La philosophie de Bachelard a largement influencé l'épistémologie française, notamment Koyré, Althusser, Canguilhem, Simondon, Foucault.
Bachelard appliquait sa théorie de la connaissance essentiellement à la physique, aux mathématiques, à la chimie et à la logique ; Canguilhem l'appliquera à la biologie et à la médecine, en tenant compte également de l'apport de Bergson. Althusser développera la notion de « coupure épistémologique » en référence à la « rupture épistémologique » bachelardienne. Quant à Simondon, il tentera une synthèse du bergsonisme et du bachelardisme.
Il semble également que le concept de paradigme inventé par Kuhn soit inspiré de Bachelard.
Les réflexions de Bachelard sur l'imagination, la poésie et le symbolisme, très influencées par le surréalisme naissant, ont marqué le travail de certains penseurs de l'herméneutique et de la philosophie postmoderne tels que Ricœur, Deleuze, Derrida et Sloterdijk.
Ricœur rend hommage à la « phénoménologie de l'imagination » de Bachelard dans La métaphore vive.
Deleuze discute l'interprétation bachelardienne des images poétiques utilisées par Nietzsche dans son œuvre, et notamment dans le Zarathoustra. Pour Bachelard, les images nietzschéennes sont essentiellement aériennes, signes d'un penseur qui nous regarde du haut des cimes. Pour Deleuze au contraire, Nietzsche est un penseur terrestre, dont le credo « mes amis, restez fidèles à la terre » est partout manifeste. Nietzsche serait plutôt le philosophe des profondeurs, qui nous met en garde contre les envolées mystiques et les ascensions religieuses.
Sloterdijk prolonge les analyses de Bachelard sur l'imaginaire et le symbolisme aquatiques.
Le critique et professeur Jean-Pierre Richard s'inspire de Bachelard dans ses analyses littéraires.
Bachelard établit le projet d'une « métapoétique » dans son étude de la poésie de Lautréamont.
Bachelard classe les inspirations poétiques en quatre catégories, correspondant aux quatre éléments des Anciens et des alchimistes : l'eau, le feu, l'air et la terre. Il écrit : « La rêverie a quatre domaines, quatre pointes par lesquelles elle s'élance dans l'espace infini. Pour forcer le secret d'un vrai poète [...], un mot suffit : « Dis-moi quel est ton fantôme ? Est-ce le gnome, la salamandre, l'ondine ou la sylphide ? ». ». Ces quatre catégories sont autant de méthodes poétiques et psychanalytiques d'approche des textes littéraires.
Dans la Psychanalyse du feu, Bachelard évoque les quatre éléments, bien qu'il centre son ouvrage sur le feu. Ce livre inaugure la série d'ouvrages que Bachelard va consacrer aux éléments : cette série commence donc par le feu, puis l'eau (L'Eau et les rêves: Essai sur l'imagination de la matière), l'air (L'Air et les songes : Essai sur l'imagination du mouvement), la terre (La Terre et les rêveries du repos et La Terre et les rêveries de la volonté), et s'achève par l'élément par lequel Bachelard avait commencé, celui qui le fascine le plus personnellement : le feu, dans son autobiographie La Flamme d'une chandelle. Suzanne Bachelard, sa fille, éditera l'oeuvre posthume Fragments d'une Poétique du Feu (constituée de trois chapitres respectivement sur Prométhée, le Phénix et Empédocle), ce qui fait trois ouvrages sur le feu au total.
Chacun des quatre éléments correspond à un réseau particulier d'images affectives et à une appréhension propre de la nature et de la matière. Par exemple, l'eau peut renvoyer à l'élément féminin (maternité ou érotisme), à l'intimité ou encore au sommeil (les « eaux dormantes »). Le feu renvoie plutôt à la vivacité, à la passion, à la fusion avec le Tout (consumation du moi, dispersion dans l'immensité du monde) ou au frottement des corps, à la caresse, à la sexualité. L'air renvoie à l'infini, à l'ascension, à la légèreté ou encore à la transparence. Il évoque encore la liberté et les hautes valeurs morales. Enfin, la terre exprime par exemple la pesanteur.
Bachelard mêle à ses analyses poétiques des analyses psychanalytiques ; l'interprétation de la poésie est, selon lui, tributaire d'une psychologie de l'imagination et de notions telles que le « dynamisme » ou le « désir ». En effet, on peut mieux comprendre la poésie d'un auteur lorsque l'on étudie son imaginaire personnel, ce qui le fascine et ce qui le hante.
En ce sens, la découverte du feu dans la préhistoire serait d'origine sexuelle (le frottement des bouts de bois évoque le frottement des corps), c'est-à-dire poétique et affective, et non d'origine rationnelle (l'interprétation rationnelle expliquait la découverte du feu par son utilité manifeste), comme le montre Bachelard dans la Psychanalyse du feu.
S'inspirant de la psychologie jungienne et des théories surréalistes, Bachelard fait de l'imaginaire et du désir la source principale de la vie psychique. Il définit l'imagination ainsi :
« On veut toujours que l'imagination soit la faculté de former des images. Or elle est plutôt la faculté de déformer les images fournies par la perception. »
L'imagination n'est pas la simple continuation de la perception de la réalité, elle est au contraire un « imaginaire », c'est-à-dire une « surréalité » qui va bien au-delà et même à l'encontre de la perception.
De même, les quatre éléments correspondent à des poètes ou à des courants littéraires précis.
Pour le feu, Bachelard évoque Héraclite, Empédocle, Novalis, Hölderlin, Hoffmann, le Werther de Goethe. Le feu est particulièrement vif dans le courant romantique, à cause de la consumation totale du moi dans la nature qu'il inspire. Les poètes animés par la « salamandre » ont ainsi en commun cette dispersion du moi dans les choses : la légende dit qu'Empédocle s'est jeté dans l'Etna ; Héraclite fait du « feu » (τὸ πῦρ), perpétuellement en devenir, le principe au cœur des choses qui crée et consume le monde sans fin ; et Werther finit par se suicider pour un amour impossible.
Hölderlin écrit un roman intitulé Hypérion et une trois versions d'une tragédie inachevée sur Empédocle, exprimant la nostalgie de ce retour au sein de la Nature, de laquelle il se sent exilé, avant de sombrer dans la folie :
« Alors qu'Hypérion choisit une vie qui se mêle plus intimement à la vie de la Nature, Empédocle choisit une mort qui le fond dans le pur élément du Volcan. Ces deux solutions, dit fort bien M. Pierre Bertaux, sont plus proches qu'il ne semble à première vue. Empédocle est un Hypérion qui a éliminé les éléments werthériens, qui, par son sacrifice, consacre sa force et n'avoue pas sa faiblesse ; [...]. La mort dans la flamme est la moins solitaire des morts. C'est vraiment une mort cosmique où tout un univers s'anéantit avec le penseur. Le bûcher est un compagnon d'évolution. »
La production poétique de Novalis, quant à elle, fut aussi intense que courte. Bachelard en dit :
« Toute la poésie de Novalis pourrait recevoir une interprétation nouvelle si l'on voulait lui appliquer la psychanalyse du feu. Cette poésie est un effort pour revivre la primitivité. [...] Voici alors, dans toute sa claire ambivalence, le dieu frottement qui va produire et le feu et l'amour. »
Pour l'eau, Bachelard évoque Edgar Poe, dans L'Eau et les rêves (ch. 2 : « Les eaux profondes, les eaux dormantes, les eaux mortes. "L'eau lourde" dans la rêverie d'Edgar Poe »). Dans la Psychanalyse du feu, il parle de l'« étang de la Maison Usher ». Bachelard parle également de Novalis, qui exprime dans so, Henri d'Ofterdingen (roman inachevé) des images de maternité et de jeunes filles au contact de l'eau :
« Les êtres du rêve, chez Novalis, n'existent donc que lorsque qu'on les touche, l'eau devient femme seulement contre la poitrine, elle ne donne pas des images lointaines. »
De plus, pour Novalis, l'eau est une « flamme mouillée ». On voit bien ici que, dans l'imaginaire poétique, les quatre éléments ne sont pas cloisonnés de manière rigide ; ils peuvent au contraire communiquer, comme chez Novalis où l'eau transfigure le feu et vice-versa. Bachelard classe aussi Swinburne parmi les poètes hantés par l'« ondine ».
Pour l'air, Bachelard consacre un long passage à Nietzsche dans L'Air et les songes (ch. 5 : « Nietzsche et le psychisme ascensionnel »). Il s'intéresse ainsi à l'esthétique (Le Cas Wagner) et à la production poétique (Gai savoir et Ainsi parlait Zarathoustra, entre autres) de Nietzsche, en plus de lui emprunter certaines de ses intuitions sur le désir et sur l'imagination. Il déclare :
« Nietzsche est le type même du poète vertical, du poète des sommets, du poète ascensionnel. »
L'esthétique nietzschéenne se caractérise par la légèreté, notamment dans les arts rythmiques (musique, danse et poésie), contre la « lourdeur névrotique » de Wagner. Bachelard analyse aussi, dans le même livre, les poètes marqués par la « sylphide » que sont Shelley (« poésie aérienne », p. 52), Balzac (« ascension psychologique vécue », p. 70) et Rilke (« impression dynamique de légèreté, » p. 44). Sa psychologie de l'air s'inspire de manière remarquable de la métaphysique bergsonienne de la mobilité, notamment lorsque Bachelard caractérise l'élément aérien comme la coïncidence mouvante de l'être intime (l'être du rêveur-poète) avec l'Être tout entier (l'être cosmique) : le monde est lui-même « voyage », et le rêveur voyage avec le monde, non dans le monde : la fusion aérienne n'est pas la consumation brûlante de l'être que l'on trouve dans la poésie marquée par l'élément du feu.
« Jamais le rêveur aérien n'est tourmenté par la passion. (p. 57) »
En effet, le poète de l'air se meut dans la douceur ; il est transporté, protégé, comme le rêveur de l'eau qui est bercé par l'eau maternelle. La continuité entre l'eau et l'air se manifeste précisément dans le passage du transport flottant bercé par les eaux au transport volant porté par les airs. Au contraire, le poète du feu risque la dissolution complète de son être dans l'élément naturel, il dissipe toute protection dans une rêverie flamboyante et passionnée.
Néanmoins, l'air et le feu ont en commun l'élévation, l'ascension :
« La méditation de la flamme a donné au psychisme du rêveur une nourriture de verticalité, un aliment verticalisant. Une nourriture aérienne, allant à l'opposé de toutes les « nourritures terrestres », pas de principe plus actif pour donner un sens vital aux déterminations poétiques. »
— La flamme d'une chandelle (1961).
Jacques Derrida se propose de critiquer le projet métapoétique de Bachelard, dans le cadre d'une étude de la métaphore. Pour l'inventeur de la déconstruction, l'ensemble de la tradition philosophique a toujours voulu dominer le processus métaphorique, le rationaliser, en faire un domaine contingent et sensible à côté de l'intelligibilité pure, reproduisant en cela la dualité Platonicienne. Or, « Bachelard est, sur ce point, fidèle à la tradition : la métaphore ne lui paraît pas constituer simplement, ni nécessairement, un obstacle à la connaissance scientifique ou philosophique ».
Dans la perspective derridienne, rien ne peut échapper à la métaphore, aucun discours ne peut prétendre la dominer, c'est-à-dire n'être pas lui-même métaphorique, empreint de double sens. Il n'y a que la métaphore elle-même qui soit « dominée » par le processus métaphorique, emportée vers l'autodestruction. Or, l'œuvre poétique de Bachelard (notamment son Lautréamont) est en fait complice de son œuvre épistémologique (notamment La formation de l'esprit scientifique). L'œuvre de Bachelard se conçoit, selon Derrida, comme le double projet d'une métapoétique (discours philosophique sur la poésie, qui fonde la possibilité d'une analyse littéraire descriptive et objective, qui passe par la classification des métaphores) et d'une psychanalyse de la connaissance (analyse et épuration des obstacles affectifs à la recherche scientifique, afin de parvenir à des théories rationnelles et rigoureuses).
Mais cette classification des métaphores n'est possible que si le philosophe se place en un lieu où il n'est pas affecté par le processus métaphorique lui-même dans la production de son discours. Une métaphore ne peut maîtriser une métaphore : il faut déterminer un concept de métaphore, qui ne soit pas lui-même métaphorique. Et c'est précisément cette distanciation rationnelle du philosophe, donc cette classification des métaphores (irrationnelles mais déterminables rationnellement), qui est impossible pour Derrida : la métaphore traverse l'ensemble du discours, y compris et surtout le discours philosophico-scientifique. « La philosophie, comme théorie de la métaphore, aura d'abord été une métaphore de la théorie ». Le mot « théorie » lui-même est métaphorique, il désigne l'action de « voir », d'après l'étymologie grecque.