Historique de l'évolution démographique de la Charente-Maritime - Définition

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La période 1911 – 1946 : L'hécatombe de 1914-1918 et la stagnation démographique de l'Entre-deux-Guerres

Dans cette période historique marquée par deux guerres, le département enregistre deux chiffres records peu enviables.

Tout d'abord, une perte démographique sans précédent est constatée après la Première Guerre mondiale où la Charente-Inférieure a perdu plus de 7,3 % de sa population, baisse démographique qui a surtout affecté les jeunes générations. C'est ce qu'un auteur régionaliste nomme l'« hécatombe de 1914-1918 ».

Ensuite, en 1931, le département enregistre son plus bas niveau de population de tout le XXe siècle où, avec 415 249 habitants, la densité de population chute à 60 hab/km². C'est pendant la période de l'Entre-deux-Guerres que le département se relève difficilement des conséquences du premier conflit mondial et demeure confronté au problème chronique de l'exode rural.

Tableau de l'évolution démographique de la Charente-Inférieure de 1911 à 1946 :

Comme le montre le graphique ci-dessous, deux périodes nettement distinctes caractérisent la situation démographique de la Charente-Inférieure dans l'Entre-deux-Guerres.

  • Tout d'abord, les conséquences désastreuses provoquées par la Première Guerre mondiale ont été durement ressenties dans le département malgré son éloignement des fronts du conflit. Les pertes humaines ont été considérables.
  • Ensuite, les effets dramatiques de cette hécatombe ont entamé sérieusement la vitalité de la démographie départementale où la natalité est constamment demeurée inférieure à la mortalité pendant l'Entre-deux-Guerres. La légère reprise démographique constatée avant le Second conflit mondial a été de courte durée, et ce dernier aura été moins lourd en pertes humaines mais beaucoup plus dévastateur sur le plan matériel.

L'hécatombe de la Première Guerre mondiale

L'essor économique et urbain d'avant guerre a été brusquement stoppé par les évènements terribles de la Première Guerre mondiale, dont les répercussions sur la démographie du département ont été extrêmement préjudiciables.

Évolution démographique
1911 1921
451 044 418 310

Les conséquences catastrophiques de la Guerre 1914-1918

La Charente-Inférieure a subi une baisse démographique considérable au lendemain de la Première Guerre mondiale. Le département enregistre alors sa plus forte chute démographique jamais enregistrée jusqu’à cette date. Sa population est passée de 451 044 habitants en 1911 à 418 310 en 1921, soit une décroissance démographique record de 37 734 habitants.

Le Monument aux morts à Migré. Comme toutes les communes de la Charente-Inférieure, un Monument aux morts est érigé en mémoire des soldats tués au front lors de la Première Guerre mondiale.

Dans le détail, cette baisse démographique fait apparaître un excédent des décès de 19 781 habitants dû au seul effet de la guerre. Pas une ville, pas un village, pas un hameau, pas une ferme qui n'ait été épargné par ce désastre où nombre de jeunes ont été envoyés au front comme de la chair à canon. Ces pertes humaines bien inutiles sont maintenant gravées dans la pierre, sur les longues listes des Monuments aux morts élevés au cœur des places de chaque village et de chaque ville du département à partir du début des années 1920.

La disparition des jeunes générations a entraîné inéluctablement une forte augmentation du taux de mortalité dans l'Entre-deux-Guerres, accélérant de fait le processus du vieillissement de la population départementale, déjà en place avant la Grande Guerre. Les conséquences les plus graves d'une telle démographie sont le manque de renouvellement de la population avec comme corollaires une baisse des mariages et la dénatalité. D'ailleurs, de 1918 jusqu'à la veille de la Seconde Guerre mondiale, les naissances sont constamment demeurées inférieures aux décès. Dans la période 1921-1936, l'excédent cumulé des décès sur les naissances a été de 1 539 dont plus de la moitié (775) sur la courte période de 1931-1936.

Le processus de l'exode rural, enclenché depuis la Monarchie de Juillet, puis intensifié depuis la crise du phylloxéra de 1875, n'a pas faibli au lendemain du premier conflit mondial. Il s'est même maintenu à un rythme élevé après la Grande Guerre puisque, de 1911 à 1921, le département a enregistré un solde migratoire fortement négatif de 15 870 habitants. Cette émigration de population va exercer dans la décennie suivante un effet négatif sur l'économie départementale où, bien souvent, des forces vives vont manquer et l'esprit d'entreprise péricliter. D'ailleurs, sur ce dernier point, l'exode des couches de la petite et grande bourgeoisie provinciale, déjà observé dans la décennie précédant la Première Guerre mondiale, ne va que s'amplifier et être à l'origine de l'atonie économique de la Charente-Inférieure, touchant en premier lieu les villages et les petites villes. En Charente-Inférieure, il est clair que le déclin des industries rurales dans les villages et des industries traditionnelles dans les petites villes date de cette période de l'Entre-deux-Guerres et trouve son origine à la fois dans les hommes tués au front et au tarissement des artisans, des entrepreneurs et des industriels.

Le problème chronique de l’exode rural combiné à la baisse de la natalité ont généré un vieillissement prématuré de la population du département qui s'en ressentira fortement dans la période de l'entre-deux-guerres. Ce manque de vitalité démographique se retrouve également dans les villes, surtout les petites villes qui auront beaucoup de difficultés à surmonter le désastre de la Grande Guerre.

Le lourd tribut des villes de garnisons à la Grande Guerre

Si les villes comme les campagnes ont été durement touchées par le conflit, ce sont surtout les villes qui abritaient d'importantes casernes militaires comme Rochefort, Saintes, Saint-Jean-d'Angély, Marennes, Le Château-d'Oléron qui ont enregistré les plus fortes baisses de population à la fin des hostilités. Fait peu connu de l'histoire, parmi les dix premières villes de Poitou-Charentes à avoir perdu le plus grand nombre d'habitants entre 1911 et 1921, six proviennent de la Charente-Inférieure. En août 1914, tous ces régiments et les jeunes qui y sont incorporés sont mobilisés et partent au front mais, après l'armistice du 11 novembre 1918, des milliers d'hommes ne reviennent pas, les statistiques démographiques dans le tableau ci-dessous parlent d'elles-mêmes.

Évolution démographique des villes de la Charente-Inférieure de 1911 à 1921
Ville 1911 1921 Variation absolue Variation relative
La Rochelle 36 371 hab. 39 770 hab. +3 399 hab. + 9,3 %.
Rochefort 35 019 hab. 29 473 hab. -5 546 hab. - 15,8 %.
Saintes 20 802 hab. 19 152 hab. -1 650 hab. - 7,9 %.
Royan 9 330 hab. 10 242 hab. + 912 hab. + 9,8 %.
Saint-Jean-d'Angély 7 060 hab. 6 541 hab. - 519 hab. - 7,4 %.
Tonnay-Charente 4 911 hab. 4 529 hab. - 382 hab. - 7,8 %.
Pons 4 549 hab. 4 368 hab. - 181 hab. - 4 %.
Marennes 4 519 hab. 3 900 hab. - 619 hab. - 13,7 %.
Marans 4 427 hab. 3 828 hab. - 599 hab. - 13,5 %.
Surgères 3 579 hab. 3 557 hab. - 22 hab. - 0,6 %.
La Tremblade 3 547 hab. 3 207 hab. - 340 hab. - 9,6 %.
Le Château-d'Oléron 3 734 hab. 3 142 hab. - 592 hab. - 15,9 %.
Jonzac 3 210 hab. 2 896 hab. - 314 hab. - 9,8 %.
Saujon 3 137 hab. 2 852 hab. - 285 hab. - 9,1 %.

Selon le tableau ci-dessus, douze villes sur les quatorze villes de la Charente-Inférieure ont perdu de la population entre 1911 et 1921. Dans cette décennie, la population urbaine a perdu 10 763 habitants dont la moitié par la seule ville militaire de Rochefort.

Si La Rochelle et Royan ont exceptionnellement gagné des habitants entre 1911 et 1921 - et elles sont d'ailleurs les deux seules villes à avoir accru leur population -, la première doit cette situation grâce à la reprise dynamique et rapide des industries et de la pêche industrielle nécessitant une main d'œuvre très nombreuse, la seconde le doit grâce à sa fonction de villégiature et probablement à un rôle de ville refuge. Bien que La Rochelle abritait d'importantes casernes militaires, la forte attractivité de la ville et l'industrialisation de La Pallice lui ont permis de masquer une perte démographique qui a dû être très importante comme partout ailleurs dans les autres villes de sa dimension. En Poitou-Charentes, cette croissance démographique lui permet de devancer Poitiers et en fait alors la ville la plus peuplée de la région pendant toute la période de l'Entre-deux-Guerres. Cette situation à la fois surprenante et exceptionnelle dans un contexte de chute démographique générale détonne singulièrement avec toutes les autres villes du département et même de la région Poitou-Charentes.

En effet, ces dernières enregistrent toutes des baisses de population plus ou moins sévères selon les fonctions urbaines qu'elles exercent. Parmi celles-ci figurent toutes les villes abritant des casernes militaires et qui ont été marquées par de très lourdes pertes humaines.

C'est le cas notamment de Rochefort qui est la plus gravement touchée au point que cette ville ne retrouvera plus son niveau démographique d'avant-guerre. L'hécatombe observée à Rochefort, qui perd 5 546 habitants, est la plus importante qui soit observée dans tout le département comme dans toute la région Poitou-Charentes. A titre comparatif, les villes de Poitiers et d'Angoulême qui étaient des villes de la même importance que Rochefort avant guerre, ont perdu moins d'habitants que cette dernière, respectivement - 3 579 habitants et -3 316 habitants. Elles aussi étaient de grosses villes de garnisons.

Saintes a également payé un lourd tribut à la guerre 1914-1918 enregistrant une perte de 1 650 habitants. Cette forte baisse démographique, qui est la deuxième plus importante en Charente-Inférieure et la quatrième en Poitou-Charentes, est en relation là aussi avec les nombreux soldats tués pendant la guerre. Saintes en effet abritait d'importantes garnisons depuis l'époque napoléonienne. A la suite de cette guerre d'ailleurs, Saintes va perdre son rôle de fonction militaire. Toutes les casernes militaires qui occupaient le site de l'Abbaye-aux-Dames depuis les évènements de la Révolution seront fermées en 1924 et le champs de manœuvre situé à proximité sera reconverti en jardin public.

La lourde perte démographique constatée à Marennes (- 619 habitants) en fait la troisième ville de Charente-Inférieure la plus meurtrie par la guerre de 1914-1918. En Poitou-Charentes, elle est la sixième ville à avoir perdu le plus d'habitants, se classant après Rochefort, Poitiers, Angoulême, Saintes, Parthenay (- 962) et Châtellerault (-660). Ses nombreux soldats morts au front résidaient avant la mobilisation générale dans la vaste caserne implantée à l'entrée de la ville sur la route de Saintes. La caserne Commandant-Lucas fut construite en 1907 et était destinée à loger le troisième régiment d'infanterie coloniale. Au lendemain de la Grande Guerre, cette caserne verra ses activités fortement réduites.

Marans, Le Château-d'Oléron et Saint-Jean-d'Angély enregistrent des baisses de population particulièrement élevées, respectivement - 599 habitants, - 592 habitants et - 519 habitants. Elles font également partie des dix villes de Poitou-Charentes à avoir perdu le plus d'habitants entre 1911 et 1921. Les deux dernières villes abritaient des casernes militaires très importantes. La baisse démographique de Marans est exceptionnellement élevée et difficile à expliquer d'autant plus qu'elle n'abritait pas de casernes. Peut-être Marans a-t-elle fourni un gros effort de guerre par l'envoi massif de volontaires au front en raison d'une population plus jeune que dans les autres villes de taille comparable. Ou bien est-ce à la fois la combinaison d'un déclin démographique d'avant-guerre qui s'est poursuivi et d'un nombre important de jeunes tués pendant cette guerre incroyablement meurtrière.

Les effets démographiques sur les douze villes les plus touchées par les pertes humaines seront particulièrement catastrophiques dans les deux décennies suivantes. En effet, en 1936, hormis Saintes, La Tremblade et Jonzac, toutes les autres villes ne retrouveront pas ou ne dépasseront pas leur chiffre de population d'avant-guerre.

Dans l'entre-deux-guerres, le département entre dans une période de stagnation démographique qui durera jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

La stagnation démographique de l'Entre-deux-Guerres

Dans la période de l’Entre-deux-Guerres, la démographie du département est caractérisée par une relative stagnation démographique, qui s’explique à la fois par un léger fléchissement de l’exode rural et par le retour d'un solde migratoire positif. C’est dans cette période que le département enregistre d’ailleurs son plus bas niveau de population de tout le XXe siècle où, en 1931, il ne compte plus que 415 249 habitants.

Évolution démographique de la Charente-Inférieure de 1921 à 1936 :

Évolution démographique
1921 1926 1931 1936
418 310 417 789 415 249 419 021

Une stagnation démographique favorisée par un retour du solde migratoire positif

L'apport de 9 200 habitants venant principalement de la Vendée et relevant quelque peu le taux de migration permet de stabiliser la population de la Charente-Inférieure dans l'Entre-deux-Guerres.

D'ailleurs, grâce à cet excédent migratoire, la population du département repart doucement à la hausse jugulant un taux de mortalité élevé, puisque de 1931 à 1936, la Charente-Inférieure voit sa population croitre de + 3 772 habitants. Cette légère croissance démographique lui permet de rattraper son niveau de population de 1921 et même de le dépasser mais pas celui d'avant la guerre.

Ce retour au solde migratoire positif signale un ralentissement certain de l'exode rural qui n'est certes pas stoppé mais qui se poursuit avec une moindre ampleur.

Le ralentissement de l'exode rural pendant l'entre-deux-guerres

Globalement, l'exode rural se ralentit dans le département dans la période de l'entre-deux-guerres. Certes, il n'est pas enrayé et nombre de villages continuent de perdre de la population mais beaucoup moins que dans la décennie qui a suivi la crise du phylloxéra. Quelques gros bourgs ruraux dont les chefs-lieux de canton voient même leur population se stabiliser, et quelquefois légèrement augmenter à la veille de la Deuxième Guerre mondiale. Ce qui est le cas par exemple de La Jarrie en Aunis ou de Matha, Cozes et Tonnay-Boutonne en Saintonge.

Les deux tableaux ci-dessous montrent que, si la majorité des villages continue de perdre de la population, cette décroissance s'est nettement ralentie.

Évolution démographique de quelques communes viticoles de la Saintonge de 1921 à 1931
commune 1921 1926 1931 1936
Archiac 728 805 793 779
Burie 1 262 1 201 1 230 1 178
Chérac 1 049 1 001 974 950
Cozes 1 379 1 370 1 433 1 441
Ecoyeux 818 814 780 764
Matha 1 905 1 921 1 890 1 934
Meursac 1 074 1 061 1 046 1 052
Mirambeau 1 751 1 770 1 744 1 675
Saint-Hilaire-de-Villefranche 1 080 1 042 984 976
Taillebourg 787 729 734 683
Évolution démographique de quelques communes de l'Aunis de 1921 à 1936
Commune 1921 1926 1931 1936
Aigrefeuille d'Aunis 1 498 1 438 1 369 1 349
La Jarrie 716 713 711 737
Marsais 1 039 955 916 891
Saint-Georges-du-Bois 1 375 1 363 1 234 1 157
Saint-Jean-de-Liversay 1 726 1 652 1 594 1 525
Saint-Mard 1 031 1 038 1 030 952
Saint-Sauveur-d'Aunis 842 780 762 742

Dans la partie saintongeaise de la Charente-Inférieure, les évolutions démographiques sont globalement négatives. L'exode rural qui frappe les communes agricoles de la Saintonge tend cependant à se ralentir dans la période de l'Entre-deux-Guerres. Très peu de villages et de bourgs voient leur population s'accroître dans cette période caractérisée par une agriculture prospère et aux productions diversifiées mais très peu pourvoyeuse d'emplois.

Il en est de même pour l'Aunis qui correspond au nord du département. Les villages et les gros bourgs de l'Aunis continuent de voir leur population chuter malgré la reconversion agricole réussie de cette partie du département et la création d'une active industrie agricole (laiteries, beurreries, caséineries, minoteries, distilleries d'alcools). La plupart de ces villages se vide de leurs habitants qui vont s'installer principalement à La Rochelle, ville alors en pleine expansion urbaine et économique.

Pendant toute la période de l'entre-deux-guerres, cette démographie quelque peu atone du département reflète l'état général d'une économie départementale en léthargie, hormis cependant une agriculture prospère et un littoral relativement attractif.

Une évolution urbaine modérée

Dans l’Entre-deux-Guerres, l’évolution urbaine se maintient dans le département à un rythme modéré, la population urbaine passant de 32,2 % en 1921 à 36,3 % en 1936. Cependant, l’évolution des villes est contrastée.

Évolution de la population urbaine de la Charente-Inférieure de 1921 à 1936
Année 1921 1926 1931 1936
Population urbaine 134 315 hab. 137 013 hab. 139 504 hab. 152 063 hab.
Taux urbain 32,2 % 32,8 % 33,6 % 36,3 %

De 1921 à 1936, le taux de population urbaine a légèrement augmenté pendant que la population départementale a continué de baisser. C'est surtout dans la période 1931-1936 que la population urbaine s'accélère et devient supérieure à ce qu'elle était en 1911.

Les villes principales du département redeviennent attractives à la veille de la Seconde Guerre mondiale et, dans le classement régional, la Rochelle devient la ville la plus peuplée de la région. Sur les dix villes de plus de 10 000 habitants en Poitou-Charentes, quatre sont situées dans la Charente-Inférieure en 1936.

Classement des villes de plus de 10 000 habitants en Poitou-Charentes en 1936
Rang Ville 1936
1 La Rochelle 47 737 hab.
2 Poitiers 44 235 hab.
3 Angoulême 39 399 hab.
4 Rochefort 29 482 hab.
5 Niort 27 830 hab.
6 Saintes 21 160 hab.
7 Châtellerault 19 369 hab.
8 Cognac 16 305 hab.
9 Royan 12 192 hab.
10 Thouars 10 077 hab.

Dans cette période à la démographie atone, seules les villes principales du département retrouvent un certain dynamisme urbain puisque trois d'entre elles (La Rochelle, Saintes et Royan) affichent une population supérieure en 1936 à celle relevée en 1911 alors que, dans l'ensemble, les petites villes sont en déclin, à l'exception des toutes jeunes stations balnéaires qui continuent de se développer et de se transformer en véritables centres de villégiature.

Évolution démographique des quatre villes principales de la Charente-Inférieure de 1921 à 1936
Ville 1921 1926 1931 1936
La Rochelle 39 770 hab. 41 251 hab. 45 043 hab. 47 737 hab.
Rochefort 29 473 hab. 28 275 hab. 26 452 hab. 29 482 hab.
Saintes 19 152 hab. 20 468 hab. 20 592 hab. 21 160 hab.
Royan 10 242 hab. 10 388 hab. 11 328 hab. 12 192 hab.

La Rochelle dépasse définitivement Rochefort et occupe de loin la première place départementale, sa population s’est accrue régulièrement de 1921 à 1936, passant de 39 770 habitants à 47 737 habitants en 1936. Elle fait partie des rares villes dont la population dépasse celle du recensement d'avant-guerre, c'est-à-dire de 1911.

Rochefort, par contre, est entrée dans son déclin depuis le lendemain de la Grande Guerre et la ville va être durement affectée par la fermeture de son arsenal maritime en 1927. De 1921 à 1931, sa population baisse régulièrement mais à partir de 1936, elle se relève vigoureusement et retrouve même son niveau de population de 1921, sans toutefois dépasser celui de 1911. Elle est d'ailleurs la seule ville du département qui n'a jamais retrouvé son niveau de population de 1911. Les conséquences du premier conflit mondial, puis le séisme économique et social provoqué par la fermeture de l'arsenal maritime, ont entraîné Rochefort dans une profonde léthargie urbaine. La ville ne s'en est jamais véritablement relevée par la suite.

Dans cette même période, Saintes s’accroît modérément. Après être repassée au-dessous des 20 000 habitants en 1921, la ville voit sa population croître de nouveau à partir de 1926 et, une décennie plus tard, elle dépasse le niveau de 1911. Elle demeure toujours la troisième ville du département et est relativement attractive.

Royan franchit pour la première fois de son histoire démographique le seuil des 10 000 habitants dès 1921, la station balnéaire ne cesse d’attirer du monde et devient un centre de villégiature très recherché. Elle fait partie des quelques villes du département qui ont dépassé le niveau de 1911.

Saint-Jean-d'Angély conserve sa cinquième place dans le département mais elle s’affaire moyennement et progresse peu. En fait, elle ne retrouve pas son niveau de population d'avant-guerre. Or, cette situation est quasi générale pour toutes les petites villes dont le chiffre de population est presque partout inférieur à celui d'avant la Grande Guerre comme le montre le tableau ci-dessous.

Évolution démographique des petites villes et de quelques stations balnéaires de la Charente-Inférieure de 1921 à 1936
Ville 1911 1921 1926 1931 1936
Saint-Jean-d'Angély 7 060 hab. 6 541 hab. 6 745 hab. 6 610 hab. 6 728 hab.
Tonnay-Charente 4 911 hab. 4 529 hab. 4 495 hab. 4 537 hab. 4 859 hab.
Pons 4 549 hab. 4 368 hab. 4 427 hab. 4 375 hab. 4 266 hab.
Marennes 4 519 hab. 3 900 hab. 4 082 hab. 4 011 hab. 3 957 hab.
La Tremblade 3 547 hab. 3 207 hab. 3 351 hab. 3 438 hab. 3 690 hab.
Marans 4 427 hab. 3 828 hab. 3 707 hab. 3 575 hab. 3 584 hab.
Surgères 3 579 hab. 3 557 hab. 3 550 hab. 3 386 hab. 3 388 hab.
Le Château-d'Oléron 3 734 hab. 3 142 hab. 3 018 hab. 3 061 hab. 3 281 hab.
Jonzac 3 210 hab. 2 896 hab. 3 041 hab. 3 142 hab. 3 250 hab.
Saujon 3 137 hab. 2 852 hab. 2 963 hab. 3 015 hab. 3 063 hab.
Bourcefranc-le-Chapus 2 152 hab. 2 184 hab. 2 401 hab. 2 522 hab. 2 763 hab.
Fouras 2 499 hab. 2 399 hab. 2 322 hab. 2 166 hab. 2 474 hab.
Châtelaillon-Plage 1 183 hab. 1 267 hab. 1 724 hab. 2 106 hab. 2 233 hab.

Parmi les petites villes, seules trois petits centres urbains, La Tremblade, Jonzac et Bourcefranc-le-Chapus, ainsi que Châtelaillon-Plage qui est une station balnéaire non encore inscrite dans la nomenclature des villes, affichent une population supérieure en 1936 à celle de 1911, toutes les autres villes ne retrouvent pas ce niveau, soit elles stagnent, cas de Fouras, soit elles sont en déclin, cas de Pons, de Marennes, de Marans et du Château-d'Oléron, ainsi que de Surgères. D'autres villes se relèvent petit à petit, notamment Tonnay-Charente et Saujon, bien qu'elles ne parviennent pas à dépasser le chiffre de population d'avant-guerre.

Le déclin de Marennes dans l'entre-deux-guerres s'explique fort aisément. Outre la sévère perte démographique enregistrée entre 1911 et 1921, où Marennes fait partie des villes qui ont payé un lourd tribut à la guerre (- 619 habitants), cette petite ville est affectée par toute une série de crises qui ont durement secoué son économie urbaine. En 1920, une épizootie frappe ses parcs à huîtres et menace sérieusement l'ostréiculture locale. La même année, la grosse usine de fabrication de produits chimiques Saint-Gobain ferme ses portes, mettant du coup 200 ouvriers au chômage. En 1926, suite à l'arrêté Poincaré, Marennes perd sa sous-préfecture, ce qui a été un coup terrible pour la ville dont elle s'est à peine relevée par la suite. La ville assiste impuissante à cette série de catastrophes et plonge dans un véritable marasme économique et social, entraînant une dépopulation continuelle de son centre depuis 1911.

Les conséquences démographiques de la Seconde Guerre mondiale

Avant que n’éclate la Seconde Guerre mondiale, la Charente-Inférieure avait recommencé à gagner de nouveaux habitants, passant à 419 021 habitants en 1936. De plus, cette reprise démographique était tirée par les cinq premières villes du département qui enregistraient alors toutes des gains notables de population et laissaient augurer un nouveau dynamisme pour le département. La dernière guerre brisa momentanément cet élan.

A la fin de ce conflit, beaucoup moins meurtrier que le précédent mais plus dévastateur, la Charente-Inférieure qui devient Charente-Maritime enregistre une nouvelle baisse démographique. Le département compte alors 416 187 habitants en 1946. C’est son plus bas niveau démographique depuis le lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

Évolution démographique
1936 1946
419 021 416 187

Là encore, les villes ont payé un lourd tribut à la guerre, cette fois surtout sur le plan matériel, mais la baisse démographique a été somme toute moins sévère par rapport au précédent conflit, la Charente-Maritime ayant perdu 2 834 habitants entre 1936 et 1946.

La Base sous-marine de La Rochelle. Les destructions matérielles pendant la Seconde Guerre mondiale ont été beaucoup plus nombreuses que les vies humaines en Charente-Maritime.

Si un certain nombre de villes ont connu des dévastations pendant ce conflit (quartier et port de La Pallice à La Rochelle, site de l'arsenal à Rochefort, quartier de la gare à Saintes pour ne retenir que les villes principales), une majorité d'entre elles sont devenues des villes refuges et ont gagné de la population entre 1936 et 1946.

La Rochelle a continué de croître mais sa croissance est nettement plus faible que celle de Saintes qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, affiche la plus forte croissance démographique de tout le département (+ 2 281 habitants). Quant à Rochefort, elle ne fait pas partie des villes en croissance. Elle stagne au lendemain de la guerre bien que la ville ait subi des dégâts matériels plutôt limités. En effet, hormis les secteurs de la gare et du port, les destructions ont été circonscrites au site prestigieux de la Corderie royale, inutilement incendiée, lors du retrait des soldats allemands.

Seule Royan peut être considérée à juste titre comme une ville martyre.

Si la station balnéaire a été accidentellement détruite par les bombardements alliés en janvier 1945, puis dévastée au napalm en avril de la même année, elle a néanmoins subi une destruction quasi totale, seul le quartier du Parc a été partiellement préservé. La station a dès lors définitivement perdu son cachet d'antan qui lui assurait une renommée mondiale et un prestige qu'elle n'a plus retrouvé par la suite. Cette double dévastation, totalement inutile du reste, lui a fait perdre presque la moitié de sa population et la ville est passée de 12 192 habitants en 1936 à 6 649 habitants en 1946 (- 5 543 habitants) (soit en variation relative : - 45,5 %). C'est la perte démographique la plus importante de tout le département lors de la dernière guerre mondiale et, pour la première fois depuis le début du XIXe siècle, Royan enregistre une baisse de sa population. Du coup, elle se retrouve à la cinquième place départementale, étant de nouveau distancée par Saint-Jean-d'Angély.

Évolution démographique des villes de la Charente-Maritime de 1936 à 1946
Ville 1936 1946 Variation démographique
La Rochelle 47 737 hab. 48 923 hab. + 1 186
Rochefort 29 482 hab. 29 472 hab. - 10
Saintes 21 160 hab. 23 441 hab. + 2 281
Saint-Jean-d'Angély 6 728 hab. 7 280 hab. + 552
Royan 12 192 hab. 6 649 hab. - 5 543
Tonnay-Charente 4 859 hab. 4 830 hab. - 29
Pons 4 266 hab. 4 442 hab. + 176
Châtelaillon-Plage 2 233 hab. 4 121 hab. + 1 892
La Tremblade 3 690 hab. 4 028 hab. + 338
Marennes 3 957 hab. 3 806 hab. - 151
Jonzac 3 250 hab. 3 771 hab. + 521
Surgères 3 388 hab. 3 552 hab. + 154
Saujon 3 063 hab. 3 469 hab. + 406
Marans 3 584 hab. 3 377 hab. - 207
Fouras 2 474 hab. 3 013 hab. + 539
Le Château-d'Oléron 3 281 hab. 2 864 hab. - 417
Bourcefranc-le-Chapus 2 763 hab. 2 842 hab. + 79


Hormis quatre petites villes, toutes les autres sont en croissance et la performance de Châtelaillon-Plage est des plus inattendues. Il est vrai que les stations balnéaires et touristiques ont joué dans un premier temps le rôle de ville-refuge. C'est aussi le cas de Fouras qui affiche une croissance remarquable et de Saujon qui a accueilli au lendemain de la dernière guerre une partie des habitants de Royan sinistré car, par la suite, cette petite station thermale va stagner jusqu'au seuil des années soixante.

Les sous-préfectures, Saint-Jean-d'Angély et Jonzac, se démarquent nettement dans cette liste par des croissances vigoureuses jamais enregistrées jusque-là, respectivement + 552 habitants et + 521 habitants.

En somme, les petites villes ont gagné des habitants plutôt qu'elles n'en ont perdu, ce qui n'était pas le cas au lendemain de la guerre de 1914-1918. L'explication d'une telle situation provient en partie du fait que les villes de la Charente-Maritime étaient devenues des villes de refuge lors de la débâcle de mai 1940 qui avait provoqué le dramatique exode des populations du Nord de la France vers l'ouest et le sud-ouest du pays. Une partie de ces populations exilées s'est finalement fixée dans le département, principalement dans les villes, grandes et petites, malgré le fait que la Charente-Maritime était en zone d'occupation dès juin 1940.

La Porte Ouest, un des accès à la citadelle du Château-d'Oléron. Cette petite ville a subi d'importantes destructions a la fin de la Seconde Guerre mondiale et elle est la deuxième ville de Charente-Maritime à avoir perdu le plus grand nombre d'habitants après Royan.

En ce qui concerne les petites villes en baisse démographique, figure parmi celles-ci Tonnay-Charente qui, en fait, stagne plutôt qu'elle régresse. Ce qui n'est pas le cas des trois autres petites villes qui ont subi une décroissance assez importante, notamment Le Château-d'Oléron. Cette dernière, après avoir subi de gros dégâts matériels avec la destruction inutile de sa citadelle historique et de son arsenal militaire, alors désaffecté, lors du retrait des troupes d'occupation, est la deuxième ville de la Charente-Maritime à avoir perdu le plus grand nombre d'habitants (-417 habitants). Quant à Marans et Marennes, elles ont perdu respectivement 207 habitants et 151 habitants, enregistrant en même temps leur plus bas niveau de population depuis le début du XIXe siècle. Marennes entre dans une véritable crise urbaine au point qu'elle est dépassée par La Tremblade, sur la rive gauche de la Seudre, alors en plein essor démographique et économique. La chute démographique de Marans est assez spectaculaire ; au lendemain de la dernière guerre, elle ne figure même plus dans la liste des douze premières villes du département.

Malgré les séquelles matérielles assez lourdes laissées par la Seconde Guerre mondiale et ses conséquences dramatiques sur le plan humain, le département s'est relevé avec une vitalité exceptionnelle dans les années d'après-guerre.

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