Expédition polaire de S. A. Andrée - Définition

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Héritage

En 1897, l’entreprise audacieuse d’Andrée fit le lit de la ferveur patriotique suédoise et nourrit le rêve de voir la Suède mener la course scientifique en Arctique. Le titre d’ingénieur — « Ingenjör Andrée » — était utilisé de manière habituelle et révérentieuse pour le désigner, cristallisant la grande estime portée à l’époque à cet ingénieur, symbole d’un progrès social rendu possible par les avancées technologiques. Les trois explorateurs furent acclamés lors de leur départ et pleurés par toute une nation quand ils disparurent. La découverte de leurs corps donna lieu à l’exaltation de l’héroïsme de ces hommes engagés pendant deux mois dans une lutte vouée à l’échec et visant à rejoindre des terres hospitalières, ainsi qu’à la célébration d’une mort altruiste pour un idéal de science et de progrès. Le retour à Stockholm de leurs dépouilles mortelles fut pour l’historien Sverker Sörlin l’une des manifestations les plus grandioses et solennelles de deuil national ayant eu lieu en Suède, comparable à celle qui suivit le naufrage de l’Estonia en septembre 1994.

Les motivations d’Andrée furent ensuite remises en question, tout d’abord par le roman à succès de Per Olof Sundman Le Voyage de l’ingénieur Andrée publié en 1967, qui dépeint un Andrée plus peureux que courageux, victime des pressions exercées par les médias ainsi que les élites politiques et scientifiques suédoises. Ce roman fut adapté au cinéma en 1982 par Jan Troell.

Nils Strindberg est de plus en plus loué, à la fois pour la force morale dont le jeune étudiant inexpérimenté a fait preuve pour continuer à photographier tout ce qu’il pouvait malgré un état physique en permanence à la limite de la rupture pour cause d’épuisement et de froid, ainsi que pour la qualité artistique de ses clichés. Des 240 images retrouvées sur Kvitøya dans des récipients imbibés d’eau, 93 purent être sauvées par John Hertzberg sur le lieu même de travail de Strindberg, à l’Institut royal de technologie de Stockholm. Dans son article Recovering the visual history of the Andrée expedition, Tyrone Martinsson déplore en 2004 la part prépondérante des écrits — les journaux des explorateurs — comme sources primaires d’information, et réaffirme l’importance historique des photographies.

En 1983, le compositeur américain Dominick Argento a créé un cycle pour baryton et piano intitulé « The Andrée Expedition ». Il met en musique des textes extraits des journaux et lettres des explorateurs.

Les causes de leur décès

Le plan de Strindberg pour leur hutte sur la banquise, qui ne fut seulement utilisée que quelques jours avant que la glace ne se brise. Le dessin montre, de haut en bas, une chambre à coucher avec un sac de couchage à trois places, une pièce où se trouvait une table, et une remise.

Les corps des trois hommes furent incinérés avant que des examens approfondis ne puissent être réalisés. La question de la cause exacte de leur décès a provoqué un grand intérêt ainsi que certaines controverses dans le monde universitaire, et plusieurs médecins ou historiens amateurs ont relu les journaux des aventuriers avec grande attention, y cherchant des indices dans le régime alimentaire, des plaintes révélatrices de certains symptômes, ou encore examinant la description du lieu de leur décès. Les principales observations sont :

  • ils n’ont principalement consommé que des quantités à peine suffisantes de nourriture en conserve ou séchée provenant des réserves du ballon, ainsi que de larges rations de viande à moitié cuite d’ours polaire ou parfois de phoque ;
  • ils ont souvent eu à se plaindre de diarrhée ou de maux aux pieds, et furent continuellement fatigués, gelés et humides ;
  • quand ils durent déménager pour s’installer sur l’île, ils laissèrent la majeure partie de leur équipement et de leurs stocks utiles en dehors de la tente, et même au bord de l’eau ; comme s’ils avaient été trop fatigués, malades ou résignés pour le transporter plus loin.

Le plus jeune des trois, Strindberg, fut le premier à périr, et fut « enterré » (en fait calé dans un interstice d’une falaise) par ses compagnons.

La suggestion la plus répandue et généralement acceptée est celle du médecin Ernst Tryde, qui dans son livre De döda på Vitön (Les morts sur Kvitøya) publié en 1952 avance l’hypothèse selon laquelle les trois hommes seraient morts de trichinose, qu’ils auraient contracté en mangeant de la viande d’ours insuffisamment cuite. Des larves de trichinella spiralis furent en effet retrouvées dans une carcasse d’ours polaire sur Kvitøya. Lundström et Sundman défendent tous deux cette explication, alors que d’autres mettent en avant le fait que la diarrhée, qui est le seul symptôme évoqué par Tryde pour justifier son choix, pouvait très bien résulter du régime alimentaire particulièrement pauvre des explorateurs, et que d’autres symptômes plus caractéristiques de la trichinose sont manquants. Par ailleurs, Fridtjof Nansen et son compagnon Hjalmar Johansen ont pendant quinze mois vécu dans la même région du globe en se nourrissant majoritairement de viande d’ours polaire, et ce sans tomber malades. D’autres hypothèses évoquent un empoisonnement à la vitamine A dû à la consommation de foie d’ours polaire (son journal montre toutefois qu’Andrée était conscient de ce danger), un empoisonnement au monoxyde de carbone (cette théorie n’eut que de rares défenseurs du fait que le réchaud fut trouvé en position éteinte, le réservoir contenant encore du pétrole), le saturnisme, susceptible d’avoir été contracté par l’intermédiaire des boîtes de conserves contenant leur nourriture, le scorbut, le botulisme, un suicide (ils disposaient de grandes quantités d’opium), une attaque par des ours polaires, le froid, ou encore une déshydratation associée à une grande fatigue, à l’apathie et au désespoir. Cette dernière explication a les faveurs de Kjellström, qui reproche à Tryde de ne pas avoir tenu compte de la difficulté de leur vie quotidienne, et plus particulièrement du coup de massue porté par la rupture de la glace juste sous leur abri provisoire et de la marche forcée vers l’île qui en résulta. Si on retient généralement qu’ils sont morts entourés de nourriture, Kjellström se montre plutôt surpris qu’ils aient pu trouver la force de survivre si longtemps.

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