Histoire du recensement de la population en France - Définition

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Les recensements nominatifs modernes : de 1666 à 1801

Colbert : l'enquête nationale de 1664 et le recensement de 1666 en Nouvelle-France

En 1664, l'intendant des finances Colbert adresse un mémoire aux maîtres des requêtes commis dans les généralités pour les charger d'une enquête générale financière, économique et sociale dans leur circonscription, qui inclut un dénombrement des paroisses, des feux et des personnes imposables âgées de huit ans et plus. Mais il ne comporte pas encore un recensement de population « tête par tête ».

Par contre, c'est alors que la Nouvelle-France est sous le contrôle de Colbert, en tant que ministre de la marine, que Jean Talon, le premier intendant de la Nouvelle-France y réalisera en février-mars 1666 le premier recensement nominatif des temps modernes. Le recensement de cette colonie de l’actuel Canada faisait suite à divers dénombrements (Port-Royal, 1605 ; Québec, 1628) et avait été conduit selon le principe de jure, chaque personne étant dénombrée à son lieu habituel de résidence. Le recensement a permis d’obtenir une évaluation des richesses industrielles et agricoles de la colonie (ressources forestières et minérales, nombre d'animaux domestiques, d'immeubles publics et d'églises, etc.) et un tableau complet des 3.215 habitants d'ascendance européenne (hors membres d'ordres religieux) par âge, sexe, état matrimonial (il y avait 17 hommes pour une femme parmi les individus âgés de 16 ans et plus ni mariés ni veufs), profession et lien avec le chef de famille.. L'opération a été suivie de nombreux recensements successifs. C’est aussi sous Colbert qu’eut lieu l’enquête sur les paroisses de 1677.

Vauban : des dénombrements urbains (1676) au Projet de Dixme Royale (1707)

Toute sa vie, Vauban s'est intéressé à la démographie et à l’économie, et a été un avocat inlassable des « dénombrements ». Par ce terme il entendait à la fois le recensement de la population et le dénombrement des actifs économiques et de la production. Il proposait de réaliser ce qu’on appellerait aujourd’hui des monographies, à l’échelle de la paroisse, de la province ou même de la nation, combinant recensement démographique, recensement agricole, recensement industriel et autres enquêtes socio-économiques sur la totalité de la population.

Les dénombrements urbains

Alors gouverneur de Valenciennes, Vauban ordonne en 1676, puis en 1680, le dénombrement individuel de tous les habitants : hommes et femmes, garçons et filles, valets et servantes, y compris les étrangers résidant dans la ville. La même opération sera renouvelée en 1686.

Devenu gouverneur de Douai, Vauban expérimente en 1682 un dénombrement par formulaire de la population de la ville et des villages qu’elle commande. Ce « dénombrement du peuple de la ville de Douai distingué par les qualitez, noms et surnoms des familles et par les sexes, achevé le 10 de décembre de l’année 1682. » abandonne le concept flou de feu : il est nominal, conduit maison par maison, incluant les domestiques des deux sexes et les écoliers.

Il est probable que les expériences de Vauban aient inspiré les nombreux recensements locaux des années 1680. Par exemple, des dénombrements « tête par tête » de la ville de Dunkerque seront conduits en 1685 et en 1686 « sur le modèle donné par M. de Vauban ». Leur analyse fournira le détail de la population par sexe, par âge, et par profession.. D'autres recensements urbains seront conduits à Tours en 1681, à Gravelines et Ypres en 1685 et 1698, à Bergues, Furnes et Bourbourg en 1686, à Lille en 1688, etc.

Au delà des centres urbains, la méthode sera appliquée au niveau régional à l'Ile d'Oléron en 1685 et en Franche-Comté en 1686.

La « Méthode générale et facile pour faire le dénombrement des peuples » (1686)

En 1686, Vauban fait publier en quelques exemplaires une « Méthode générale et facile pour faire le dénombrement des peuples » par l’imprimerie de la veuve d’Antoine Chrestien à Paris, sans nom d’auteur. Vauban y soutenait que des dénombrements de population étaient possibles. Il y montrait les tableaux à colonnes imprimés d’avance qu’il avait inventé, et qu’on devait « faire remplir par les autorités locales : consuls, curés de paroisse, ou dizeniers », et il montrait que l’opération était faisable, dans un temps relativement court.

La Description Géographique de l’Élection de Vézelay (1696)

Vauban publie en janvier 1696 la « Description de l’élection de Vézelay » qui comporte un travail de recensement statistique très moderne dans ses méthodes et fait le bilan des ressources agricoles, de l’accroissement des bêtes et de la pauvreté des habitants sur un espace géographique limité, une « élection » (unité de juridiction fiscale). L’ouvrage sera un modèle pour les enquêtes démographiques, économiques ou géographiques qui lui feront suite.

Le « Projet d’une Dixme Royale » (1707)

Dans La Dîme royale, publiée en 1707, Vauban propose de remplacer les impôts et taxes existants par le prélèvement d’un pourcentage donné (6 % ou 7 % au maximum) sur le produit national, variable selon les catégories économiques et sociales. Cette dîme serait payée par tous. Seraient ainsi imposés « le clergé et les militaires, les valets et servantes, les fermiers généraux, les titulaires de l’ordre de Saint-Louis, selon la richesse de chacun, estimée en fonction de l’effectif des animaux (chevaux, bœufs, vaches, cochons…), des vins consommés, des surfaces de labours, prés et vignes, lacs, hectares de forêts possédés (...) ». La mise en œuvre de la proposition requiert la réalisation d’un recensement à la fois démographique et économique utilisant des tableaux pré-imprimés, que l’ouvrage décrit en détail, reprenant la « méthode générale » de 1686.

Le recensement de 1694 et l’enquête de 1697-1700

Le 31 octobre 1694, Louis Phélypeaux, comte de Pontchartrain, contrôleur général des finances, secrétaire d'État à la Marine et secrétaire d'État à la Maison du Roi, envoie une circulaire à tous les intendants du royaume en vue de réaliser un dénombrement « tête par tête » de toute la population française à l’occasion de la capitation. Celui-ci devait indiquer le nombre de « maisons, chefs de famille, femmes, enfants, valets, servantes et mendiants ». La plupart des mémoires préparés par les intendants entre 1697 et 1699 et envoyés à Paris ont été perdus, mais les principaux résultats seront publiés en 1709 par un libraire, Claude Marin Saugrain, dans son Dénombrement du royaume. Saugrain divise la France en régions, puis en « élections » et en paroisses, donne pour chaque unité le nombre de « feux » et une estimation de la population, ainsi que de nombreuses données sur l’agriculture, l’industrie et le commerce.

Le marquis Paul de Beauvilliers, président du Conseil des Finances, à qui Louis XIV avait confié l'éducation de son petit-fils le duc de Bourgogne, Fénelon, précepteur du prince et le duc de Chevreuse ordonnèrent une grande enquête à tous les intendants en 1697-1700, cherchant à savoir non seulement le nombre des hommes, mais s’il y avait eu diminution de la production à la suite du départ des Huguenots. Les résultats, de qualité souvent médiocre, seront publiés par le marquis de Boulainvilliers et le libraire Saugrain, qui y mettra à jour les chiffres publiées en 1709.

De 1700 à la Révolution

Les recensements, dénombrements et enquêtes nationales se succéderont alors à intervalles irréguliers, sans grand souci de cohérence. Une enquête nationale sur la population et les ressources en grain sera conduite en 1709. Un dénombrement national des feux est effectué en 1713, mais beaucoup de régions n'enverront pas de données. De grandes enquêtes sur la population du royaume seront lancées en 1730, 1745 et 1764, mais peu de résultats seront obtenus. Pour faciliter le logement de ses troupes, Louis XV avait prescrit le 1er mars 1768 la numérotation des maisons dans toutes les villes du royaume. Dans plusieurs régions, l’exécution de l'ordonnance royale sera accompagnée d'un état nominatif de tous les habitants. Un « relevé général des feux » sera conduit en 1784-1786. Un recensement de la Bourgogne aura lieu en 1786, ainsi que de nombreux dénombrements dans diverses provinces.

C’est l’abbé Terray, contrôleur général des finances, qui prit l’initiative la plus originale. Tirant profit de l’amélioration des données d’état civil et des méthodes d’estimation de la population à partir des taux bruts de natalité, il demanda aux intendants, par une circulaire du 14 août 1772, de lui adresser non le dénombrement des habitants, mais le relevé annuel des naissances, mariages, et décès survenus dans leur généralité depuis 1770. Ses ordres furent exécutés jusqu’en 1790.

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