Interruption volontaire de grossesse - Définition

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Débat éthique et points de vue religieux sur le droit à l'IVG

L'Interruption volontaire de grossesse (IVG) est chez l'être humain, au-delà d'un phénomène physiologique concernant la femme enceinte, un phénomène social. La conquête du droit à l’IVG constitue une part importante du mouvement féministe, pour la libre disposition de son corps par la femme.

Dans les pays où l'interruption volontaire de grossesse n'est pas légalisée, des mobilisations ont lieu pour l'obtention de ce droit. Dans les pays où l'interruption volontaire de grossesse est légalisée, et plus particulièrement aux États-Unis en Italie et en Espagne, le droit à l'interruption volontaire de grossesse est parfois contesté par certains mouvements dit « pro-vie », qui sont aussi la plupart du temps d'inspiration religieuse et/ou conservatrice.

À contrario, il est défendu par de nombreux mouvements pro-choix, et notamment Barack Obama qui a rappelé « Cette décision non seulement protège la santé des femmes et la liberté de reproduction, mais symbolise un principe plus large : que le gouvernement n'a pas à se mêler des affaires de famille les plus intimes ».

Les partisans du droit à l'avortement considèrent souvent que sa condamnation légale est immorale dans la mesure où elle conduit à des avortements clandestins, causes de fortes souffrances humaines, tant psychologiques que biologiques. Ainsi, pour les Chiennes de garde :

« Être favorable à la légalisation de l’IVG, c’est, tout simplement, être sensible à un problème de santé publique (et donc, économique) : car une femme qui veut avorter le fera, dans n’importe quelle condition, quitte à mettre sa santé ou sa vie en danger, et quoi qu’en dise la loi. Ainsi, dans les pays où l’IVG est pénalisée, les femmes avortent autant que dans les pays où elle est légale : interdire l’IVG n’a jamais fait baisser le taux d’avortement. En revanche, interdire l’IVG fait augmenter de manière dramatique le taux de décès des suites d’avortements clandestins : où l’IVG est illégale, le taux de mortalité est de 330, en moyenne, pour 100 000 avortements. Où l’IVG est légale, en revanche, le taux de mortalité oscille entre 0,2 et 1,2 pour 100 000 avortements. (...) Ce que chacun-e pense du statut de l’embryon, du commencement de la vie humaine ou de l’existence de l’âme ne devrait même pas faire l’objet d’un débat et ne devrait relever que des convictions intimes n’ayant strictement rien à voir avec la législation.»

Cependant, pour les adversaires de l'avortement qui veulent revenir sur les lois actuelles concernant l'avortement, ou le supprimer, que ce soit en se fondant sur une approche religieuse ou non, il s'agit avant tout d'un problème éthique concernant la défense de la dignité de la personne dès l'instant de la conception. Cela soulève d'importants débats philosophiques concernant le statut de la personne humaine et le moment où l'on peut parler d'un tel statut: est-ce dès la conception? dès la formation d'un embryon développé? dès la naissance? En effet, pour le droit français, seul l'enfant né a le statut juridique d'une personne. Cependant certaines positions philosophiques, métaphysiques ou théologiques font remonter l'existence d'un être bien en deçà de sa naissance. Dans leur discours contemporain, ces courants soulignent souvent le fait que, dès sa conception, l'embryon possède l'ensemble du matériel génétique de la personne adulte.

L'IVG est l'objet de débats dans la plupart des sociétés modernes.

Il était traditionnellement interdit, pour différents motifs :

  • de maintien de rites familiaux : dans de nombreuses sociétés, les enfants s'occupent de l'esprit de leurs ancêtres après leur mort ; (notamment : tradition chinoise où l'avortement n'a jamais été illégal ni interdit mais était une décision familiale et/ou sociale à laquelle la femme ne participait pas mais qu'elle subissait uniquement)
  • démographiques : les gouvernements pensant que l'autorisation de l'avortement fait baisser le nombre de naissances, et l'importance de la population étant une mesure de la puissance ;
  • religieux : plusieurs courants religieux interdisent l'avortement car elles le considèrent comme une atteinte à la vie humaine (notamment les religions monothéistes, mais aussi les religions orientales) ; à contrario, d'autres lectures plus ouvertes l'autorisent, comme l'association catholique Catholics for Choice aux États-Unis d'Amérique ;
  • inégalité entre les sexes : l'homme ayant la primauté dans la décision d'avoir (ou non) un enfant, la femme se voyait refuser le droit de prendre la décision d'avorter.

Les modifications sociales - affaiblissement de l'influence religieuse et de la sacralisation du processus procréatif, importance décroissante du nombre par rapport au bien-être des populations pour les États, progrès médicaux, rapports sexuels chez les jeunes relativement plus précoces dans les pays occidentaux et plus tardifs dans les autres, mauvaise information sur les moyens de contraception, affaiblissement du poids des traditions et égalité des droits entre l'homme et la femme - ont progressivement atténué l'interdit, puis permis une légalisation plus large (extension des cas concernés, allongement de la période légale…).

La difficulté du législateur sera de trancher parmi toutes les positions possibles pour fixer un délai légal d'IVG, délai qui fait nécessairement des mécontents de part et d'autre. Les uns et les autres pouvant se réclamer de valeurs peu négociables (la vie humaine d'un côté, la liberté d'une vivante de l'autre) cela explique que l'avortement soit depuis quelques décennies un sujet de controverse inépuisable.

En outre, la solution éthique ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur le drame que peut représenter le choix dans un sens ou dans l'autre, compte tenu des pressions sociales intenses qui s'entrecroisent sur la question.

D'un point de vue légal, on considère que le statut juridique de la personne est lié à celui d'un développement suffisant de l'embryon (cette limite étant variable), autorisant l'avortement en deçà, et en condamnant éventuellement l'illégalité au-delà. La plupart des pays du monde ayant des législations différentes et variables avec le temps, on peut en conclure qu'aucune définition unanime de ce qui peut être considéré comme un embryon ou personne à part entière n'a été trouvée, la science ne pouvant pas, à elle seule, apporter une réponse.

Bouddhisme

Le bouddhisme fixe le début de la vie humaine, bhava, aux premiers signes de conscience : capacité de ressentir le plaisir ou la douleur et d'y réagir. C'est alors que l'être hérite du karma passé.

Le bouddhisme interdit l'avortement lorsqu'il supprime une vie, le premier précepte de l'éthique bouddhique étant : ne pas tuer (l'acte de tuer étant constitué dès lors qu'il y a intention de tuer, effort de tuer et mort de la victime).

Selon le code monastique du bouddhisme theravāda, le Vinaya, un moine qui recommande ou facilite un avortement commet une faute grave (parajika) et encourt une expulsion immédiate du Sangha.

Dans le bouddhisme tibétain, le Dalai Lama reconnaît qu'il existe des situations justifiant l'avortement (interruption médicale de grossesse). La délimitation précise des situations concernées est généralement reconnue comme un problème social dépassant le cadre de la philosophie bouddhiste. D'un point de vue moral, seule la compassion, la Karunā, peut justifier une telle action.

Christianisme

Les positions du christianisme à l'égard de l'avortement sont diverses selon les Églises et, à l'intérieur de celles-ci, selon les tendances.

Ainsi, l'Église catholique romaine réaffirme dans l'encyclique Evangelium Vitæ sa condamnation de l'avortement direct. Pour le pape Jean-Paul II, « Celui qui est supprimé est un être humain qui commence à vivre, c'est-à-dire l'être qui est, dans l'absolu, le plus innocent qu'on puisse imaginer: jamais il ne pourrait être considéré comme un agresseur, encore moins un agresseur injuste! Il est faible, sans défense, au point d'être privé même du plus infime moyen de défense, celui de la force implorante des gémissements et des pleurs du nouveau-né. »

Dans les textes magistériels et le catéchisme de l'Église catholique, l'avortement direct est considéré, s'il est effectué en pleine connaissance et avec entier consentement, comme un péché extrêmement grave : il entre dans la catégorie des « péchés mortels » (cf. Homicide) c'est-à-dire qui détruit la charité dans le cœur de l’homme. Selon le droit canon, il entraîne une excommunication latae sententiae (automatique, sans prononcé de la peine) dès lors que la personne qui le réalise est âgée de plus de 16 ans et a une pleine conscience de son acte. Il concerne la femme qui le pratique et les médecins ou para-médicaux qui participent à la procédure. En revanche, l'avortement indirect, où la mort du fœtus n’est pas voulue mais est la conséquence de soins prodigués à la mère, n'est pas puni d'excommunication.

Certains catholiques souvent qualifiés de réformateurs ou libéraux, ont une position pro-choix.

La position de l'Église orthodoxe rejoint, sur le plan de la morale, celle du catholicisme, mais en accord avec le principe dit d'économie (soumission de la loi générale à chaque personne en prenant en compte son existence et ses limites) qui lui est propre, elle peut autoriser une personne à pratiquer l'IVG si l'évêque ou le prêtre discerne l'avènement d'une détérioration psychologique ou spirituelle dans le cas contraire.

Les Églises protestantes historiques (presbytérienne, épiscopalienne, méthodiste…) adoptent des positions variées, tandis que les Témoins de Jéhovah interdisent fermement l'avortement.

Islam

L'islam de manière générale prohibe l'avortement au nom du respect de la vie humaine. Le verset du Coran suivant : « Et ne tuez pas vos enfants par crainte de pauvreté ; c’est Nous qui attribuons leur subsistance ; tout comme à vous. Les tuer, c’est vraiment, un énorme pêché. » est utilisé par les exégètes pour soutenir l'interdiction de l'avortement de manière générale. Cet interdit est plus ou moins strict suivant les circonstances et l'état de développement du fœtus.

En sunnisme, l'interdiction - dans la plupart des cas - est de rigueur après 120 jours de grossesse, c'est-à-dire lorsque le fœtus est entièrement formé et que, selon la tradition, une âme lui a été insufflée. Hormis pour l'école malékite, l'avortement peut être admis aprés les 120 jours en cas de grande nécessité reconnue (malformation du fœtus, danger vital pour la femme enceinte, viol, femme handicapée ne pouvant assurer l'éducation de l'enfant). Par ailleurs, si de la grossesse il devait résulter la mort de la mère, l'avortement est autorisé après ce délai de 120 jours. Dès le XIIe siècle, l'imam Al-Ghazali indique que la contraception est clairement différente de l'avortement.

En chiisme, l'avortement est interdit à part des circonstances très strictes. Une fatwa sur le site de la fondation international de l'Imam Shirazi affirme que l'avortement est haram:

« L'avortement est haram, et ce, dès le commencement de la conception. Tant qu'il y existe un potentiel pour avoir un être humain, alors l'avortement est haram, qu'il s'agisse d'une semaine ou d'un jour. La vie embryonnaire ne doit pas être détruite quelle que soit l'étape de développement.

Circonstances exceptionnelles :

  1. Si la poursuite de la grossesse constitue une menace pour la mère, alors l'avortement est autorisé.
  2. Dans le cas où le fœtus est extrêmement déformé de telle sorte qu'il rendrait ses soins exceptionnellement difficiles pour les parents, quelques fuqahas ont décrété à la licéité de l'avortement dans des circonstances aussi extrêmes.
Selon la fatwa, la licéité de l'avortement concerne seulement les déformations extrêmes. »

Judaïsme

Il est écrit dans la Torah. « Il n'y aura dans ton pays ni femme qui avorte, ni femme stérile. Je remplirai le nombre de tes jours » (Exode 23;26) Cependant, certaines de ses dispositions concernent la vie fœtale, directement ou non. La disposition la plus sévère est liée à l'interdiction de tuer. Cette interdiction est directe dans le cas où la Halakhah considère que le fœtus est un être vivant, mais les sources Talmudiques ne sont pas univoques ni même claires à ce sujet (par exemple, Rachi semble indiquer qu'un fœtus n'est pas nécessairement un être humain). Pour ce qui est des autres dispositions, le respect généralement dû à la vie humaine (manifeste dans l'interdiction de blesser ou de détruire la semence humaine) conduit également à argumenter contre l'avortement. De ce fait, cet acte est généralement considéré comme « contraire à la loi », et réprouvé en conséquence. Cependant, le Talmud ne considère qu'un fœtus n'est formé qu'après quarante et un jours, un avortement avant ce délai est donc considéré moins sévèrement.

La loi juive autorise l'avortement si le fœtus constitue une menace directe pour l'intégrité de la femme enceinte. Les limites de cette menace sont cependant très discutées. La Mishna dit explicitement que l'on doit sacrifier le fœtus pour sauver la mère, parce que la vie de la mère a priorité sur celle de l'enfant qui n'est pas né. Par suite, la plupart des autorités rabbiniques autorisent l'avortement en cas de menace vitale pour la femme, mais d'autres étendent cet avis au cas du risque d'aggravation d'une maladie physique ou psychique de la mère.

Dans leur immense majorité (on peut citer l'exception du rabbin Eliezer Waldenberg), les autorités juives ne reconnaissent pas les infirmités du fœtus comme une indication de l'interruption de la grossesse. Le rabbin et posseq Moshe Feinstein interdisait ainsi les diagnostics prénataux qui entraînent les parents à demander une action abortive. Il allait même plus loin en écrivant : « Ces dernières années on a observé un nombre croissant d'avortements réalisés. Il est interdit aux médecins qui respectent la Torah de participer à un avortement de quelque manière que ce soit, que la patiente soit juive ou non. La prohibition de l'avortement est une prohibition universelle et elle s'applique aussi bien aux non-juifs qu'aux juifs. » Néanmoins, le rabbin et posseq Shaul Israeli autorise dans certaines circonstances l'avortement en cas de maladie du fœtus, et ajoute même que cela ressort de la Mitzvah d'aimer son prochain.

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