Expédition polaire de S. A. Andrée - Définition

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Le plan de Andrée

Le Svea, le ballon à hydrogène de Andrée
Cette caricature montre Andrée sur un îlot de la mer Baltique, essayant de retenir un Svea ridiculement petit face à la puissance du vent.

La seconde moitié du XIXe siècle a souvent été appelée l’âge héroïque de l’exploration polaire. Les régions inhospitalières et dangereuses de l’Arctique et de l’Antarctique n’étaient pas, dans l’imaginaire de l’époque, des lieux au milieu et à la culture préservés, mais des espaces de défis technologiques et d’audace virile.

Partageant cet enthousiasme, S. A. Andrée élabora sur l'impulsion d'Adolf Erik Nordenskiöld, le célèbre découvreur du passage du Nord-Est, un plan consistant à réaliser à l’aide du vent un voyage en ballon à hydrogène du Svalbard à l’Alaska, au Canada ou à la Russie, tout en survolant le pôle Nord. Andrée était alors un ingénieur employé au bureau des brevets de Stockholm et passionné de montgolfières. Il avait acheté en 1893 sa propre montgolfière, le Svea, avec laquelle il réalisa depuis Göteborg ou Stockholm en tout et pour tout neuf voyages, pour un total de 1 500 kilomètres. Les vents dominants d’ouest avaient tendance à le pousser au-delà des côtes suédoises, l’entraînant dans de périlleux survols de la mer Baltique se terminant parfois par un échouage sur un des nombreux îlots rocheux de l’archipel de Stockholm. Il fut même à une reprise poussé jusqu’en Finlande. Son plus long voyage lui fit rallier l’île de Gotland depuis Göteborg, traversant ainsi la Suède d’Ouest en Est. Bien qu’ayant pu apercevoir un phare et entendre les vagues déferlant sur la côte de l’île d’Öland, il était persuadé de survoler des lacs.

À deux reprises lors des vols du Svea, Andrée réalisa des tests de sa propre méthode de direction à l’aide de guideropes, dont il avait l’intention de se servir pour son projet d’expédition polaire. Un ballon allant à la même vitesse que le vent, il est impossible d’utiliser un système de voiles pour le diriger. Les guideropes, qui sont des cordes accrochées à la nacelle du ballon et qui pendent de manière à en partie traîner au sol, permettent de ralentir le ballon grâce à un phénomène de friction. Le ballon ainsi plus lent que le vent, des voiles peuvent être utilisées pour le diriger. Andrée affirmait que, grâce à cette association de cordes et de voiles, sa montgolfière était en gros assimilable à un dirigeable, ce qui n’est pas acceptable pour les pilotes actuels de montgolfières. Pour l’association suédoise de montgolfière, Andrée prenait ses désirs pour des réalités, trompé par des vents capricieux et par le fait qu’il ne connaissait bien souvent qu’avec une faible précision sa position et son chemin exacts, se trouvant souvent pris dans les nuages. De plus, ses cordes risquaient de se casser, de tomber, de s’emmêler ou de rester coincées au sol, ce qui pouvait amener le ballon jusqu’à rebondir au sol. Parmi les chercheurs s’intéressant de nos jours à Andrée, aucun n’a accordé la moindre confiance en la possibilité d’utiliser des guideropes comme méthode de pilotage d’un ballon.

Le fiasco de 1896

Pour le premier essai de son nouveau ballon, Andrée pouvait compter sur un nombre important de candidats prêts à être de la partie. Il choisit un spécialiste de la météo en Arctique, Nils Gustaf Ekholm, qui avait été son supérieur pour une expédition au Spitzberg en 1882 et 1883, ainsi que Nils Strindberg, un étudiant particulièrement brillant, qui menait des recherches dans les domaines de la physique et de la chimie. Le principal objectif de cette première expédition était de cartographier la zone à l’aide de prises de vue aériennes, et Strindberg était à la fois un photographe amateur doué et un habile constructeur d’appareils photo. Cette équipe rassemblait de grandes compétences techniques et scientifiques, mais manquait finalement d’entraînement physique pour la survie en milieu hostile. Seul l’un des équipiers était jeune, et ils étaient tous trois plus habitués à une existence sédentaire. Les techniques de survie n’étaient pas la préoccupation majeure d’Andrée, qui anticipait un voyage sans encombres à bord de son ballon.

Pour les auteurs modernes, les prévisions d’Andrée étaient irréalistes. Il comptait sur le fait que les vents allaient le pousser bon an mal an dans la direction voulue, qu’il pourrait affiner sa direction à l’aide des guideropes, que le ballon serait assez étanche pour pouvoir se maintenir en l’air pendant trente jours, et que de la neige ou de la glace ne vienne pas se fixer au ballon et le faire descendre. Son optimisme fut tout de suite refroidi par un vent du Nord soufflant sur le hangar du ballon à Danskøya, si bien que l’expédition dut replier le ballon, laisser s’échapper l’hydrogène, et s’en retourner. On sait maintenant que les vents du Nord sont dominants à Danskøya, mais les connaissances sur les flux d’air et les précipitations en Arctique en cette fin de XIXe siècle ne consistaient qu’en quelques hypothèses théoriques contestées. Même Ekholm, pourtant chercheur spécialisé dans le climat arctique, n’avait rien trouvé à redire à propos des prévisions avancées par Andrée sur la direction des vents. Il n’y avait tout simplement aucune donnée disponible pour les confirmer ou les infirmer.

Par ailleurs, Ekholm, au vu des résultats de ses propres mesures, se montrait très sceptique quant à la capacité du ballon à retenir l’hydrogène. Ses tests de flottabilité réalisés au cours de l’été 1896 pendant la période de production de l’hydrogène et de remplissage du ballon, l’avaient convaincu que les fuites étaient trop importantes pour pouvoir espérer atteindre le pôle Nord, et encore moins le Canada ou la Russie. La fuite la plus importante provenait des quelques huit million d’orifices générés par la couture des pièces du ballon, que le collage de bandes de soie ou l’application d’un vernis à la composition tenue secrète ne semblait pas à même de colmater. Le ballon perdait l’équivalent de 68 kilogrammes de force portante par jour, et du fait de sa charge importante, ne devait pas d’après Ekholm pouvoir rester en l’air plus de 17 jours. Au retour de cette première tentative, il prévint Andrée qu’il ne serait pas de la seconde, prévue pour l’été 1897, à moins qu’un ballon plus solide et mieux colmaté ne soit acquis.

Andrée s’opposa aux critiques d’Ekholm, allant même jusqu’à user de tromperie. Sur le bateau le ramenant du Svalbard, Ekholm apprit de la bouche de l’ingénieur responsable de la fabrique d’hydrogène la raison des anomalies qu’il avait constatées lors de ses relevés : Andrée avait à plusieurs reprises secrètement donné l’ordre de rajouter de l’hydrogène dans le ballon. Les raisons de ce comportement autodestructeur ne sont pas connues, mais plusieurs auteurs ont émis l’hypothèse qu’Andrée était pris au piège de sa propre levée de fonds victorieuse.

Le journal suédois Aftonbladet illustre le départ festif de Stockholm des trois aventuriers au printemps 1896.

Les parrains et les medias suivirent tous les délais et revers de l’expédition et réclamèrent à grands cris des résultats probants. Andrée, Strindberg, et Ekholm avaient quitté la Suède sous les acclamations de la foule (voir par exemple l’image du journal Aftonbladet, à droite), et l’espoir porté en eux fut réduit à néant par la longue attente de vents favorables sur Danskøya. Le contraste était particulièrement frappant entre le retour glorieux de Nansen de son voyage à bord du navire Fram et l’échec d’Andrée à même débuter sa propre expédition. Pour Sundman, Andrée ne pouvait accepter que la presse relate non seulement le fait qu’il avait été incapable de prédire la direction des vents, mais aussi celui qu’il s’était trompé en commandant son ballon et devait en changer.

Knut Frænkel (1870–97).

Suite à l’échec de la première mission, l’enthousiasme se dissipa et les candidats pour participer à une seconde tentative en 1897 ne furent pas légion. Il y en eut toutefois, et Andrée choisit Knut Frænkel, un ingénieur de 27 ans, pour remplacer Ekholm. Outre sa qualité d’ingénieur, Frænkel était un athlète et affectionnait les longs raids montagneux. Son rôle dans l’expédition était de réaliser les relevés météorologiques, et bien que n’ayant pas le bagage scientifique d’Ekholm, il s’acquitta de cette tâche avec une grande efficacité. Son journal a en effet permis de retracer avec une grande précision les déplacements des trois naufragés lors de leurs tout derniers mois.

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