La fréquence des modes vibratoires donnée par la classique formule des cordes vibrantes n'est valable que pour une corde abstraite dont la raideur serait nulle :
Posé sur une table, un morceau d'une telle corde, parfaitement souple, accepterait de prendre n'importe quelle forme et de la garder, ce qui n'est pas le cas avec les cordes réelles.
La formule ci-dessus décrit l'effet d'une masse (inertie) soumise à une force de rappel (quand la corde est sous tension). Les modes sont harmoniques (fréquences multiples d'un même fondamental n = 1).
Posé sur une table, un morceau de fil d'acier utilisé pour corder l'aigu du piano accepte de se plier mais, si on le lâche, il reprend tout seul sa forme rectiligne. Quand cette corde est sous tension, à la force de rappel due à la tension s'ajoute une autre force de rappel, due à la raideur. La fréquence des modes vibratoires s'en trouve donc augmentée :
Les modes ne sont plus harmoniques : on parle de partiels et non plus d'harmoniques. Le partiel no2 est à plus de 2 fois la fréquence du partiel no1 (le fondamental de cette corde). L'inharmonicité produit une dilatation de l'octave et un écart à l'harmonicité donnés par :
Cet écart à l'harmonicité est un rapport de fréquences, une petite correction qui peut s'exprimer en % (il suffit de la multiplier par 100), ou bien en cents, centième de demi-ton, comme sur les accordeurs électroniques (en utilisant la seconde formule ci-dessous, voir annexe) :
L'écart à l'harmonicité dépend du facteur numérique B (très petit devant 1), qui, sur un piano, varie d'une corde à l'autre. Il augmente si la corde est plus courte, il augmente si la corde a un plus gros diamètre, il diminue si la corde est plus fortement tendue. Il devient important dans l'aigu, où les cordes sont très courtes par rapport à leur diamètre, donc très raides.
Contrairement à ce qu'on peut lire dans certains ouvrages, ce n'est pas l'extrémité de la corde qui est le facteur principal dans la raideur, mais la corde elle-même, sur toute sa longueur : les fuseaux, d'autant plus nombreux que le rang du partiel est plus élevé, apportent leur force de rappel et l'effet d'augmentation de fréquence est d'autant plus grand que le nombre de fuseaux est plus élevé. Une autre erreur souvent rencontrée est que la raideur augmenterait d'autant que la corde serait plus tendue. L'examen de B montre que l'effet de raideur est, au contraire, d'autant plus faible que la corde est plus tendue.
Ces formules ne sont pas du tout valables pour les cordes filées. Le fait de bobiner un fil (fil de trait) autour d'une corde (âme) permet d'obtenir une corde qui a une masse élevée par unité de longueur (ce qui permet d'atteindre des basses fréquences) sans pour autant augmenter la raideur comme ce serait le cas pour un monofilament de même masse par unité de longueur. Malgré l'utilisation de ces cordes filées, moins raides donc moins inharmoniques que les cordes monofilament, l'inharmonicité des dernières cordes du grave devient très importante, en raison de leur longueur insuffisante (on ne peut pas doubler la longueur chaque fois que l'on descend d'une octave).
Lorsque l'accordeur de piano reporte sa partition de l'octave initiale, il le fait en écoutant les battements du partiel n° 2 de la note à reporter avec le partiel n° 1 (le fondamental) de la note à accorder à l'octave. Lorsque les battements sont stoppés, l'octave ainsi réalisée se trouve plus grande que le rapport 2/1, on dit qu'elle est "dilatée" de l'écart à l'harmonicité ci-dessus défini.