Géologie de la planète Mars - Définition

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Principales formations géologiques

Dès les premiers clichés de la planète pris au début des années 1970 par Mariner 9, les principales caractéristiques géologiques martiennes avaient été identifiées :

  • deux hémisphères très différents, l'un constitué d'une vaste plaine lisse au nord et, au sud, de hauts plateaux très cratérisés rappelant la Lune
  • une demi-douzaine de grands bassins d'impact
  • deux massifs volcaniques, dont un énorme renflement rassemblant une demi-douzaine de volcans parmi les plus grands du système solaire
  • un système de canyons aux dimensions uniques dans le système solaire
  • un peu partout, des formations évoquant sans ambiguïté des lits de cours d'eau asséchés — mais on ignorait à l'époque si l'eau liquide était bien à l'origine de ces structures, qu'on attribuait aussi au dioxyde de carbone liquide (modèle dit « White Mars » de l'astronome australien Nick Hoffman, par opposition au modèle « Blue Mars » reposant sur l'eau liquide).

L'USGS avait d'emblée défini, sur la base de ces clichés, 24 unités géologiques organisées selon les régions et leur âge estimé, qui demeurent toujours valables pour une étude morphologique globale de la planète, bien que les informations alors disponibles aient été depuis considérablement enrichies — et souvent fortement nuancées — par les résultats recueillis au cours des missions d'exploration ultérieures, jusqu'à nos jours :

  Pôles Plaines Terrains volcaniques Canyons et vallées Terrains irréguliers de l'hémisphère sud
Amazonien   Aprc Apt Aps  
AHvu Avy AHa  
Apb Apc AHcf AHct ANch  
AHvi  
Hespérien   Hpr  
 
HNdp Hprg Hpst Hvo   HNk  
  HNbr  
Noachien Npm Nplc   Nc  
   
  Nm Nhc
 
Unités géologiques martiennes proposées dès 1978 par l'USGS sur la base des clichés de Mariner 9.

Les paragraphes qui suivent résument les principales caractéristiques géologiques de la planète Mars.

Dichotomie crustale

La principale caractéristique de Mars est l'opposition entre, d'une part, un hémisphère nord constitué d'une vaste plaine dépourvue de relief significatif s'étendant sur un peu plus du tiers de la surface de la planète, et, d'autre part, un hémisphère sud formé de terrains élevés très cratérisés et assez accidentés, avec des failles, des escarpements, des éboulements, et des régions au relief chaotique. Ces deux régions sont de nature géologique radicalement différente : l'écorce martienne est sensiblement plus fine dans l'hémisphère nord que dans l'hémisphère sud, les terrains de l'hémisphère sud sont plus anciens de plusieurs milliards d'années que ceux de l'hémisphère nord, et ces derniers ont été marqués par la présence abondante d'eau liquide acide qui affecte encore aujourd'hui la composition minéralogique de ces régions (voir plus loin).

Deux types de scénarios ont été proposés pour rendre compte de cette situation. Les premiers reposent sur la dynamique interne de la planète, les mouvements de convection du manteau et une ébauche de tectonique des plaques, à la manière de la formation des supercontinents terrestres à l'aube de l'histoire de notre planète. Les seconds reposent sur un ou plusieurs grands impacts entraînant la fusion de l'écorce dans l'hémisphère nord ; les modèles à impact unique (hypothèse du Bassin boréal, notamment) se heurtent malgré tout à certaines difficultés par rapport aux observations. L'étude des bassins d'impact enfouis sous la surface a par ailleurs permis d'établir que la dichotomie crustale martienne remonte à plus de quatre milliards d'années avant le présent, et est donc une structure héritée des premiers âges de la planète. Certaines structures plus récentes à la limite entre les deux domaines suggèrent également une relaxation isostatique des hautes terres du sud après le comblement volcanique de la dépression de l'hémisphère nord, ce qui plaide également pour la grande ancienneté de cette dichotomie.

Les particularités de l'interface entre ces deux grands domaines géologiques martiens sont particulièrement bien illustrées par la région d'Aeolis Mensae, entre Terra Cimmeria et Elysium Planitia : on y trouve des formations tectoniques complexes et pas toujours bien comprises, ainsi que des traces d'érosion éolienne très marquées.

Cratères et bassins d'impact

Cratère Yuty, de 18 km de diamètre, à la morphologie typique des cratères à rempart, avec ses éjectas lobés caractéristiques d'un sous-sol riche en substances volatiles, sans doute de la glace. Cliché Viking 1 orbiter, 1977.
Cratère à piédestal sur le flanc de Biblis Patera vu le 18 juillet 2008 par l'instrument HiRISE de la sonde MRO.

L'abondance des cratères d'impact est la caractéristique première des terrains anciens de l'hémisphère sud. Il y en a bien entendu également dans l'hémisphère nord, et les cratères martiens présentent une grande variété de formes : vieux cratères à fond plat très érodés et parfois partiellement enfouis dans l'hémisphère sud, petits cratères très creux en forme de bol sur les terrains jeunes de l'hémisphère nord, avec une particularité martienne — inconnue sur la Lune — liée à la présence de composés volatils dans le sol : les « cratères à rempart, » tels que le cratère Yuty ; ces cratères particuliers sont caractérisés par la présence d'éjectas lobés très reconnaissables. Les cratères dits « à piédestal » résultent, quant à eux, de l'érosion différentielle des terrains meubles environnant un cratère d'impact dont les bords et les matériaux immédiatement en contact avec l'impact ont été durcis sous l'effet mécanique et thermique du choc avec l'impacteur. L'instrument HRSC de Mars Express a fourni d'excellents clichés d'un de ces cratères dans la région d'Hephaestus Fossae.

Les impacts résultant de la collision avec un impacteur suffisamment énergétique pour percer l'écorce martienne et provoquer des épanchements magmatiques donnent lieu, non plus à un cratère, mais à un bassin d'impact ; les principaux bassins identifiés sans ambiguité sur Mars sont, par taille décroissante :

  • Utopia Planitia, au nord-ouest d'Elysium Mons, qui est clairement identifiée comme un bassin d'impact cosmique
  • Hellas Planitia, dans l'hémisphère sud
  • Argyre Planitia, également dans l'hémisphère sud
  • Isidis Planitia, en bordure d'Utopia Planitia
  • Chryse Planitia, en bordure d'Acidalia Planitia.

L'existence du Bassin boréal comme bassin unique est loin d'être prouvée, mais, si cette hypothèse s'avérait exacte, il regrouperait géologiquement un ensemble de dépressions comprenant Vastitas Borealis, Arcadia Planitia et Acidalia Planitia, ce qui en ferait de loin la plus vaste structure de ce type dans le système solaire.

Amazonis Planitia, qui ressemble également à un bassin d'impact, n'en serait cependant pas un et aurait une origine plutôt volcanique, étant située entre les deux grandes régions volcaniques martiennes : Elysium Planitia à l'ouest et le renflement de Tharsis à l'est. L'instrument MARSIS — Mars Advanced Radar for Subsurface and Ionospheric Sounding — de Mars Express a par ailleurs révélé l'existence de nombreux autres impacts plus ou moins gros, aujourd'hui invisibles car enfouis dans le sol de la planète.

La formation des bassins d'impact martiens remonte essentiellement aux premiers âges de la planète, il y a plus de quatre milliards d'années : les derniers impacts majeurs ont dû se produire à la fin du Noachien, lors du grand bombardement tardif, il y a entre 4,1 et 3,9 (voire 3,8) milliards d'années — le Bassin Caloris, sur Mercure, et Mare Imbrium (la « Mer des Pluies »), sur la Lune, sont également datés de cette époque, qui correspond, pour la Lune, au Nectarien et à l'Imbrien inférieur ; il est possible que les satellites Phobos et Deimos aient un rapport avec cet épisode, comme astéroïdes incidents capturés par Mars — mais il resterait alors à expliquer leur orbite quasi-circulaire avec une inclinaison très faible sur l'équateur martien — ou comme agglomérats de matériaux projetés dans l'espace et satellisés à la suite de collisions avec des impacteurs de taille suffisante, Phobos en deçà et Deimos au-delà de l'orbite synchrone de Mars, laquelle correspond à une altitude de 17 000 km au-dessus de la surface ; le scénario le plus probable, dans ce cas de figure, serait une ou plusieurs collisions avec un ou plusieurs planétésimaux peu après la formation de Mars (scénario similaire à celui de la formation de la Lune suite à l'impact de Théia sur la proto-Terre), il y a environ 4,5 milliards d'années, plutôt que lors du grand bombardement tardif, 500 millions d'années plus tard.

Moasïque panoramique du cratère Endurance reconstituée à partir de 258 clichés du rover Opportunity pris en 2004 à travers des filtres à 480, 530 et 750 nm. Ce cratère mesure environ 130 m de diamètre pour 20 m de profondeur.

Formations volcaniques

De façon schématique, le volcanisme martien semble avoir globalement évolué depuis un volcanisme de plaine datant de la fin du Noachien à la première moitié de l'Hespérien, défini par des épanchements de lave basaltique très fluide, comme celle des « mers » lunaires, et qui constitue une fraction notable de la surface martienne, jusqu'à des cônes volcaniques bien formés rappelant les stratovolcans terrestres à partir de la seconde moitié de l'Hespérien. Entre ces deux extrêmes, tout une gradation de morphologies permet de rendre compte de la variété de terrains et de formations volcaniques rencontrés sur toute la surface de la planète, notamment les fameux volcans boucliers martiens.

Plaines de lave

L'Emi Koussi, dans le massif du Tibesti au Sahara, un volcan bouclier pyroclastique de 80 par 60 km à la base et 2,3 km de haut, ressemblerait — en bien plus petit — à des volcans martiens comme Syrtis Major, Tyrrhena Patera et Hadriacus Mons.

La plus ancienne forme de volcanisme martien, remontant à la fin du Noachien et perdurant à l'Hespérien, serait celle des étendues basaltiques qui recouvrent le fond des bassins d'impact tels qu'Argyre et Hellas, ainsi que certaines étendues planes localisées entre ces deux bassins et celui d'Isidis (notamment Syrtis Major Planum, Hesperia Planum et Malea Planum), de façon rappelant les terrains volcaniques lisses identifiés sur Mercure (par exemple Borealis Planitia), sur Vénus (typiquement Guinevere Planitia) et sur la Lune — les « mers » lunaires, la plupart du temps corrélées à des impacts cosmiques.

Sur Mars, ces plaines de lave noachiennes constituent les régions de Malea Planum, Hesperia Planum et Syrtis Major Planum, qui se présentent comme des plateaux basaltiques dont la surface, typique de l'Hespérien, est géologiquement plus récente. La dynamique sous-jacente à ce type de volcanisme, entre fissure et point chaud, n'est pas vraiment comprise ; en particulier, on n'explique pas vraiment le fait que les volcans de Malea, d'Hesperia et d'Elysium soient plus ou moins alignés sur une aussi grande distance.

Une chambre magmatique a été identifée sous les caldeiras de Syrtis Major par l'anomalie gravitationnelle qu'elle provoque. Syrtis Major Planum apparaît ainsi comme un volcan bouclier particulièrement plat et érodé. Ces formations combinent des caractéristiques effusives et explosives les faisant ressembler aux boucliers pyroclastiques terrestres, tels que l'Emi Koussi dans le massif du Tibesti. C'est notamment le cas d'Hesperia Planum, dont le front occidental au contact d'Hellas Planitia, à proximité immédiate d'Hadriacus Mons, présente des cavités éboulées — telles qu'Ausonia Cavus — plus ou moins souterraines prolongées par des lits de cours d'eau asséchés — Dao Vallis et Niger Vallis, voire Harmakhis Vallis un peu plus loin au sud — qui rappellent, à bien plus grand échelle, les traces laissées sur Terre par des lahars.

Des plaines de lave bien plus vastes, et aussi parfois assez récentes (jusqu'à la seconde moitié de l'Amazonien), entourent les édifices des deux grands domaines volcaniques martiens, à savoir Elysium Planitia et surtout le renflement de Tharsis de part et d'autre d'Amazonis Planitia. L'exemple typique en est le très vaste ensemble d'âges hétérogènes formé par les plateaux de Daedalia, Icaria, Syria, Sinai, Solis, Thaumasia et Bosporos au sud de Valles Marineris : au moins 163 bouches volcaniques ont été recensées sur le renflement de Syria, à l'origine de coulées de lave s'étendant sur plus de 45 000 km2. Toutes ces plaines semblent résulter d'épanchements de lave sur les flancs des volcans, voire des premières coulées de lave très fluide des volcans eux-mêmes. Ainsi, la surface particulièrement lisse d'Amazonis Planitia résulterait de dépôts volcaniques continus depuis l'Hespérien jusqu'à des périodes assez récentes de l'Amazonien.

Volcans boucliers et stratovolcans

Cliché d'Olympus Mons obtenu par la sonde Mars Global Surveyor. Son sommet culmine à 21,2 km au-dessus du niveau de référence martien (22,5 km au-dessus des plaines alentour), et sa base atteint 624 km de large. Il s'agit du plus haut volcan connu du système solaire.

Un volcan bouclier, expression issue de l'islandais Skjaldbreiður désignant un volcan aplati en forme de « grand bouclier » (sens littéral de ce toponyme), est caractérisé par la très faible pente de ses flancs. Sur Terre, un tel volcan résulte d'épanchements de laves pauvres en silice, très fluides, qui s'écoulent facilement sur de grandes distances, formant des structures aplaties s'étalant sur des surfaces très importantes, contrairement, par exemple, aux stratovolcans, dont le cône, bien formé, a une base bien plus restreinte. Le type même de volcan bouclier est, sur Terre, le Mauna Loa, à Hawaï ; le Piton de la Fournaise, à la Réunion, en est un autre, plus petit mais très actif.

Sur Mars, les structures volcaniques les plus spectaculaires sont précisément des volcans boucliers. Le plus étendu d'entre eux, Alba Mons, s'étend sur quelque 1 600 km de large mais ne s'élève qu'à 6 800 m au-dessus du niveau de référence. L'analyse topographique détaillée de cet édifice volcanique parmi les plus volumineux du système solaire révèle trois grandes périodes d'activité à travers les ruptures de pente et les flux de lave particuliers relevés autour de son système de caldeiras. Les premières éruptions auraient consisté en des laves fluides qui se seraient répandues sur une large surface, puis des éruptions plus localisées auraient donné naissance au bouclier central, et enfin une phase finale aurait abouti au dôme portant le système de caldeiras, dont la masse aurait favorisé l'élargissement des grabens d'Alba et de Tantalus ainsi que la faible inclinaison du sommet vers l'est. Alba Mons se situe exactement aux antipodes du bassin d'impact d'Hellas Planitia, et sa formation serait peut-être due au contre-coup de l'impact à l'origine de ce bassin, il y a environ 4 milliards d'années. La datation de cet ensemble est cependant délicate, son aspect général plutôt érodé et couvert de poussières suggérant un âge ancien, mais la faible cratérisation de ses surfaces (comparée par exemple à celles de Syrtis Major, autre volcan bouclier clairement plus ancien au point de ressembler davantage à un plateau basaltique qu'à un volcan) et sa morphologie générale finalement assez proche de celle des volcans du renflement de Tharsis, avec leurs grands épanchements de lave en lobes latéraux et des éruptions successives se resserrant autour des caldeiras, plaident plutôt pour une activité centrée au milieu de l'Hespérien et se prolongeant au début de l'Amazonien.

Olympus Mons, le plus célèbre et le plus haut des volcans martiens, culmine à 21 229 m au-dessus du niveau de référence (des altitudes supérieures sont encore très souvent publiées, même récemment sur des sites institutionnels américains, mais relèvent d'estimations du XXe siècle antérieures aux mesures du MOLA de MGS) et possède un système de caldeiras long de 85 km, large de 60 km et d'une profondeur atteignant 3 km ; il couvre une surface d'environ 320 000 km2 et de 624 km de plus grande largeur, délimitée par un talus pouvant atteindre par endroits 6 000 m de dénivelé. L'origine de cet escarpement est pour l'heure inconnue : les volcans qui présentent sur Terre de telles formations sont typiques d'un volcanisme sous-glaciaire, caractérisé par l'épanchement de laves sous une masse de glace qui en limite l'extension basale pour contraindre l'édifice volcanique dans une géométrie cylindrique, comme c'est par exemple le cas de l'Herdubreid, en Islande ; néanmoins, nous serions ici en présence d'un volcan qui se serait développé sous un inlandsis de 5 à 6 km d'épaisseur, ce qui semble a priori inconcevable au vu de nos connaissances actuelles sur la planète Mars, de sorte que l'origine de cette particularité topographique doit encore être expliquée, et que les théories à ce sujet abondent.

Les autres grands volcans martiens sont également des volcans boucliers : du nord au sud, Ascraeus Mons, Pavonis Mons et Arsia Mons constituent les Tharsis Montes et sont les trois plus grands édifices du renflement de Tharsis, tandis qu'Elysium Mons est la principale formation d'Elysium Planitia. La fluidité des laves de ces édifices volcaniques est bien illustrée par les cavités d'effondrement relevées par exemple sur le flanc sud d'Arsia Mons, formées après que la lave s'est solidifiée en surface tandis qu'elle continuait à s'écouler en dessous, laissant des cavités dont le sommet s'est effondré une fois vidées.

Les volcans boucliers martiens atteignent des tailles gigantesques par rapport à leurs équivalents terrestres en raison de l'absence de tectonique des plaques sur Mars : l'écorce martienne demeure immobile par rapport aux points chauds, qui peuvent ainsi la percer au même endroit pendant de très longues périodes de temps pour donner naissance à des édifices volcaniques résultant de l'accumulation de laves pendant parfois plusieurs milliards d'années, alors que, sur Terre, le déplacement des plaques lithosphériques au-dessus de ces points chauds conduit à la formation d'un chapelet de parfois plusieurs dizaines de volcans, chacun ne demeurant actif que pendant quelques millions d'années, ce qui est bien trop bref pour permettre la formation de structures aussi imposantes que sur Mars. L'archipel d'Hawaï est le meilleur exemple terrestre illustrant le déplacement d'une plaque tectonique au-dessus d'un point chaud, en l'occurrence de la plaque pacifique au-dessus du point chaud d'Hawaï ; de la même façon, l'archipel des Mascareignes résulte du déplacement de la plaque somalienne au-dessus du point chaud de la Réunion.

D'autres types de volcans présents sur Mars rappellent davantage les stratovolcans, qui résultent de l'accumulation de dépôts de laves mêlées de cendres volcaniques. Ce sont les tholi (pluriel latin de tholus), édifices de taille plus modeste que les volcans boucliers, aux pentes plus accusées, surtout près du cratère, ainsi que les paterae, qui se réduisent parfois à leur caldeira. Tous ces types de volcans sont présents dans les régions du renflement de Tharsis et d'Elysium Planitia, la tendance générale étant cependant de trouver les volcans boucliers dans la région de Tharsis tandis que les volcans d'Elysium s'apparentent davantage à des stratovolcans.

Renflement de Tharsis : volcans, Syria Planum et Valles Marineris

Valles Marineris avec, au sud, le bloc formé par les plateaux de Syria, Solis et Thaumasia et, à l'ouest, les trois volcans de Tharsis Montes, formant le renflement de Tharsis.
Topographie de Valles Marineris.

Le plus spectaculaire et le plus complexe des ensembles géologiques martiens est formé des grands volcans de la région de Tharsis — Alba Mons, Olympus Mons et la chaîne de volcans de Tharsis Montes — ainsi que du système de canyons prenant naissance au niveau des failles entrecroisées de Noctis Labyrinthus pour se développer à travers l'ensemble de Valles Marineris puis les terrains chaotiques de Xanthe Terra et Margaritifer Terra jusqu'aux abords de Chryse Planitia. Toute cette région — le renflement de Tharsis — résulterait de la remontée d'un système de panaches mantelliques à l'origine des points chauds matérialisés par les différents volcans de Tharsis ainsi que, peut-être, des renflements de Syria Planum et des failles de Noctis Labyrinthus. Au sud de cette région, c'est tout un fragment d'écorce qui se serait soulevé et déplacé avec un mouvement de translation vers le sud doublé d'une rotation dans le sens inverse des aiguilles d'une montre.

Syria Planum, en particulier, semble avoir joué un rôle tectonique déterminant sur l'ensemble de la région pendant une très longue période de temps, depuis le Noachien jusqu'à l'Amazonien. Des dizaines de petits volcans boucliers de quelques dizaines de kilomètres de diamètres et quelques centaines de mètres de haut parsèment ce plateau volcanique, dont la surface oscille entre 6 000 et 8 000 m d'altitude. L'unité géologique constituée par Syria Planum, Solis Planum et Thaumasia Planum pourrait être vue comme une ébauche de plaque lithosphérique, soulevée et déplacée vers le sud en formant, au sud, un début de convergence au niveau de Claritas Fossae, Coracis Fossae et Nectaris Fossae, tandis qu'au nord apparaissait un énorme rift long de 4 000 km au niveau de Noctis Labyrinthus et, surtout, de Valles Marineris, dont l'origine tectonique par l'étirement nord-sud de l'écorce martienne avait été pressentie dès la fin des années 1970 par l'analyse des images retransmises par Viking 1 Orbiter.

Valles Marineris est un fossé d'effondrement élargi par l'érosion jusqu'à atteindre par endroits une largeur de 600 km et une profondeur de 10 km. L'érosion en question serait d'origine largement hydrologique, comme en témoigne la présence de sulfates hydratés, dont l'épaisseur des dépôts forme parfois de véritables montagnes, et de vallées dendritiques témoignant de l'existence passée d'un réseau de cours d'eau permanent et durable. De surcroît, l'étude détaillée des clichés pris par les nombreuses sondes qui, en orbite, ont observé ces canyons, a révélé des formations rocheuses interprétées comme des traces d'activité fluviale très prolongée et l'analyse par Mars Global Surveyor des anomalies gravitationnelles au-dessus de cette région a montré que la signature de Valles Marineris s'étend jusque dans le bassin de Chryse Planitia, ce qui donne une idée de la quantité de matériaux charriés hors de ces canyons par l'érosion fluviale continue sur une période de temps suffisamment longue. Si les traces de volcanisme et d'activité fluviale sont patentes dans Valles Marineris, les parois de ces canyons ont surtout été altérés, à l'Amazonien, par l'érosion éolienne et les glissements de terrain, souvent de très grande ampleur ; mais ces altérations révèlent à leur tour les traces d'anciens écoulements souterrains le long des failles ainsi mises à nu. Incidemment, l'estimation de la fréquence des glissements de terrain le long des parois de Valles Marineris a conduit à proposer une réduction d'un facteur 3 de la fréquence d'impact météoritique sur les surfaces martiennes depuis 3 milliards d'années, contrairement aux modèles usuels qui tablent plutôt sur un taux de cratérisation constant, lequel aurait pour conséquence l'observation d'une augmentation difficilement explicable de la fréquence des glissements de terrain.

La nature des terrains formant le fond des canyons n'est toujours pas très bien comprise, notamment quant à la part entre origine volcanique et origine sédimentaire. Le volcanisme serait a priori plus significatif à l'ouest des canyons, à proximité de Syria Planum, et les terrains sombres qualifiés de « dépôts intérieurs stratifiés » situés dans la région de Tithonium Chasma seraient volcaniques.

Elysium Planitia et autres volcans … mais peut-être pingos

La seconde région volcanique de Mars est très différente de celle de Tharsis. Bien plus petite, elle est aussi nettement plus récente, avec de nombreux terrains formés semble-t-il il y a moins de cent millions d'années, certaines coulées de lave étant quant à elles datées, à partir de leur taux de cratérisation, de moins de dix millions d'années. L'une des particularités de cette région est de présenter divers modes d'interaction de la lave avec des terrains chargés de glace.

Les clichés des sondes satellisées autour de Mars montrent par ailleurs un certain nombre de petits cônes surmontés d'un cratère, par exemple près du pôle nord, qui pourraient être des volcans, mais il est également possible que ce type de structure s'apparente davantage à des pingos, comme ceux d'Utopia Planitia, qui n'ont rien de volcanique mais sont, sur Terre, typiques des climats polaires, où ils résultent de la dilatation cumulative de l'eau du pergélisol lorsqu'elle fond et gèle alternativement au gré des saisons.

Dykes

Le fond de certains cratères de Syrtis Major Planum montre des arêtes allongées disposées de façon ordonnée, ce qui suggère fortement qu'on soit en présence de dykes. Ces structures se forment notamment dans les terrains traversés de failles provoquées notamment par les impacts météoritiques, et résultent de la plus grande résistance à l'érosion des roches magmatiques coulées dans ces failles, constituées de matériaux plus fragiles et qui finissent par disparaître en laissant une lame basaltique ayant l'apparence d'un mur ou d'une digue (d'où le nom de ce type de structures). Un dyke peut également se former par cimentation de brèches sous l'effet d'un cours d'eau qui s'insinue dans les failles, aboutissant là encore à durcir le matériau de comblement, qui subsistera seul une fois l'érosion ayant fait son œuvre sur l'encaissant moins résistant.

La région de Huo Hsing Vallis est particulièrement intéressante à cet égard, car elle présente des dykes assez évidents dans sa partie méridionale.

Sur Terre, les dykes sont fréquemment associés à des gisements de minerais importants, ce qui justifie pleinement l'intérêt qu'on peut porter à ces structures sur Mars.

Datation du volcanisme martien

Séquences volcaniques martiennes selon W. Hartmann et G. Neukum.

La superficie et la masse de la planète Mars étant respectivement 3,5 et 10 fois moindres que celles de la Terre, cette planète s'est refroidie plus rapidement que la nôtre et son activité interne s'est donc réduite également plus vite : alors que le volcanisme et, plus généralement, la tectonique (orogenèse, séismes, tectonique des plaques, etc.) sont encore très actifs sur Terre, ils ne semblent plus être notables sur Mars, où aucune tectonique des plaques, même passée, n'a jamais pu être mise en évidence.

Le volcanisme martien paraît également avoir cessé d'être actif, bien que l'âge semble-t-il très récent de certaines coulées de lave suggère, pour certains volcans, une activité actuellement certes très réduite, mais peut-être pas rigoureusement nulle, d'autant que Mars, contrairement à la Lune, n'a pas fini de se refroidir, et que son intérieur, loin d'être entièrement figé, contient en réalité un noyau peut-être entièrement liquide. D'une manière générale, l'analyse des données recueillies par Mars Express a conduit une équipe de planétologues de l'ESA dirigée par l'Allemand Gerhard Neukum à proposer une séquence en cinq épisodes volcaniques :

  • épisode volcanique majeur de l'Hespérien il y a environ 3,5 milliards d'années,
  • regain de volcanisme il y a environ 1,5 milliards d'années, puis entre 800 et 400 millions d'années avant le présent,
  • épisodes volcaniques récents d'intensité rapidement décroissante il y a environ 200 et 100 millions d'années.

Ces datations reposent sur l'évaluation du taux de cratérisation des coulées de lave correspondantes, qui semble recoupée par les observations indirectes sur le moyen terme mais contredites par les observations directes à court terme déduites de la fréquence des impacts récents observés sur plus de dix ans par les sondes satellisées autour de Mars, la principale difficulté de ce type de datation étant d'évaluer les biais statistiques introduits par la différence notable d'ordres de grandeur entre les surfaces anciennes (âgées de plus 2 milliards d'années), qui représentent une fraction importante de la surface de Mars, et les surfaces les plus récentes (âgées de moins de 200 millions d'années), qui sont comparativement extrêmement réduites.

Par ailleurs, si la fréquence des impacts récents relevée par les sondes satellisées autour de Mars semble suggérer un taux de cratérisation plus élevé que celui habituellement retenu pour dater les formations martiennes (ce qui conduirait à devoir « rajeunir » toutes ces datations), il semblerait plutôt que, sur le long terme, ce taux de cratérisation ait au contraire été divisé par trois depuis 3 milliards d'années, ce qui tendrait à « vieillir » les datations martiennes, et ce d'autant plus qu'elles sont relatives à des phénomènes récents.

Le tableau ci-dessous présente une synthèse synoptique des principaux volcans martiens et de la datation de leur formation lorsqu'elle a pu être déterminée à l'aide du taux de cratérisation relevé sur leurs différentes surfaces ; ces dates, lorsqu'elles sont estimées, se rapportent aux plus anciens terrains identifiés à la surface de chacun des volcans, ceux-ci s'étant nécessairement formés plus tôt, de sorte qu'il ne peut s'agir que d'une borne inférieure à l'âge de ces volcans — ce que traduit le signe « ≥ » :

  Volcan Type Coordonnées Altitude Âge   Localisation
  Alba Mons Bouclier 40,5° N et 250,4° E ~ 6 600 m   3,50 Ga     Marge nord-ouest du renflement de Tharsis.
  Uranius Tholus Tholus 26,1° N et 262,3° E ~ 4 500 m   4,04 Ga     Groupe d'Uranius, nord du renflement de Tharsis.
  Ceraunius Tholus   Tholus 24,0° N et 262,6° E ~ 8 250 m   3,75 Ga  
  Uranius Patera Patera 26,0° N et 267,0° E ~ 6 500 m   3,70 Ga  
  Olympus Mons Bouclier 18,4° N et 226,0° E 21 229 m   3,83 Ga     Point culminant de Mars, ouest du renflement de Tharsis.
  Tharsis Tholus Tholus 13,4° N et 269,2° E ~ 8 750 m   3,71 Ga     Volcan isolé au centre du renflement de Tharsis.
  Jovis Tholus Tholus 18,2° N et 242,5° E ~ 3 000 m   3,70 Ga     Nord-ouest du renflement de Tharsis.
  Ulysses Tholus Tholus 2,9° N et 239,4° E ~ 5 500 m   3,92 Ga     Ouest du renflement de Tharsis.
  Biblis Tholus Tholus 2,7° N et 235,4° E ~ 7 000 m   3,68 Ga  
  Ascraeus Mons Bouclier 11,8° N et 255,5° E 18 225 m   3,60 Ga     Tharsis Montes, centre du renflement de Tharsis.
  Pavonis Mons Bouclier 0,8° N et 246,6° E 14 058 m   3,56 Ga  
  Arsia Mons Bouclier 8,4° S et 238,9° E 17 761 m   3,54 Ga  
  Apollinaris Mons Stratovolcan 9,3° S et 174,4° E ~ 3 250 m   3,81 Ga     Volcan isolé à l'extrême sud-est d'Elysium Planitia.
  Elysium Mons Gris 24,8° N et 146,9° E 14 028 m   3,65 Ga     Groupe principal au nord-ouest d'Elysium Planitia.
  Hecates Tholus Gris 32,1° N et 150,2° E ~ 4 500 m   3,40 Ga  
  Albor Tholus Gris 18,8° N et 150,4° E ~ 3 750 m   2,16 Ga  
  Syrtis Major Fissure 7,9° N et 67,9° E ~ 2 000 m   3,75 Ga     Plateau de Syrtis Major Planum.
  Tyrrhena Patera Fissure 21,1° S et 106,5° E ~ 3 000 m   3,98 Ga     Centre ouest d'Hesperia Planum.
  Hadriacus Mons Bouclier 32,1° S et 91,8° E ~ -250 m   3,90 Ga     Aux confins d'Hellas Planitia et d'Hesperia Planum.
  Amphitrites Patera Bouclier 58,7° S et 60,9° E ~ 1 700 m   3,75 Ga     Malea Planum, au sud-ouest d'Hellas Planitia.
  Peneus Patera Bouclier 57,8° S et 52,5° E ~ 1 000 m   n. d.
  Malea Patera Bouclier 63,4° S et 51,9°& E ~ 0 m   n. d.
  Pityusa Patera Bouclier 66,8° S et 36,9°& E ~ 2 000 m   n. d.
Identification et âge des principaux volcans martiens.

Formations vraisemblablement d'origine hydrologique

Les images de la surface martienne transmises dès les années 1970 par les sondes Viking en orbite autour de la planète rouge ont révélé l'omniprésence des formations géologiques résultant semble-t-il de l'action, parfois prolongée, de grandes quantités d'un liquide alors encore impossible à préciser, H2O ou CO2 selon les principales hypothèses formulées à l'époque, connues respectivement sous le nom « Blue Mars » et « White Mars, » ce dernier modèle, fondé sur le CO2, défendu notamment par l'astronome australien Nick Hoffman, de l'université de Melbourne ; ce n'est qu'avec la caractérisation in situ de jarosite (minéral se formant en milieux aqueux) par le rover américain Opportunity en 2004, ainsi que de phyllosilicates (altération aqueuse de roches ignées) et de kiesérite (minéral hydraté) par la sonde européenne Mars Express en 2005, que la nature de ce liquide a pu être formellement identifiée comme étant de l'eau — identification qui avait fait l'objet de réfutations minoritaires jusqu'au début des années 2000.

Si les vallées fluviales elles-mêmes sont bien dessinées et bien évidentes à la surface de Mars, il manque en revanche toutes les structures de plus petites dimensions susceptibles d'indiquer l'origine de ces écoulements, malgré la très haute résolution des vues prises récemment par des sondes telles que Mars Global Surveyor avec l'instrument HiRISE — High Resolution Imaging Science Experiment. Cela pourrait signifier que ces vallées sont des structures très anciennes révélées par l'érosion partielle des sols, lesquels dissimuleraient par conséquent les traces de sources et des torrents à l'origine de ces cours d'eau. Les vallées sont en effet souvent discontinues, avec des segments invisibles sous ce qui semble être une région de terrains plus récents et moins érodés. Une autre hypothèse est qu'elles proviendraient de l'écoulement plus récent d'eau fondue du pergélisol, ce qui expliquerait pourquoi de nombreux « cours d'eau » martiens semblent se terminer par une cavité en hémicycle.

Ravines

Les clichés à haute résolution ont également mis en évidence la présence de plusieurs centaines de ravines (appelées gullies par les Anglo-saxons) sur les parois de nombreux cratères et canyons des terrains noachiens de l'hémisphère sud, le plus souvent face à l'équateur et jusqu'à une latitude d'environ 30° S ; ces structures ne semblent pas particulièrement érodées et ne présentent pas non plus de traces d'impact postérieures à leur formation, ce qui indiquerait leur apparition récente.

Deltas argileux et vallées au relief inversé

L'un des types de formations géologiques les plus remarquables concernant la présence passée de cours d'eau à la surface de Mars sont les vallées au relief inversé, qui résultent de l'érosion éolienne des terrains environnant un ancien lit de cours d'eau, ce dernier devenant saillant car moins facilement érodé en raison de l'action durcissante, par cimentation, de l'eau qui s'écoulait jadis à cet endroit : les minéraux dissous dans l'eau précipitent entre les interstices de la couche sédimentaire sous-jacente, qui s'en trouve durcie par rapport aux terrains environnants. On voit ainsi apparaître, sous l'effet d'une érosion éolienne uniforme, des vallées en négatif, saillantes au lieu d'être en creux, comme c'est par exemple le cas au niveau du cratère Miyamoto, dans la région de Meridiani Planum.

Des formations géologiques spectaculaires et très explicites, telles que des deltas, comme par exemple ceux du cratère Jezero par 18,9° N et 77,5° E ou du cratère Eberswalde (auparavant appelé « cratère Holden NE ») par 24,3° S et 326,5° E, ont également été observés, respectivement par l'instrument CRISM de Mars Reconnaissance Orbiter et la MOC de Mars Global Surveyor. Outre ces formations elles-mêmes, qui sont, sans ambiguïté, liées à une activité hydrologique passée, de nombreux minéraux typiquement associés aux milieux humides y ont été identifiés, notamment des phyllosilicates (voir plus loin).

Glaciers, lacs gelés et fragments de banquise

Mars étant une planète froide depuis trois ou quatre milliards d'années qui semble avoir possédé une hydrosphère significative il y a également trois ou quatre milliards d'années, il ne paraît pas surprenant d'y trouver de nombreuses formations évoquant l'action passée ou présente de glaciers. Certaines formations en forme de langue sont assez typiques (voir ci-dessous), tandis que des régions entières paraissent avoir été marquées par la glace, notamment Deuteronilus Mensae, qui serait particulièrement riche en glace sous seulement quelques mètres de rochers.

Les glaciers martiens semblent souvent associés aux terrains irréguliers, aux cratères d'impact et aux volcans ; on en a notamment décrit sur Hecates Tholus, Arsia Mons, Pavonis Mons et Olympus Mons.

L'ESA a publié en été 2005 des clichés — alors assez médiatisés — pris par l'instrument HRSC de la sonde Mars Express montrant un cratère anonyme de 35 km de diamètre et 2 km de profondeur, situé par 70,5° N et 103° E dans la grande plaine boréale de Vastitas Borealis, dont le fond est partiellement recouvert de glace d'eau sur un champ de dunes sombres émergeant à la périphérie de la glace.

Plus spectaculaire encore, des formations évoquant assez distinctement la surface « fossilisée » d'une mer couverte de fragments de banquise disloquée ont été identifiées la même années par la même sonde dans l'est de la région d'Elysium Planitia, par environ 5° N et 150° E couvrant une surface voisine de celle de la mer du Nord — 800 × 900 km2 pour 45 m de profondeur — et datée d'environ 5 millions d'années.

Formations de Medusae Fossae

Une vaste région martienne, longeant par le nord la frontière géologique matérialisant la dichotomie crustale au sud d'Amazonis Planitia entre les deux régions volcaniques d'Elysium Planitia et du renflement de Tharsis, est caractérisée par des formations atypiques se présentant comme des massifs lobés à la surface ondulée, géologiquement très jeunes au vu de la quasi absence de cratères à leur surface (mais d'origine sans doute bien plus ancienne, remontant probablement à l'Hespérien), et qui recouvrent parfois clairement des topographies plus anciennes : Lucus Planum par 4° S et 182° E, Eumenides Dorsum par 4,4° N et 203,5° E, Amazonis Mensa par 2° S et 212,5° E, et Gordii Dorsum par 4,4° N et 215,9° E ; plus à l'ouest, Aeolis Planum par 0,8° S et 145° E, et Zephyria Planum par 1° S et 153,1° E, au sud d'Elysium Planitia, sont également intégrés à cet ensemble.

La plus emblématique et la moins bien comprise de ces formations est celle entourant Medusae Fossae, située par 3,2° S et 197° E, au sud-ouest d'Eumenides Dorsum, dans le quart nord-est du quadrangle de Memnonia (cf. quadrangle MC-16 de l'USGS). Ce matériau particulier présente une texture meuble et une fragilité à l'érosion éolienne bien mises en évidence à travers ses yardangs vus par l'imageur thermique THEMIS de la sonde 2001 Mars Odyssey, et ci-dessous par HiRISE :

La sonde européenne Mars Express et sa caméra HRSC ont également fourni des clichés détaillés de cette région.

Mars Express a permis l'étude intensive de la formation de Medusae Fossae à l'aide de son radar MARSIS, sous la responsabilité de l'Italien Giovanni Picardi. Ces études ont montré qu'il s'agit de dépôts atteignant par endroits 2,5 km d'épaisseur, dont les propriétés électriques sont compatibles à la fois avec une nature poreuse (dépôts de cendres volcaniques d'origine éolienne) et une nature aqueuse (glace d'eau chargée de poussières, comme dans la calotte polaire australe résiduelle), les données alors recueillies ne permettant pas de trancher entre ces deux possibilités. Des analyses récentes ont montré que ces dépôts se sont peut-être étendus au-delà de la frontière géologique marquant la dichotomie crustale, comme pourraient le laisser penser des formations interprétées comme des restes de dépôts similaires sur les hautes terres au sud de Medusae Fossae.

L'instrument SHARAD de Mars Reconnaissance Orbiter, précisément conçu pour analyser les échos radar superficiels, avait par ailleurs permis de déterminer que la structure des couches de dépôts constituant la formation de Medusae Fossae diffère de celle des calottes polaires, dans la mesure où aucune stratification particulière n'a pu être mise en évidence à partir des données recueillies par cet instrument, et ce malgré le fait qu'une stratification des terrains correspondants par couches de quelques dizaines de mètres d'épaisseur soit décelable dans l'infrarouge et la lumière visible ; a contrario, la calotte australe résiduelle montre quant à elle une stratification parfaitement détectable par SHARAD.

Calottes polaires

Calotte polaire boréale de Mars vue par Mars Global Surveyor le 13 mars 1999, au début de l'été martien dans l'hémisphère nord ; la calotte a ici un diamètre d'environ 1 100 km et se réduit quasiment à la calotte résiduelle estivale, dont on voit bien la structure globalement spiralée ainsi que Chasma Borealis qui entaille la calotte sur la gauche de l'image.
Autre vue du pôle nord de Mars par la sonde MGS.

Mars possède une calotte polaire à chaque pôle, ces calottes ayant chacune une dynamique particulière en raison de la dissymétrie des saisons sur Mars : l'hiver austral est bien plus long et plus froid que l'hiver boréal, tandis que l'été austral est plus chaud que celui de l'hémisphère nord. Il s'ensuit que la température des pôles martiens varie différemment au cours de l'année au pôle nord et au pôle sud, avec un minimum comparable de -120 °C au nord et -130 °C au sud, mais un maximum de -100 °C au nord et de -50 °C au sud : c'est ce qui explique que la calotte résiduelle boréale ait environ 1 000 km de diamètre, soit deux à trois fois moins que son extension maximum, tandis que la calotte résiduelle australe n'a qu'environ 300 km de diamètre.

Contrairement à celles de la Terre, les calottes polaires martiennes sont constituées, en surface, essentiellement de glace de dioxyde de carbone et d'une fraction de glace d'eau. Elles atteignent des épaisseurs considérables, la calotte australe ayant été mesurée par l'instrument italo-américain MARSIS de la sonde européenne Mars Express comme ayant une épaisseur atteignant 3,7 km. L'instrument OMEGA, également embarqué à bord de cette sonde, avait permis d'estimer à 15 % la teneur globale en eau de la glace polaire australe, les 85 % restants étant constitués de CO2 gelé. Mais l'épaisseur de la calotte semble au contraire constituée de dépôts de poussières mêlés de glace d'eau en proportions variables selon les couches successives. Ceci représente au final des quantités d'eau considérables, dont on a calculé qu'elles premettraient de recouvrir toute la surface de Mars sur une épaisseur de 11 m.

La calotte polaire australe a été particulièrement étudiée par les sondes en orbite autour de la planète rouge, ce qui permet d'en brosser un portrait assez complet :

  • La calotte résiduelle australe est constituée en surface d'une couche assez fine de glace carbonique relativement pure, ne dépassant pas quelques dizaines de mètres d'épaisseur. Cette calotte résiduelle présente une surface en « gruyère, » constituée de trous dans la couche de glace. En automne, elle se recouvre d'une fine couche de glace carbonique très pure de quelques mètres d'épaisseur, qui disparaît au printemps en laissant apparaître à nouveau les mêmes trous aux mêmes endroits. Les variations à la surface de la calotte résiduelle sont infimes d'une année sur l'autre, mais semblent montrer une sublimation progressive de la calotte résiduelle australe.
  • Sous la couche superficielle de glace carbonique de la calotte résiduelle australe se trouve un matériau a priori riche en glace d'eau qui forme l'essentiel du volume de la calotte elle-même. Ce matériau peut être vu en tranches à la faveur des chasmata qui l'entaillent, montrant alors une structure stratifiée en couches alternativement claires et sombres semblable à celle de la calotte nord. Ces différentes strates de matériaux persistent sur de grandes distances et semblent résulter de la superposition de couches formées lors de conditions climatiques globalement très distinctes les unes des autres, ce qui n'est pas sans rappeler l'effet observé sur Terre des cycles de Milankovitch. Mars Global Surveyor a ainsi observé plusieurs discontinuités dans les strates polaires, ce qui témoignerait de l'érosion éolienne survenue pendant l'interruption des processus conduisant aux dépôts stratifiés, lesquels ont pu reprendre après que l'erosion eut modifié les surfaces précédemment déposées.
  • La calotte hivernale australe, plus épaisse que celle de l'hémisphère nord, est constituée d'un ou deux mètres de glace carbonique très pure, au point d'être quasiment transparente et de laisser voir la couleur du sol en surplomb. Cette croûte de glace, qui s'étend jusqu'à des latitudes de seulement 55° S et dépasse donc 3 000 km de diamètre, est craquelée en surface pour donner un aspect en peau de lézard, parcourue de sillons d'environ 50 cm à 1,50 m de profondeur et 6 m de large, formant des motifs en étoile dits « en araignée » (voir plus loins dans l'article) ainsi que des structures dites « en éventail » assimilées à des geysers de CO2 chargés de poussières dont on voit la marque des panaches sur le sol sous forme de taînées sombres plus ou mois divergentes selon la stabilité des vents dominants.

Excentricité de la calotte résiduelle australe

Par ailleurs, la compréhension du régime des vents aux latitudes tempérées de Mars, et notamment l'effet du bassin d'impact d'Hellas Planitia sur la circulation atmosphérique aux latitudes moyennes australes, a permis d'expliquer pourquoi la calotte résiduelle australe est décalée, lorsqu'elle est réduite à sa plus faible extension à la fin de l'été, de 3° sur le méridien 315° E : ce bassin vaste et profond stabilise un puissant système dépressionnaire à l'ouest du pôle sud, dans la région d'Argentea Planum jusqu'au-dessus de la calotte australe résiduelle, et un anticyclone à l'est du pôle sud, vers Hellas Planitia et Promethei Planum ; les conditions de l'atmosphère martienne dans le système dépressionnaire occidental sont réunies près du pôle sud pour déclencher des chutes de neige carbonique, tandis que les conditions anticycloniques ne permettent jamais de telles chutes de neige et n'autorise le dépôt de glace carbonique au sol que par condensation sous forme de givre.

Geysers, points noirs et « araignées »

Les régions polaires martiennes présentent des manifestations géologiques inattendues : outre les traînées noires sur terrains en pente, diverses structures telles que les points noirs sur les dunes, souvent associés à des motifs dits « en araignée, » sont typiques de la « zone cryptique, » située environ entre 60° et 80° de latitude sud et 50° et 210° de longitude est ; ces structures particulières correspondraient à des manifestations de type geyser résultant de la sublimation de dioxyde de carbone dans le sous-sol.

Les points noirs ont typiquement entre de 15 et 45 m de large et sont espacés de quelques centaines de mètres. Ils apparaissent au printemps au voisinage des calottes polaires, notamment celle de l'hémisphère sud qui se restreint bien davantage que celle de l'hémisphère nord pendant l'été, et demeurent visibles pendant quelques mois avant de s'évanouir avant l'automne ; ils ne réapparaissent qu'au printemps suivant, parfois au même endroit. Ces points noirs sont souvent associés à des structures « en araignée, » qui semblent résulter de l'affaissement convergent du sol après sublimation d'une couche de CO2 gelé sous une couche superficielle de poussières. La pression du CO2 gazeux peut être suffisante pour provoquer un jet propulsé à plus de 160 km/h, emportant des poussières issues d'en-dessous de la surface du sol, qui sont souvent plus sombres que celles des couches superficielles, ce qui expliquerait les structures observées au sol dans ces régions particulières du pôle sud de Mars.

Traînées noires sur terrains en pente

L'instrument HiRISE de Mars Reconnaissance Orbiter a révélé l'existence insoupçonnée de traînées noires matérialisant les lignes de plus grande pente sur les bords de nombreux cratères ainsi que sur divers terrains en pente. Appelées dark slope streaks par les Anglo-saxons, ce sont des formations assez fines qui peuvent néanmoins atteindre plusieurs centaines de mètres de long. Ces traînées s'allongent lentement au fil du temps, toujours en partant d'une source ponctuelle. Celles qui viennent de se former sont très sombres, et pâlissent au fur et à mesure qu'elles vieillissent ; leur durée de vie est de quelques dizaines de mois.

L'origine de ces formations demeure incertaine ; l'hypothèse généralement retenue en fait des écoulements de sable plus sombre issu des couches plus profondes des terrains sur lesquels elles sont observées, tandis que certains auteurs les attribuent à des écoulements de saumures provenant de la fonte partielle du pergélisol.

Ces bandes sombres, qui prennent naissance sur l'arête d'un escarpement — d'origine tectonique ou sur un cratère d'impact — présentent des similitudes avec certains types de ravines inhabituelles, ce qui pourrait indiquer que des phénomènes voisins sont en jeu dans ce cas précis :

Ravines inhabituelles sur le bord du cratère Newton, par 40,5° S et 201,9° E dans la région de Terra Sirenum, vues par la MOC de MGS le 7 octobre 2002.

Avalanches et glissements de terrain

L'instrument HiRISE de la sonde MRO a immortalisé, le 19 février 2008, un glissement de terrain de grande ampleur sur une falaise d'environ 700 m de haut, rendu notamment visible par le nuage de poussières qui s'est élevé au-dessus de la région à la suite de ce phénomène.

Dunes

La poussière martienne, dont les grains ont au plus quelques micromètres de diamètre, est bien plus fine que le sable — qui correspond à une granulométrie de 50 μm à 2 mm — mais peut néanmoins conduire à des formations semblables à celles rencontrées sur Terre dans les déserts de sable, telles que des barkhanes et des champs de dunes.

Terrains tourmentés

Les deux grands domaines géologiques martiens — hautes terres cratérisées de l'hémisphère sud d'un côté, plaines basses et lisses de l'hémisphère nord de l'autre — forment une dichotomie crustale matérialisée par une région intermédiaire essentiellement constituée de terrains dits « tourmentés, » que les Anglo-saxons appellent fretted terrains. Ce type de reliefs, découvert avec les clichés transmis par la sonde Mariner 9, est caractérisé par des escarpements et des falaises d'un à deux kilomètres de dénivelé et des vallées fluviales larges à fond plat et aux bords abrupts. Une région caractéristique de ce type de terrains se trouve entre les longitudes 0° et 90° E, et les latitudes 30° N et 50° N.

On trouve également de tels terrains en bordure des grands bassins d'impact, tels que celui d'Hellas Planitia, à « l'embouchure » de Reull Vallis, formant transition avec les hautes terres de Promethei Terra :

Terrains chaotiques

Les terrains chaotiques résulteraient de l'action de grandes quantités d'eau soudainement libérées du sous-sol. Les structures interprétées comme des lits de cours d'eau asséchés prennent en effet souvent naissance dans des régions chaotiques. L'hématite Fe2O3, très abondante dans ces structures (les dépôts d'hématite d'Aram Chaos sont les seconds plus importants identifiés sur Mars), constituent une indication forte de la présence passée de grandes quantités d'eau liquide dans ces régions.

On reconnaît ce type de terrains à la présence de mesas, de buttes, de collines, découpées par des vallées qui peuvent sembler disposées avec une certaine régularité. Il s'agit de formations anciennes, dont l'âge, estimé à partir du taux de cratérisation de leur fond ainsi que par recoupement avec d'autres structures géologiques dont l'âge a pu être déterminé par ailleurs, remonterait entre 3,8 et 2,0 milliards d'années avant le présent. Ces régions semblent par endroits moins effondrées, donnant lieu à des mesas de plus grande taille, qui pourraient alors encore contenir de grandes quantités d'eau gelée.

Le volcanisme pourrait avoir joué un rôle déterminant dans la formation de ce type de structures, au moins pour certaines d'entre elles. Ainsi, des basaltes riches en olivines ont été identifiés dans Hydraotes Chaos.

L'instrument HRSC de la sonde Mars Express a également fourni d'excellents clichés en 3D d'Iani Chaos, d'Aram Chaos, d'Aureum Chaos, ainsi que de la région séparant Kasei Valles et Sacra Fossae, constituée de terrains chaotiques également spectaculaires.

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