Groupe fondamental - Définition

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Introduction

En mathématiques, et plus spécifiquement en topologie algébrique, le groupe fondamental, ou groupe de Poincaré, est un invariant topologique. Le groupe fondamental d'un espace topologique pointé (X, p) est, par définition, l'ensemble des classes d'homotopie de lacets (arcs fermés) de X d'origine et d'extrémité p. C'est un groupe dont la loi de composition interne est induite par la concaténation des arcs.

L'examen des groupes fondamentaux permet de prouver que deux espaces ne peuvent être homéomorphes, ou topologiquement équivalents. Le groupe fondamental permet de classifier les revêtements d'un espace connexe par arcs, à un isomorphisme près.

Une généralisation des groupes fondamentaux est la suite des groupes d'homotopie supérieurs. Pour cette raison, le groupe fondamental est aussi appelé premier groupe d'homotopie.

Le groupe fondamental fut introduit par Henri Poincaré dans la douzième section de son article intitulé Analysis Situs, paru en 1895 et annoncé dans une note aux Comptes-rendus de l'Académie des Sciences, parue en 1892.

Définition intuitive à travers l'exemple du tore

Un lacet sur le tore bidimensionnel de point de départ p

Tout d'abord, familiarisons-nous avec l'idée du groupe fondamental à travers l'exemple du tore bidimensionnel (qu'on peut se représenter comme étant la surface d'un donut ou d'une bouée). On fixe sur le tore un point de départ p.

À partir de ce point, on peut construire des lacets, i.e des courbes fermées, qui partent du point p, se promènent sur le tore et qui reviennent au point de départ. Imaginons que les lacets soient faits à partir de caoutchouc comme un élastique et qu'il soit ainsi possible de les étirer, les déformer de telle manière que le point de départ et le point d'arrivée soient toujours p et que les lacets se déplacent toujours sur le tore. Une telle déformation s'appelle une homotopie : on dit que deux lacets qui peuvent s'obtenir l'un à partir de l'autre par une homotopie sont homotopiquement équivalents. Ce sont les lacets à déformation près qui nous intéressent : on regroupe donc les lacets dans des classes d'homotopie. Le groupe fondamental du tore est l'ensemble des différentes classes d'homotopie des lacets.

a et b ne sont pas homotopiquement équivalents

Dans la figure ci-contre, les lacets a et b ne sont pas homotopiquement équivalents : on ne peut obtenir l'un en déformant continûment le second sans le « déchirer » à un moment, ils représentent deux éléments distincts du groupe fondamental. On obtient d'autres classes d'homotopie en faisant tourner les lacets plusieurs fois autour du trou.

Concaténé de deux lacets

Comme son nom l'indique, le groupe fondamental n'est pas un simple ensemble, il est muni d'une structure de groupe : la loi de composition interne est celle qui à deux lacets associe un troisième lacet obtenu en parcourant le premier puis le second à la même vitesse (il n'y a pas de problèmes de définition puisque les lacets commencent et terminent avec le même point p). L'élément neutre du groupe fondamental est la classe d'homotopie du lacet qui reste au point p. On obtient un élément inverse en parcourant les lacets d'une classe d'homotopie dans le sens contraire.

Exemples

Convexes d'un espace euclidien

Soit E un espace euclidien de dimension n, où n est un entier strictement positif. On dispose de la propriété suivante :

  • Le groupe fondamental d'un ensemble convexe C non vide de E est trivial. Autrement dit, un convexe d'un espace euclidien (plus généralement d'un espace vectoriel topologique localement convexe) est simplement connexe.

Si p est un élément de C, l'objectif est de montrer que π1(C,p) est le groupe trivial, ou encore que tout lacet γ basé en p est homotope au point p, c'est-à-dire au lacet constant valant p. Pour cela on définit une application H : [0 1]2C définie par :

\forall t,x \in [0,1]\quad H(t,x)= tp + (1-t)\gamma(x)

L'application H est manifestement continue, comme γ(x) et p sont deux éléments de C, pour toutes valeurs de t H(t,x) est élément de C car C est convexe. L'application H définit bien une homotopie entre le lacet constant et γ.

Cercle

Le terme de cercle désigne ici un espace homéomorphe à l'ensemble des points situées à une distance constante non nulle d'un point c d'un plan euclidien. Ainsi, l'ensemble des nombres complexes de module 1 ou encore R/Z sont des cercles. Le cercle est noté ici S1 et est identifié aux nombres complexes de module 1.

  • Le groupe fondamental du cercle est isomorphe à Z l'ensemble des nombres entiers.

Intuitivement, ce résultat est évident. On considère ici π1(S1,1), c'est-à-dire que le point de base est 1. Si le chemin considéré fait n tours dans le sens trigonométrique, on a envie de lui associer par l'isomorphisme de groupe μ de Z dans π1(S1,1) qui, à la valeur m, associe une classe de lacets qui fait m tours, dans le sens trigonométrique si m est positif, et dans le sens inverse sinon. Pour construire l'isomorphisme μ, on définit les lacets em de la manière suivante :

e_m : [0,1] \rightarrow \mathbb S^1\quad e_m(t) = \exp(2i\pi mt)

On définit μ comme l'application qui à m associe [em]. Intuitivement, il semble clair que μ est un isomorphisme.

La non trivialité du groupe fondamental du cercle est à l'origine de plusieurs démonstrations de théorèmes non triviaux. Un exemple est celui de Borsuk-Ulam qui indique qu'une application continue de la sphère dans le plan possède toujours deux points antipodaux ayant même image. Ce résultat est la clé de la démonstration du théorème du sandwich au jambon qui indique qu'il existe toujours un plan qui divise deux parties de volumes égaux trois solides bornés et mesurables.

Espace produit

Si X et Y sont deux espaces connexes par arcs, l'espace topologique produit XxY est aussi connexe par arcs. Si (p, q) est un point du produit, le groupe fondamental de XxY que l'on note π1(XxY,(p,q)) est bien défini. On dispose de la propriété suivante :

  • Le groupe fondamental de l'espace produit XxY est le produit direct du groupe fondamental de X par celui de Y.

Les propositions précédentes permettent d'établir que le produit S1 par lui-même, généralement appelé tore de dimension 2, admet un groupe fondamental isomorphe à Z2. Plus généralement, le groupe fondamental du tore de dimension n est isomorphe à Zn.

Autres exemples

  • Pour n\geq 2, le groupe fondamental de la sphère \mathbb S^n de l'espace euclidien \R^{n+1} est également trivial. Autrement dit, les sphères de dimension supérieure ou égale à 2 sont simplement connexes.
  • Le groupe fondamental peut également contenir des éléments de torsion : par exemple, le groupe fondamental du plan projectif \R P^2 est isomorphe à \Z/2\Z (voir plus bas).
  • Le groupe fondamental n'est pas toujours commutatif : Par exemple, le groupe fondamental basé en un point p du plan privé de deux points  \mathbb R^2-\{a;b\}, est isomorphe au groupe libre à deux générateurs F2. Les deux générateurs sont ici des lacets partant de p et faisant chacun le tour d'un des points a ou b.
En fait, on peut montrer que pour n'importe quel groupe G, il existe un espace topologique de groupe fondamental G. (On peut en fait trouver un CW-complexe de dimension 2 ou même une variété de dimension 4 si le groupe est de présentation finie).
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