Fonction zêta de Riemann - Définition

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Les grandes conjectures

L'hypothèse de Riemann

Représentation en bleu de la partie réelle et en rouge de la partie imaginaire de la fonction ζ(1 / 2 + ix) sur l'intervalle [0;100], où l'on voit clairement apparaître les premiers zéros non-triviaux.

Cette hypothèse reste pour l'instant non démontrée. Elle exprime que tous les zéros qui se trouvent dans la bande critique sont de partie réelle égale à 1/2. Elle ne dit rien sur la multiplicité des zéros.

Cette hypothèse, formulée dès 1859 par Bernhard Riemann, a de très grandes conséquences dans le comportement asymptotique de nombreuses fonctions arithmétiques qui se trouvent liées à \zeta\, .

Les conséquences sur le comportement de la fonction \zeta\, sont nombreuses. On en donne quelques unes dans ce qui suit.

  • L'hypothèse de Riemann entraine que l'on a δ = 0 dans le théorème de Valiron. En fait, on montre bien mieux, la fonction \ln\,\zeta étant analytique régulière dans le demi-plan \Re(s)>1/2.
  • Sous l'hypothèse de Riemann, on a, uniformément pour tout σ tel que 1/2<\sigma_0 \le \sigma \le 1
 \ln \zeta(\sigma+it) = \mathcal{O}\Big((\ln t)^{2-2\sigma+\epsilon}\Big)

et même plus précisément, si l'on suppose 1/2+ 1/\ln \ln t \le \sigma \le 1 , on a

 \ln \zeta(\sigma+it) = \mathcal{O}\Big(\ln \ln t(\ln t)^{2-2\sigma}\Big).
  • De cela on déduit, pour tout σ > 1 / 2, car l'exposant dans la formule précédente est inférieur à 1,
     \zeta(\sigma+it) = \mathcal{O}\Big(t^\epsilon\Big)
    et
     \frac1{\zeta(\sigma+it)} = \mathcal{O}\Big(t^\epsilon\Big).

Autrement dit, l'hypothèse de Riemann implique l'hypothèse de Lindelöf.

  • Il en résulte également l'estimation
 \lim_{T \rightarrow \infty}\frac1{T}\int_1^T\frac{\mathrm dt}{ |\zeta(\sigma+it)|^2} = \frac{\zeta(2\sigma)}{\zeta(4\sigma)}.
  • On peut développer, sous l'hypothèse de Riemann, une théorie voisine de celle de la fonction μ(σ) qui concernait ζ. Supposant σ > 1 / 2 et appelant ν(σ) le plus petit exposant α pour lequel on a \ln \zeta(\sigma+it)=\mathcal{O}\Big((\ln t)^\alpha\Big) , on montre que ν(σ) est une fonction convexe décroissante de σ satisfaisant aux inégalités 1-\sigma \le  \nu(\sigma) \le 2(1-\sigma). On montre aussi que la fonction ν(σ) de \zeta'(\sigma+it)/\zeta(\sigma+it)\, est la même fonction ν(σ) que celle de \ln\,\zeta(\sigma+it). Mais on ignore encore la valeur de ν(σ) pour tout \sigma \in ]1/2, 1[. Pour \sigma \ge 1 , ν(σ) = 0.
  • On a sans l'hypothèse de Riemann la formule
    \frac{\zeta'(s)}{\zeta(s)}=\sum_{|t-\gamma| \le 1}\frac1{s-\rho}+\mathcal{O}(\ln |t|).
    Avec l'hypothèse de Riemann, la sommation peut être considérablement diminuée. On a
\frac{\zeta'(s)}{\zeta(s)}=\sum_{|t-\gamma| \le 1/\ln \ln t}\frac1{s-\rho}+\mathcal{O}(\ln |t|).
  • On connait, sous l'hypothèse de Riemann, l'ordre exact des fonctions \zeta(1+it)\, et 1/\zeta(1+it)\,.

On a en effet (γ = 0,577... est la constante d'Euler)

e^\gamma\le \limsup_{t \rightarrow \infty}\frac{|\zeta(1+it)|}{\ln \ln t} \le e^{2\gamma}

et

\frac6{\pi^2}e^\gamma\le \limsup_{t \rightarrow \infty}\frac{1/|\zeta(1+it)|}{\ln \ln t} \le \frac{12}{\pi^2}e^{2\gamma}
  • La question de la position des zéros de la dérivée \zeta '\, est liée également à l'hypothèse de Riemann. Littlewood a démontré le théorème
« Ou bien la fonction \zeta\, ou bien la fonction \zeta '\, a une infinité de zéros dans la bande 1 − δ < σ < 1, δ étant une quantité positive arbitrairement petite. »

et Speiser a démontré que

« L'hypothèse de Riemann est équivalente à l'absence de zéro non trivial de la dérivée \zeta'\, dans le demi-plan σ < 1 / 2. »

De même, Yildirim a démontré que

« L'hypothèse de Riemann implique que \zeta''(s)\, et \zeta'''(s)\, ne s'annulent pas dans la bande 0 < \Re(s)<1/2.  »

La théorie de la fonction mu, l'hypothèse de Lindelöf et l'hypothèse de densité

On utilise ici les résultats vus plus haut dans la partie .

L'estimation de \zeta\, dans la partie \Re(s)<0 montre que la fonction t\mapsto\zeta(\sigma+it)\, est d'ordre fini : elle est majorée par une puissance de t=\Im (s).

Dans la région \Re(s)>\sigma_0>1, la majoration est celle d'une constante.

Graphe de la fonction μ en fonction de σ. En noir, la partie connue. En jaune la partie supposée conformément à l'hypothèse de Lindelöf. En rouge la majoration par la convexité.

La théorie des séries de Dirichlet montre que dans la bande critique, la fonction est encore d'ordre fini sauf en s = 1. La question qui se pose alors est celle de l'estimation de cet exposant. On appelle traditionnellement μ(σ) le plus petit exposant μ tel que |\zeta(\sigma+it)| \ll t^{\mu}.

La théorie générale montre que la fonction μ est une fonction convexe décroissante de σ.

On a de plus :

  • \mu(\sigma) = \frac12-\sigma pour σ < 0 et
  • \displaystyle\mu(\sigma) = 0 pour σ > 1.
  • La propriété de convexité impose, dans la bande critique, \mu(\sigma) \le \frac12-\frac12 \sigma

mais on ignore la valeur exacte de μ(σ) pour 0 < σ < 1.

La convexité donne \mu(1/2) \le 1/4=0,25.

La relation fonctionnelle approchée (voir plus haut) donne : \mu(1/2) \le 1/6 < 0,16667.

On sait que \mu(1/2) \le 139/858=0,162004 d'après Kolesnik.

La conjecture de Lindelöf s'exprime dans la propriété, encore conjecturale, suivante :

pour tout \varepsilon>0 on a

|\zeta(1/2+it)| \le t^\varepsilon.

Cela a en autre pour conséquence immédiate que \displaystyle\mu(1/2)=0 . On connaît alors la valeur exacte de la fonction μ. Le graphe de μ est composé des deux seules demi-droites indiquées, qui se rejoignent en σ = 1 / 2 à la valeur 0.

Cette hypothèse a de nombreuses formulations équivalentes intéressantes. En voici deux :

  • Pour tout k \ge 1 , on a
\frac1{T}\int_1^T{|\zeta(1/2+iu)|^{2k}\mathrm du} = \mathcal{O}(T^\epsilon)
  • Pour tout k \ge 1 , et tout σ > 1 / 2 on a
\frac1{T}\int_1^T{|\zeta(\sigma+iu)|^{2k}\mathrm du} = \mathcal{O}(T^\epsilon)

L'hypothèse de Lindelöf a pour conséquence la raréfaction des zéros à mesure qu'on s'écarte de l'axe 1/2. Cette dernière propriété est appelée hypothèse de densité quand on la considère par elle-même. Appelant N(σ,T) le nombre de zéros sur la droite \Re(s)=\sigma et dont la partie imaginaire reste inférieure ou égale à T, on a, sous l'hypothèse de Lindelöf,

N(\sigma,T) \le \mathcal{O}(T^{2(1-\sigma)+\epsilon})

Par contre, on ignore si l'hypothèse de Lindelöf, qui a comme on vient de voir une influence sur la position des zéros, implique ou non l'hypothèse de Riemann.

Les hypothèses de Mertens

Sur une table numérique allant jusqu'à 10 000 de la fonction de Mertens M(x), Mertens en 1897 conjectura que l'on a

|M(x)| \le \sqrt{x}.

Cette conjecture a été réfutée en 1985 par Odlysko et Te Riele. Cependant, la conjecture généralisée de Mertens, qui s'exprime sous la forme

|M(x)| \le A\sqrt{x}

pour un certain A > 1, n'est pas réfutée.

Une troisième formulation est la forme affaiblie:

\int_1^x{\frac{M^2(u)}{u^2}\mathrm du}=\mathcal{O}(\ln x).

La forme généralisée implique la forme affaiblie. La forme affaiblie implique l'hypothèse de Riemann (et donc l'hypothèse de Lindelöf) et la simplicité des zéros.

La conjecture des paires corrélées

La conjecture (faible) des paires corrélées exprime que, pour un nombre α > 0,

\sum_{0<\gamma,\gamma'<T, 0<\gamma-\gamma'< \frac{2\pi\alpha}{\ln T}}1=\frac{T\ln T}{2\pi}(1+o(1))\int_0^\alpha 1-\left(\frac{\sin(\pi u)}{\pi u}\right)^2 \mathrm du.

Cette dernière conjecture fait le lien avec la théorie des matrices aléatoires.

La conjecture de Hilbert-Polya

Hilbert et Polya ont suggéré que la conjecture de Riemann serait démontrée si l'on pouvait trouver un opérateur hermitien \hat{H} dont les valeurs propres (nécessairement réelles) soient exactement les parties imaginaires Ek des zéros non triviaux :

\ \hat{H} \ \psi_k \ = \ E_k \ \psi_k

Un tel opérateur hermitien n'a pas encore été trouvé explicitement à ce jour. Néanmoins, cette équation aux valeurs propres suggère un lien avec un problème de mécanique quantique non relativiste qui est précisé dans le paragraphe suivant.

Propriétés statistiques des zéros non triviaux et chaos quantique

Les propriétés statistiques des zéros non triviaux de la fonction \zeta\, ressemblent asymptotiquement à celle des valeurs propres d'un grand ensemble de matrices aléatoires unitaires gaussiennes de l'ensemble GUE. Cette conjecture est basée sur de nombreux résultats numériques, et fortement supportée par un théorème rigoureux de Montgomery. Ceci a conduit le physicien théoricien Michael Berry à conjecturer que les parties imaginaires Ek des zéros non triviaux pouvaient s'interpréter comme les valeurs propres d'un opérateur hamiltonien décrivant un système quantique non relativiste qui serait classiquement chaotique, et dont les orbites classiques ne possèdent pas la symétrie de renversement du temps. Mieux, un opérateur hamiltonien semblant posséder les bonnes propriétés a été récemment exhibé par Berry et Keating.

Les propriétés statistiques des zéros non triviaux continuent d'être l'objet d'intenses recherches, tant numériques qu'analytiques. On pourra lire également : Philippe Biane ; La fonction zêta de Riemann et les probabilités, Journées X-UPS (2003), texte au format pdf.

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