Fédération de l'éducation nationale - Définition

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Introduction

La Fédération de l'éducation nationale (FEN) était une fédération de syndicats de l'Éducation nationale, de la recherche et de la culture dont le champ de syndicalisation couvrit jusqu'à huit ministères (le plus connu était le SNI).

Dénommée Fédération générale de l'enseignement (FGE) à sa création en 1930, la Fédération de l'éducation nationale (FEN) a existé sous cette appellation de 1945 à 2000, année où elle est devenue l'UNSA Éducation.

Entre 1948 et 1992, la FEN a joué un rôle original dans le syndicalisme français en tant que fédération syndicale ayant choisi le passage à l'autonomie lors de la scission entre la CGT et FO pour préserver son unité, en reconnaissant l'expression de courants de pensée (tendances). La FEN compta, au début des années soixante-dix, jusqu'à 550 000 adhérents revendiqués (plus que certaines organisations confédérales « représentatives »). Alors première fédération syndicale de fonctionnaires de l'État, son audience dépassait ce cadre, y compris dans le cadre des relations inter-confédérales. La FEN a marqué durablement le paysage syndical français.

En 1992, elle change de nature avec la radiation du SNES et du SNEP, syndicats dirigés par la tendance « Unité et Action ». Cette scission aboutit à la création de la Fédération syndicale unitaire (FSU) autour des syndicats radiés de la FEN, de syndicats nationaux ayant la même orientation (SNESup, par exemple) et de syndicats constitués dans le cadre de la FSU par des militants minoritaires de syndicats affiliés à la FEN.

Confédérée de sa création à 1948, la FEN a retrouvé à partir de 1993 un cadre d'organisation interprofessionnelle en participant à la constitution de l'Union nationale des syndicats autonomes (UNSA).

Origines et fonctionnement

Elle se constitue à la Libération par changement d'appellation de l'ancienne Fédération générale de l'enseignement (FGE), créée en 1930 dans la CGT de Léon Jouhaux (à laquelle sa principale composante, le SNI, créé en 1920, était affilié depuis 1925).

La Fédération générale de l'enseignement (1928-1946)

Les débuts du XXe siècle avaient été marqués, dans l'enseignement par la coexistence d'un syndicalisme d'inspiration anarcho-syndicaliste (notamment autour de la revue L'École émancipée) et d'un mouvement amicaliste rendu possible par la loi de 1901 sur les associations. En 1919, la Fédération des membres de l'enseignement laïque se situe dans la minorité révolutionnaire de la CGT au moment ou la Fédération nationale des amicales d'instituteurs se transforme en Syndicat national des instituteurs (1920) qui demande son affiliation à la CGT dirigée par un Léon Jouhaux devenu réformiste. En 1921, la FMEL rejoint la CGTU et devient la Fédération unitaire de l'enseignement (FUE).

Pour des raisons complexes, la Fédération générale de l'enseignement (FGE) se constitue en décembre 1928 Fédération de la CGT, la FGE compte alors 76 000 instituteurs pour 3 600 enseignants du secondaire dont 350 enseignants de lycée. À la même période, la FUE compte moins de 5 000 adhérents.

En 1935, lors de la réunification CGT-CGTU au sein de la CGT, c'est la FGE et ses syndicats nationaux qui servent de cadre d'accueil. En 1940, la FGE est dissoute. C'est une des toutes premières mesures prises par le gouvernement de Vichy avec la dissolution du SNI et de la Ligue de l'enseignement et la suppression des écoles normales primaires.

En 1945, un bureau provisoire de la FGE reconstituée se met en place. Le secrétaire général en est Adrien Lavergne, issu du Syndicat des collèges modernes. Il sera le premier secrétaire général de la nouvelle FEN jusqu'en 1956.

La FGE compte alors 130 000 adhérents appartenant à 33 syndicats nationaux (15 d'enseignants, 10 de techniciens, 8 de personnels administratifs). Au congrès de mars 1946, la FGE prend le nom de « Fédération de l'Éducation nationale ».

Le choix de l'autonomie : la motion Bonissel-Valière

En 1928, la FGE appartenait à la CGT dans un contexte de vision syndicale (existence de la CGTU). En 1945 et 1946, la FGE devenue FEN appartient à une CGT réunifiée depuis 1943. La FEN-CGT va être confrontée aux conséquences de la scission de 1947-1948 et, par le passage à l'autonomie, prendre une place originale dans le syndicalisme français jusqu'en 1992.

En 1947, lors de la scission de la CGT qui a donné naissance à la CGT-FO, la FEN a refusé de choisir entre les deux confédérations et s'est installée dans l'autonomie en transposant à la fédération la motion Bonnissel-Valière du congrès du SNI qui a fixé le cadre de fonctionnement pour une quarantaine d'années. René Bonissel était une figure de premier plan du SNI et de surcroît perçu comme le fils spirituel de Georges Lapierre (secrétaire général du SNI clandestin, mort en déportation comme son successeur Joseph Rollo). Marcel Valière était le responsable de la tendance École émancipée, secrétaire général de la fédération unitaire de l'enseignement CGTU de 1935 à la réunification de la CGT.

La motion Bonissel-Valière reposait sur le principe de la représentation proportionnelle sur la base de textes d'orientation. La FEN l'appliqua pour la partie de sa commission administrative correspondant à la part des sections départementales, les syndicats nationaux transposant le poids interne de leurs tendances dans leurs propres délégations. En revanche, était réaffirmée, contre la position des militants dits alors « cégétistes » le principe d'un exécutif homogène pris dans la tendance majoritaire quelle qu'elle soit.

Les militants de la majorité autonomes (parmi lesquels on trouvait des socialistes) et les militants de l'École Emancipée ont en effet refusé de rejoindre FO pour maintenir l'unité de la fédération. Les militants de la tendance proche à l'époque des communistes (qui deviendra Unité et Action dans les années soixante) prônaient l'affiliation à la CGT, mais ne quittèrent pas la FEN à l'exception d'un syndicat de l'enseignement technique, le SNET « apprentissage » (l'autre SNET, dit « SNET-écoles » approuvant l'autonomie).

Les militants autonomes sont largement majoritaires, appuyés sur le SNI, qui regroupe alors 75 % des effectifs, et contrôlent la plupart des autres syndicats comme le SNES (jusqu'en 1967). La FEN avait toutefois admis l'affiliation à titre individuel à l'une ou l'autre des confédérations (CGT ou FO), à condition qu'elle ne soit pas structurée en syndicats nationaux parallèles et qu'elle ne donne pas de mots d'ordre parallèles. Les militants communistes firent ainsi vivre une FEN-CGT jusqu'en 1954 où une décision du bureau politique du PCF invita les instituteurs membres du parti à concentrer toute leur activité dans le SNI. Quelques militants proches des autonomes, essentiellement du second degré (Paul Ruff) constituèrent une tendance FO, mais s'agglomérèrent à la majorité dès les années cinquante.

En revanche, en 1957, la FEN fut l'élément moteur de l'initiative « Pour un mouvement syndical uni et démocratique » (PUMSUD), avec des militants de la CGT (Pastre) et de FO qui restèrent marginalisés dans leurs organisation. C'est Denis Forestier (secrétaire général du SNI et futur président de la MGEN) qui s'était impliqué dans le PUMSUD. Mais l'expérience tourna court au début des années soixante.

Syndicats nationaux et des courants de pensée (tendances)

La FEN, dès l'origine, était structurée par les syndicats nationaux (le projet de l'École émancipée de créer une « Fédération d'industrie » était très minoritaire) et organisée en sections départementales. Dès 1948, il fut convenu que la représentation prévue pour les sections départementales dans la commission administrative de la FEN (organisme délibératif mensuel) permettraient la représentation des courants de pensée.

Le nombre de syndicats a varié selon les périodes (d'une vingtaine à près de cinquante). les principaux syndicats ont été :

  • le syndicat national des instituteurs (SNI), devenu SNI-PEGC en 1976 et syndicat des enseignants en 1992 ;
  • le syndicat national des enseignements de second degré (SNES) qui avait fusionné avec le syndicat national des collèges modernes en 1949 et le syndicat national de l'enseignement technique (dit « SNET-écoles » à la Libération) ;
  • le syndicat Administration et Intendance (A&I), résultat en 1994 de la fusion du SNAU (syndicat national de l'administration universitaire) et du SNIEN (syndicat national de l'intendance de l'Éducation nationale) ;
  • le syndicat des agents de l'Education nationale (SNAEN) ;
  • Le syndicat national de l'enseignement supérieur (SNESup) ;
  • Le syndicat national des personnels techniques de l'enseignement supérieur (SNPTES), présent dans les universités et au CNRS ;
  • le syndicat national de l'éducation physique (SNEP).
  • le Syndicat national de l'enseignement technique action autonome (SNETAA), qui regroupait les personnels enseignants des centres d'apprentissage, devenus ensuite collèges d'enseignement technique (CET), puis lycées d'enseignement professionnel (LEP) et actuellement lycées professionnels (LP).
  • le syndicat des infirmier(e)s et éducateurs de santé (snies)

Les trois tendances principales existant depuis 1945 étaient :

  • Unité Indépendance et Démocratie (UID), majoritaire, réputée proche des socialistes (voir la section suivante) ;
  • Unité et Action (U&A), longtemps appelée cégétiste et au sein de laquelle se retrouvaient les militants proches du PCF, mais pas seulement (s'y retrouvaient des militants socialistes ou non affiliés politiquement)  ;
  • École Émancipée (EE), proche de l'extrême gauche.

Deux tendances supplémentaires virent le jour après les événements de Mai 68 :

  • École émancipée pour le front unique ouvrier (EE-FUO), correspondant à une scission dans l'École émancipée qui regroupait les militants proches de l'OCI de l'époque devenue ultérieurement parti des travailleurs (PT). En 1983-1984, la plupart de ces militants rejoignirent Force ouvrière, à commencer par leur responsable Jean-Jacques Marie, agrégé de lettres connu par ailleurs pour être un éminent spécialiste du trotskisme ;
  • Rénovation syndicale (RS) qui regroupait des militants du PSU se réclamant de l'autogestion. Un certain nombre de ces militants contribuèrent au renforcement du SGEN-CFDT au début des années 1970. La tendance RS, tout en se maintenant parfois dans quelques syndicats, disparut de fait du paysage fédéral national à la fin des années soixante-dix.

À la fin des années 1980, la majorité du SNETAA, jusqu'alors UID mais en conflit avec le reste de la majorité fédérale depuis 1987, et interdit d'utiliser le sigle UID en 1990, créa sa propre tendance (« Autrement »).

La FEN, ses tendances et les partis de gauche

Une assimilation rapide conduit à donner une coloration politique homogène aux tendances :

  • socialiste pour UID (majorité autonome en 1948)
  • communiste pour U&A (cégétistes en 1948)
  • extrême-gauche pour l'ÉÉ (avec ses différents courants).

Il convient pourtant de souligner que les militants les plus engagés (donc souvent les plus engagés aussi politiquement) n'étaient pas tous adhérents ou sympathisants d'un parti. Il est vrai aussi que, à des époques où les partis de gauche et d'extrême-gauche ne dialoguaient pas, voire s'affrontaient violemment, la FEN faisait cohabiter en son sein toute la palette militante de gauche et d'extrême-gauche.

Si tous les militants communistes se retrouvaient dans la tendance Unité et Action — et pas ailleurs —, la tendance pouvait compter parmi ses représentants des militants non encartés ou appartenant au parti socialiste, et, en son sein, à la tendance majoritaire. Ce fut le cas d'anciens militants de la Convention des institutions républicaines, le mouvement politique de François Mitterrand avant la réunification socialiste Congrès d'Épinay, 1971) comme Louis Mexandeau. Jean Petite, responsable pédagogique du SNES appartenait également au PS.

Certes, au moment où la double affiliation était possible (adhésion à un syndicat de la FEN et à la CGT ou Force ouvrière, c'est bien une décision du bureau politique du parti communiste, immédiatement appliquée, qui amena « les instituteurs communistes à concentrer leur activité au sein du SNI », mais ce qui était encore possible en 1954 ou 1956 (soutien, au congrès national de la FEN, de l'intervention soviétique à Budapest), devint plus difficile ensuite, notamment après la conquête du SNES lorsque Unité & Action (1967) et, surtout, l'affaiblissement du parti communiste français lui-même dont s'écartèrent un certain nombre de militants Unité & Action sans renoncer à leur orientation de tendance.

L'École émancipée était elle même plus ancienne que la FEN ou la FGE qui l'avait précédée. La FGE fut créée en 1929 et son syndicat d'instituteurs (le SNI) en 1920. L'École émancipée avait été créée en 1910 comme organe de la fédération des membres de l'enseignement laïque affiliée à la CGT d'avant 1914 et, comme elle, d'inspiration anarcho-syndicaliste. Si les militants politiques d'extrême-gauche militant à la FEN s'y retrouvaient spontanément, elle draînait aussi des militants plus jeunes, plus combatifs... et fut parfois une pépinière de militants autonomes comme Robert Chéramy ou Louis-Paul Le Tonturier.

Quant aux socialistes — qu'on retrouvait dans les différents courants de pensée de la FEN —, ils étaient plutôt les porte-parole de leur syndicat dans leur parti que l'inverse. La crise algérienne, et singulièrement l'attitude du gouvernement de Guy Mollet s'étaient d'ailleurs traduits par l'abandon de toute activité politique pour nombre d'entre eux, voire le passage au Parti socialiste autonome, devenu un peu plus tard PSU fondé, en rupture avec la SFIO, par Édouard Depreux et Alain Savary, hostiles à la guerre d'Algérie. Cet attachement à l'indépendance syndicale avait d'ailleurs conduit la tendance UID à refuser, en 1972, d'engager la FEN en tant que telle dans le programme commun de gouvernement PCF-PS-Radicaux de gauche, contre l'avis de la tendance Unité et Action.

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