Georges-Louis Leclerc de Buffon - Définition

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Introduction

Portrait de Buffon par François-Hubert Drouais.

Georges-Louis Leclerc, comte de Buffon, né à Montbard le 7 septembre 1707 et mort à Paris le 16 avril 1788, est un naturaliste, mathématicien, biologiste, cosmologiste et écrivain français. Ses théories ont influencé deux générations de naturalistes, parmi lesquels notamment Jean-Baptiste de Lamarck et Charles Darwin. La localité éponyme Buffon, dans la Côte-d'Or, fut la seigneurie de la famille Leclerc.

Sa vie

Une jeunesse mouvementée

Son père se nomme Benjamin Leclerc, président du grenier à sel de Montbard, et sa mère Anne-Christine Marlin. Ils sont mariés depuis un an lorsque Georges-Louis vient au monde. Il se prénomme Georges en l’honneur de son parrain et grand-oncle Georges-Louis Blaisot (mort en 1714), collecteur des impôts du duc de Savoie, et Louis en l’honneur de son grand-père, Louis Leclerc, procureur du roi et juge prévôt. La famille habite près de la porte de la Boucherie qui commande l’une des portes de Montbard, sur la route de Châtillon et de Dijon. La famille s’agrandit, naissent ainsi Jean-Marc en 1708, Jeanne en 1710, Anne-Madeleine en 1711 et Claude-Benjamin en 1712.

Son père héritant, en 1717, de la fortune accumulée par Georges-Louis Blaisot, achète les propriétés de la seigneurie de Buffon, située à six kilomètres de Montbard, à Jean Bouhier, président du parlement de Bourgogne et lettré notoire. Benjamin Leclerc acquiert également une charge de commissaire général des maréchaussées qu’il revend trois ans plus tard pour une charge de conseiller au parlement de Dijon. La famille déménage alors à Dijon.

Après des études au collège des jésuites de Dijon, Buffon étudie le droit et obtient sa licence en 1726. Préférant les sciences, et au grand mécontentement de sa famille, il part étudier les mathématiques et la botanique à Angers en 1728. Là, il se plonge dans les mathématiques, lit Newton, suit des cours de médecine, mais, ayant tué en duel un jeune officier croate, il se voit contraint de quitter l’université. Il se réfugie à Dijon ou à Nantes, où il rencontre le duc de Kingston, jeune aristocrate anglais qui parcourt l’Europe avec son précepteur Nataniel Hickman, et avec lequel il se lie d’amitié. Il décide de les suivre dans leur périple, qui les mène à La Rochelle, Bordeaux, Toulouse, Béziers, Montpellier, puis en Italie, par Turin, Milan, Gênes, Florence, Rome, parfois ponctuées de brillantes théories mathématiques.

L’ambitieux à Paris

Son voyage est interrompu en 1731, au décès de sa mère, et il s’installe à Paris l’année suivante, soucieux de s’éloigner de son père, remarié à sa grande fureur. À vingt-cinq ans, il est décidé à réussir, commençant à signer Buffon. Il se loge au faubourg Saint-Germain, chez Gilles-François Boulduc, premier apothicaire du roi, professeur de chimie au Jardin Royal des Plantes et membre de l’Académie des Sciences. Ses premiers travaux portent sur les mathématiques, son domaine de prédilection, et il présente en 1733 un mémoire à l’Académie des Sciences, dont Maupertuis et Clairaut en font un compte rendu élogieux. Ce mémoire Sur le jeu du franc-carreau introduit pour la première fois le calcul différentiel et le calcul intégral en probabilité.

C’est à cette époque qu’il correspond avec le mathématicien suisse Gabriel Cramer. Il traduit de l’anglais plusieurs ouvrages de géométrie d’Isaac Newton et de botanique de Stephen Hales. Il fait la connaissance de Voltaire et d’autres intellectuels, et entre à l’Académie des Sciences, à l’âge de 26 ans. Protégé par de nombreux appuis, notamment le Comte de Maurepas, Louis XV le nomme au poste d’adjoint dans la section mécanique.

Maurepas, Ministre de la Marine, demande en 1733 à l’Académie une étude sur les bois utilisables pour la construction de navires. Faute de moyens, les commissaires nommés initialement se récusent, mais Buffon, exploitant forestier à Montbard, est là. Il multiplie les expériences et rédige un compte rendu des plus complets, ce qui lui donne l’appui du duc de Condé (en lui fournissant des échantillons de minéraux bourguignons et en le recevant fastueusement à Montbard). Maurepas lui propose la surintendance de toutes les forêts de son domaine, mais il refuse.

En 1735, il traduit un ouvrage du biologiste Stephen Hales Vegetable Staticks, qu’il annote abondamment, où il prend délibérément parti contre la science cartésienne, partisane des systèmes et théories raisonnées, purement intellectuelles, prenant parti pour l’observation et l’expérience, suivant en cela un courant de pensée de ce début du siècle. Anglophile, il correspond abondamment avec plusieurs savants, et séjourne à Londres en 1738, assez brièvement, mais se fera élire à la Royal Society en 1739.

En 1738, lors d’une séance, il montre à l’Académie son ouvrage Moyen facile d’augmenter la solidité, la force et la durée du bois. Mais Henri Louis Duhamel du Monceau, agronome éminent, y voit un plagiat de son mémoire à venir : Diverses tentatives pour parvenir à augmenter la dureté ou l’intensité du bois. Il s’est fait un ennemi de taille.

Après une admirable campagne de relations publiques auprès de son prédécesseur mourant, Dufay, il devient intendant du Jardin du roi (aujourd’hui et depuis la révolution Jardin des Plantes) en 1739, supplantant une fois encore Duhamel du Monceau. Enfin établi, il partagera désormais son temps, jusqu’à la fin de sa vie, entre sa propriété de Montbard, vivant tranquillement et rédigeant son œuvre, et Paris, où il administre le Jardin des Plantes et entretient son image à la Cour.

Au Jardin des Plantes

Statue au Jardin des Plantes

De jardin d’apothicaire, il transforme le Jardin des Plantes en centre de recherche et en musée, faisant planter des arbres de toutes origines, qu’on lui fait parvenir du monde entier. Dès lors, il se consacre tout entier à l’histoire naturelle. Profitant des ressources que lui offre le grand établissement qu’il dirige et qu’il ne cesse d’enrichir, il entreprend de tracer le tableau de la nature entière. Excellent administrateur, propriétaire terrien et juriste de formation, il agrandira considérablement le parc, d’environ un tiers, à partir de 1771, vers l’ouest et vers la Seine, en faisant exproprier, parfois violemment, les anciens propriétaires.

Buffon n’enseigne pas, et ne semble pas s’y intéresser (il ne définit pas lui-même les programmes) même s’il s’entoure de brillants pédagogues et d’excellents praticiens : Louis Guillaume Le Monnier, botaniste et futur premier médecin de Louis XVI, Antoine Laurent de Jussieu, biologiste, Pierre Joseph Macquer et Fourcroy en chimie, Jacques-Bénigne Winslow, Antoine Ferrein, Antoine Petit et Antoine Portal en anatomie. Buffon forme ainsi une cour de matière grise autour de lui, attirant des savants parmi les plus renommés, qui amènent avec eux toute leur famille.

Buffon gère en outre le Cabinet d’Histoire Naturelle du roi, dont il va faire la plus riche des collections d’Europe, un creuset scientifique, dont sortiront les galeries du Muséum actuel. Il l’agrandit entre 1740 et 1780, les travaux étant conduits par l’architecte Latouche. Il profite de toutes les occasions pour enrichir le cabinet, ouvert au public : dons, retours de grands voyageurs exotiques, tels que Bougainville, Pierre Sonnerat ou Joseph Dombey, acquisitions de pièces d’intérêt (il gère admirablement les crédits du Jardin), obtentions de collections de défunts (ainsi celle de Réaumur, que Louis XV lui accorde, alors que Réaumur désirait la céder à l’Académie des Sciences). La renommée de Buffon et de son cabinet est telle qu’à la fin de sa vie les plus grands souverains, Frédéric II de Prusse, Catherine II, les rois de Danemark et de Pologne, lui font des dons prestigieux. (Louis XV lui fait porter une caille blanche qu’il a tuée à la chasse). Et malgré les vives critiques sur l’organisation de la collection, elle remporte tous les mardi et jeudi un vif succès auprès des visiteurs, qui découvrent des curiosités dans un capharnaüm magique : de grands poissons naturalisés pendent au plafond, des reptiles séchés sont placés entre les pattes d’un immense zèbre.

Quand il monte à Paris, Buffon a ses entrées à la cour : Louis XV et Louis XVI l’ont toujours soutenu, la marquise de Pompadour l’appréciait énormément (on lui prête ces mots « Vous êtes un joli garçon Monsieur de Buffon, on ne vous voit jamais ! » et elle lui envoya peu de temps avant sa mort ses animaux familiers pour enrichir le patrimoine de Montbard). Il bénéficie de nombreux soutiens politiques, tel celui d’Amelot de Chaillou, soutiens qui lui permettront d’être seul maître au Jardin du Roi pendant cinquante années. Mais Buffon n’est pas un courtisan : il se frotte à la politique avec précaution et ne rentre pas dans les intrigues de la Cour. Et s’il reste monarchiste toute sa vie (comme beaucoup à cette époque, il ne conçoit pas d’autres régimes possibles), il a toujours pris soin de mettre une certaine distance entre le pouvoir royal et lui.

Ses relations avec les savants de son époque sont bien plus difficiles et il s’oppose souvent à eux, par exemple avec Carl von Linné, dont il conteste la méthode de classification. Il accueille avec scepticisme les travaux de Lazzaro Spallanzani ou de Charles Bonnet, car pour Buffon, les variations entre espèces sont dues à des dégénérescences. En 1744 il est nommé trésorier perpétuel de l’Académie des Sciences, dont il profite allègrement des privilèges, mais ne tarde pas à prendre ses distances avec le cénacle scientifique parisien. On le taxe en effet d’individualisme et de hauteur. Quelqu’un dira de lui : « M. de Buffon ne vient à Paris que pour toucher ses pensions et prendre les idées de ses confrères de l’Académie. »

L'Histoire naturelle, son œuvre majeure, dont les premiers volumes paraissent en 1749, l’occupera toute sa vie. Placé par cet ouvrage au premier rang des écrivains de son siècle aussi bien que des savants, Buffon reçoit récompenses et honneurs en tout genre : il est élu membre de l’Académie française en 1753, où il prononce le fameux Discours sur le style. Il ne paraîtra que très rarement avec les Quarante, et plus jamais à partir de 1782, à l’élection de Condorcet, détesté rival de son ami Jean Sylvain Bailly (1736-1793). Il dira d’ailleurs de lui : « Condorcet élu ! Mais Condorcet n’a jamais fait que des vers dans les ruelles de femmes ! » (on peut noter qu’ironiquement c’est Condorcet qui prononcera plus tard l’éloge funèbre de Buffon à l’Académie des sciences, dans un style faussement élogieux).

Il fraie en outre avec les grands esprits de son temps, et notamment les philosophes des Lumières, avec qui il partage le scepticisme religieux, le matérialisme et l’amour de la raison contre le mysticisme. Mais il s’oppose à eux sur le plan social et politique : Buffon est un conservateur et un monarchiste. On lui prêtera d’ailleurs ce mot, vers la fin de sa vie, aux derniers temps de l’Ancien Régime : « Je vois venir un mouvement terrible, et personne pour le diriger. »{ Grand ami des encyclopédistes (Diderot le compare à Lucrèce et Platon) auxquels il a promis de rédiger l’article « Nature », qu’il ne fera jamais, il finit par se brouiller avec D'Alembert à propos de Bailly et Condorcet. À ses premiers temps au Jardin du Roi on a pu le voir dans les salons parisiens, chez Marie-Thérèse Geoffrin ou Louise d’Épinay, chez Julie de Lespinasse ou chez le baron d'Holbach, où il a pu converser avec Voltaire, Montesquieu, Fontenelle, Marivaux… Mais il est devenu petit à petit solitaire, a délaissé les salons, puis Paris, pour sa vie tranquille à Montbard.

L’homme de Montbard

À Montbard, Buffon habite la maison paternelle, qu’il agrandit pour en faire un hôtel spacieux et confortable. De même qu’à Paris, il agrandit son domaine par des annexions de droit seigneurial, prenant terres, ruines et château, au grand dam des mairies de Buffon et de Montbard qui entreront en procédure. Il est cependant un seigneur bon et généreux, n’hésitant pas à offrir bien des dons et des aides à sa commune. Certes il ne ménage pas ses créanciers, faisant valoir tous ses droits et privilèges de noble personne, faisant monter son patrimoine à plus de 1 000 hectares et son revenu à près de 80 000 livres par an, sans les recettes de son œuvre littéraire. Scrupuleux, il écrira : « Depuis trente ans, j’ai mis un si grand ordre dans l’emploi de ma fortune et dans celui de mon temps, que j’ai toujours de l’argent en réserve et du temps à donner à mes amis. »

Il se marie en 1752, à l’âge de 45 ans, à Marie-Françoise de Saint-Belin Malain, jeune femme de noblesse ruinée de 19 ans. Cette femme voue une grande affection à son mari qui l’a arrachée au couvent, même s’il n’est pas d’une extrême fidélité. Elle meurt en 1769 à la suite d’une mauvaise chute de cheval. Ils eurent une fille morte-née et un fils, Georges Louis Marie, dit « le Buffonet », qui finira sur l’échafaud révolutionnaire en l'an 2 (1794), sans postérité. En outre, Buffon abrite, entre 1770 et 1775, son père, veuf pour la seconde fois et avec qui les rapports sont toujours aussi difficiles, et il accueille régulièrement ses demi-frères et sœurs, Pierre, le « chevalier de Buffon », et Antoinette, épouse de Benjamin Edme Nadault, conseiller au Parlement de Bourgogne. Buffon reçoit régulièrement familiers ou visiteurs, parmi lesquels Jean-Jacques Rousseau, Claude-Adrien Helvétius, Marie Jean Hérault de Séchelles, Georges Louis Daubenton, maire de Montbard, et Philippe Guéneau.

L’hôtel est gouverné par Marie Blesseau, paysanne ignare, qui fut probablement très proche du comte, à la tête d’une dizaine de domestiques. Buffon possède en outre un secrétaire particulier, d’abord Trécourt puis Humbert-Bazile, et un chapelain, le père Ignace Bougot, Buffon devenant peu à peu déiste. Buffon a un emploi du temps bien réglé : lever vers huit heures, réveillé par son domestique Joseph (auquel Buffon avait promis un écu à chaque fois qu’il le ferait lever à l’heure, en général cinq heures du matin, écu gagné une seule fois, à coup de seau d’eau froide ; Buffon déclara : « Je dois à Joseph trois ou quatre tomes de l’Histoire Naturelle »), travail et rédaction quatre ou cinq heures avec son secrétaire, déjeune de 14 à 16 heures le plantureux repas de son excellent cuisinier Guéneau (ce qui lui devra de furieuses crises de gravelle), sieste puis promenade, travail de nouveau à partir de 17 heures, en administration et gestion, pas de dîner, court passage au salon s’il y a des invités, puis coucher vers 22 heures.

Mais Buffon reste avant tout un scientifique naturaliste : qu’il soit à Paris ou à Montbard, c’est son Histoire Naturelle qui lui prend tout son temps. Trente-cinq tomes paraîtront avant sa mort. À Montbard, il entretient des volières et élève en semi-liberté quelques animaux (loup, renard, blaireau), qui lui fourniront de la documentation pour son étude et seront parfois de malheureux sujets d’expériences. Il affectionne une magnifique pépinière, sujet d’étude et prétexte à générosité (sur ordre royal un quota de fruits doit être distribué aux pauvres). En outre, il observe la nature et, sans le savoir, pose les bases de l’écologie : il note l’importance de certaines espèces dans la chaîne alimentaire, ou remarque le rôle des oiseaux dans la dispersion des graines d’arbres. En 1747, fasciné par le rapport entre la lumière et la chaleur, il prouvera au château de la Muette, en présence du roi, lors d’une véritable exhibition, la réalité des miroirs ardents d’Archimède) devant un public composé de gens de qualité. En 1752, il vérifie les hypothèses de Benjamin Franklin sur la foudre et l’électricité en installant un paratonnerre sur sa demeure. Il gère aussi une forge. En 1768 Buffon transféra sa bibliothèque, autrefois dans la Tour Saint-Louis, sur la terrasse supérieure du Parc crée par destruction du château Ducal, et créa un laboratoire de Chimie au Petit Fontenet à une époque où il réorientait son activité intellectuelle, abandonnant quadrupèdes et oiseaux pour l'étude de la minéralogie, de la métallurgie (construction de la Grande Forge à Buffon, rédaction des Epoques de la Nature), de la Chimie et des traitements des bois. Son activité permet de le considérer comme un des premiers créateurs de la Science des Matériaux.

Il devient comte de Buffon en 1773. En 1776, Louis XVI commande une statue de lui au sculpteur Augustin Pajou, érigée à l’entrée du Muséum d’histoire naturelle avec l’inscription : Majestati Naturæ par ingenium. Il meurt finalement en 1788, d’une ultime crise de gravelle, quelques mois avant le début de la Révolution française.

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