Dumas dans le chapitre XXI du "Corricolo" laisse cependant à penser que ce bel ordre n’est pas toujours vraiment respecté… En cours de route, les différents saints de la cour de Janvier se dispersent pour aller faire un tour dans leurs quartiers ou leurs paroisses puis rejoignent Santa Chiara où ils s’inclinent en rentrant devant saint Janvier pour lui rendre hommage.

Ces processions se déroulent le samedi précédant le premier dimanche de mai ainsi que le 19 septembre si c’est un dimanche ou le dimanche suivant le 19 septembre lorsque ce n’est pas le cas.

En septembre, la fête de San Gennaro est célébrée par tous les Napolitains du monde, notamment à New York où a lieu une grande parade.

Du sang qui fait couler beaucoup d’encre…

La liquéfaction du sang de saint Janvier constitue un sujet de controverse : ce n’est pas un miracle véhiculé par une simple tradition orale et auquel on ne peut apporter ni preuve, ni démenti mais au contraire un phénomène bien matériel qui se produit plusieurs fois par an, depuis des siècles et sur demande. Il est donc propice à ce que tout un chacun, des plus grands penseurs aux gazettes locales s’y intéresse passionnément ; ont ainsi, et entre autres, évoqué le miracle de saint Janvier :

  • Voltaire (Pensées, Remarques et Observations ; ouvrage posthume, 1802) :

« Il est égal pour le peuple non pensant qu’on lui donne des vérités ou des erreurs à croire, de la sagesse ou de la folie ; il suivra également l’un ou l’autre : il n’est que machine aveugle. Il n’en est pas ainsi du peuple pensant ; il examine quelquefois, il commence par douter d’une légende absurde, et malheureusement cette légende est prise par lui pour la religion ; alors il dit : Il n’y a point de religion, et il s’abandonne au crime. Celui qui doute à Naples de la réalité du miracle de saint Janvier est près d’être athée ; celui qui s’en moque en d’autres pays peut être un homme très religieux. »

  • Alexandre Dumas (Le corricolo, conclusion du chapitre XXI, 1843) :

« Maintenant, que le doute dresse sa tête pour nier, que la science élève sa voix pour contredire ; voilà ce qui est, voilà ce qui se fait, ce qui se fait sans mystère, sans supercherie, sans substitution, ce qui se fait à la vue de tous. La philosophie du dix huitième siècle et la chimie moderne y ont perdu leur latin : Voltaire et Lavoisier ont voulu mordre à cette fiole, et, comme le serpent de la fable, ils y ont usé leurs dents. Maintenant, est-ce un secret gardé par les chanoines du Trésor et conservé de génération en génération depuis le quatrième siècle jusqu’à nous ? Cela est possible ; mais alors cette fidélité, on en conviendra, est plus miraculeuse encore que le miracle. J’aime donc mieux croire tout bonnement au miracle ; et, pour ma part, je déclare que j’y crois. »

  • Alain (Propos d’économique, 1934) :

« Oui, reprit Castor, … L’argent n’est pas mieux connu que le miracle de saint janvier. On se hausse pour voir, on raconte ce qu’on n’a pas vu, et les millions vont par centaines. Chacun peut pêcher dans ce fleuve-là. On ne se lasse pas, dis-je, de laver le sable, dès que l’on a entendu dire qu’on y peut trouver de l’or. »

  • et aussi Sigmund Freud qui utilise une allusion au miracle de la liquéfaction du sang de saint Janvier pour mener à bien une de ses analyses (Du mécanisme psychique de la tendance à l’oubli, 1898).

Le fait qu’une substance solide puisse devenir liquide et inversement n’est pas une chose surnaturelle en soi : en plaçant de l’eau dans des petits récipients idoines dans la partie supérieure d’un réfrigérateur, on obtient des glaçons et ces glaçons placés dans un verre d’apéritif disparaissent en réfrigérant le contenu du verre(voir les articles fusion et solidification-

Il en est ainsi que toute modification énergétique apportée à une substance peut provoquer de tels changement de phases : ainsi d'une modification de température ou de pression mais aussi plus généralement de toute modification apportée à l’énergie interne de la substance quelle qu’en soit l’origine…

E. Salverte a donné au XIXème siècle la recette d'une substance qui passe de l'état solide cireux à l'état fluide par une élévation de température, et inversement lorsque la température diminue. Il s'agit de mélanger du blanc de baleine (lipides) teinté d'un colorant rouge pour faire sanguinolent.

H. Broch (Université de Nice-Sophia Antipolis) a reproduit le phénomène et conseille d'enfermer dans une ampoule de l'huile de jojoba ou de coco pour obtenir le même résultat..

Les choses sont plus complexes dans le cas de substances organiques. Ainsi, ce n’est pas en réchauffant du sang desséché qu’on réussira à le liquéfier ; on réussira tout au plus (si l’on s’acharne) à le calciner : le sang s’est desséché parce que de l’eau qu’il contenait s’est évaporée et ce n’est pas en le réchauffant qu’il va la retrouver.

Néanmoins, il est possible de liquéfier du sang coagulé en brisant la fibrine qui emprisonne les globules : la dissolution du sang par de l’alcool ou d’autres substances est une conséquence de ce mécanisme ; mais le sang ainsi dissous ne redevient pas solide dans la même gamme de température et le phénomène ne peut se produire qu'une seule fois. En outre, personne n’a constaté, que le cardinal de Naples injectait de l’alcool ou autre substance dans les ampoules pendant les ostensions.

Tout d’abord, les capsules contiennent-elles vraiment le sang de saint Janvier ? On n’en possède bien sûr aucune preuve. Une analyse ADN pourrait éventuellement indiquer si les ossements et le contenu des fioles proviennent ou non de la même personne ; mais même si c’était un renseignement intéressant, ça ne prouverait ni que les reliques proviennent d’un illustre descendant d’une famille patricienne romaine (de qui plus est évêque et mort en martyr), ni que les fioles contiennent bien de l’hémoglobine de saint Janvier.

En 1989, pour montrer qu’il n’y avait pas de supercherie de sa part, le cardinal de Naples a fait procéder par le professeur Pier Luigi Baima Bollone, directeur de l’Institut de médecine légale de l’université de Turin, à des analyses spectrographiques qui ont montré que les fioles contenaient bien de l’hémoglobine (cet éminent professeur a également mené des investigations sur le saint Suaire) ; Cette analyse ne démontre pourtant pas que les fioles ne contiennent que du sang. Certaines sources indiquent que, dès 1902, des analyses par spectrographie avait déjà montré cela, mais la spectrographie permettait-elle de mener, en 1902, de telles investigations ?

En 1991, afin de tenter d’expliquer le miracle de saint Janvier, sans courir le risque d’être excommuniés, trois chercheurs italiens ont réalisé l’expérience suivante : préparation d’une solution contenant 25g de chlorure ferrique hexahydrate dans 100 ml d’eau et ajout lent de 10g de carbonate de calcium ; après dialyse de 4 jours, la solution est évaporée jusqu’à obtenir un volume de 100 ml. L’ajout de 1,7 g de chlorure de sodium donne un sol brun foncé qui subit une transition sol-gel au bout d’une heure. Par simple agitation mécanique, ce gel se liquéfie et le cycle liquéfaction-solidification est hautement reproductible. Pour cela, ils ont reproduit l’expérience avec du chlorure de fer, de la cendre de bois, du sel de cuisine, de l’eau et du parchemin en guise de membrane de dialyse, ingrédients tous connus et disponibles au Moyen Âge. En fait, l'hypothèse d'une substance à consistance sensible au choc avait déjà été avancée en 1890 par le professeur Albini et reprise en 1949 dans un livre sur la science des colloïdes avec l'expression de "gel thixotrope" pour le sang de St Janvier.

Les croyants répliquent toutefois que rien ne prouve que les fioles contiennent une telle mixture et les sceptiques leur répondant qu’il n’y a qu’à les ouvrir pour vérifier.

Pour d'autres auteurs qui se sont rendus à la cérémonie du 3 mai 2008, deux conditions devraient nécessairement êtres remplis pour assister à la liquéfaction du sang du saint : une température-seuil et une contrainte mécanique minimale. Une messe quotidienne a lieu dans la semaine suivant la cérémonie. Les fidèles sont bénis avec le reliquaire et le sang reste fluide pendant toute la semaine. Une agitation même minime retarde la solidification d'un fluide thixotrope.

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