Hypothèse Ruddiman - Définition

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Introduction

L’hypothèse Ruddiman est une théorie développée par le climatologue américain William F. Ruddiman, qui affirme que le réchauffement climatique d’origine humaine a commencé il y a 8 000 ans avec les débuts de l’agriculture, donc bien avant l’ère industrielle. La déforestation, l’irrigation et l’élevage auraient entraîné, directement et indirectement, une augmentation significative des concentrations de gaz à effet de serre (dioxyde de carbone et méthane). Cette augmentation aurait eu lieu à un rythme bien moins élevé que celui observé actuellement, mais en se cumulant sur des millénaires elle aurait eu un effet suffisant pour entraîner un réchauffement global de l’ordre de °C. Selon Ruddiman, ce réchauffement ancien aurait contrebalancé la tendance au refroidissement inscrite dans les cycles du climat, en maintenant le climat au-dessus du seuil de déclenchement d’une nouvelle glaciation.

De plus, Ruddiman met en rapport certaines périodes de froid observées depuis 2 000 ans, comme le petit âge glaciaire, avec les grandes épidémies ayant frappé l’humanité. L’abandon massif des terres cultivées et la reforestation provoqués par ces pandémies auraient entraîné une baisse des émissions de dioxyde de carbone d’origine agricole et donc réduit le réchauffement pendant ces périodes.

La théorie de Ruddiman a donné lieu à un vif débat dans la communauté scientifique. Les sont les suivants :

  • les premiers agriculteurs n’ont pas pu avoir un impact significatif sur les émissions de gaz à effet de serre avec une population aussi faible et une technique rudimentaire.
  • l’augmentation anormale du dioxyde de carbone depuis 8 000 ans et du méthane depuis 5 000 ans, qui est à la base de l’hypothèse, sont dues à des causes naturelles.
  • Le retour de la glaciation ne devrait pas avoir lieu avant plusieurs dizaines de milliers d’années, même en l’absence de toute intervention humaine.

Ruddiman a publié à chacune de ces critiques.

Le réchauffement climatique préindustriel

En 2003, Ruddiman fait paraître dans la revue Climatic Change un article présentant les bases de la théorie : le réchauffement climatique d’origine humaine n’a pas commencé avec la révolution industrielle, mais avec les débuts de l’agriculture il y a 8000 ans lors de la révolution néolithique. Elle est connue en anglais sous l’expression early anthropocene, anthropocène étant un néologisme créé par certains scientifiques pour désigner une nouvelle ère géologique, commencée vers 1800 avec la révolution industrielle et durant laquelle l'action de l'espèce humaine serait devenue une force géophysique agissant sur la planète. Selon Ruddiman, l’anthropocène serait beaucoup plus précoce dans l’histoire de l’humanité.

Depuis 2.75 millions d’années, le climat terrestre est passé par une suite de longues périodes glaciaires et d’interglaciaires plus chauds et plus courts, comme celui que nous vivons actuellement (l’holocène). Il est maintenant généralement admis que ces alternances de périodes froides et chaudes sont régulées par des modifications cycliques des paramètres de l’orbite terrestre, parfois appelés cycles de Milankovic (ou Milankovitch). Ces cycles causent les variations du rayonnement solaire incident en fonction du mois de l’année et de la latitude, qui sont la cause des oscillations du climat.

Mais l’holocène présente selon Ruddiman des caractéristiques que l’on ne retrouve dans aucun des interglaciaires précédents : au cours de ceux-ci, les concentrations de gaz à effet de serre (méthane et CO) avaient toujours suivi la tendance de l’insolation d’été dans l’hémisphère Nord. En particulier, ils avaient toujours connu un pic à la fin d’une période glaciaire, annonçant le début du réchauffement, puis une descente jusqu’au retour d’une nouvelle glaciation. Au commencement de l’holocène, à la fin de la dernière glaciation, les gaz à effet de serre et l’insolation solaire se comportent suivant ce modèle : ils montent jusqu’à un pic vers -11000, puis commencent à descendre conjointement.

Mais, il y a 8000 ans pour le CO et 5000 ans pour le méthane, les courbes de concentration atmosphérique de ces gaz « décrochent » et se mettent à augmenter significativement, alors que celle du rayonnement solaire continue à baisser selon sa tendance naturelle. Le CO augmente ainsi en données brutes de 20 à 25 ppm (parties par million) entre -6000 avant J.C. et les débuts de la révolution industrielle vers 1750, et le méthane d’environ 100 ppb (parties par milliard) entre -3000 avant J.C. et 1750. Mais l’impact global doit être mesuré en comparant les niveaux de 1750 et ceux qui auraient été atteints en l’absence d’influence humaine, si les gaz à effet de serre avaient suivi leur tendance naturelle dictée par celle du rayonnement solaire. Dans ce cas on obtient un chiffre de 40 ppm pour le CO et 250 ppb pour le méthane.

Selon Ruddiman, seule l’influence humaine, en l’occurrence l’apparition de l’agriculture, peut l’expliquer ce phénomène jamais observé auparavant. Certaines phases du développement des techniques agricoles seraient en effet contemporaines des augmentations de ces deux gaz. En ce qui concerne le CO, le responsable principal serait la déforestation par brûlis, significative dès les débuts de l’agriculture malgré la faiblesse des populations concernées. L’augmentation aurait eu lieu en deux temps. En premier lieu, les émissions humaines auraient entraîné une augmentation des gaz à effet de serre (effet direct). Le réchauffement induit aurait réduit la croissance des glaces (banquise antarctique et calottes arctiques). Or, au cours des précédents interglaciaires, l’avancée des glaces avait entraîné une diminution du CO atmosphérique par une interruption des échanges entre l’océan recouvert de glace et l’atmosphère. C’est ce phénomène qui aurait été empêché lors de l’interglaciaire actuel, et qui aurait donc laissé dans l’atmosphère de grandes quantités de CO (effet indirect). Ruddiman évalue l’apport en CO de l’effet direct à 25-30% du total.

Pour le méthane à partir de -5000, il identifie trois facteurs principaux. Le premier est l’irrigation, en particulier pour la riziculture qui créa de vastes zones inondées en Asie (le méthane est dégagé dans l’atmosphère par la fermentation des végétaux en l’absence d’oxygène). Le second est le développement de l’élevage des ruminants, qui dégagent quotidiennement 150 à 500 litres de méthane par leurs déjections et flatulences. Le dernier facteur est le brûlage de la biomasse (les herbes en particulier). Selon les sources citées par Ruddiman dans son livre, les débuts de la riziculture en Asie du sud-est et l’extension de l’élevage sont cohérents avec les dates du « décrochage » du méthane de sa tendance naturelle.

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