Géométrie algébrique - Définition

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Aspects locaux

Avant de pouvoir parler proprement de problèmes locaux, il faut définir une topologie sur les variétés affines ; bien sûr, quand le corps de base est \mathcal{R} ou \mathcal{C}, on pourrait envisager de transporter la topologie euclidienne usuelle, mais celle-ci est beaucoup trop riche. Essentiellement, on a juste besoin que les polynômes soient continus. Pour l'instant, on ne dispose pas de topologie sur le corps de base, mais il ne serait pas trop demander que {0} soit fermé (et aussi par homogénéité tous les singletons et par suite toute réunion finie de singletons : cela donne bien une topologie dite cofinie). Ainsi, on décrète fermés tous les Z(f)f est un élément de la k-algèbre des fonctions régulières, c'est-à-dire un polynôme défini à un élément de l'idéal I(V) près. On peut vérifier qu'eux seuls constituent bien les fermés d'une certaine topologie, dite de Zariski. Il n'est pas question ici d'en faire le tour des propriétés, mentionnons seulement qu'une base d'ouverts est fournie par les D(f):=\{P\in V / f(P)\neq 0\}.

La nature locale d'une variété (topologique, Ck, différentielle, analytique ou bien algébrique) peut être caractérisée par le jeu des bonnes fonctions que l'on s'autorise (respectivement : continues, Ck, différentiables, analytiques, « polynomiales »). Cela dit, à chaque ouvert U de ces variétés, on associe l'ensemble des bonne fonctions \mathcal{F}(U). Celles-ci sont à valeur dans un corps et on peut alors en définir la somme et le produit, ce qui confère à \mathcal{F}(U) une structure d'anneau. Comme la propriété d'être « bonne » est de nature locale, la restriction d'une bonne fonction restera une bonne fonction. On dispose ainsi de morphismes \mathcal{F}(U)\to  \mathcal{F}(V) à chaque fois que V\subset U. Enfin, si on se donne des bonnes fonctions sur des ouverts Ui qui coïncident sur les intersections, on peut définir une bonne fonction sur la réunion des Ui. C'est la seule à satisfaire ceci. On dit alors que U\mapsto \mathcal{F}(U) est un faisceau de fonctions. La donnée d'anneaux qui satisferaient ces propriétés s'appelle un faisceau.

Ce faisceau permet une description fine de ce qui se passe au voisinage d'un point P de la variété à travers l'anneau des germes de fonctions \mathcal{F}_P. Il s'agit de l'ensemble des couples (U,f)U est ouvert contenant P et f\in\mathcal{F}(U) où l'on identifie (U,f) et (V,g) si f et g coïncident sur un voisinage de P. De façon formelle, il s'agit de la limite directe des anneaux \mathcal{F}(U), U\ni P, ce qui permet une définition même quand il s'agit d'un simple faisceau (pas nécessairement de fonctions). Dans le cas de bonnes fonctions, la valeur f(P) a un sens pour un germe (U,f). Comme les fonctions constantes seront « bonnes », on voit que l'ensemble mP des germes s'annulant en P est un idéal maximal (\mathcal{F}_P/m_P\sim k). De plus, on est en droit d'attendre qu'un germe non nul en P soit non nul sur un voisinage de P et admette alors un germe inverse. Bref, l'anneau \mathcal{F}_P est alors réunion disjointe de ses inversibles et de son unique idéal maximal : c'est un anneau local. Un espace topologique muni d'un tel faisceau est appelé espace annelé en anneaux locaux. Notons qu'alors un morphisme φ entre variétés X et Y induit par composition des morphismes \mathcal{G}(V)\to \mathcal{F}(\phi^{-1}(V)) pour tout ouvert V de Y et tout faisceau \mathcal{F} (resp. : \mathcal{G}) sur X (resp. : Y) qui eux-mêmes induisent des morphismes \mathcal{G}_{\phi(P)}\to\mathcal{F}_P envoyant un germe s'annulant en φ(P) sur un germe s'annulant en P. C'est ce qu'on retiendra pour la définition d'un morphisme entre espaces annelés en anneaux locaux.

L'anneau des germes \mathcal{F}_P est d'une importance capitale : dans le cas des variétés différentielles, on peut y lire l'espace tangent. Il est en effet isomorphe au dual du k-espace vectoriel m_P/m_P^2. C'est ce dernier qu'on prendra comme définition d'espace tangent, dit de Zariski. Il coïncide avec la définition « géométrie différentielle » qui avait besoin d'un corps « gentil » (\mathcal{R} ou \mathcal{C}) et d'une condition de régularité. Cela posait problème en gros dans deux cas :

  • Pour les courbes de niveau d'une fonction dont trop de dérivés partielles s'annulaient (critère jacobien), or c'est le cas par exemple de y2x3 ;
  • Pour des courbes non injectives, or c'est le cas par exemple de y2 − (x + 1)x2.

Dans les deux cas, l'espace tangent est de dimension strictement supérieure à 1 qui est celle de la courbe. On peut définir une notion de dimension pour une k-variété affine irréductible (degré de transcendance du corps des fractions de son anneau de fonctions régulières) et une, toujours plus grande, pour l'espace tangent. La « lissitude » a précisément lieu dans le cas d'égalité.

Dans le cas d'une variété affine définie par un idéal réduit I, une base de la topologie est donnée par les ouverts D(f)=\{P\in V / f(P)\neq 0\}f est une fonction régulière. Comme f est non nulle sur cet ouvert, on devrait pouvoir l'inverser, et en effet il existe un faisceau d'anneaux où \mathcal{F}(D(f)) s'identifie au localisé de la k-algèbre des fonctions régulières suivant la partie multiplicative des puissances de f. On peut alors montrer que l'anneau des germes en un point P, qui correspond à un idéal maximal, s'identifie lui au localisé suivant le complémentaire dudit idéal maximal. Ceci conduit à associer à n'importe quel anneau A, et pas seulement pour une k-algèbre réduite de type finie, un espace localement annelé en anneaux locaux. Pour des raisons techniques, il faut considérer l'ensemble des idéaux premiers de A et pas seulement maximaux, muni d'une topologie engendrée par les D(f)=\{\mathfrak{p} \text{ idéal premier tel que }\mathfrak{p}\not\ni f\}, f\in A et du faisceau susmentionné. Les germes étant des localisés, on obtient bien un espace localement annelé en anneaux locaux, appelé le spectre de A. On s'affranchit ainsi des contraintes suivantes :

  • Plus d'hypothèse réduite, ce qui permet de distinguer le point x = 0 du point « double » x2 = 0 sur la droite ;
  • Plus de corps de base algébriquement clos voire plus de corps de base du tout, ce qui pourra s'avérer utile en arithmétique ;
  • Plus d'hypothèses de finitude, ce qui est techniquement gênant mais peut être remplacé par de la « noethériannité ».

On généralise la dimension de la variété par la dimension de Krull de l'anneau A, et celle de l'espace tangent en \mathfrak{p} par le nombre de générateurs de l'idéal maximal \mathfrak{p}A_{\mathfrak{p}}. \mathfrak{p} sera dit régulier, et cela généralisera les cas précédents, quand A_{\mathfrak{p}} sera un anneau local régulier.

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