Historique de l'évolution démographique de la Charente-Maritime - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Introduction

Au cours de ces deux derniers siècles, la Charente-Maritime a franchi en plusieurs étapes des seuils démographiques importants, dont celui symbolique du demi-million d’habitants après 1975. Cependant, cette croissance démographique ne s’est pas faite de manière continue. Ainsi, quatre grandes phases dans l’évolution de la population du département peuvent être décrites depuis le début du XIXe siècle.

La période 1801–1861 : une période de croissance vigoureuse de la population

Après avoir augmenté de façon soutenue pendant la première moitié du XIXe siècle, qui va du Premier Empire jusqu’au Second Empire, le département atteint un premier pic de population avec 481 060 habitants en 1861. Ce record démographique, jamais enregistré jusque-là, ne sera dépassé qu'un siècle plus tard, c'est-à-dire en 1968, où la Charente-Maritime recensera alors 483 622 habitants. Il situait alors le département au 16e rang national.

Tableau de l'évolution démographique de la Charente-Maritime de 1801 à 1861 : soixante années de croissance ininterrompue

Cependant, comme l'indique le graphique ci-dessous, cette croissance démographique n'a pas été régulière et trois étapes de l’histoire de la population départementale apparaissent dans cette longue période qui va de l’époque napoléonienne jusqu’à la première décennie du Second Empire.

Ainsi trois grandes périodes peuvent être différenciées :

  • Période 1801-1815 : stagnation démographique pendant le Premier Empire.
  • Période 1815-1848 : vigoureuse croissance de la population, puis ralentissement démographique correspondant aux années de la Restauration et de la Monarchie de Juillet.
  • Période 1848-1861 : continuité de la croissance démographique pendant la première décennie du Second Empire.

La stagnation démographique de la Charente-Inférieure pendant la période napoléonienne (1801–1815)

Une situation générale de marasme économique et social

Dans cette période troublée de l’histoire, le département de la Charente-Inférieure connaît une évolution démographique médiocre, sa croissance étant particulièrement faible.

Évolution démographique
1801 1806 1821
399 162 405 592 409 477

Pendant le Premier Empire, le département entre assez rapidement dans une période de léthargie économique, imposée très tôt par le blocus continental, suite au désastre de la flotte française à Trafalgar.

Les difficultés économiques de cette époque, aggravées par les guerres napoléoniennes, font alors apparaître une relative stagnation démographique en Charente-Inférieure.

Les données statistiques sur l’évolution de la population pendant le Premier Empire sont partielles et incomplètes. Ainsi, les recensements de 1811 et de 1816 n’ayant pas eu lieu, il est difficile d’établir une évaluation précise sur la démographie de la fin de cette période. Cependant, il est à peu près certain que le département avait dû enregistrer une baisse notable de sa population, d’une part, à cause des guerres napoléoniennes entraînant une importante mortalité et, d’autre part, en raison d’un solde naturel négatif, imputable à une forte baisse de la natalité pendant les dernières années du Premier Empire.

L'économie tourne au ralenti pendant le Premier Empire, à commencer par l'agriculture. Dans les campagnes saintongeaises et de l’Aunis, les activités agricoles végètent. La viticulture, source potentielle de richesse, stagne car les productions ne peuvent être écoulées vers l’étranger, notamment les fameuses eaux de vie de cognac. Si les céréales, comme l’élevage, suffisent à peine pour alimenter le marché local, une grande partie de la production agricole est cependant réquisitionnée pour les besoins de guerre. Le monde rural est donc peu prospère, frappé davantage par la misère, et les campagnes qui sont surpeuplées se vident peu à peu de leurs forces vives. Elles souffrent en effet des dures conditions de conscription imposées par l’armée, suscitant un mécontentement de plus en plus vif. Celle-ci envoie nombre de jeunes soldats, mal armés et inexpérimentés, mourir dans les guerres napoléoniennes sur les fronts de l’Est, puis pendant la dure guerre d’Espagne. Les réfractaires à la conscription sont emprisonnés dans la citadelle de Saint-Martin-de-Ré qui est mise en état de siège de 1811 à 1813. Ceux qui essaient de s’évader sont exécutés tandis que d’autres meurent de maladies.

L'Arnoult à Trizay. Le cours aval de l'Arnoult a été canalisé en 1812 et porte le nom de Canal de Pont-l'Abbé.

Les travaux d’assainissement des marais se poursuivent autour de Rochefort et, notamment sur la rive gauche de la Charente, où s’opère la jonction du canal de Brouage avec le nouveau canal de Pont-L’Abbé dont le cours aval de l’Arnoult est canalisé en 1812. Il sera prolongé jusqu'à la Seudre à partir de la Monarchie de Juillet et deviendra au Second Empire le canal de la Charente à la Seudre. Dans le nord du département, les travaux de construction du canal de Marans à La Rochelle sont entrepris à partir de 1806 mais cinq années plus tard ils sont abandonnés.

Par contre, les salines souffrent de la mévente du sel qui ne peut être écoulé par voie maritime et entraîne déjà leur abandon progressif. La région de Marennes et les îles de l’archipel charentais connaissent alors de graves difficultés économiques, le trafic du sel avec les pays du Nord étant interrompu pendant la période napoléonienne.

Quant au trafic maritime, il est en plein marasme. Les conséquences de la suppression douanière des « Cinq grosses fermes », puis la perte de Saint-Domingue ont porté un coup terrible à La Rochelle qui entre mal dans le nouveau siècle, où le commerce maritime est déjà en déclin. Dès les premières années du Premier Empire, la guerre avec l’Angleterre, qui a contraint Napoléon 1er à imposer le blocus continental, a entraîné la ruine de ses activités portuaires, notamment en mettant fin aux échanges maritimes avec les colonies et avec les États-Unis. La Rochelle souffre beaucoup de ce coup d’arrêt, malgré l’établissement d’un arsenal, de chantiers navals et du siège d'une importante garnison militaire. Par ailleurs, les ports fluviaux comme Marans sur la Sèvre Niortaise, Tonnay-Charente sur la Charente, Marennes sur la Seudre, voient leur trafic portuaire péricliter irrémédiablement, sans possibilité de reconversion de leurs activités. Le blocus continental les a considérablement desservis et affaiblis.

La construction de fort Boyard commença pendant le règne de Napoléon 1er

Certes, une intense activité règne sur le littoral, avec la mise en place de fortifications nouvelles ou la restauration des édifices de défense déjà existants (Fort-Liédot dans l’île d'Aix, citadelles du Château d'Oléron et de Saint-Martin-de-Ré), mais elle se concentre principalement autour de Rochefort, qui est alors la principale ville du département. Plus de 3 000 hommes sont employés pour les différents travaux de fortification de la côte charentaise, tous sont recrutés localement. Dès 1804, Fort Boyard est en construction et va donner naissance à Boyardville sur la commune de Saint-Georges-d'Oléron, tandis que Fort Enet, au large de l’île d'Aix, sera édifié à partir de 1808 sur les plans de l'empereur lui-même. Ces nouvelles forteresses sont établies afin de renforcer la protection de l’arsenal de Rochefort. Cet établissement militaire, qui fait la fortune de la ville, fait également l’objet de restauration suite à la visite de l’Empereur en 1808 à Rochefort, puis à La Rochelle. Après son passage dans cette dernière ville, il décide le transfert de la Préfecture de Saintes à La Rochelle par un décret de mai 1810.

Des petites villes peu nombreuses et assoupies

Les villes sont dans l'ensemble petites et peu peuplées. Sept d'entre elles peuvent être identifiées comme telles pendant le Premier Empire. La population urbaine rassemble alors moins d'un habitant sur dix pendant la période napoléonienne. La Charente-Inférieure est alors un département fortement rural.

La Rochelle devient la préfecture de la Charente-Inférieure en 1810 mais, durant tout le XIXe siècle, elle est au second rang départemental après Rochefort.
Liste des sept premières villes du département en 1806
Ville 1806
Rochefort 14 615 hab.
La Rochelle 14 000 hab.
Saintes 10 300 hab.
Saint-Jean-d'Angély 5 351 hab.
Marennes 4 633 hab.
Marans 3 764 hab.
Pons 3 429 hab.


Les trois principales villes de la Charente-Inférieure

Les trois principales villes du département connaissent des sorts différents pendant le règne de Napoléon 1er, leur développement est inégal et leur évolution contrastée.

La Corderie Royale à Rochefort. La ville fut pendant tout le XIXe siècle la première ville de la Charente-Inférieure
  • Rochefort est la "grande" ville du département. La cité de Colbert, édifiée en 1666, abrite un grand arsenal militaire, et Napoléon 1er n'a de cesse de s'occuper de cette ville. Il la dote de fontaines publiques, fait commencer les travaux d'un château d'eau, et encourage l'assèchement des marais alentours. Il se préoccupe de l'urbanisme en faisant notamment paver les rues de la ville. Il en accroît la présence militaire par l'augmentation des garnisons, et fait renforcer les fortifications de la ville établies en 1682 par Ferry.
  • La Rochelle est devenue la deuxième ville du département. Après avoir obtenu le siège épiscopal au détriment de Saintes en 1802, Napoléon 1er fait transférer le siège de la Préfecture dans la ville en 1810. Il en fait également une ville militaire en y implantant le siège de la douzième division militaire, et en renforce l'arsenal. Le port est empierré en 1808, mais le blocus anglais fait cesser le trafic et les chantiers navals sont à l'arrêt. Malgré ses nouvelles fonctions administratives et militaires, La Rochelle est une ville assoupie derrière ses fortifications du XVIIe siècle pendant le Premier Empire, et elle a perdu un tiers de sa population à la fin de la période napoléonienne.
  • La troisième ville, Saintes, exerça un temps le rôle de commandement administratif du département (de 1789 à 1810), mais la perte de la préfecture lui a portée un coup très rude, d'autant plus qu'elle n'abrite plus le siège de l'évêché. Cependant, elle demeure par compensation le chef-lieu judiciaire du département. De plus, Napoléon 1er en fait une ville de garnison importante, où le site de l'ancienne abbaye-aux-Dames a été transformé en casernes et en vastes magasins d'habillement pour l'armée, près duquel un champ de manœuvre y est aménagé. Les travaux du cours National sont engagés au début du Premier Empire, mais ils ne seront achevés que pendant la Seconde Restauration. En fait, les travaux d'urbanisme sont "gelés" pendant l'époque napoléonienne, Saintes végète à l'abri de ses vieilles fortifications, et tourne le dos au fleuve où le trafic fluvial est pratiquement à l'arrêt.

Un réseau ténu de petites villes et de bourgs endormis

Le beffroi à Saint-Jean-d'Angély. Cette sous-préfecture a été pendant la première moitié du XIXe siècle la quatrième ville du département.

Saint-Jean-d'Angély, Marennes, Marans et Pons sont de très petites villes, les deux premières sont des sous-préfectures, fonction qu’elles garderont pendant tout le XIXe siècle. Ce sont, à cette époque, des petites cités marchandes qu’animent des marchés et des foires attirant les ruraux des environs. La vie de ces petites villes gravite autour de leurs vieux centres urbains, généralement disposés autour d’un édifice historique ou d’un site majeur. Marennes s’organise autour de l’église Saint-Pierre-de-Sales, Marans s'affaire autour de son port fluvial sur les rives de la Sèvre Niortaise, tandis que la petite cité de Pons vit enserrée autour de son donjon médiéval. Les deux premières, qui sont des cités fluviales, vivent très mal les dures conditions imposées par le blocus continental, puis le blocus maritime des Anglais, qui ont finalement ruiné leur commerce maritime. Saint-Jean-d'Angély, qui est la plus importante des quatre, a une vie urbaine plus animée, elle est alors la quatrième ville de la Charente-Inférieure. Mais la vieille cité angérienne stagne pendant la période napoléonienne, malgré la présence d’une importante poudrière militaire qui fournit activement la marine de Rochefort en munitions, lesquelles sont expédiées par la Boutonne, alors voie navigable.

Aux sept villes principales, il convient de mentionner cinq autres centres qui sont davantage à cette époque des bourgs ruraux, animés par leurs marchés agricoles et leurs foires périodiques. Ces bourgades, peuplées de paysans, de commerçants et d'artisans, et aussi de soldats, ont des populations comprises entre 2 200 et 3 000 habitants.

La porte Royale au Château d'Oléron . La citadelle demeure une ville militaire pendant tout le XIXe siècle.

Deux sont des citadelles militaires abritant des casernes importantes (Le Château d'Oléron et Saint-Martin-de-Ré), deux autres sont de petites cités fluviales sur la Charente (Saint-Savinien et Tonnay-Charente) et, enfin, la dernière, Jonzac, est la plus petite sous-préfecture du département, désignée comme telle sous Napoléon 1er en 1800, après la réforme administrative, où Pons et Montlieu la Garde ont perdu leurs fonctions de chef-lieu de district.

Quant à Royan, ce n'est qu'une modeste bourgade de pêcheurs, endormie sur les bords de la Gironde, et qui ne joue plus de rôle stratégique ou militaire à l'entrée de l'estuaire.

L'impact des guerres napoléoniennes

Dans les dernières années du Premier Empire, le déclin économique est profond. Sur le littoral, les ports sont fermés au cabotage à cause, cette fois, du blocus maritime imposé par les Anglais et les bateaux marchands ne peuvent sortir. Ils croupissent dans les bassins à flot des ports ou le long des berges fluviales. Le marasme touche profondément l’ensemble des ports charentais.

Le cas de Rochefort est parlant. La ville recense 14 615 habitants en 1806, car elle abrite une importante garnison militaire, mais de 1806 à 1821, elle a perdu 2 226 habitants, soit une chute démographique de 15,2 %, ce qui correspond à 1 habitant sur 6. Ce qui est considérable.

En ce qui concerne Marennes, cette petite sous-préfecture connaît alors un véritable déclin, son port saunier est à l'arrêt et la pêche à la morue ne peut être pratiquée. La ville passe de 4 633 habitants en 1806 à 4 193 habitants en 1821, elle a perdu un dixième de ses habitants. Elle enregistre alors son plus bas niveau démographique de toute la période contemporaine.

Enfin, le cas de Tonnay-Charente est celui qui illustre peut-être le mieux cette situation de marasme économique à la fin de la période napoléonienne. A cause du blocus continental, puis du blocus maritime imposé par les Anglais, son port est complètement ruiné, et cela d'autant plus que ses activités dépendaient entièrement de ses relations avec la Grande Bretagne et la Hollande. La petite cité fluviale passe de 2 377 habitants en 1806 à 1 171 habitants en 1821. Elle a perdu plus de la moitié de ses habitants en une quinzaine d'années.

Ces différents exemples suffisent à montrer que les villes militaires et littorales ont payé un lourd tribut au blocus continental et aux guerres napoléoniennes.

Quand Napoléon 1er quitte la France, il foule pour la dernière fois le sol national en terre charentaise. Mais il laisse un département à l’économie exsangue et aux villes en crise profonde qui, cependant, retrouveront vite la prospérité à l’époque suivante, c’est-à-dire pendant la Seconde Restauration, sous le règne de Louis XVIII.

L'explosion démographique de la Charente-Inférieure dans la période de la Restauration (1815 – 1830)

Les données du recensement de 1821, qui a eu lieu six années après la fin des hostilités napoléoniennes, montrent que le département s’est à peine accru dans l’intervalle des quinze années qui se sont écoulées entre 1806 et 1821. Cette faible croissance démographique masque en fait des pertes importantes que les naissances nombreuses du début de la Seconde Restauration ont pu masquer lors du retour de la paix.

Une croissance démographique exceptionnelle

Pendant la période de la Restauration, une vigoureuse croissance démographique est enregistrée, elle est surtout le fait des campagnes, mais cet essor profite également aux villes bien qu'il soit de moindre ampleur.

Évolution démographique
1821 1826 1831
409 477 424 417 445 249

Dès le lendemain de la chute du Premier Empire, il y a eu incontestablement une reprise très forte de la natalité dans les campagnes saintongeaises et aunisiennes. Ce rebond démographique a été stimulé par une reprise économique dès les premières années de la Restauration.

En une dizaine d'années seulement, le département de la Charente-Inférieure s'est accru de 35 772 habitants, soit une croissance annuelle de 3 577 habitants, ce qui est un véritable record démographique, car dans le reste du siècle, le département n'affichera plus de tels scores.

La croissance vigoureuse des campagnes

Cette croissance démographique est imputable en très grande partie aux campagnes qui sont alors très peuplées. Elles commencent à s'enrichir un peu, mais ce sont surtout les régions viticoles de la Saintonge et de l’Aunis qui s'accroissent le plus vigoureusement. De grosses communes rurales retrouvent en effet la prospérité grâce à l’essor de la vigne et à la reprise du négoce des eaux de vie de cognac vers l'Angleterre et l'Europe du Nord. Mais la vigne n'a pas encore atteint le stade de la quasi monoculture.

Paysage du Val d'Arnoult. Pendant la première moitié du XIXe siècle, l'agriculture de la Saintonge et de l’Aunis est essentiellement vivrière.

Grâce à la reprise générale de l'agriculture, la culture des céréales reprend son essor, bien qu'elle demeure nettement insuffisante pour alimenter le marché local. Il s'agit essentiellement d'une agriculture vivrière, et nombre de villages vivent en autarcie, tant les voies de communication sont peu développées. Cette agriculture de subsistance est une vieille pratique rurale qui nécessite une modernisation de ses structures de production, mais pendant la Restauration, les mentalités rurales et paysannes sont lentes à évoluer. Le département est alors obligé de faire venir du blé du Poitou. C'est par ses deux ports fluviaux, spécialisés dans le trafic du blé et des farines, que sont Marans et Saint-Jean-d'Angély, que la Charente-Inférieure peut faire face à la demande, surtout urbaine. Celle-ci devient de plus en plus importante, à cause de l'augmentation rapide de la population, et inquiète les autorités préfectorales qui n'auront de cesse de veiller à ce problème sensible.

L'élevage participe à ce mouvement général de reprise économique, mais là encore, l'économie de subsistance en limite les progrès. Malgré cette résistance, les foires à bestiaux se multiplient dans les chefs-lieux de canton, où des champs de foire y sont aménagés. Une partie des transactions commerciales est destinée aux marchés urbains et surtout à la place militaire de Rochefort. L'élevage des chevaux, en particulier celui qui est pratiqué dans les Marais de Rochefort et de Brouage, retrouve son essor. Ces derniers sont élevés pour équiper l'importante garnison militaire de Rochefort, qui est véritablement à l'origine de l'élevage équin en Charente-Inférieure.

La population rurale occupe 84,1 % de la population totale du département en 1821. La densité de population rurale y est alors fort élevée. Seize communes rurales ont plus de 2 000 habitants à cette date, dont trois se situent parmi les dix communes les plus peuplées du département.

Liste des dix plus grosses communes rurales de la Charente-Inférieure en 1821
Commune rurale 1821
Saint-Pierre-d'Oléron 4 419 hab.
Saint-Georges-d'Oléron 3 896 hab.
Ars-en-Ré 3 612 hab.
La Flotte-en-Ré 2 556 hab.
Chaniers 2 532 hab.
Gémozac 2 461 hab.
Arvert 2 425 hab.
Mirambeau 2 336 hab.
Dompierre-sur-Mer 2 332 hab.
Pérignac 2 265 hab.

Le renouveau du littoral

Pendant les années de la Restauration, le littoral est « en convalescence », mais il reprend de plus en plus de la vigueur, même s'il est encore un peu moins attractif que la Saintonge continentale. Il subit en effet les contrecoups du blocus continental, où les activités maritimes rebondissent doucement.

Les marais de Brouage sont l'objet de travaux d'assainissement pendant la Restauration grâce au sous-préfet de Marennes dès 1818.

Les marais de Marennes et de Brouage, délaissés pendant le Premier Empire, vont être l'objet d'une énergique reprise en main. Le sous-préfet de Marennes, Le Terme, fait réaménager ces marais en terres d'élevage à partir de 1818, grâce à un assainissement par la mise en place de collecteurs et de canaux d'irrigation. La région de Marennes retrouve alors une véritable attractivité. La ville enregistre du coup son premier maximum démographique pendant cette première moitié du XIXe siècle.

Les salines du littoral sont encore fort étendues, leurs surfaces sont comprises entre 40 000 et 50 000 hectares en 1830, ce qui est vraiment considérable. Elles font vivre des milliers de personnes, car il s'agit d'une activité très exigeante en main d'œuvre. L'extraction du sel marin est concentrée dans trois grandes zones de production : l'île de Ré, autour du gros village d'Ars-en-Ré, l'île d'Oléron, sur toute sa bordure orientale qui va de Saint-Trojan-les-Bains jusqu'à Boyardville, entre lesquels Le Château-d'Oléron est le grand port saunier de l'île, et le bassin de la Seudre, où Marennes devient le principal centre d'expédition du sel réputé de première qualité. Pendant la période de la Restauration, les salines constituent une richesse considérable, c'est « l'or blanc » du littoral charentais, mais cette richesse est parvenue à son apogée.

Le port d'Ars-en-Ré. Pendant la Restauration, c'était la commune la plus peuplée de île de Ré.

L’archipel charentais est très prospère pendant cette période de reprise économique et les deux îles principales, Oléron et Ré, sont surpeuplées. Saint-Pierre et Saint-Georges sont les deux plus grosses communes viticoles et rurales de l’île d'Oléron, leur population communale les classe respectivement aux 5e et 8e rangs des communes du département en 1821, tandis qu’Ars-en-Ré, grosse commune de sauniers et de pêcheurs, arrive au 9e rang départemental à cette même date. C'est d'ailleurs et de loin la commune la plus peuplée de l'île de Ré. Les îles doivent cette fortune à la fois aux salines et à la vigne, ainsi qu'à la pêche, qui sont alors leurs trois principales sources de richesse économique.

L'église de Saint-Savinien sur son promontoire dominant la Charente. Pendant la Restauration, Saint-Savinien est un actif port fluvial qui se développe aux dépens de Tonnay-Charente.

La reprise du commerce maritime s'amorce timidement et profite surtout à La Rochelle, dont le trafic portuaire est de nouveau stimulé par les relations avec les États-Unis pour l'expédition des vins et des eaux de vie, avec les pays de l'Europe du Nord pour l'importation des bois scandinaves et avec l'Angleterre pour l'importation du charbon. Les échanges avec les anciennes colonies sont rétablis et alimentent de nouveau les raffineries de canne à sucre, abandonnées pendant le blocus maritime. Cette reprise du commerce maritime est également signalée dans les ports fluviaux établis sur la Charente, notamment dans celui de Saint-Savinien, dont le cabotage maritime avec La Rochelle est redevenu actif pour l'expédition des vins, des eaux de vie, des poteries et de la pierre de Saintonge. Saint-Savinien se développe rapidement aux dépens de Tonnay-Charente, dont le trafic portuaire a été ruiné à la fin du Premier Empire. Mais ce port reconstituera rapidement son trafic et sera grandement modernisé à l'époque suivante.

C'est encore dans cette période de renouveau des activités économiques que la pêche connaît un véritable essor, qui profite aussi bien à La Rochelle qu'aux petits ports de la côte charentaise (ports de pêche de la Seudre comme Marennes ou Saujon ; ports de pêche des îles charentaises). La Rochelle, qui avait déjà une longue tradition de pêche à la morue sur les bancs de Terre Neuve, retrouve alors un nouveau départ pour son port de pêche.

Sur le littoral, une nouvelle activité économique naît et va bouleverser la vie du département dans les décennies suivantes. La mode des bains de mer commence à toucher les plages du département, et apporte un nouveau souffle à l'économie littorale. Deux villes notamment sont concernées : La Rochelle et Royan.

La Rochelle se dote d'un établissement de bains de mer en 1826 et aménage un parc tout en longueur établi en bordure de l'océan, le Mail. Cette activité économique, innovatrice pour l'époque, a apporté un nouvel élan à l'urbanisation de la ville avec la création du nouveau quartier de La Genette, situé au-delà des anciennes fortifications de Ferry édifiées en 1685.

Photographie montrant des allées sablées bordées de pelouse, des massifs fleuris qui serpentent entre les pins parasols et des arbres exotiques. Au fond, les immeubles blancs et rouges du front de mer
Le parc du front de mer à Royan. La ville est née avec la mode des bains de mer dès la Restauration.

Sur la rive droite de la Gironde, une nouvelle ville, certes encore bien petite à l'époque, naît grâce à la toute nouvelle fonction balnéaire. Royan, alors modeste village de pêcheurs de sardines endormi à l'entrée de la vaste embouchure de la Gironde, commence sa mue urbaine. La bourgeoisie urbaine de Bordeaux découvre le site remarquable de cet ancien port qui gardait autrefois l'entrée de l'estuaire, et commence à s'y installer, en y faisant construire les premières résidences de villégiature. Un premier établissement de bains de mer est édifié dès 1824, il est le plus ancien de tout le département. La petite cité fait paver ses rues et s'embellit par la plantation de promenades. Un service régulier de steamer sur la Gironde est mis en service entre la station balnéaire naissante et la capitale de l'Aquitaine. La jeune station n’atteint pas encore les 3 000 habitants.

Frémissement du développement urbain

Durant toute la période de la Restauration, les villes sont encore petites et peu nombreuses, une douzaine tout au plus est répertoriée comme telles en 1821, et elles connaissent des évolutions assez inégales. Cependant, les villes commencent à se développer rapidement. En 1821, elles regroupent seulement 15,9 % de la population totale du département, soit moins d'un habitant sur huit réside dans une ville à cette date.

L'église Saint-Pierre-de-Sales de Marennes. Cette ancienne sous-préfecture était au cinquième rang des villes depuis le Premier Empire jusqu'à la Restauration.
Liste des douze villes de la Charente-Inférieure en 1821
Ville 1821
Rochefort 12 389 hab.
La Rochelle 12 237 hab.
Saintes 10 274 hab.
Saint-Jean-d'Angély 5 541 hab.
Marennes 4 193 hab.
Marans 3 997 hab.
Pons 3 605 hab.
Saint-Savinien 3 283 hab.
Le Château-d'Oléron 2 632 hab.
Jonzac 2 465 hab.
Royan 2 339 hab.
Saint-Martin-de-Ré 2 333 hab.

En 1821, aucune ville n’atteint les 20 000 habitants dans le département. Seules trois villes ont plus de 10 000 habitants (Rochefort, La Rochelle et Saintes) et elles demeureront aux siècles suivants les trois principales villes de la Charente-Maritime.

A cette époque, et même pendant tout le XIXe siècle, Rochefort est la ville la plus peuplée du département. En 1821, elle est même l’une des trois premières villes de Poitou-Charentes, se situant après Poitiers (23 315 habitants) et Angoulême (15 025 habitants).

Le ralentissement démographique de la Charente-Inférieure pendant la Monarchie de Juillet

C'est à partir de la Monarchie de Juillet que l'évolution démographique du département ralentit, sa croissance est certes régulière, mais elle est moins vigoureuse que dans la période précédente.

Ralentissement de la croissance démographique

Évolution démographique
1831 1836 1841 1846
445 249 449 649 460 245 468 103

Pendant cette période, où la poursuite de l'essor économique est pourtant bien réelle, la population du département enregistre une croissance démographique de 22 854 habitants, ce qui correspond à un gain annuel de 1 524 habitants pendant une quinzaine d'années. Cette croissance est deux fois moins élevée que celle observée dans la période de la Seconde Restauration. Il y a donc un ralentissement de la croissance démographique où, au moins, deux raisons peuvent être avancées pour expliquer cette situation.

Tout d'abord, de graves épidémies de choléra frappent régulièrement la population, aussi bien les îles que les villes ; celles de juillet 1832 et de 1834 ont été meurtrières, touchant en particulier les populations de l'île de Ré et de La Rochelle. De plus, les habitants des marais souffrent périodiquement de paludisme, et bien souvent, les garnisons de Rochefort sont désertées pendant la période chaude. Ailleurs, le scorbut est relevé, étant dû au manque de vitamines. Ces mauvaises conditions hygiéniques affectent la démographie du département, bien qu'un système de santé publique commence à se mettre en place. Mais il est vrai que les populations rurales, d'ordinaire méfiantes, résistent encore longtemps aux mesures de prophylaxie préconisées par les pouvoirs publics, en particulier les vaccinations.

Ensuite, la Charente-Inférieure commence à être touchée par le phénomène nouveau de l'exode rural, dont une partie de la population sera résorbée par les villes du département. Ce sont les campagnes surpeuplées de la Saintonge méridionale (Haute Saintonge) et du Nord-Est du département qui sont les premières atteintes par ce phénomène démographique qui va vider progressivement les villages de leurs forces vives. S'il est vrai que ce phénomène est faiblement perceptible en Charente-Inférieure, il se met inexorablement en place dès la Monarchie de Juillet, et il touche déjà le département voisin de la Charente.

La lente transformation des campagnes

Les conditions de vie dans les campagnes n'ont pas encore subi de profondes transformations pendant la Monarchie de Juillet, les mentalités sont enracinées dans des traditions très vivaces, qu'amplifie l'isolement des villages à l'écart des voies de communication.

Le moulin de Puydrouard dans la commune de Forges, canton d'Aigrefeuille d'Aunis. Pendant la Monarchie de Juillet, la culture des céréales ne suffisait pas à alimenter les marchés urbains du département.

Ainsi, l'agriculture reste très traditionnelle dans ses formes d'exploitation, l'agriculture vivrière étant encore fortement pratiquée. La culture du blé commence cependant à se généraliser de plus en plus, au détriment des cultures plus traditionnelles comme l'avoine, le seigle et l'orge. Cependant, la production de céréales, qui est davantage orientée vers la consommation villageoise, demeure toujours insuffisante pour alimenter les marchés urbains. Ainsi surgissent de graves émeutes urbaines durant l'hiver 1838-1839, notamment à Marans et à La Rochelle, en raison d'une hausse excessive des prix des grains et des farines. Malgré les insuffisances des productions agricoles, le département ne connaît plus la famine, comme dans les siècles précédents. Seule, la disette a continué de sévir, de manière sporadique, parmi le petit peuple des villes.

Pourtant, de réels progrès techniques sont introduits dans le département avec l'utilisation dès 1830 de la charrue Dombasle pour les labours et du rouleau de pierre pour les moissons. Une certaine ouverture d'esprit se met progressivement en place dans le monde paysan, grâce à l'influence grandissante des comices agricoles, et les premières cultures industrielles sont introduites pendant la Monarchie de Juillet. Ainsi, les premiers plants de betterave à sucre commencent-ils à être ensemencés en Aunis dès 1840, précisément à Ballon, suite à la fermeture des dernières raffineries de canne à sucre à La Rochelle en 1837. Le colza est également expérimenté en plaine d'Aunis dans cette même période. Cette nouvelle culture procure des gains substantiels aux paysans, qu'ils en augmentent rapidement les plantations. Le colza alimente alors les deux huileries industrielles de La Rochelle.

L'essor de l'élevage est surtout signalé dans les marais nouvellement aménagés pendant la mandature du préfet Le Terme. Les Marais de Brouage et de Marennes sont devenus des terres d'élevage bovin pour la viande. Ils alimentent les abattoirs des villes, dont ceux de Tonnay-Charente, créés en 1845. Le Marais de Rochefort s'est spécialisé dans l'élevage équin, dont la prospérité a repris dès la fin du Premier Empire et est assurée grâce au port militaire de Rochefort. Dans ce même temps, Saintes qui abrite une garnison dans les bâtiments de l'Abbaye-aux-Dames, désaffectés pendant les sombres heures de la Révolution et convertis en casernes, reçoit un dépôt d'étalons en 1846, c'est l'ancêtre du Haras national de Saintes. Dans l'ensemble, l'élevage se développe peu, mais il est l'objet de transactions de plus en plus importantes dans les chefs-lieux de canton et dans les villes, où souvent des champs de foire sont aménagés à leur effet. Outre leur aspect économique évident, les foires continuent de jouer un rôle social très important pour le milieu rural, où elles mettent les campagnes en relation avec le "monde extérieur".

Vignobles aux portes de Sainte-Marie-de-Ré. La vigne a recommencé à prospérer dans les îles et dans les pays Charentais à partir de la Monarchie de Juillet.

C'est également pendant cette période prospère de la Monarchie de Juillet qu'une certaine richesse s'installe dans les campagnes viticoles de la Saintonge et de l'Aunis. La viticulture fait un bond en avant, elle occupe désormais 1/5e des terres agricoles du département, soit 111 000 hectares de vigne en 1839. Cette expansion des terres viticoles est imputable à l'écoulement de la production des eaux de vie de cognac vers les nouveaux comptoirs coloniaux de l'Algérie, et vers un nouveau marché émergeant, celui des États-Unis d'Amérique. La production est alors écoulée par le port de La Rochelle, qui a renoué avec le trafic maritime dès la Restauration. Quant au marché britannique, celui-ci redevient le principal débouché des eaux de vie de cognac, mais l'écoulement de cette production est freinée par une taxation de plus en plus élevée. Cependant, Tonnay-Charente redevient le plus grand port des expéditions du cognac à partir de la Monarchie de Juillet, prééminence qu'il gardera pendant tout le reste du XIXe siècle. Ce port fluvial tire de nouveau sa croissance grâce au fleuve Charente.

La Charente à Saintes. C'est à partir de la Monarchie de Juillet que ce fleuve redevient une grande artère fluviale pour les deux départements charentais.

Reprise de l'essor du commerce fluvial

C'est que la Charente est redevenue la grande artère fluviale des deux départements charentais, par laquelle s'écoulent les différentes productions régionales. Les expéditions concernent les bois et les céréales du Limousin, les papiers, les canons, la poudre à canon et les textiles de l'Angoumois, les eaux de vie de Cognac, les poteries, les céramiques et les pierres de la Saintonge, ainsi que les cuirs et les peaux, tandis que le sel, les huîtres et les poissons, qui proviennent du littoral charentais, sont dirigés vers l'Angoumois et le Limousin. Le fleuve est alors l'objet de travaux d'aménagement (amélioration des chemins de halage, entretien régulier des berges, édification de ponts) et nombre de villes et de gros villages riverains du fleuve construisent des appontements ou des quais en pierre comme à Saintes, Saint-Savinien et Tonnay-Charente. Ce sont alors les trois grands ports fluviaux de la Charente-Inférieure qui s'activent sur les bords de la Charente.

Saintes renoue avec le trafic fluvial pendant la Monarchie de Juillet. Son port fluvial connaît un regain d'activité et est modernisé par l'empierrement de ses quais de la rive gauche (Port La Rousselle, Port des Frères Cordeliers et Port Mouclier, Port du Sel, Port Saint-Aignan et Port des Tanneries). Les grandes maisons de négoce du cognac de l'antique cité marchande utilisent le grand port gabarier de Saintes pour expédier les eaux de vie aux ports de transit de Saint-Savinien et de Tonnay-Charente. Des quais du Port des Tanneries partent les peaux travaillées dans les tanneries et les mégisseries de la ville, tandis que des quais du Port La Rousselle sont expédiées des céramiques produites dans des manufactures de faïences fines créées en 1837. La ville connaît un nouvel essor urbanistique avec la construction de nouveaux immeubles et édifices publics tandis qu'un nouveau pont est construit sur la Charente en 1843, en remplacement du vieux pont romain.

Les quais de Saint-Savinien. La petite cité fluviale fut l'un des principaux centres de batellerie sur la Charente pendant la première moitié du XIXe siècle.

Saint-Savinien, à 15 km en aval de Saintes, s'affirme pendant la Monarchie de Juillet comme l'un des principaux ports fluviaux sur la Charente. Il est situé au lieu de rupture de charge entre la navigation maritime et la navigation fluviale. Le port tire alors un gros avantage de sa situation sur le fleuve, où remonte la marée. Situé entièrement sur la rive droite de la Charente, il est équipé de quais, empierrés en 1840, qui s'étirent sur une longueur totale de 1 500 mètres, et peut recevoir des navires de haute mer de deux cents tonneaux dont le tirant d'eau maximal est de 3 mètres. C'est également un port gabarier qui reçoit les eaux de vie de toute la Saintonge, lesquelles sont transportées vers La Rochelle, alors port expéditeur du cognac en concurrence avec Tonnay-Charente. Le port de Saint-Savinien est depuis longtemps un port saunier, étant la plateforme de redistribution du sel marin, dont la tradition commerciale remonte au Moyen Âge. Ce sel, en provenance des côtes charentaises, déchargé au port, est ensuite transporté sur les gabares en partance pour Cognac, alors le grand port saunier de la Charente. Depuis Saint-Savinien sont également expédiées des poteries de la Saintonge et surtout la fameuse pierre de taille. Celle-ci est extraite dans les carrières des alentours et contribue en grande partie à la prospérité de la petite cité marchande. L'importance de cette industrie extractive est telle qu'elle fait travailler 300 ouvriers dans ses carrières souterraines. Une petite cité ouvrière archaïque, faite de petits maisons basses, s'est spontanément créée au nord du bourg, à proximité des lieux d'extraction. Les pierres de taille de la région, réputées pour leur robustesse, sont donc exportées dans le monde entier, à Londres, Anvers, même vers les Etats-Unis d'Amérique. Le port charge aussi sur ses quais les huîtres et les poissons venant du littoral charentais. Une cale de carénage abrite un important chantier de construction navale, où sont construits des goélettes, des morutiers et autres gabares à fond plat. Toute une population de marins, de négociants et d'ouvriers anime alors les quais de Saint-Savinien. Le port est à son apogée pendant la Monarchie de Juillet et la population de la petite cité fluviale atteint alors son maximum démographique en 1846.

C'est pendant la Monarchie de Juillet que le pont suspendu sur la Charente a été construit à Tonnay-Charente, alors port fluvial en plein essor grâce aux exportations des eaux de vie, c'était le "port maritime de Cognac".

Tonnay-Charente est avant tout le « port maritime de Cognac ». La petite cité marchande, ruinée par le blocus continental pendant l'époque napoléonienne, retrouve la prospérité, grâce au rétablissement du commerce maritime des eaux de vie de cognac. La reprise s'est établie lentement, dès la fin de la Restauration, mais le commerce du sel est délaissé, alors que la ville fut encore au XVIIIe siècle le "grenier à sel" de l'Europe. Les relations avec les négociants d'Angoulême et surtout de Cognac prennent le dessus et dominent rapidement l'activité portuaire, où se met en place un intense trafic de gabares chargées des eaux de vie et des vins charentais. Situé au lieu de rupture de charge, où la marée permet de faire venir des navires de plus de 5 mètres de tirant d'eau, Tonnay-Charente, plus connu alors sous le nom de "Charente" dans les milieux marins, exporte le cognac principalement vers l'Angleterre et les Pays-Bas. Son port a été modernisé dans les années 1840. La longueur développée de ses quais, nouvellement empierrés, est de 600 mètres, auxquels s'ajoutent six appontements, tandis que de vastes entrepôts sont construits pour le stockage des marchandises. Toutes ces installations portuaires sont situées sur la rive droite du fleuve. Le port fluvial, qui est aussi un port maritime, devient rapidement le premier port exportateur des eaux de vie de cognac, et va connaître dans les décennies suivantes une prospérité plus grande encore. En 1842, un nouveau pont, le Pont suspendu de Tonnay-Charente, à l'architecture innovante pour l'époque, enjambe le fleuve, et fait de la ville le lieu de passage obligé entre la Saintonge et l'Aunis que sépare symboliquement le fleuve. C'est également dans cette période prospère pour la cité marchande que la ville s'embellit et se dote de beaux édifices publics dont un bel hôtel-de-ville édifié en 1846.

Reprise contrastée des activités du littoral

Sur le littoral, le regain d'activité entamé durant la Restauration s'affirme, mais la reprise économique est contrastée, et n'affecte pas de la même manière tous les secteurs du domaine maritime.

Salines dans l'île de Ré. C'est à partir de la Monarchie de Juillet que commence inexorablement le déclin des marais salants et de la production du sel qui fut pendant de longs siècles l'or blanc du littoral charentais.

En 1840, le nouveau système de dérégulation économique du sel influe gravement sur la production du sel marin. De sérieuses difficultés de mévente s'ensuivent assez rapidement et les salines de la région de Marennes et du bassin de la Seudre, ainsi que de l'archipel charentais et du littoral de l'Aunis, commencent à être progressivement abandonnées. Les producteurs charentais n'arrivent pas à faire face à la concurrence des sels du Midi, mais davantage encore à celle du sel gemme. Cette dernière production exploitée selon des techniques industrielles en Grande Bretagne et en France fait chuter le prix du sel sur le marché européen. A partir de cette date débute irrémédiablement le déclin des salines de la Charente-Inférieure, à commencer par celles du bassin de la Seudre et du littoral aunisien (salines d'Angoulins-sur-Mer), puis celles de l'île d'Oléron. Les salines de l'île de Ré vont mieux résister, grâce à la proximité du marché rochelais, où la pêche à la morue verte est en plein essor et nécessite de grosses quantités de sel marin.

La pêche, qui est une des activités essentielles du littoral charentais, enregistre un bel élan, surtout à La Rochelle qui fait construire un nouveau bassin à flot dont les travaux ont commencé dès 1807, et aussi dans de plus petits ports, comme celui de Saujon qui, avec son port d'attache de Ribérou, se spécialise dans la pêche à la morue de Terre-Neuve et à la sardine du Morbihan. Dans l'île de Ré, la moitié de la population active est constituée de pêcheurs, dont les ports d'Ars-en-Ré et de La Flotte abritent d'importantes flottilles de bateaux de pêche, les coureauleurs, qui sont de légères embarcations pêchant dans la mer des pertuis charentais.

Les débuts de l'exode rural et de l'urbanisation du département

Bien que la population du département continue de croître de manière sensible, le ralentissement de cette croissance est nettement perceptible pendant la Monarchie de Juillet et le doit en grande partie au fait tout nouveau de l'exode rural, imputable au développement de nouvelles techniques agricoles libératrices de main d'œuvre agricole.

Alors que se met en place ce mouvement de déprise agricole qui concerne quelques cantons, commence véritablement le développement de l'urbanisation de la Charente-Inférieure.

Les débuts de l'exode rural

C'est à partir de la Monarchie de Juillet que des villages et même des cantons commencent à être touchés par l'exode rural, phénomène tout à fait nouveau pour l'époque.

Pendant cette période propère, les transformations des campagnes sont peu perceptibles et, pourtant, elles sont marquées par les débuts de réels progrès agricoles. L'application de nouvelles techniques agricoles a permis d'affranchir de plus en plus les hommes de la servitude de la terre et est indéniablement à l'origine du départ des ruraux vers les villes. Tout d'abord, l'introduction, puis la généralisation de la charrue Dombasle à partir des années 1830 ont apporté un net progrès dans l'agriculture. Cette nouvelle machine remplace rapidement les araires en bois avec socs en fer, anciennes charrues rudimentaires qui ouvraient trop superficiellement la terre. Les charrues Dombasle ont non seulement l'avantage de creuser plus profondément le sol, mais elles sont de plus équipées d'un versoir qui retourne la terre. Cette nouvelle technique agricole apporte un gros progrès aux labours et va permettre une augmentation substantielle de la production agricole sans avoir à augmenter la main d'œuvre agricole. Concernant les moissons, un nouveau progrès technique est à signaler et va libérer aussi de nombreux paysans de la terre. L'introduction vers 1830 des rouleaux en pierre pour battre le blé et séparer le grain de l'épi va concurrencer les traditionnels et pénibles fléaux qui nécessitaient une très nombreuse main d'œuvre. Cependant, les moissons et les fauchaisons se font encore à la faucille pour faucher le blé et les autres céréales comme le seigle et l'avoine et il faudra attendre le Second Empire pour voir se généraliser les batteuses à vapeur dans les campagnes.

Si la vie des champs reste malgré tout laborieuse, les conditions de vie à la campagne demeurent somme toute assez rudes et la misère touche une grande partie des paysans, surtout les journaliers et les métayers, un peu moins les artisans ruraux qui, cependant, seront contraints de quitter les villages en déclin. La population rurale est encore très importante, elle occupe 85 % de la population départementale en 1846.

Tableau de l'évolution démographique décennale des sept cantons affectés par l'exode rural de 1831 à 1851
Canton 1831 1841 1851
Burie 10 611 hab. 10 380 hab. 10 290 hab.
Gémozac 15 376 hab. 15 047 hab. 14 918 hab.
Marennes 11 807 hab. 11 188 hab. 11 158 hab.
Mirambeau 15 876 hab. 15 596 hab. 15 318 hab.
Saint-Genis-de-Saintonge 13 571 hab. 13 279 hab. 13 311 hab.
Saint-Martin-de-Ré 9 782 hab. 9 667 hab. 9 325 hab.
Saint-Savinien 10 577 hab. 10 595 hab. 10 287 hab.

Comme l'indique clairement le tableau démographique ci-dessus, sept cantons sur les quarante que compte le département à l'époque commencent à perdre de la population dès le début de la Monarchie de Juillet. Ils sont touchés par l'exode rural que ce soit dans la Saintonge viticole (cantons de Burie et de Gémozac), dans la Haute-Saintonge (cantons de Mirambeau et de Saint-Genis-de-Saintonge), dans la vallée de la Charente (canton de Saint-Savinien), sur le littoral (canton de Marennes) et dans les îles (canton de Saint-Martin-de-Ré).

Alors que la Saintonge entre véritablement dans une période de prospérité avec l'essor des plantations de vignes et du négoce des eaux de vie de cognac, ses campagnes commencent à se vider d'un trop plein de main d'œuvre rurale. Le littoral n'échappe pas non plus à ce nouveau phénomène social, étant du cette fois à la crise des marais salants qui affecte surtout le canton de Marennes et l'île de Ré.

De manière concomitante, c'est dans cette époque que les villes commencent réellement à se développer et à "absorber" le surplus de l'exode rural, surtout Rochefort, tandis que La Rochelle et Saintes s'accroissent plus modérément.

Les prémices de l'urbanisation du département
Liste des dix premières villes de la Charente-Inférieure pendant la Monarchie de Juillet (recensements de 1831, 1836, 1841 et 1846)
Ville 1831 1836 1841 1846
Rochefort 14 040 hab. 15 441 hab. 20 077 hab. 21 840 hab.
La Rochelle 14 629 hab. 14 857 hab. 16 720 hab. 17 465 hab.
Saintes 10 437 hab. 9 559 hab. 9 994 hab. 11 363 hab.
Saint-Jean-d'Angély 6 031 hab. 5 915 hab. 6 107 hab. 6 484 hab.
Marans 4 041 hab. 4 557 hab. 4 713 hab. 4 897 hab.
Pons 3 726 hab. 4 294 hab. 4 543 hab. 4 661 hab.
Marennes 4 605 hab. 4 542 hab. 4 469 hab. 4 580 hab.
Saint-Savinien 3 559 hab. 3 550 hab. 3 507 hab. 3 612 hab.
Tonnay-Charente 2 106 hab. 3 202 hab. 3 435 hab. 3 304 hab.
Royan 2 589 hab. 2 761 hab. 2 957 hab. 3 110 hab.
Rochefort, la première ville du département, une ville en plein essor

Rochefort demeure pendant la Monarchie de Juillet la plus importante ville de la Charente-Inférieure. Elle est d’ailleurs la première des villes du département à franchir le cap des 20 000 habitants pendant la période contemporaine (20 077 habitants en 1841).

La Cité de Colbert est le grand port militaire de toute la façade atlantique pendant le règne de Louis-Philippe Ier, et abrite un arsenal actif où sont construits les bâtiments de la Marine Nationale. C'est également une ville industrielle où de nombreux ateliers de chaudronnerie navale, de serrurerie et de métallerie, de fonderies travaillent en relation étroite avec l'arsenal maritime et dans l'orbite duquel s'activent également des charpenteries de la marine, une grosse fabrique de cordages, des poudrières, des tonnelleries. Dans le même temps, la ville développe son port de commerce fluvial dans le courant des années 1840 afin d'y recevoir des navires à vapeur dès 1844 et reçoit sur ses quais nouvellement aménagés des bois de construction, du chanvre, des céréales et des vins et, en 1842, obtient le siège d'une chambre de commerce. Cette ville militaire a le privilège de posséder une école de navigation et d'hydrographie et une école de santé navale. Elle possède un hôpital de 1 200 lits qui est le plus vaste de la région.

Rochefort possède de beaux immeubles en pierres de taille hérités de l'époque classique et édifiés dans son centre qui est agrémenté de fontaines, de bornes-fontaines et de belles promenades, ainsi que de jardins publics.

Le développement urbain s'est effectué, dans cette première moitié du XIXe siècle, autour du cœur historique de la ville, au-delà de ses fortifications érigées par l'ingénieur Ferry en 1682 et percées de trois portes de ville, celle du Martrou, au sud, celle de La Rochelle et celle de la Charente, au nord. Le vieux quartier populaire du Faubourg, établi à l'ouest de la ville depuis le XVIIIe siècle, n'a cessé de s'agrandir et de s'étirer en direction des marais desséchés, tandis qu'autour de la zone portuaire, en bordure du fleuve, au nord de l'arsenal, un développement anarchique s'est spontanément créé. Les rues de la ville sont pavées et larges, et elles sont bordées d'arbres, mais les entrées de ville sont moins avenantes. Rochefort reste malgré tout la "grande ville" de la Charente-Inférieure, elle attire beaucoup de ruraux qui fuient leur conditions de vie assez misérables et espèrent à de meilleures conditions de vie en ville.

La Rochelle, la deuxième ville du département, une ville qui se réveille lentement

A la fin de la Monarchie de Juillet, la Charente-Inférieure compte deux autres villes de plus de 10 000 habitants (La Rochelle et Saintes), mais l’évolution de ces deux dernières est nettement plus lente, alors que Rochefort a presque doublé sa population.

Le développement urbain de La Rochelle pendant la Monarchie de Juillet est cependant assez régulier bien qu'il soit beaucoup moins rapide que celui de Rochefort. Tout d'abord, la cité océane voit ses activités portuaires se développer rapidement et son trafic commercial repose sur l'exportation des eaux de vie vers les États-Unis et l'importation des bois des pays du Nord et du charbon d'Angleterre bien que son site portuaire se révèle bien vite étroit malgré le creusement du bassin à flot intérieur en 1808. Ce dernier s'avère en effet trop exigu car il abrite également les activités du port morutier des Terre-neuvas, mais il est sujet au problème récurrent d'accessibilité dû à la marée. Un nouveau bassin à flot est en construction et bien que les travaux aient démarré en 1807, ils sont encore loin d'être achevés. Les activités portuaires ont cependant repris un réel essor pendant le règne de Louis-Philippe et ont favorisé dans leur sillage le développement d'un chantier naval établi au pied des vieilles tours tandis que les raffineries de sucre ont cessé en 1837. La ville s'affirme également comme étant le centre administratif du département. La création du Collège royal en 1843 dans ses murs au détriment de Saintes affirme cette prééminence, malgré la perte de l'Hôtel des monnaies en 1838. En raison de son rôle de préfecture et de son essor urbain, La Rochelle rattrape petit à petit son retard en matière d'équipements sanitaires et est alors dotée de deux hôpitaux, l'un civil et l'autre militaire mais rien de comparable avec le grand hôpital de Rochefort. Ville de plus en plus commerçante, elle s'équipe en 1836 d'un premier marché couvert sur la Place du Marché.

Toutes ces conditions réunies font que La Rochelle apparaît comme une ville qui se réveille. Son urbanisation continue de se développer au-delà des anciennes fortifications qui ceinturent la vieille cité marchande. La trame urbaine s'étend ainsi en direction de l'ouest avec le nouveau quartier de La Genette, ce dernier se rattache progressivement à celui de Fétilly tandis qu'au nord et à l'est, les anciens villages agricoles de Lafond et de Saint-Eloi se soudent peu à peu à la vieille ville. A l'inverse, les marais situés au sud de la ville, en particulier le Marais de Tasdon, limitent le front d'urbanisation de la ville.

Saintes, la troisième ville du département, une ville en transformation

Saintes s'affirme plus que jamais comme la troisième ville du département malgré la perte de son rôle de préfecture. Après être passée sous la barre des 10 000 habitants à la fin de la Restauration, la ville renoue avec une croissance démographique dynamique et constante pendant la Monarchie de Juillet atteignant 11 363 habitants en 1846. Elle connaît elle aussi un début de transformation de son cadre urbain et s'affranchit de l'image peu flatteuse d'une grosse ville rurale "aux maisons passablement bâties et ayant un air triste".

C'est en effet dans cette période plutôt florissante qu'elle s'embellit avec l'édification de nouveaux immeubles urbains soumis à l'alignement et le creusement de nouveaux boulevards au-delà des murailles de son vieux noyau médiéval dont l'inauguration du Cours Reverseaux qui a lieu en 1835. La ville s'équipe d'un nouveau pont édifié en 1843 ainsi que d'un théâtre et s'affirme dans son rôle de chef-lieu judiciaire du département avec la création en 1833 du nouveau Palais de Justice et d'une nouvelle prison dont le bâtiment était considéré à l'époque comme ayant une architecture d'avant-garde. L'ancienne capitale de la Saintonge demeure une ville de garnison depuis les évènements de la Révolution et sa fonction militaire avait été renforcée pendant le Premier Empire. Le site de l'Abbaye-aux-Dames sert toujours de casernes et le champ de tir, situé à proximité, sert de terrain de manœuvres. La ville dispose également d'un hôpital militaire et de la Marine. Saintes participe au mouvement d'industrialisation en se dotant notamment de faïenceries et en maintenant des activités plus traditionnelles représentées par les tanneries, les mégisseries et une importante teinturerie.

La ville renoue avec son fleuve auquel elle avait tourné le dos pendant les sombres années de la période napoléonienne. Les quais sont aménagés à partir de 1841 et les travaux d'empierrement des berges se poursuivront jusqu'en 1851 tandis que le balisage de la Charente entre Saintes et Saint-Savinien est terminé en 1840. De plus, la ville se dote d'un appontement pour le trafic des passagers sur le fleuve. Un bateau à vapeur en assure la liaison fluviale et dessert Saint-Savinien, Tonnay-Charente et Rochefort. Cette ligne fluviale de transport des voyageurs, mise en service en 1822, se révèle particulièrement rentable et, ce, jusqu'au milieu du Second Empire. Grâce à ces équipements, Saintes redevient dès lors un grand centre de batellerie sur la Charente.

De ce fait, les anciens faubourgs de la rive gauche (Saint-Eutrope) et de la rive droite (quartier de l'Abbaye-aux-Dames) commencent à déborder au-delà de la vieille ville médiévale enserrée dans ses anciennes fortifications devenues obsolètes. Cette urbanisation en marche annonce pour Saintes le développement futur qu'elle va connaître dans les décennies suivantes.

Des petites villes émergentes

De 1831 à 1846, hormis Marennes qui atteint son premier maximum démographique en 1831 qu'elle ne dépassera que pendant la Troisième République, toutes les autres petites villes enregistrent des croissances démographiques, et quelquefois dans d'importantes proportions. Deux d'entre elles, Marans et Saint-Savinien, ont atteint leur maximum démographique à la fin de la Monarchie de Juillet.

Les quais de Marans. Elle fut la cinquième ville de la Charente-Inférieure pendant la Monarchie de Juillet.

Marans se classe en 1846 à la cinquième place des villes du département et atteint son maximum démographique qu'elle n'a toujours pas dépassé à ce jour. La cité fluviale est alors devenue un actif centre de batellerie sur la Sèvre Niortaise, mais elle ne se remet toujours pas de la perte de son trafic avec le Canada depuis la fin du XVIIIe siècle. Cependant, Marans demeure le principal port céréalier du Poitou, l'avant-port de Niort, par lequel transitent également des peaux et des cuirs fournissant les importantes chamoiseries et ganteries de cette ville.

Saint-Savinien, sur la Charente, est la huitième ville de la Charente-Inférieure en 1846. Tout comme Marans, elle atteint son maximum démographique, qu'elle n'a pas dépassé depuis cette date.

Pons se situe à la sixième place en 1846. Pendant la Monarchie de Juillet, la petite ville sur la Seugne ne cesse de prospérer, elle gagne 935 habitants en une quinzaine d'années (+ 25 %), et enregistre alors une des plus fortes croissances démographiques parmi les villes de sa catégorie.

Site du donjon de Pons. Pons est une petite ville particulièrement dynamique pendant la Monarchie de Juillet.

Pons doit cet essor urbain au développement de ses différentes industries. Ses mégisseries et ses tanneries se sont établies le long de la Seugne, auxquelles s'ajoutent des filatures de laines pour la fabrication d'étoffes diverses et des extractions de carrières pour fournir des pierres de construction. Ces différentes manufactures emploient une population ouvrière nombreuse qui s'entasse alors dans un nouveau quartier populaire, le faubourg des Aires, situé aux portes méridionales de la vieille cité historique. C'est également une place commerciale active, où le négoce des céréales et des vins contribue à accroître la prospérité de la ville. La petite cité se pare alors de belles maisons de ville, d'un élégant jardin public, d'une fontaine au centre de la place du marché et des bornes-fontaines dans ses rues principales, fait construire un château d'eau en 1829, une nouvelle église y est édifiée dans le nouveau faubourg (église Saint-Martin), un pont sur la rivière y est construit, et le site du donjon médiéval, acquis en 1807, abrite les services de l'hôtel de ville. Pons donne l'image d'une ville dynamique et attractive dont l'essor se poursuivra dans la décennie suivante.

Vue générale sur la ville de Tonnay-Charente et son port aménagé en 1840

Tonnay-Charente, malgré une légère décroissance dans la période 1841-1846, a vu sa population augmenter considérablement, de plus d'un tiers. Elle doit son développement urbain grâce à l'essor fulgurant de son port fluvial, dont l'activité ira croissante dans la seconde moitié du XIXe siècle. Cette expansion se double également de sa fonction de passage routier sur le fleuve depuis l'édification du Pont suspendu de Tonnay-Charente en 1842. Cette nouvelle liaison permet désormais d'assurer la continuité de la route royale Bordeaux-Saint-Malo. La ville voit alors son rôle commercial prendre une certaine importance et de nombreuses boutiques s'installent le long de la nouvelle artère routière depuis la construction du nouveau pont. L'embellissement du centre de la ville se signale par un urbanisme rénové sur les bords des quais du port comme sur les hauteurs de la cité et par la création de fontaines tandis que des édifices publics sont construits dont l'hôtel-de-ville en 1846.

Enfin Royan, la toute nouvelle station balnéaire en vogue, continue de croitre très régulièrement. Elle devient la dixième ville du département. Ses rues sont pavées, la ville se dote de nouveaux et beaux édifices et de villas somptueuses. Son essor urbain inspire l'écrivain Eugène Pelletan qui la décrit dans son roman Naissance d'une ville.

A la fin de la Monarchie de Juillet, l'urbanisation est en marche en Charente-Inférieure, même si, à l'aube des grands bouleversements qui vont se produire pendant la deuxième partie de ce XIXe siècle, le taux de population urbaine est encore faible avec environ 1 personne sur 5 résidant alors dans une douzaine de petites villes.

La stagnation démographique de la Charente-Inférieure pendant la Deuxième République (1848 – 1852)

La très courte période de la Seconde République - 1848-1852 - mérite un commentaire à part puisqu'elle s'inscrit entre deux périodes historiques très marquées de l'histoire du département.

Évolution démographique
1846 1851
468 103 469 992

Une stagnation démographique au beau milieu du XIXe siècle

L'analyse du tableau statistique ci-dessus montre que la croissance démographique se maintient en Charente-Inférieure, mais elle continue de ralentir nettement à l'instar de ce qui a pu être observé pendant la Monarchie de Juillet.

En fait, plutôt que de ralentissement démographique qui caractérise cette période très courte de l'histoire, il s'agit plutôt d'une véritable stagnation démographique. Le département ne s'accroit que de 1 889 habitants entre 1846 et 1851, soit une croissance moyenne de 378 habitants par an, ce qui correspond à son plus faible accroissement démographique depuis le début du XIXe siècle.

Des conditions de vie et d’hygiène encore médiocres

Il faut préciser que c'est dans cette période qu'une des dernières grandes épidémies les plus meurtrières de choléra morbus est enregistrée dans le département. En 1849, elle touche tout particulièrement Rochefort où 455 décès sont à déplorer cette année-là et aucun remède n’est encore trouvé à cette époque pour contrer ce terrible fléau.

La longévité moyenne de vie était largement inférieure à 40 ans au milieu du XIXe siècle dans le département et elle s’accroîtra très lentement par la suite. En effet, jusqu’au milieu du siècle de la Révolution industrielle, les conditions de vie et d’hygiène demeurent encore très médiocres autant à la campagne qu’à la ville. De réels efforts sont entrepris pour enrayer durablement les problèmes récurrents des maladies épidémiques comme le choléra, la variole, la diphtérie, la fièvre typhoïde ou le paludisme chronique des marais. A cela s’ajoute le grave problème des chiens errants dans les villes et porteurs de la rage et la menace des loups dans les campagnes est toujours bien réelle. En même temps, les municipalités principalement urbaines se préoccupent de la qualité de l’eau qui laisse bien souvent à désirer mais il faudra attendre la décennie suivante pour que soient édifiés des châteaux d’eau, des fontaines et des lavoirs. En fait, les mesures de prophylaxie de cette époque, encouragées par les pouvoirs publics, vont réellement commencer à porter leurs fruits à partir de 1865 où, à partir de cette date, plus aucune épidémie mortelle n’est signalée dans le département sauf quelques cas exceptionnels de fièvres typhoïdes à Saintes en 1882.

C’est pendant la Deuxième République que les «tours» des hospices aménagées pour l’accueil des enfants abandonnés sont supprimées en 1850 et pour parer à cette loi drastique des allocations sont versées pour aider les filles-mères à garder leurs nouveau-nés. Cette mesure qui concerne les hospices implantés à Rochefort, La Rochelle, Saintes et Saint-Jean-d’Angély provoqua une forte polémique dans le département où naissaient à cette époque entre dix et onze mille enfants par an dont 500 étaient systématiquement abandonnés et déposés aux portes des hospices des villes.

Un exode rural en marche

La Charente-Inférieure est un département très fortement rural au milieu du XIXe siècle. En 1851, la population rurale est de 82,8 % alors qu’elle est de 74,5 % en France.

Cependant, les campagnes sont touchées par l’exode rural, phénomène social amorcé au début de la Monarchie de Juillet. Elles continuent de se vider progressivement de leurs jeunes contingents qui viennent alors grossir les villes dont la population continue d’augmenter pendant la très courte période de la Deuxième République. Près d’une dizaine de cantons perdent de la population entre 1841 et 1851 (Burie, Gémozac, Le Château-d’Oléron, Marans, Marennes, Mirambeau, Montendre, Saint-Martin-de-Ré et Saint-Savinien), soit un canton sur quatre en 1851. Mais cet exode rural a fini par atteindre plus précocement le département voisin de la Charente qui parvient alors à son maximum démographique en 1851 et qui, par la suite, perdra inexorablement de la population pendant tout le reste du XIXe siècle.

Une urbanisation encore bien lente

La population urbaine est encore faiblement représentée dans le département puisque sa proportion n'entre que pour 17,2 % de la population départementale en 1851. Elle concerne tout au plus une quinzaine de villes et de gros bourgs dont deux ont plus de 10 000 habitants et une a plus de 20 000 habitants. Cependant, elle continue sa croissance quasi inexorablement et tend à s'accélérer en raison de la poussée de plus en plus massive de l'exode rural dont les effets migratoires sont encore intra-départementaux.

Toute une population de ruraux miséreux, composés le plus souvent de métayers et de journaliers, viennent alors chercher du travail dans les villes du département où les industries offrent des possibilités d’emplois pourtant bien peu rémunérés avec souvent des taches ingrates. L’arsenal maritime de Rochefort est le plus gros employeur de la région avec 4 000 emplois industriels répartis entre les chantiers navals, les fonderies, la corderie et les charpenteries de la marine. Sur le littoral, les villes offrent des emplois dans la pêche, la conchyliculture et les petits chantiers navals. Les villes de l'intérieur offrent des emplois dans les tanneries et les mégisseries, les manufactures de confection, les abattoirs et les moulins, le bâtiment et les carrières de pierre.

Liste de quinze villes et bourgs de la Charente-Inférieure en 1851
Ville 1851
Rochefort 24 330 hab.
La Rochelle 16 507 hab.
Saintes 11 569 hab.
Saint-Jean-d'Angély 6 413 hab.
Pons 4 765 hab.
Marans 4 670 hab.
Marennes 4 589 hab.
Tonnay-Charente 3 538 hab.
Saint-Savinien 3 438 hab.
Royan 3 329 hab.
Surgères 2 942 hab.
Le Château-d'Oléron 2 869 hab.
Jonzac 2 718 hab.
La Tremblade 2 712 hab.
Saujon 2 564 hab.


Les villes, petites et grandes, sont globalement attractives pendant la Deuxième République et connaissent des transformations de leur cadre urbain en parachevant souvent des travaux d’urbanisme qui avaient été lancés pendant la Monarchie de Juillet.

Rochefort, la ville la plus dynamique du département

Si Rochefort voit son bagne définitivement fermé en 1852 et transféré à Cayenne, la ville enregistre malgré cette fermeture la plus forte augmentation de population pendant cette période. En 1851, elle compte 24 330 habitants et s'est accrue de près de 2 700 habitants entre 1846 et 1851, bien plus que la croissance départementale.

Vue générale sur l'Hôpital de la Marine et le Cours d'Ablois à Rochefort, alors la plus importante ville de la Charente-Inférieure au milieu du XIXe siècle.

Elle continue en effet de se développer et de se transformer. Le changement de son cadre urbain concerne notamment celui entre la ville historique et sa banlieue. Le cours d’Ablois, qui sert de trait d’union entre la ville-centre et le Faubourg est replanté d’une quadruple rangée d'arbres vers 1850 et ouvre sa belle perspective de jardins au nord sur l’hôpital maritime et au sud sur le cours Roy-Bry.

Le Faubourg qui est en pleine croissance devient plus que jamais le quartier résidentiel des ouvriers et annexe progressivement des hameaux agricoles situés au-delà des anciennes fortifications de la ville-centre. Ce quartier voit s’édifier à partir de 1850 l’église du Faubourg dont l’inauguration aura lieu en 1860.

Dans le même temps, à partir d’avril 1852, l’hôpital de Rochefort fait reconstruire de nouveaux bâtiments tandis que les premiers coups de pioche sont lancés pour la construction de halles couvertes dont l’inauguration aura lieu en 1853.

Rochefort est une ville en plein essor et doit cette fortune à son arsenal maritime parvenu alors à son apogée, étant à la veille d’importantes restructurations à venir. La ville s’affirme de loin comme étant la première de tout le département et talonne Poitiers dans le classement des villes de Poitou-Charentes. Elle devance nettement La Rochelle qui passe par une crise urbaine assez critique et Saintes qui s’accroît très modérément.

La Rochelle, une ville en crise au milieu du XIXe siècle

La Rochelle perd de la population pendant une décennie, de 1846 à 1856, et la ville est entrée dans une véritable léthargie au beau milieu du XIXe siècle. Elle compte 16 507 habitants en 1851. Son économie est devenue atone du fait de son port de pêche dont les activités sont en sérieux déclin. La pêche cherche un second souffle et subit de plein fouet la concurrence des autres ports morutiers de la côte atlantique alors que le commerce des eaux-de-vie de Cognac avec les États-Unis reprend vigoureusement depuis 1850 et va connaître une belle embellie pendant toute une décennie. Cependant, le port de commerce est à l'étroit et connaît de gros problèmes avec l'accès des bateaux à vapeur dont les tirants d'eau sont de plus en plus importants. Le port de commerce souffre d'un manque de diversification de ses activités et a plutôt tendance à stagner. La Rochelle traverse une décennie difficile mais renouera de nouveau avec la prospérité lorsque sera construite la future voie ferrée dont le décret d’application est promulgué en mars 1852.

Saintes, un actif centre de batellerie sur la Charente

L'Arc-de-triomphe de Saintes fut définitivement restauré en 1851 pendant la Deuxième République et sauvé d'une destruction certaine grâce à Prosper Mérimée.

Dans le même temps, Saintes qui demeure la troisième ville du département continue de voir sa population croître, même si cette croissance est bien modérée. Elle atteint 11 563 habitants en 1851. Cependant, elle se transforme en s’affranchissant progressivement de sa physionomie de «ville rurale». Les travaux d'urbanisme engagés pendant la Monarchie de Juillet s'achèvent pendant la Deuxième République avec, notamment, la fin de la reconstruction de l'arc de triomphe en 1851 et de l'aménagement du cours Neuf en 1852.

Son économie dépend fortement de son fleuve le long duquel plusieurs ports ont été aménagés en fonction de la spécialisation de certains trafics. Sur la rive gauche, Port-Saint-Aignan et Le Petit Port expédient les cuirs ouvragés dans les tanneries de la ville et les eaux de vie des différentes maisons de négoce de Saintes et sur la rive droite, le Port du Chapitre et le Port du Pilori font transiter dans les lourdes gabarres les céramiques et la pierre de Saintonge. Ce trafic fluvial sans cesse croissant pendant la courte période de la Deuxième République favorise l’implantation en 1849 d’un centre de douanes sur les marchandises à Saintes jusqu’ici seulement fixé à Tonnay-Charente. Ce qui démontre l’importance des activités commerciales de la ville et l’intensité grandissante de la batellerie sur le fleuve.

Trois petites villes en gestation

Quant aux petites villes, celles-ci s’accroissent dans l’ensemble assez modérément pendant la Deuxième République. Si deux d'entre elles entament durablement une crise urbaine (Marans et Saint-Savinien), le reste des petites villes gagne de la population dont Pons qui ne cesse de prospérer depuis le début du siècle et occupe pendant la courte période de la Deuxième République le cinquième rang des villes de la Charente-Inférieure.

Parmi ces petits centres qui ont encore bien souvent l’aspect de gros bourgs ruraux, trois d’entre eux se distinguent au milieu du XIXe siècle.

Le marché couvert de Tonnay-Charente a été inauguré en 1850 pendant la Deuxième République

Tout d’abord, Tonnay-Charente continue sa mue urbaine grâce à la prospérité retrouvée du trafic fluvial sur la Charente. Cette petite ville fluviale voit sa population croître régulièrement depuis 1846. Elle compte alors 3 538 habitants en 1851. La petite cité marchande voit son urbanisme se transformer rapidement depuis la création du pont sur la Charente en 1842. Après l’inauguration fastueuse en 1848 de l’Hôtel-de-ville, la ville inaugure en 1850 de nouvelles halles couvertes et qui ont été construites au milieu de la vieille cité en bordure de la route royale Bordeaux-Saint-Malo. Tonnay-Charente est alors une petite ville dynamique et promue à un bel essor dans les décennies suivantes.

Plus au nord, en terre d’Aunis, Surgères, alors grosse bourgade rurale, voit sa population « bondir » en passant de 2 191 habitants en 1846 à 2 942 habitants en 1851. Cette situation particulière n’est pas le reflet d’une forte croissance démographique mais résulte simplement de l’annexion de la petite commune de Saint-Pierre-de-Surgères en 1850. Cette fusion communale sera d’ailleurs la seule à avoir été opérée pendant la Deuxième République en Charente-Inférieure. Cependant, Surgères est à la veille d’importants changements qui vont transformer durablement son économie, ce gros bourg étant concerné en premier chef par le décret de mars 1852 qui concerne la création de la future voie ferrée La Rochelle-Niort-Poitiers.

Enfin, Royan affiche une des croissances démographiques les plus importantes pendant la Deuxième République. La petite station balnéaire gagne plus de 200 habitants entre 1846 et 1851, passant de 3 110 habitants à 3 329 habitants. Elle continue de se transformer en centre de villégiature et d’aménager ses plages. C’est dans la décennie suivante qu’elle va devenir « la station du Tout Bordeaux » dont les liaisons fluviales sur la Gironde sont assurées régulièrement par un bateau à vapeur.

Si la Deuxième République se caractérise par une véritable stagnation démographique en Charente-Inférieure, le Second Empire qui succède à la courte période républicaine va apporter un « âge d’or » suscitant à la fois une nouvelle poussée démographique et une grande période de prospérité économique aussi bien dans les campagnes que dans les villes.

La reprise d'une croissance démographique dynamique de la Charente-Inférieure pendant la première décennie du Second Empire (1852 – 1861)

C’est dans cette période très prospère pour le département, qui correspond à la période fastueuse du Second Empire, que la Charente-Inférieure enregistre son premier maximum démographique, avec une population totale de 481 060 habitants en 1861.

Évolution démographique
1851 1856 1861
469 992 474 828 481 060

Les ressorts de ce dynamisme démographique

Globalement, le département enregistre une croissance positive, s'accroissant de 11 068 habitants entre 1851 et 1861, soit un gain annuel de 1 107 habitants, ce qui est nettement plus important que dans la période précédente.

Cette croissance démographique repart nettement pendant la première décennie du Second Empire. De 1851 à 1856, elle enregistre un net rebond, affichant une croissance de 5 836 habitants, puis entre 1856 et 1861, cette croissance s'accélère avec un gain de 6 232 habitants. L'origine de cet essor démographique, qui va s'amplifiant, s'explique par un courant migratoire positif où le département attire de nouvelles populations, à la fois grâce à l'essor remarquable de la vigne et à l'attractivité des principales villes de la Charente-Inférieure.

Ce maximum démographique est l'aboutissement d'un demi siècle de croissance très régulière, même si la tendance dans les deux dernières décennies est caractérisée par un réel ralentissement. Ainsi, dans la période 1831-1861, une analyse détaillée des données démographiques indique que le département enregistre à la fois un solde naturel et un solde migratoire largement positifs :

Tableau récapitulatif de l'évolution démographique du département de la Charente-Inférieure dans la période 1831-1861
Variation de la population Solde naturel Solde migratoire
Période 1831-1861 + 35 700 hab. + 21 400 hab. + 14 300 hab.

A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, le département entre dans une période de grands bouleversements, qui affectent aussi bien les campagnes que les villes.

La transformation et l'enrichissement des campagnes

De véritables transformations s'opèrent dans les campagnes charentaises, surtout à partir du Second Empire. L'application des nouvelles techniques agricoles, introduites pendant la Monarchie de Juillet, apporte un réel progrès et un changement des méthodes d'exploitation. En 1849, l'implantation d'une ferme-école à Puilboreau, aux portes de La Rochelle, inaugure symboliquement cette transformation du monde agricole au début de la seconde moitié du XIXe siècle. La modernisation de l'agriculture a été favorisée par l'utilisation des nouvelles charrues Dombasle qui remplacent désormais les vieux araires et les herses en bois. Les techniques agricoles, longtemps restées archaïques, n'apportaient que de faibles rendements, 10 quintaux à l'hectare pour le blé était la moyenne obtenue à la veille du Second Empire. L'application des engrais et l'emploi des nouvelles charrues a permis de démultiplier rapidement la productivité agricole. L'utilisation des nouvelles techniques agricoles a fini par supprimer les jachères et mettre fin progressivement à l'agriculture d'auto-subsistance, pratiquée notamment par les métayers.

Les surfaces consacrées à la culture du blé, ainsi qu'à l'avoine, ont rapidement augmenté au détriment des cultures traditionnelles comme le seigle et la baillarge. La culture du maïs, importé depuis le XVIIIe siècle, fait également des progrès, elle est surtout pratiquée dans les vallées humides et commence à être appliquée dans les marais desséchés. De même, la culture des pommes de terre, introduites pendant le Premier Empire, commence à se généraliser, tandis que la culture des plantes sarclées (topinambours, betteraves fourragères) fait ses premiers pas.

Le petit village de Lonzac et son église près des coteaux plantés de vignes de la champagne d'Archiac. Les vignes de Saintonge et d'Aunis ont commencé leur fulgurante ascension dès le début du Second Empire.

Mais la grande affaire de cette époque c'est la vigne. Celle-ci devient en effet la principale source de richesse du département. C’est que la vigne, plus que toute autre culture, a apporté un véritable enrichissement aux habitants du département, et a contribué à améliorer leurs conditions de vie. En un mot, la vigne enrichit et fait vivre dans l'aisance ceux qui la possèdent.

La viticulture a été considérablement développée et stimulée pendant le Second Empire. Le traité de libre échange avec la Grande Bretagne, signé en 1860, a favorisé un essor sans précédent du négoce des eaux de vie de cognac. Il succède au trafic commercial déclinant avec les États-Unis d'Amérique, dont les échanges s'amenuisent déjà avant la guerre de Sécession. Ainsi, la Charente-Inférieure détenait le plus grand vignoble du monde, avec plus de 116 000 hectares de vigne en 1856. La progression du vignoble a été impressionnante pendant la première décennie du Second Empire où, entre 1852 et 1862, 3 433 hectares ont été plantés en vigne chaque année dans le département. Cette extension de la vigne s'est faite aux dépens des cultures de céréales, même de celle du blé.

L'hôtel de ville de Gémozac a été érigé pendant l'"âge d'or" des eaux de vie de cognac durant le Second Empire. Il témoigne de la fortune que la vigne procurait aux villages et aux bourgs viticoles de Saintonge et d'Aunis.

Les grosses communes rurales, situées au cœur des campagnes viticoles de la Saintonge et de l'Aunis, connaissent un véritable « âge d’or » pendant le Second Empire. Celles-ci sont les plus dynamiques et les plus prospères du département, enregistrant alors des croissances démographiques remarquables. C'est à partir de cette époque que les bâtiments anciens sont démolis et sont remplacés systématiquement par des constructions modernes. De belles fermes, entourées de hauts murs, sont érigées à l'entrée des villages, tandis que les hautes maisons en pierre de taille, construites dans le centre des bourgs et des petites villes, leur donnent un air avenant. Les exploitations de carrières de pierre se multiplient en Saintonge et connaissent une activité exceptionnelle. De grosses bourgades de la Saintonge, comme Brizambourg, Burie, Cozes, Gémozac, Mirambeau ou Matha, et de l'Aunis, comme Aigrefeuille d'Aunis, Saint-Sauveur-d'Aunis ou Saint-Georges-du-Bois, connaissent de notables transformations, s'embellissent et se parent d'édifices publics quelquefois remarquables comme l'hôtel de ville de Gémozac ou celui, plus modeste, d'Aigrefeuille d'Aunis, ou bien encore le somptueux château de Mirambeau. Gémozac rénove de fond en comble son centre bourg, organisé autour de son église médiévale et d'un nouveau bâtiment public rassemblant l'hôtel de ville et les halles. Tous ces villages et bourgs profitent pleinement de la manne que procure la vigne.

L'essor économique du littoral

Poches d'huîtres sur une plage de Fouras. Dès le Second Empire naît l'ostréiculture moderne sur le littoral charentais.

Sur le littoral, un autre bouleversement économique va apporter une heureuse contribution au département. A partir de 1850 naît l'ostréiculture moderne.

Les premières applications ont été effectuées dans d'anciennes salines à Angoulins-sur-Mer, où le naissain d'huître est cultivé sur des tuiles enduites de chaux, leur apportant le calcaire nécessaire pour la formation de leur coquille. Ces essais ont été diffusés avec succès dans l'île d'Oléron, sur sa côte orientale, puis sur les rives de l'estuaire de la Seudre, dans les marais salants qui avaient été abandonnés à cause de la mévente du sel de l'Atlantique à partir de 1840. L'île de Ré n'est pas en reste, elle participe également à l'essor de l'ostréiculture, dont les sauniers avaient déjà une certaine pratique, mais la consommation demeurait locale.

Les cabanes ostréicoles, composantes typiques du paysage du Bassin de Marennes-Oléron, sont apparues avec l'essor de l'ostréiculture dès le Second Empire.

Les claires, bassins où sont affinées les huîtres de Marennes et d'Oléron, produisent des huîtres qui prennent une teinte verdâtre et donnent un goût savoureux. Ce verdissement des huîtres - ou engraissement - consacre alors la célébrité de la "verte marennes" dans tout le pays, à commencer par la capitale. A la fin des années 1850, les huîtres plates de Marennes sont concurrencées par les "portugaises", huitres issues d'un naufrage "providentiel" sur les rives de la Gironde en 1857. Ces dernières, qui ont commencé à pulluler rapidement sur le littoral charentais, prendront un essor fulgurant dans les décennies suivantes, quand le plus grand bassin ostréicole de France sera desservi par des voies ferrées. Ainsi, dès le début du Second Empire, les anciennes aires des marais salants se transforment progressivement en parcs à huîtres, et sauvent la région d'un véritable désastre social et démographique.

Au nord de La Rochelle, dans la baie de l'Aiguillon, la mytiliculture fait de réels progrès à partir du Second Empire. L'élevage des moules se concentre essentiellement à Charron, à Esnandes et à Marsilly, mais la mytiliculture commence à se répandre dans la baie d'Yves, entre Fouras (Pointe de la Fumée) et Châtelaillon-Plage (sur le site des Boucholeurs). Des milliers de personnes vivent de cette industrie, qui permet de fixer des populations nombreuses sur la côte charentaise.

La grave crise économique dans l'île de Ré

Par contre, l'île de Ré entre en récession pendant la première décennie du Second Empire. En une dizaine d'années, de 1851 à 1861, l'île de Ré perd plus d'un millier d'habitants (- 1 040 habitants) et, pratiquement toutes les communes sont touchées par l'exode rural.

Évolution démographique de l'île de Ré de 1846 à 1861
1851 1856 1861
île de Ré 17 658 hab. 16 966 hab. 16 618 hab.

Cette situation assez surprenante provient de deux crises majeures qui affectent durement son économie insulaire.

Tout d'abord, la crise des salines a touché profondément l'ouest de l'île de Ré, où la seule commune d'Ars-en-Ré perd un quart de sa population entre 1851 et 1861, passant de 4 043 habitants à 3 547 habitants.

Ensuite, la partie orientale de l'île subit une crise viticole sans précédent. Les vignes sont ravagées par l'oïdium. Cette "destruction quasi totale du vignoble rétais" est "responsable de la misère des îliens" qui n'ont d'autre solution que de quitter leur île. Six années plus tard, le vignoble de l'île de Ré a pu être reconstitué, mais "en 1859, les vignes ne produisent plus que le tiers des récoltes habituelles".

Les débuts de la Révolution des transports

C’est dans cette brillante période de l’histoire de la Charente-Inférieure que commence la « Révolution des transports ».

L'implantation des chemins de fer

La gare de Rochefort. Rochefort fut avec La Rochelle l'une des deux premières villes du département à être desservie par le train et à être équipée d'une gare ferroviaire.

C'est le Nord-Ouest du département qui est le premier équipé en voies ferrées, et ce, dès septembre 1857. L’implantation des chemins de fer commence par les deux principaux centres urbains, en l'occurrence Rochefort et La Rochelle, où les deux villes sont reliées directement à la capitale. Deux bourgs importants de l'Aunis, Aigrefeuille et Surgères, ont aussi le privilège d'être les premiers desservis par la voie ferrée et possèdent chacun une belle gare ferroviaire. Ce qui constituait en ce temps-là un évènement retentissant.

Cependant, la poursuite de l'équipement ferroviaire de la Charente-Inférieure n'aura lieu qu'une décennie plus tard, mais les travaux se multiplieront rapidement à partir de 1867, à l'époque où le Second Empire sera à son apogée. La mise en place progressive d'un réseau ferroviaire à partir des trois villes principales, (Rochefort, La Rochelle et Saintes), apportera des transformations considérables dans la vie de ce département encore très rural.

Les grands travaux de construction des canaux de navigation

Les voies d'eau (fleuves et rivières, canaux) continuent à être modernisées et leur utilisation s'accroît davantage encore par l'essor des trafics de marchandises.

Le Canal de la Charente à la Seudre, également appelé Canal de la Bridoire, fut mis en service en 1862 et permit de désenclaver Marennes.

Pendant le Second Empire, deux importants canaux de navigation sont construits dans le département. La construction du Canal de la Bridoire, qui est un canal de jonction entre la Charente et la Seudre à partir du Canal de Brouage, dont les travaux ont été relancés en mai 1846, est poursuivie avec assiduité pendant le Second Empire. Le chantier est achevé en 1862. Il va apporter un désenclavement très important à la région et à la ville de Marennes et contribuer à son développement une vingtaine d'années avant la mise en place d'une voie ferroviaire. Les travaux de construction du Canal de Marans à La Rochelle se poursuivent également, mais avec lenteur, souvent parsemés de longues interruptions, car l'emploi des forçats pour le creusement de ce canal se fait non sans difficulté. D'ailleurs, les travaux ne seront achevés qu'en septembre 1870, alors que la reprise des travaux de creusement avait eu lieu en 1847.

Mais ces canaux n'atteindront jamais la même intensité d'exploitation que celle du fleuve Charente dont le trafic n'a cessé d'augmenter pendant tout le Second Empire.

L'âge d'or du fleuve Charente

En effet, un intense trafic fluvial anime le fleuve et toutes les villes et bourgs en bordure de la Charente connaissent une prospérité jamais atteinte jusque là. C'est l'« âge d'or » de la voie fluviale.

Les quais du port fluvial de Tonnay-Charente. Ce dernier connaît un essor fulgurant pendant le Second Empire, il éclipse celui de Saint-Savinien et devient le principal port exportateur des eaux de vie de cognac jusqu'à la fin du XIXe siècle.

A Saintes, l'aménagement des quais du fleuve, entrepris depuis la Monarchie de Juillet, est poursuivi avec assiduité pendant le Second Empire. De même, dans le cours moyen du fleuve, entre Saintes et Saint-Savinien, les dragages sont menés avec régularité, les chemins de halage sont bien entretenus, et des digues et des écluses sont construites. A Saint-Savinien, un nouveau pont enjambe le fleuve dès 1867. C'est encore à Saint-Savinien qu'est entrepris l'un des plus importants chantiers d'aménagement du fleuve à partir de 1866 avec, notamment, la réalisation d'un canal de dérivation muni d'écluses afin d'éviter les hauts fonds de la Charente.

L'importance du trafic fluvial se reflète dans celui du port de Tonnay-Charente où le seul transport des eaux de vie de cognac a plus que doublé depuis la fin de la Monarchie de Juillet. Il est passé d'un trafic moyen annuel de 50 000 hl à 100 000 hl avant le traité de libre échange de 1860 avec la Grande Bretagne. Or, ce trafic « explosera » bien après cette date.

C'est aussi pendant cet âge d'or de la Charente que le trafic de voyageurs atteint son apogée. La ligne régulière pour le transport des passagers entre Saintes et Rochefort avec desserte locale des ports fluviaux de Saint-Savinien et Tonnay-Charente, ouverte dès 1822, est particulièrement florissante transportant entre 36 000 et 40 000 voyageurs par an vers 1855. Mais, depuis 1867, l'implantation du chemin de fer entre ces deux villes porte un rude coup au trafic voyageurs sur le fleuve qui est condamné à péricliter inexorablement dans les années suivantes. A la fin du Second Empire, il disparaîtra définitivement.

Par contre, le trafic fluvial de marchandises a encore de beaux jours devant lui malgré la concurrence de plus en plus accrue de la ligne de chemin de fer établie tout le long de la vallée de la Charente d'Angoulême à Rochefort. C'est que la batellerie sur le fleuve s'est modernisée et adaptée aux nouvelles exigences du commerce, notamment avec l'apparition de la batellerie à vapeur dès 1864 et peut dès lors faire face à la concurrence ferroviaire.

Un département en voie d'urbanisation

L’accroissement des richesses économiques, stimulé par la modernisation des modes de transport (voies d'eau, voies ferrées), a aussi bénéficié aux villes qui, en 1861, concentrent 1/5e de la population départementale.

Évolution démographique des quinze villes de la Charente-Inférieure de 1846 à 1861
Ville 1846 1851 1856 1861
Rochefort 21 840 hab. 24 330 hab. 28 998 hab. 30 212 hab.
La Rochelle 17 465 hab. 16 507 hab. 16 175 hab. 18 904 hab.
Saintes 11 363 hab. 11 569 hab. 11 927 hab. 10 962 hab.
Saint-Jean-d'Angély 6 484 hab. 6 413 hab. 6 203 hab. 6 392 hab.
Pons 4 661 hab. 4 765 hab. 4 757 hab. 4 894 hab.
Marans 4 897 hab. 4 670 hab. 4 586 hab. 4 510 hab.
Marennes 4 580 hab. 4 589 hab. 4 508 hab. 4 455 hab.
Royan 3 110 hab. 3 329 hab. 3 560 hab. 4 005 hab.
Tonnay-Charente 3 304 hab. 3 538 hab. 3 699 hab. 3 703 hab.
Le Château d'Oléron 3 052 hab. 2 869 hab. 3 003 hab. 3 518 hab.
Saint-Savinien 3 612 hab. 3 438 hab. 3 209 hab. 3 306 hab.
Surgères 2 191 hab. 2 942 hab. 3 239 hab. 3 289 hab.
La Tremblade 2 640 hab. 2 712 hab. 2 853 hab. 3 042 hab.
Jonzac 2 631 hab. 2 718 hab. 2 792 hab. 3 005 hab.
Saujon 2 444 hab. 2 564 hab. 2 826 hab. 2 889 hab.


Rochefort, la plus grande ville de la Charente-Inférieure

L'évolution urbaine des trois principales villes du département au début du Second Empire est fort contrastée. Seule Rochefort enregistre une forte croissance, alors que La Rochelle et Saintes ont plutôt tendance à stagner.

Rochefort, rue de la République. La ville militaire est aussi une ville commerçante et industrielle. Pendant le Second Empire, elle demeure et de loin la première ville de la Charente-Inférieure, mais elle est aussi la seconde ville du Centre-Ouest de la France, juste après Poitiers. La ville est alors parvenue à son apogée.

C’est en 1861 que Rochefort franchit pour la première fois de son histoire le cap des 30 000 habitants, la ville atteint alors 30 212 habitants. Elle demeure toujours et de loin la plus grande ville du département. A cette même date, Rochefort devient la deuxième ville de Poitou-Charentes, talonnant de très près Poitiers qui recense 30 563 habitants, mais devançant nettement Angoulême qui était alors la troisième ville de la région avec 24 961 habitants. Sa croissance urbaine a été régulière et soutenue, doublant largement sa population depuis le début du siècle. C'est alors la première des villes du département à avoir connu une forte mutation urbaine. Elle doit cette rente de situation à son port militaire et à son arsenal maritime qui font travailler et vivre des milliers d’ouvriers. Bien que le bagne soit supprimé en 1854, la ville continue sa croissance urbaine. Rochefort ambitionne de devenir un port marchand en commençant à aménager un premier bassin à flot à partir de 1857, et la ville est reliée à la nouvelle ligne de chemin de fer qui la met directement en contact avec la capitale depuis septembre 1857. Pendant le Second Empire, un nouveau quartier ne tarde pas à se former spontanément près de la gare ferroviaire, où un boulevard arboré la relie au centre-ville. L'extension urbaine se poursuit à l'ouest avec le Faubourg ainsi qu'au sud, débordant au-delà du cœur historique de la ville dont les fortifications, construites en 1682 et devenues obsolètes au XIXe siècle, commencent à être démantelées.

La Rochelle et Saintes, deux villes en voie de transformation

Dans cette même période, La Rochelle enregistre une évolution très contrastée et, malgré l’annexion de deux communes en 1858, la ville ne franchit toujours pas le cap des 20 000 habitants. En 1861, elle est toujours la deuxième ville du département, avec 18 904 habitants, et elle se situe au cinquième rang des villes de Poitou-Charentes, venant après Poitiers, Rochefort, Angoulême et Niort, cette dernière recensant 20 831 habitants. Mais la croissance de La Rochelle a été "artificiellement" gonflée par les extensions territoriales. C'est que La Rochelle aborde difficilement la période du Second Empire, où de graves problèmes économiques affectent son économie urbaine. Tout d'abord, son port de pêche subit la concurrence de plus en plus vive des ports morutiers de Saint-Malo, Fécamp et Bordeaux, ces derniers étant mieux armés et équipés et étant plus proches des lieux de consommation. Le port de pêche de La Rochelle doit effectuer une reconversion assez douloureuse de ses activités, qui cependant l'orientera avec succès vers la pêche au thon dans la décennie suivante. Ensuite, La Rochelle subit un revers dans son trafic maritime avec les États-Unis d'Amérique. Avant que n'éclate la guerre de Sécession qui va mettre un terme aux exportations des eaux de vie de cognac, ces dernières sont de plus en plus lourdement taxées. Or, La Rochelle était l'unique port de transit des eaux de vie vers les États-Unis. Par ailleurs, le port subit des problèmes d'envasement qui menacent son accessibilité aux grands navires à vapeur. Il ne peut recevoir que des navires jaugeant au maximum 800 tonneaux, alors que les besoins de la navigation à vapeur exigent des tirants d'eau de plus en plus importants. La solution passera par la création du port de La Pallice, mais celui-ci ne sera opérationnel qu'en 1890. Cependant, la ville entre dans la modernité. Tout d'abord, elle est reliée directement à la capitale, comme Rochefort, par la nouvelle voie ferrée depuis septembre 1857. De plus, elle est la première ville du département à être équipée d'une ligne télégraphique qui la met en contact avec Poitiers dès 1853. La même année, elle est dotée d'une succursale de la Banque de France en compensation de la perte de l'hôtel des monnaies en 1838. La Rochelle est alors à la veille de très grands bouleversements qui vont considérablement changer la ville dans les décennies suivantes.

La basilique Saint-Eutrope vue depuis le cours Reverseaux à Saintes. La ville conservera son troisième rang durant tout le XIXe siècle, mais c'est à partir des dernières années du Second Empire que commence son véritable essor urbain.

Saintes, de son côté, a enregistré une croissance régulière depuis la fin de la Monarchie de Juillet où, entre 1846 et 1856, la ville a gagné environ 600 habitants, approchant même les 12 000 habitants. Elle demeure un gros marché agricole et une ville commerçante, tout en étant un grand centre de batellerie sur la Charente. Il est vrai qu'elle ne se relève toujours pas de la perte des services de la préfecture, bien qu’elle ait pu conserver son rôle de chef-lieu judiciaire du département. Durant la première décennie du Second Empire, la ville engage des travaux d'urbanisme, notamment la construction du Cours Royal - actuel Cours National - sur les anciennes lignes de fortifications. Ces travaux ont commencé durant la Monarchie de Juillet. Elle fait également édifier un nouveau pont sur la Charente, et commence à mettre en place le Cours Neuf - actuel Cours Gambetta - sur la rive droite du fleuve dans le quartier Saint-Pallais, où se trouvent les casernes militaires et le haras. Malgré ces travaux, la ville enregistre une baisse démographique assez importante entre 1856 et 1861. Ce qui lui donne une impression de stagnation, car Saintes ne s'est pratiquement pas accrue depuis le début de la Seconde Restauration, se maintenant difficilement au-dessus du seuil des 10 000 habitants (10 274 habitants en 1821, 10 962 en 1861). Mais la ville est à la veille d’une mutation urbaine considérable avant la fin du Second Empire, quand elle sera choisie pour abriter le siège de la Compagnie des Charentes.

Des petites villes aux développements contrastés

Les autres villes notables sont Saint-Jean-d'Angély, Pons, Marans et Marennes, mais leur évolution urbaine est plutôt mitigée, sauf, peut-être pour les deux premières.

Saint-Jean-d'Angély s’accroît modérément, mais doit son essor à celui du négoce des eaux de vie de cognac et à son port fluvial sur la Boutonne, par lequel la cité continue d'expédier des céréales, des vins et des eaux de vie, ainsi que des bois d'équipement. La ville approvisionne l'arsenal de Rochefort en produits agricoles par la voie fluviale mais le trafic a beaucoup décliné entre ces deux villes depuis l'explosion accidentelle de la poudrerie militaire en mai 1818 et son transfert à Angoulême. La ville passe de 5 541 habitants en 1821 à 6 392 habitants en 1861. Elle demeure toujours la quatrième ville du département.

Le donjon de Pons sert d'emblème à la petite cité qui sera, pendant le Second Empire, la cinquième ville de la Charente-Inférieure.

Pons connaît une situation bien meilleure, enregistrant une belle évolution démographique durant cette même période. La petite ville passe de 3 605 habitants en 1821 à 4 894 habitants en 1861 sans jamais enregistrer de baisse de population. Elle passe du dixième rang en 1821 au cinquième rang départemental en 1861. Ce qui est tout de même remarquable. Comme Saint-Jean-d'Angély, elle doit son essor urbain à la prospérité du négoce des eaux de vie, la cité étant située idéalement au milieu d'une riche campagne viticole, mais aussi à ses nombreuses activités industrielles établies le long de la Seugne. C'est près de la rivière et aux portes de la ville haute qu'un quartier ouvrier s'est développé depuis la Monarchie de Juillet. C'est alors une petite cité dynamique et riche, dont la transformation urbaine a commencé dès le règne de Louis-Philippe Ier. La ville continue ses travaux d'urbanisme, s'embellissant et se dotant de nouveaux immeubles en pierre de taille, dans le style Empire de l'époque, et fait édifier des bâtiments publics dans son centre ville. La petite cité de la Seugne vit un véritable « âge d’or » pendant tout le Second Empire, mais il est vrai qu'elle est alors parvenue à son apogée.

Par contre, Marans est une ville en crise depuis la fin de la Monarchie de Juillet. Après avoir connu une croissance soutenue jusqu’en 1846, où elle a d'ailleurs enregistré son maximum démographique, la ville perd régulièrement de la population depuis cette date. En une quinzaine d'années, elle perd plus de 380 habitants. Son port fluvial subit de plus en plus la concurrence de celui de La Rochelle. Ses activités périclitent, en même temps que les mégisseries de Niort.

Marennes, bien que sous-préfecture et dotée de nombreuses administrations, se classe au septième rang des villes du département en 1861. La ville est entrée dans une longue phase de déclin, elle ne se relève pas de la crise des salines qui affecte durement son port saunier, ainsi que de l'abandon de son port morutier. Elle ne participe pas à la grande prospérité économique qui caractérise le Second Empire, son économie traditionnelle a besoin d'être modernisée. La ville se trouve aussi à l'écart de la « Révolution des transports ». Pendant la première décennie du Second Empire, la ville végète. Elle est cependant à l'aube de grandes transformations qui s'accompliront dès la décennie suivante.

L'émergence de quelques petits centres urbains

Il serait incomplet de ne pas mentionner l'émergence de quelques petites villes au Second Empire, bien que celles-ci aient encore des allures de gros bourgs ruraux. Toutes ces petites cités franchissent ou approchent le cap des 3 000 habitants. Elles sont toutes caractérisées par une croissance démographique soutenue, et de nouveaux quartiers urbains commencent à se former, soit le long des nouvelles artères ferroviaires et des gares (quartier de la gare à Surgères), soit le long des fleuves (quartier du port à Tonnay-Charente, port de Ribérou à Saujon).

Il faut noter le cas de Tonnay-Charente. La cité fluviale, située avantageusement sur le fleuve où de puissants courants de la marée remontent, peut recevoir des navires jaugeant au moins 5 000 tonneaux de port en lourd, ce qui rend son port hautement accessible à la navigation à vapeur dont le tirant d'eau est devenu beaucoup plus important que par les passé. Pour cette raison, Tonnay-Charente devient le grand port des eaux de vie de cognac, supplantant La Rochelle durant le Second Empire, ainsi que Saint-Savinien. Ce dernier port entre dans une profonde crise dès le début des années 1850. Le déclin fluvial est lié à la fois à la perte de son chantier de construction navale et au problème d'accessibilité des navires de haute mer à vapeur. Mais l'effondrement du port de Saint-Savinien est lié à celui de La Rochelle, qui dépendait beaucoup du trafic avec les États-Unis d'Amérique.

Jonzac, qui est la plus petite sous-préfecture du département, voit sa population croître régulièrement depuis 1836 et franchit pour la première fois de son histoire démographique le cap des 3 000 habitants pendant le Second Empire (3 005 habitants en 1861). La petite cité s'affaire activement avec le négoce des eaux de vie de cognac. Elle s'affirme de plus en plus comme une ville commerciale en Haute Saintonge.

Pendant le Second Empire, Saujon est une petite ville en croissance démographique régulière puisqu'elle passe de 2 444 habitants en 1841 à 2 889 habitants en 1861 et son essor urbain est loin d'être terminé. Cette petite ville connaît une des évolutions démographiques les plus étonnantes. En effet, à la fin du XVIIIe siècle, ce n'est qu'un gros bourg assoupi sur les rives de la Seudre comptant 1 524 habitants en 1793.

Le Minage à Saujon a été construit en 1856, en pleine période d'essor urbain de la ville lié à celui de son avant-port de Ribérou.

C'est pendant la Restauration, puis la Monarchie de Juillet, que ce gros bourg va connaître un réel réveil économique et urbain passant de 1 837 habitants en 1821 à 2 122 habitants une décennie plus tard et approchant les 3 000 habitants au milieu du Second Empire. C'est que sa situation sur le fleuve est assez remarquable, son avant-port étant situé au lieu de rupture de charge entre le trafic maritime et le trafic fluvial à l'endroit précis où le pont sur la Seudre sert de limite. Cette situation géographique lui est en effet tout à fait favorable en un temps où le trafic des marchandises se fait davantage sur les cours d'eau que par les voies terrestres, malgré le fait que son port ne peut recevoir des navires jaugeant plus de 25 tonneaux. Saujon bénéfice alors d'un site portuaire de fond d'estuaire et va aménager ses installations portuaires pendant la Monarchie de Juillet où, en 1842, le port de Ribérou est inauguré. L'avant-port de Saujon est alors doté de quais lui permettant d'assurer un trafic consistant en l'expédition de vins et d'eaux-de-vie, de céréales et de fruits, de cuirs bruts, de toiles et d'étoffes de la Saintonge et en l'importation du charbon, des métaux bruts, de la laine et de la viande salée provenant essentiellement de la Grande-Bretagne. De plus, Saujon est un port sardinier et morutier actif. Les activités portuaires stimulent le commerce local et favorisent l'émergence d'une petite industrie. Saujon voit non seulement sa population croître mais aussi son urbanisation se développer rapidement au point que le bourg se soude à son avant-port de Ribérou pendant la Monarchie de Juillet. Ainsi, en un peu plus d'un demi siècle, Saujon a doublé sa population et a beaucoup changé de physionomie avec la construction de beaux immeubles en pierre de taille et d'édifices publics dont le Minage construit en 1856. Son évolution urbaine n'est pas encore achevée pendant le Second Empire.

Jusqu’en 1851, Royan est encore un port sardinier sur la Gironde, bien qu'une réelle mutation urbaine soit en marche depuis la Seconde Restauration. Ce n’est qu’à partir du Second Empire que la ville commence à devenir une station balnéaire renommée et un lieu de destination de plus en plus prisé des bourgeois de Bordeaux, puis plus tard de Paris. La croissance démographique, déjà soutenue et régulière depuis le début de la Seconde Restauration, va s'accélérer à partir de 1851. En 1861, la jeune station balnéaire recense 4 005 habitants, et sa population a presque doublé depuis 1821 (2 339 habitants). Elle est devenue la 8e ville du département, ne cessant de progresser dans le classement départemental.

L'héritage urbain des villes du Second Empire

Les halles couvertes du Second Empire de style Eiffel à Jonzac sont le cas typique des villes et des bourgs de la Charente-Inférieure qui se transforment beaucoup à cette époque.

Pendant le Second Empire, les villes se transforment, se dotent la plupart d’entre elles de beaux édifices publics (généralement des hôtels de ville, des écoles publiques, des halles couvertes) et entreprennent souvent des travaux d’urbanisme, avec élargissement de rues, aménagement de carrefours et de places publiques, mise en place de fontaines et bornes fontaines, construction de châteaux d’eau, sans compter les bouleversements causés par l’implantation du chemin de fer et des gares ferroviaires.

Toutes les villes du département ont participé à ce mouvement de rénovation urbaine souvent systématique, où nombre de bâtiments antérieurs au XIXe siècle ont été radicalement démolis et remplacés par des constructions modernes, plus vastes et plus aérées. Ces dernières empruntent un nouveau style d'architecture, le style Empire pour les constructions en pierre de taille ou le style Eiffel pour les édifices employant des structures métalliques (souvent des halles couvertes, des marquises des gares ferroviaires, des ponts ferroviaires ou routiers).

Ces innovations architecturales ont souvent eu un bel effet et ont donné un air avenant aux villes et bourgs du département, laissant un héritage intéressant aux générations suivantes.

Un escalator sous l'océan
Il y a 10 heures
Page générée en 2.600 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise