Hydrogénase - Définition

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Introduction

Les hydrogénases sont des enzymes qui catalysent de façon réversible la conversion des ions H+ (« protons ») en dihydrogène selon la réaction :

2H+ + 2 e - = H2

Il existe deux grandes classes d'hydrogénases : les hydrogénases [NiFe] et les hydrogénases à fer seul. Les sites actifs de ces enzymes sont de nature organométallique et diffèrent entre eux notamment par la nature des métaux qui les composent.

Structure du site actif des hydrogénases [NiFe]

Généralités

En 1887, Hoppe-Seyler découvre que des bactéries peuvent décomposer le formiate en H2 et CO2. Le nom « hydrogénase » est donné par Stevenson et Stickland en 1931 après avoir observé la production d’hydrogène par des bactéries du colon et son utilisation pour réduire des substrats. Les hydrogénases désignent maintenant une classe d’enzyme qui peut catalyser de façon réversible la conversion des protons en hydrogène :

Elles catalysent cette réaction à un potentiel très proche du potentiel thermodynamique (E°app= –413 mV dans l’eau, à 25 °C, sous 0,1 bar de H2 et pH 7). Dans ces organismes, l’hydrogène peut avoir deux fonctions.

La première fonction est énergétique : un excédent de pouvoir réducteur peut être éliminé sous forme d’hydrogène.

La seconde fonction métabolique utilise l’hydrogène comme substrat réducteur : réduction du CO2 en méthane chez Methanobacterium, en acide éthanoïque chez Acetobacterium, hydrogénation du fumarate chez Vibrio succinogenes, production de NAD(P)H dans les hydrogénases diaphorases comme chez Ralstonia eutropha...

Si les hydrogénases sont connues depuis plus d’un siècle, la détermination de leurs structures et plus particulièrement celle de leurs sites actifs a suivi un long cheminement :

En 1956, la présence de fer non hémique est confirmée. Au cours des années 1970, des expériences de RPE ont montré que les hydrogénases contenait des clusters fer-soufre de type ferredoxine HiPIP (« high potential iron-sulfur protein »). En 1980, Thauer a détecté la présence de nickel dans certaines hydrogénases donnant lieu à de nombreuses spéculations sur la nature du site actif. Il est maintenant établi qu’il existe deux principales classes d’hydrogénases, les hydrogénases [NiFe] et les hydrogénases à fer, ainsi qu’une classe apparentée appelée hydrogénases sans cluster fer-soufre ou Hmd. On connaît une centaine d’hydrogénases réparties chez une quarantaine d’organismes.

Les classes d’hydrogénases

Les deux principales classes d'hydrogenases se distinguent par leurs activités ainsi que par leurs sites actifs très originaux. En effet, la présence de sites organométalliques possédant des ligands cyanure et carbonyle est un fait unique en biologie. Cela est d’autant plus remarquable que ces molécules prosthétiques sont généralement considérées comme toxiques pour les organismes vivant.

Les hydrogénases à fer

Elles ne sont présentes que chez les eubactéries et les eucaryotes. Les structures 3D des Fe-hydrogénases fonctionnelles ont été résolues presque simultanément chez deux bactéries anaérobies : D. desulfuricans et C. pasteurianum. Les structures de ces enzymes sont assez différentes mais elles possèdent toutes deux des clusters [Fe-S] capables de drainer des électrons entre la surface et le site actif profondément enfoui dans la protéine. Le site actif appelé cluster-H est composé d'un cluster [4Fe-4S] lié via une cystéine pontante à un cluster dinucléaire à fer (cf Fig. 2). Les atomes de fer de ce cluster dinucléaire possèdent des ligands cyanures et carbonyles et sont reliés par un ligand prosthétique pontant de type [1,3-propanedithiolate]. L’analyse des liaisons hydrogènes entre ce ligand et la cavité ainsi que l’intuition du cristallographe peuvent laisser penser que l’atome central serait un atome d’azote (le ligand pontant serait alors la dithiométhylamine). La nature de l'atome central est encore controversée; des résultats récents suggèrent qu'il pourrait s'agit d'un oxygène (le ligand pontant serait le dithiométhyléther).

Des hydrogénases à Fe fonctionnellement productrices d'H2 ne sont actuellement trouvées que chez les organismes de métabolisme anaérobie. Par contre, les recherches systématiques dans les banques de données ont mis en évidence la présence de gènes codant des protéines homologues chez les eucaryotes de métabolisme aérobie (champignon, plantes et animaux). La fonction de ces protéines chez les eucaryotes aérobies n'est pas encore complètement élucidée, mais on peut exclure une activité de type hydrogénase, aucune production d'H2 n'ayant été observée chez les eucaryotes aérobies. Ce sont des protéines liant des clusters Fe/S, en tout cas chez la levure et les végétaux. Chez Saccharomyces cerevisiae, la protéine ScNar1p serait impliquée dans la maturation des protéines cytosoliques et nucléaires à Cluster Fe/S. Chez l'homme, Il existe deux gènes codant des Hydrogénases like. Le premier gène code une protéine nommée IOP1, impliquée dans la régulation de la dégradation de HIF1 et la maturation des protéines à cluster Fs/S chez l'homme. Le deuxième gène code une protéine nommée IOP2, anciennement NARF qui reconnait l'extrémité farnésylée et non maturée de la prélamine A. Chez les plante, un seul gène est présent et l'inactivation de ce gène chez Arabidopsis thaliana montre que ce gène est impliquée dans le développement. La ligné mutante montre un phénotype nain qui est réversé lorsque la lignée pousse à 5% O2. Cette relation avec l'O2 a aussi été montrée chez Caenorhabditis elegans et la levure où la croissance en milieu hypoxique modérée réverse les phénotypes mutants observées.

Les hydrogénases [NiFe] et [NiFeSe]

Les hydrogénases [NiFe] sont les plus nombreuses des hydrogénases. Elles sont présentes chez de nombreux micro-organismes comme les eubactéries méthanogènes, acétogènes, fixatrices d’azote, sulfato-réductrices des cyanobactéries (algues bleues) mais aussi chez des archées. Il existe en revanche peu d’hydrogénases [NiFeSe]. On peut classer ces deux types d’hydrogénases en quatre grands groupes d’après leurs fonctions cellulaires. La comparaison des alignements de séquences et plus particulièrement de deux régions conservées (autour des cystéines du site actif et près des zones N- et C-terminales) permet de retrouver ces quatre classes. Le groupe 1 se compose des hydrogénases [NiFe] associées aux membranes et qui se servent de l’hydrogène comme source d’énergie. Le deuxième groupe est composé d’hydrogénases cytoplasmiques hétérodimériques et sont absentes chez les archées. Le troisième groupe est composé d’hydrogénases cytoplasmiques hétéromultimériques pouvant lier un cofacteur (F420, NAD ou NADP) et fonctionnent de façon réversible. Le quatrième et dernier groupe regroupe les hydrogénases associées aux membranes qui produisent de l’hydrogène. Elles sont entre 50 et 100 fois moins actives que les hydrogénases à fer en production et oxydation de l’hydrogène (jusqu’à 1000 cycles catalytiques par seconde).

Les hydrogénases [NiFe] sont caractérisées par un site actif hétérobimétallique contenant un atome de fer et un atome de nickel. Des structures cristallographiques de ces enzymes sont connues pour cinq organismes et sont de deux types: les hydrogénases [NiFeSe] et les hydrogénases [NiFe] à ligands carbonyles. Les hydrogénases [NiFeSe] sont présentes chez les bactéries sulfato-réductrices et peuvent être péri- ou cyto-plasmique.

Les hydrogénases [NiFe]

Ce sont les premières hydrogénases dont les structures cristallographiques ont été connues. Ce sont aussi les plus étudiées. L'hydrogénase [NiFe] de Desulvibrio (D.) gigas, est une protéine périplasmique hétérodimère, composée de deux sous-unités de 60 et 28 kDa. Elle possède trois clusters [Fe-S]: un cluster [3Fe-4S]1+/0 et deux clusters [4Fe-4S]2+/1+. Ils sont repartis de façon presque linéaire dans la petite sous-unité sur une longueur de 12 Å. Le cluster le plus proche du site actif se situe à 13 Å du site actif et est appelé cluster proximal ou cluster-p. Le cluster le plus éloigné du site actif (cluster distal ou cluster-d) se situe presque à la surface de la protéine. Ces clusters forment donc un « chemin » pour les électrons, entre un donneur extraprotéique et le site actif. Les hydrogénases [NiFe] posséderaient un atome de magnésium dans le domaine C-terminal. D’autre part, un canal hydrophobe permet la circulation d’hydrogène de l’extérieur jusqu’au site actif et plus précisément près d’un site terminal vacant du nickel. Le site actif comprend un atome de nickel coordiné par quatre cystéinates formant un tétraèdre fortement distordu (cf Fig. 4 et Fig. 6). Deux de ces cystéinates coordinent aussi un atome de fer. Cet atome de fer possède également deux ligands cyanures et un ligand carbonyle. Les ligands cyanures sont en interaction hydrogène avec les chaînes latérales de résidus de la cavité. Un site de coordination sur le fer est donc vacant et pour compléter la sphère de coordination du fer, un autre ligand peut être présent. De récents résultats cristallographiques suggèrent la présence d’un ligand oxygéné hydroxyde ou hydroperoxyde, pontant entre le nickel et le fer lorsque la protéine est oxydée. D’autres résultats cristallographiques et électrochimiques suggèrent que ce ligand pourrait aussi être un sulfure.

Hydrogénases [NiFeSe]

Structure du site actif des hydrogénases [NiFeSe]

Les hydrogénases [NiFeSe] forment une sous-classe des hydrogénases [NiFe]. Elles contiennent un atome de sélénium par protéine. L'hydrogénase périplasmique de D.baculatum a été cristallisée . Il s'agit d'un hétérodimère comprenant deux sous unités de 26 et 49 kDa. Trois clusters [4Fe-4S] sont situés dans la petite sous unité, alors que la grosse sous unité ne contient "que" le site actif. Il ressemble beaucoup à celui des hydrogénases [NiFe]. L’originalité principale de cette enzyme est le remplacement d'une cystéine terminale par une sélénocystéine ligand du site actif. Les sélénocystéinates pourraient plus facilement se protoner que les cystéinates. Cela expliquerait les différences de réactivité. Dans le site actif de l'hydrogénase cristallisée, la distance entre le nickel et le fer est de 2,5 Ǻ. Les hydrogénases [NiFe] posséderaient un atome de magnésium dans le domaine C-terminal. Pour les hydrogénases [NiFeSe], cet atome serait remplacé par un atome de fer.

Les hydrogénases sans cluster fer soufre

Ce ne sont pas à propoment parler des hydrogénases car elles n'utilisent pas de protons pour produire de l'hydrogène. Cependant, les nombreuses similitudes avec les hydrogénases lui conférent cette dénomination. Longtemps appelées hydrogénases sans métal (metal free hydrogenases), elles furent renommées en 2000 hydrogénases sans cluster [Fe-S] suite à la découverte d'un motif à fer au sein du cofacteur de cette enzyme. Ce fer est non-hémique et possède deux ligands carbonyles. Le cofacteur s’inactive à la lumière en perdant le motif fer carbonyle qui lui est lié.

Structure du cofacteur inactivé des hydrogénases sans cluster fer-soufre

Elles sont aussi connues sous le nom de Hmd pour H-2-forming methylentetrahydromethanopterin dehydrogenase. Seuls certaines archées méthanogénes en possédent. Ces hydrogénases différent largement des deux autres car elles ne contiennent pas de clusters [Fe-S] et ne possèdent pas la même réactivité. En effet, elles catalysent réversiblement la réaction de réduction du N5,N10-méthényltétrahydrométhanopterine en N5,N10-méthénylénetétrahydrométhanopterine en présence d'hydrogène. Cela correspond à un transfert d'hydrure sur le substrat et à la libération d'un proton en solution. Ces hydrogénases ne sont pas capables de catalyser la réduction du méthylviologène par H2, ni de catalyser l'échange des protons de H2 avec le deutérium de l'eau lourde. C'est pour cela que ce ne sont pas des hydrogénases à proprement parler. Cependant, leur capacité à utiliser l'hydrogène leurs valent l'appellation "hydrogénase".

Conversion du methylène-H4MPT en methényl-H4MPT+

L’activité de ces enzymes dépend fortement du pH. Un pH basique favorise la formation de methenyl-H4MPT+, alors qu’un pH acide et la présence d’hydrogène favorise la formation de methylene-H4MPT. Par exemple la réaction de déhydrogénation peut se faire avec une vitesse maximale de 2700 μmol/min/mg de protéine pour Methanopyrus kandleri à pH inférieur à 4,5 à plus de 90 °C.

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