Parallèlement à son œuvre scientifique, Buffon construit, en bordure du canal de Bourgogne, à quelques kilomètres de Montbard, des forges qui subsistent, et sont encore visitées aujourd'hui. Après avoir effectué de nombreuses expériences dans la forge d’Aisy-sur-Armançon, il édifie sur ses terres, entre 1768 et 1772, ses propres forges, conseillé par des maîtres de forge parmi les plus réputés. Elles lui permettent de mettre en valeur les ressources en bois et en minerais de ses terres.
Ce site peut être considéré comme une des premières usines intégrées: les lieux sont aménagés pour optimiser les étapes de la fabrication. Par ailleurs, des ouvriers sont logés sur le site, et ont accès à un potager, à une boulangerie et à une chapelle. L’accès au haut-fourneau se fait par un escalier monumental, qui permettait aux invités de marque d’admirer les coulées de métal en fusion.
Animées par l’Armançon, des roues à aubes apportent la force hydraulique nécessaire aux machines, comme les soufflets, les marteaux, le bocard et le patouillet. C’est dans ces forges qu’il aurait souhaité fabriquer les nouvelles grilles du Jardin des Plantes, alors qu'il en est l'intendant. Son expérience en sylviculture et en métallurgie l'aident dans la rédaction des Suppléments de l’Histoire naturelle.
La forge produisait des ferronneries et des rampes d’escaliers, et elle était avant tout son laboratoire, où il étudiait, pour la Marine, l’amélioration des canons, et, pour lui-même, les effets de la chaleur obscure, les phénomènes de refroidissement, et, les résultats de ses recherches alimenteront son œuvre scientifique, notamment au sujet de la création de la terre.
Accaparé par son travail personnel, il en confie la gestion à Chesneau de Lauberdières, en 1777: celui-ci pille alors les forêts environnantes et s'enfuit avec les finances, en 1785. Buffon doit alors reprendre la forge, bien mal en point, et elle sera finalement vendue, en 1791.
Toujours à court d’argent pour financer ses projets industriels et scientifiques, il a de nombreux démêlés avec ses bailleurs de fonds, en particulier avec la famille Baboin, soyeux de Lyon, qui lui intentent un procès pour obtenir le remboursement de leurs créances. Il se plaint à ce sujet de son banquier dans une lettre du 15 Juillet 1781. Il se venge d'eux dans la rédaction de l'Histoire naturelle, en jouant sur la ressemblance du mot de vieux français « babine » avec le nom de ses adversaires, et donne au singe cynocéphale le nom de « Babouin » qu’on lui connaît encore aujourd’hui. Il fait d’ailleurs dans son ouvrage une description abominable de cet animal.
« C’est par des expériences fines, raisonnées et suivies, que l’on force la nature à découvrir son secret ; toutes les autres méthodes n’ont jamais réussi... Les recueils d’expériences et d’observations sont donc les seuls livres qui puissent augmenter nos connaissances. »
— Préface de Buffon à sa traduction de la Statique des végétaux de Stephen Hales
Buffon a traduit en outre la Théorie des fluxions de Isaac Newton et il a composé des mémoires. Dans son Discours sur le style, qu’il prononça pour sa réception à l’Académie française, il écrit : « Le style est l’homme même ».
Buffon est surtout célèbre pour son œuvre majeure, l'Histoire naturelle, générale et particulière, avec la description du Cabinet du Roy, en 36 volumes parus de 1749 à 1789, dont huit après sa mort, grâce à Bernard Lacépède. Il y a inclus tout le savoir de l’époque dans le domaine des sciences naturelles. C’est dans cet ouvrage qu’il relève les ressemblances entre l’homme et le singe et la possibilité d’une généalogie commune. L’attention que Buffon accorde à l’anatomie interne le place parmi les précurseurs de l’anatomie comparative. « L’intérieur, dans les êtres vivants, est le fond du dessin de la nature », écrit-il dans les Quadrupèdes.
L’Histoire naturelle, qui devait embrasser tous les règnes de la nature, ne comprend que les minéraux et une partie des animaux (quadrupèdes et oiseaux). Elle est accompagnée d’une Théorie de la Terre, de Discours en forme d’introduction, et de suppléments parmi lesquels se trouvent les Époques de la nature, un des plus beaux ouvrages de l’auteur.
Parmi ses collaborateurs, il faut citer, pour les quadrupèdes, Louis Jean-Marie Daubenton, qui se chargea de la partie des descriptions anatomiques, remplacé plus tard, pour les oiseaux, par Philippe Guéneau de Montbeillard, auquel s’adjoignent, à partir de 1767, Barthélemy Faujas de Saint-Fond, l’abbé Bexon et Charles-Nicolas-Sigisbert Sonnini de Manoncourt.
Buffon attachait beaucoup d’importance aux illustrations, qui furent assurées par Jacques de Sève pour les quadrupèdes et François-Nicolas Martinet pour les oiseaux. Près de 2000 planches parsèment en effet l’œuvre, représentant les animaux avec un fort souci esthétique et anatomique, dans des décors oniriques et mythologiques.
L’Histoire naturelle connut un succès immense, presque aussi importante que l’Encyclopédie de Diderot, qui parut à la même époque. Les deux premiers volumes, la Théorie de la terre et l’Histoire naturelle de l’homme, connurent trois rééditions successives en six semaines. L'ouvrage fut traduit rapidement en anglais, puis en allemand (1750-1754), en néerlandais (1775), en espagnol (1785-1791). On en fit quelques éditions abrégées à partir de 1799, plus nombreuses, pour les enfants, au XIXe siècle.
L’ouvrage connaît bien des détracteurs : on reproche à Buffon son style ampoulé et emphatique, qui n’est pas adapté à un traité scientifique, et surtout un trop grand anthropomorphisme.
Cette encyclopédie est découpée en 36 volumes :
L’Histoire naturelle est imprimée d’abord à l’Imprimerie royale en 36 volumes 1749-1788. Buffon rachète ensuite les droits de son œuvre. Elle est continuée par Lacépède, qui décrit les ovipares, les serpents, les poissons, les cétacés 1786-1804. On a depuis réimprimé bien des fois Buffon et ses Suites.
Son Histoire naturelle est souvent comparée à l’Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, sur le principe de la diffusion du savoir lié à l’époque des Lumières, mais surtout en termes de notoriété et de nombre d’exemplaires imprimés.
Pourtant, les deux ouvrages très dissemblables sont loin d’être en concurrence, et Buffon avait d’abord accepté de participer à l’Encyclopédie. Il finit par se retirer du projet comme plusieurs autres personnages illustres de l’époque tels que Jean-Jacques Rousseau, qui, lui, avait néanmoins rédigé de nombreux articles.
Il devait participer aux articles de sciences, et en particulier ceux concernant l’histoire naturelle qui ont finalement été attribués à Daubenton, un grand précurseur de l’anatomie comparée. L’influence réciproque de ces deux scientifiques originaires de Montbard est grande, puisque, avant de se fâcher, ils travaillèrent ensemble, notamment pendant dix ans à la mise à jour de l’Histoire naturelle des animaux.
Buffon est un penseur qui a embrassé tous les domaines de l’histoire naturelle. Tous ses écrits y sont rattachés, même le Discours sur le style dans les Suppléments. Ses théories, parfois erronées, sont fondées sur l’observation et l’expérience, souvent opposées aux idées générales de son temps. En outre, il étale ses réflexions sur près de cinquante ans, ce qui l’amène, de temps à autre, à se contredire lui-même, bien que sa ligne de pensée reste inchangée.
Surtout depuis son discours d’académicien, on s’accorde universellement à regarder les écrits de Buffon comme un modèle de style ; on reconnaît aussi qu’il a fidèlement décrit les mœurs et les traits caractéristiques des animaux, qu’il a fait faire à l’histoire naturelle des progrès, tant par son point de vue novateur que par la multitude de ses recherches, et qu’il a rendu d’immenses services en rassemblant une foule de matériaux épars, et en propageant en France le goût pour l’étude de la nature.
Buffon est un des premiers vulgarisateurs scientifiques et un vrai patron d’entreprise éditoriale à succès. Il écrit pour les femmes, ne veut jamais déplaire, préfère souvent le style et l’anecdote à la contribution scientifique solide : son entrain ? Son modèle ? Peut-être les discussions à bâtons rompus qu’il avait en se promenant dans ses forêts à Montbard, avec Jean Nadault, fin connaisseur de la nature et de ses « histoires ». Un grand amateur de Buffon, Sainte-Beuve, est sensible à cet art de la mise en scène : « Où étiez-vous, disait Dieu à Job, lorsque je jetais les fondements de la terre ? M. de Buffon semble nous dire sans s’émouvoir : J’étais là ! » ».
Grand admirateur de Buffon, Honoré de Balzac le cite comme « un des plus beaux génies en histoire naturelle ». Et il se réclame de lui pour illustrer le système scientifique qu'il a appliqué dans la Comédie humaine, à savoir la sociologie conçue sur le modèle de la zoologie : « Si Buffon a fait un magnifique ouvrage en essayant de représenter dans un livre l’ensemble de la zoologie, n’y avait-il pas une œuvre de ce genre à faire pour la société? »
Mais, malgré son retentissement, et le rôle qu’elle joue dans la diffusion des connaissances scientifiques, l’œuvre souffre de plusieurs lacunes. Tout d’abord, Buffon n’est pas un systématicien, ce qui le conduit à présenter les groupes de façon rudimentaire. Il s’attarde notamment sur les espèces les plus connues, et ne mentionne guère les autres qu’au passage. On lui reproche d’avoir dédaigné, ou même proscrit, les classifications scientifiques, sans lesquelles il n’y a pourtant ni ordre ni clarté. Il n’est pas un observateur très fiable, ce qui le conduit à de nombreuses erreurs comme de confondre l’engoulevent et l'hirondelle, ou prétendre que les martinets sont « eux aussi, de véritables hirondelles, et à bien des égards, plus hirondelles que les hirondelles elles-mêmes ». Buffon et ses collaborateurs pillent les œuvres de leurs prédécesseurs, d’Aristote à Pline, de Belon à Gessner. Certes, des informations nouvelles, venant souvent de correspondants lointains, leur fournissent des observations souvent inédites. Enfin, les auteurs privilégient des formulations propres à attirer un public de néophytes. Toujours afin de plaire, les espèces peu chéries sont ignorées et les sujets les plus propres à plaire sont préférés, comme par exemple les amours chez les oiseaux, dont le public était toujours friand.
On lui reproche aussi d’avoir avancé des hypothèses personnelles hasardeuses, et vite nébuleuses, notamment dans ses Époques de la nature : c’est ainsi qu’il suppose que la Terre a été détachée du Soleil par le choc d’une comète, qu’il explique la génération des êtres vivants par la superposition de molécules organiques et de moules intérieurs ; qu’il attribue aux animaux un sens intérieur matériel, hypothèse plus inintelligible encore que le mécanisme auquel Descartes avait recouru.
En définitive, sa principale qualité a été de rendre populaire l’étude scientifique, un peu comme l’a fait, à la même époque, le Spectacle de la nature de l’abbé Pluche. Georges Cuvier, pour ne citer que lui, se passionnera pour l’histoire naturelle suite à la lecture de Buffon.
Son Histoire naturelle fut aussi une source d’inspiration pour les peintres de la manufacture de Sèvres, donnant naissance à des services de porcelaine dits « Buffon ». Le nom des différentes espèces, fidèlement reproduites, est inscrit au revers de chaque pièce. Plusieurs « services Buffon » furent produits sous le règne de Louis XVI, le premier fut destiné au comte d'Artois, en 1782.
Pour ses théories sur la formation de l’Univers et sur l’évolution de la Terre et du vivant, Buffon a failli être condamné au nom de l’Église catholique, mais, feignant la naïveté et protestant de sa foi intacte, la Sorbonne finit par abandonner les poursuites en avril 1781, en contrepartie d’une vague promesse de contrition.
Prudent, et ayant trop à perdre pour un homme toujours si bien en cour, Buffon préfère se rétracter plutôt que de solliciter l'appui de ses protecteurs dans un conflit qui aurait pu tourner en sa défaveur, et dans lequel ils auraient pu l’abandonner. Il s'inspira plutôt de sa formule, paraphrasant Ovide, puis Montaigne: la spécificité de l’homme est qu’il marche « la tête haute levée vers le ciel ».
Même Voltaire qui le respectait hautement ne partageait pas toutes ses opinions scientifiques sur ces sujets et avait fini par se chamailler avec lui. Condorcet eut à tourner l’éloge de Buffon, il le fit de façon telle que « sans se déshonorer aux yeux des gens instruits », il réussisse « à ne pas trop déplaire aux admirateurs ».
Par après, il se méfiera toujours de l’Église, et évitera de l’affronter directement, car cela aurait été, selon lui, une erreur tactique. Il se contentait donc de donner le change. Ainsi par exemple, il se choisira un confesseur bien caricatural et peu regardant, qu’il traitera en domestique, moyennant quelque largesse.
L’aiguille de Buffon est une expérience de probabilité, qui permet de déterminer expérimentalement la valeur du nombre π, en lançant une aiguille sur un parquet : on dispose d’un réseau de lignes parallèles, séparées par une distance prise pour unité de longueur, et d’une aiguille dont la longueur est k < 1 ; si on laisse tomber l’aiguille sur le réseau, la probabilité qu’elle chevauche une ligne est