Avant de décrire brièvement cette nouvelle méridienne de France, qu'on appelle la « méridienne de Delambre et Méchain », il convient de rappeler que durant les vingt ou trente années qui précédèrent la Révolution française, la géodésie avait proposé à la sagacité de savants comme Euler, Monge, Laplace et d'autres un certain nombre de sujets d'étude : attraction des ellipsoïdes, théorie de l'équilibre des corps en rotation, théorie générale des surfaces. Les solutions apportées à ces problèmes théoriques allaient se révéler d'un grand intérêt pour traiter des applications géodésiques plus pratiques. Ainsi, Euler en 1760 puis Monge en 1771 définissaient les éléments fondamentaux de la géométrie des surfaces, branche qui allait devenir la géométrie différentielle : courbure, lignes tracées sur les surfaces, géodésiques, lignes de courbure. J. Meusnier énonce en 1776 un théorème qui jouera un rôle important en géométrie différentielle. En 1773, Pierre-Simon Laplace, alors âgé de 24 ans, élève et protégé de D'Alembert, publia son premier mémoire de mécanique céleste. Celui-ci traite de la stabilité des grands axes des orbites planétaires.
En 1785 paraît à l'Académie un mémoire dans lequel Legendre introduit la notion de potentiel, que celui-ci assigne expressément à Laplace, et fonde la théorie des fonctions sphériques, outils mathématiques qui sont devenus indispensables à la géodésie théorique. En cette même année 1785 paraît aussi un mémoire de Laplace intitulé Théorie des attractions des sphéroïdes et de la figure des planètes qui sera suivi en 1786 d'un Mémoire sur la figure de la Terre. Laplace y combine diverses mesures d'arc et obtient un aplatissement de 1/250 tandis que la méthode gravimétrique, exprimée dans le théorème de Clairaut, lui fournit seulement 1/321. Toujours en 1785, l'astronome Joseph de Lalande (1732–1807) avait obtenu par la même théorie de Clairaut un aplatissement de 1/302. Deux années plus tard, en 1787, Legendre publie son Mémoire sur les Opérations trigonométriques, dont les résultats dépendent de la figure de la Terre, où il énonce notamment, sans le démontrer, un théorème devenu célèbre et qui porte son nom. Ce mémoire étudie les formules nécessaires à la réduction et au calcul des triangles sur la surface d'un sphéroïde, et donne ainsi des bases solides à la trigonométrie sphéroïdique. Cette dernière constitue une généralisation de la trigonométrie sphérique, extension dont la nécessité s'était déjà fait sentir avec les travaux de méridienne de Jean Dominique et de Jacques Cassini, mais qui n'avait pas été traitée de manière entièrement satisfaisante dans les travaux théoriques de Clairaut datant de 1733 et 1739, d'Euler datant de 1744 et de Dionis Du-Séjour (1734–1794) datant de 1778. Les formules de Legendre sont appliquées aux triangles formés entre Dunkerque et Greenwich, lors de l'extension de la méridienne de Delambre et Méchain vers l'Angleterre.
On trouve une démonstration du « théorème de Legendre » et les formules pour résoudre un des problèmes inverses, dans le cas particulier où l'un des côtés du triangle sphéroïdal est très petit par rapport aux autres, dans un ouvrage de J.B. Delambre (1747–1822) paru en 1799 et intitulé Méthodes analytiques pour la détermination d'un arc du Méridien à Paris. Cet ouvrage contient au début (pp. 1–16) un petit article de Legendre dans lequel ce dernier expose la Méthode pour déterminer la longueur exacte du quart de Méridien. Toutefois, Legendre n'y démontre toujours pas le théorème qui porte son nom, mais laisse cette tâche (pour le cas particulier cité) à Delambre. En fait, il s'agit dans l'ouvrage en question du premier texte qui fournisse la théorie complète de la trigonométrie sphéroïdique appliquée au calcul de la ligne méridienne et de l'excentricité de l'ellipsoïde terrestre.
L'ouvrage de Delambre, dont le but essentiel est de résumer l'appareil mathématique utilisé entre 1793 et 1799 pour les calculs du nouveau mètre, donne explicitement, en la rendant opérationnelle, la théorie de l'arc indépendant de l'aplatissement terrestre. C'est un premier grand résultat que la nouvelle trigonométrie sphéroïdique offre à la géodésie, et qui aura son importance dans les travaux géodésiques ultérieurs pour fonder le système métrique.
Sous l'effet des opérations géodésiques qui allaient vite prendre de l'ampleur non seulement en France mais aussi dans les pays voisins, surtout à cause des succès militaires remportés par les armées révolutionnaires puis napoléoniennes, la trigonométrie sphéroïdique devenait une branche à part entière de la géodésie théorique, et se développait en une théorie mathématique autonome. Tout d'abord, c'est en 1806 que Legendre prouve pour la première fois son théorème en toute généralité, et insiste sur l'indépendance de son résultat par rapport à l'aplatissement du sphéroïde considéré, de la latitude du sommet du triangle étudié et des directions azimutales des côtés. L'œuvre dans laquelle Legendre a ainsi résolu le problème fondamental de la trigonométrie sphéroïdique porte le titre Analyse des triangles tracés sur la surface d'un sphéroïde. Ensuite, la même année 1806 voit paraître en Italie un ouvrage intitulé Elementi di trigonometria sferoidica dans lequel Barnabá Oriani (1752–1832), déjà connu par de beaux travaux géodésiques, complétait quelque peu la théorie de Legendre. Oriani détermine les trois équations fondamentales de la trigonométrie sphéroïdique, en les développant en série jusqu'à un ordre d'approximation arbitraire, et résout le problème inverse consistant à trouver la latitude d'un point sur un sphéroïde à partir de la latitude et de l'azimut d'un autre point de la ligne géodésique, en supposant connue la distance entre les deux points. En fait, cet ouvrage d'Oriani expose la solution complète des douze problèmes les plus importants de la trigonométrie sphéroïdique. Celle-ci a encore connu un peu plus tard quelques développements d'ordre pratique sous l'impulsion du Colonel Louis Puissant (1769–1843), mais pour l'essentiel on peut considérer qu'elle constituait une discipline déjà mûre à partir de 1806.