Les sources historiques plus nombreuses (sources épigraphiques, relations de voyage européennes, archéologie et traditions orales) permettent de mieux connaître l'histoire de l'archipel à partir du XVe siècle.
Les Shirazi constituent un clan prestigieux et charismatique présent dans tout l'Océan indien occidental. Il s'agit de groupes islamisés originaire du golfe Persique (notamment de Siraf, le port de Shiraz) et qui s'établirent à la faveur des contacts commerciaux sur le littoral africain où ils fondèrent des sultanats. Ils s'établirent ainsi d'abord à Mogadiscio et à Barawa dans le Bénadir à partir du IXe siècle. On retrouve des princes shirazi à Kilwa, à partir du XIIe siècle, ainsi que sur l'île de Zanzibar au XIIIe siècle. L'important changement dynastique connu à Kilwa à la fin du XIIIe siècle avec l'avènement du sultan al-Hassan bin Talib entraîne l'exil de princes shirazi vers les Comores. C'est en effet au XIIIe siècle où se situe l'arrivée de princes shirazi aux Comores (légendes de l'arrivée de princesses shirazi à Ngazidja, mariage de la fille du fani Othman de Domoni à un "arabe"). À cette première vague succède au XVe siècle une nouvelle installation de shirazi à Anjouan et à Mayotte, celle-ci aboutissant à la création de véritables sultanats.
Jusqu'à la fin du XVe siècle, l'île de Mayotte est morcelée en territoires indépendants commandés par des chefs, les "Fani". Ces derniers, hommes ou femmes (islamisés comme en témoignent les patronymes musulmans que la tradition leur attribue) constituent une aristocratie d'influence swahili et malgache héritière des siècles passés. Venu d'Anjouan où le clan shirazi est établi depuis plusieurs générations, Attoumani ben Mohamed, par mariage avec la fille du puissant fani de Mtsamboro (Mwalimu Poro) fonde la première dynastie princière de l'île. De ce mariage naquit Jumbe Amina qui épousa le sultan d'Anjouan, Mohamed ben Hassan. Par ce mariage, le sultanat d'Anjouan, dominant déjà Mohéli, étendait son influence à Mayotte. De ce mariage naquit Aïssa ben Mohamed. Celui-ci hérita, par sa mère Amina, du droit de régner sur le sultanat de Mayotte, qui dès lors affirma son indépendance vis-à-vis du sultanat d'Anjouan. La capitale fut alors transférée de Mtsamboro à Tsingoni (Chingoni) vers 1530. En 1538 était inaugurée la mosquée royale en partie conservée aujourd'hui.
Mihrab de la mosquée shirazi de Tsingoni (1538): il a été construit par le sultan Issa ben Mohamed, troisième sultan de Mayotte | relevé des inscriptions scellées dans le mihrab et donnant son année de construction |
Le règne d'Aïssa (40 ans d'après certaines traditions) est une période de prospérité pendant laquelle le sultanat est consolidé (domination de tous les anciens Fani qui conservent néanmoins une partie de leurs anciens pouvoirs en exerçant localement la fonction de vizir), affirme son indépendance vis-à-vis d'Anjouan (fortification de localités de la côte occidentale -face à Anjouan-), et s'ancre dans la culture swahili (développement dans plusieurs localités de quartiers urbains en pierre, alliances matrimoniales avec les clans hadrami de l'archipel swahili de Pate, "plaque tournante" entretenant des réseaux commerciaux entre Madagascar, les Comores et la péninsule sudarabique (notamment pour la traite des esclaves malgaches). C'est en 1557, durant le règne d'Aïssa, qu'une flotte portugaise commandée par Baltazar Lobo da Susa explore l'île, seulement signalée par les Portugais en 1506.
La succession des règnes s’appuie sur les différentes traditions existantes - notamment celle du cadi Omar Aboubacar de 1865 - confrontées aux sources historiques disponibles.
sultan | dates de règne |
---|---|
Attoumani ibn Ahmed (ou Uthman ibn Ahmed) | seconde moitié du XVe siècle |
Mohamed ibn Hassan dit Mchindra « le vainqueur » | |
‘Issa (ou Ali ?) ibn Mohamed | v1530-fin XVIe siècle |
Ali ibn Bwana Foumou ibn Ali | |
Umar ibn Ali | 1643-v1680 |
Ali ibn Umar | |
Ma naou binti Mwé Fani | |
Aboubakar ibn Umar | v1700-1727 |
Salimou ibn Mwé Fani | 1727-1750 |
Bwana Kombo ibn Salim | 1752-v1790 |
Saleh ibn Mohamed ibn Bechir el Monzari | vers 1790-1807 |
Souhali ibn Salim | 1807-1817 |
Mahona Amadi | 1817-1829 |
Bwana Combo | 1829-1836 |
Andriantsoly | 1832-1833, 1836-1845 |
Lorsqu'une flotte portugaise baptise l'île de Mayotte, en décembre 1503, l'île du Saint Esprit, en référence à l'un des navires de l'escadre, cela fait plus de six siècles que cette île est connue et fréquentée par des navigateurs arabes. Déjà au XVe siècle, Ibn Majid signale l'île de "Maouta" alors que l'archipel d'Al Qomor est décrit au XIIe siècle par Al Idrisi. Il semble que les premiers Européens à en fouler le sol soient l'équipage de la flotte de Baltazar Lobo da Susa, en 1557, puisqu'il est le premier a nous en livrer une description précise sur ses habitants. Cependant, la présence européenne à Mayotte est rare jusqu'au XIXe siècle. Mais chaque description qu'elle fournit par ces relations de voyages sont très précieuses en l'absence de sources historiques directes comoriennes.