Une circulaire inspirée par le docteur René Barthe et parue au JO du 9 Juin 1940 définit des instructions pour l’établissement de services médico-sociaux dans les établissements visés par le code du travail. Ce texte sera repris par la Loi du 28 Juillet 1942 du régime de Vichy qui instaurera l’obligation de la médecine du travail.
Le recours à des médecins d’entreprise et à des visites d’embauche est une pratique qui, dans certaines compagnies, et en particulier dans les mines et carrières remonte au XIX ème siècle. En 1810, un premier décret impose au patronat de payer les frais médicaux des ouvriers blessés lors des accidents du travail. Dans une logique de gestion optimale des coûts, les propriétaires de mine engagent alors les premiers médecins d’entreprise et ouvrent même des hôpitaux spécialisés. Concentrés au départ uniquement sur les accidentés du travail, ces services vont étendre leurs préoccupations à l’état de santé général des mineurs puis prendre en charge l’ensemble des familles. Un moyen efficace de maintenir la paix sociale parmi une population soumise à des conditions de vie et de travail difficiles. C’est le tout premier modèle de sécurité sociale. La même année, un autre décret met en place une inspection et un contrôle des établissements industriels insalubres, incommodes ou dangereux. Plus tard cette pratique sera étendue aux transports (chemin de fer). Après la loi de 1898 sur les accidents du travail avec son extension aux maladies professionnelles les compagnies d’assurance qui prennent en charge ce risque encouragent les entreprises à créer des services médicaux du travail pour se prémunir des conséquences financières des atteintes de la santé des salariés. Mais l’idée d’une véritable profession définie sur des bases claires, officialisée par l’État, et tout à la fois reconnue par les employeurs, les salariés et les médecins, ne s’installe que progressivement à partir de la 1ère guerre mondiale. En 1915 Albert Thomas crée au ministère de l’armement une inspection médicale des usines de guerre dont la direction fut confiée à Etienne Martin professeur de médecine légale à la faculté de médecine de Lyon. Les origines de la médecine du travail en France sont donc liées à la médecine légale, les médecins légistes étant formés en toxicologie et jouant un rôle d’expert auprès des tribunaux et non aux chaires d’hygiène comme dans d’autres pays.
A la même époque, après la première guerre mondiale, furent créés des services médicaux du travail dans certaines entreprises comme la société d’éclairage, chauffage et force motrice de Gennevilliers qui recruta le docteur René Barthe un jeune médecin démobilisé qui chercha à transposer dans l’usine le rôle qu’ils venait de jouer à l’armée comme médecin de bataillon. Durant les années 1923 à 1930, il organisa l'un des premiers services de médecine du travail et développera le concept de médecine préventive. Il révolutionne le rôle du médecin d'usine en l'articulant autour de 6 pôles principaux :
René Barthe se dégage donc d'une vision purement fonctionnelle de la médecine du travail pour orienter la discipline également vers la prévention et la protection du travailleur. Pour ce faire, il montrera toute l'importance de l'association entre le médecin, l'ingénieur et l'assistante sociale et créera les premiers dossiers médicaux d'usine. Cette expérience de médecine d’entreprise qui fera l’objet de publications dans les revues spécialisées qui commencent à paraître (Le travail humain, la Revue de Médecine du Travail, Le médecin d’usine) servira de base à la constitution d’une doctrine de la médecine du travail qui prend forme dans l’entre deux guerres. René Barthe est considéré comme l'un des pères fondateurs de la médecine du travail moderne. Cette tendance plus sociale est également représentée par Guy Hauser qui au moment du front populaire, créa une consultation de pathologie professionnelle ainsi que la revue Archive des maladies professionnelles en 1938.
C’est également à ce moment que se mettent en place les premiers enseignements spécialisés en toxicologie industrielle et physiologie du travail au conservatoire national des arts et métiers (CNAM) et que es premiers instituts universitaires de médecine du travail sont créés en 1930 à Lyon, 1933 à Paris et 1935 à Lille. Ils vont avoir en charge la formation des médecins d’usines, la recherche scientifique, mais aussi un but social puisque la documentation, l’enseignement et la recherche seront à la disposition des travailleurs et des industriels. Un diplôme d’hygiène industrielle et de médecine du travail est créé en 1933.
Peu à peu la réglementation étend le champ de la médecine du travail qui va s’étendre progressivement à un grand nombre de salariés. En 1934 est rendu obligatoire le contrôle médical de certaines catégories de travailleurs en situation de risque particulier, à l’embauche et périodiquement.
Un décret du 7 Juillet 1937 créa un corps de médecins conseils de l’inspection du travail afin d’aider les inspecteurs du travail à appliquer les dispositions réglementaires à caractère médical.