Études génétiques sur les Juifs - Définition

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Lignée paternelle : l'ADN du chromosome Y

Les premiers à avoir montré l'existence d'un patrimoine génétique paternel commun entre les Juifs séfarades et ashkénazes sont G. Lucotte et F. David en 1992. En 1993, A. S. Santachiara Benerecetti et ses collègues ont suggéré l'origine proche-orientale de lignées paternelles des Juifs. En 2000, M. Hammer et ses collègues ont réalisé une étude sur plus de mille hommes qui a définitivement établi qu'une partie du «patrimoine génétique paternel des communautés juives d'Europe, d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient était issue d'une population ancestrale moyen-orientale commune » et suggérait que « la plupart des communautés juives étaient restées relativement isolées des communautés non-juives voisines durant leur vie en diaspora ».

Selon A. Nebel et ses collègues, plus de 70% des hommes juifs et la moitié des hommes arabes (habitant seulement Israël ou les territoires palestiniens) dont l'ADN a été étudié, ont hérité leurs chromosomes Y des mêmes ancêtres paternels qui vivaient dans la région il y a quelques milliers d'années.

Environ 30% à 40% des Juifs possèdent l'haplogroupe J et ses sous-haplogroupes. Cet Haplogroupe est particulièrement présent au Moyen-Orient ainsi que sur les rives Sud et Est de la Méditerranée. Par ailleurs, 15 à 30% possèdent l'haplogroupe E1b1b (ou E-M35) et ses sous-haplogroupes.

ADN-Y des Juifs ashkénazes

Le terme « ashkénaze » est relativement bien défini dans ces études, il se réfère aux Juifs vivants ou dont les ancêtres « paternels » ont habité dans les régions d'Europe suivantes : vallée du Rhin en France, Allemagne, Hollande, Autriche, Hongrie, ex-Tchécoslovaquie, Biélorussie, Lituanie, Pologne, Roumanie, Russie et Ukraine. Sont donc exclus les Juifs du sud de l'Europe (Balkans, péninsule Ibérique et Italie).

Toutes les études ont montré qu'il existait un patrimoine génétique paternel commun entre les Ashkénazes et les autres communautés juives et que ce patrimoine provenait du Moyen-Orient. Cependant elles se sont aussi penchées sur l'apport génétique européen parmi cette population.

Pour M. Hammer et ses collègues en 2000, la contribution génétique européenne globale est estimée entre 16 et 30% (avec une hypothèse moyenne de 23%). De plus, les auteurs montrent une forte similitude avec les populations grecques et turques non-juives.

Par ailleurs, compte tenu que l'haplogroupe R1b1 est particulièrement abondant chez les populations de l'ouest de l'Europe, les études de Nebel et Behar suggèrent un apport d'environ 10% de lignée ouest-européenne chez les Ashkénazes. Pour G. Lucotte et ses collègues, l'apport ouest-européen est de l'ordre de 11%. En 2004, dans la plus importante étude réalisée sur les Juifs ashkénazes, Doron Behar et ses collègues donnent un pourcentage d'apport européen de 8.1%± 11.4%. Lorsque le calcul est réalisé en excluant les juifs hollandais la contribution est de 5% ± 11.6%.

Deux études de A. Nebel et ses collègues (en 2001 et 2005) indiquent qu'il existe une fréquence élevée (12.7%) de l'haplogroupe R1a1 chez les Ashkénazes qui est très fréquent dans les populations de l'est de l'Europe (entre 54 et 60%). Les auteurs suggèrent que ces chromosomes pourraient rendre compte d'une contribution génétique provenant des populations est-européennes et qu'en particulier environ 12% du patrimoine génétique paternel des Juifs ashkénazes pourrait provenir des Khazars. Cette hypothèse est aussi soutenue par D. Goldstein dans son livre Jacob's legacy: A genetic view of jewish history. À l'inverse, Marina Faerman estime que « l'apport génétique extérieur de populations d'Europe de l'Est est possible chez les Ashkénazes, mais aucune preuve de la contribution d'un hypothétique apport Khazars n'a été montré »..

Par ailleurs, 7% des Juifs ashkénazes possèdent l'haplogroupe G2c qui est extrêmement rare dans le reste de la population humaine. Il semble qu'il soit présent dans un faible pourcentage chez les Pachtounes en Afghanistan mais l'origine de cet haplogroupe est inconnue. L'haplogroupe Q1b (M378) est également rare dans le reste de la population humaine. On le trouve chez les Hazara et les Sindhi qui sont deux tribus nomades du Pakistan.

Parmi les Juifs ashkénazes, les Juifs hollandais semblent avoir une distribution d'haplogroupes particulière puisqu'ils possèdent près d'un quart d'haplogroupe R1b1 (R-P25) caractéristiques des populations de l'Ouest de l'Europe en particulier le sous-haplogroupe R1b1b2 (M269).

Ainsi, le patrimoine génétique paternel des juifs ashkénazes a une base moyen-orientale avec des contributions significatives des populations de l'Ouest et de l'Est de l'Europe ainsi que des origines indéterminées.

Distribution des haplogroupes de la population ashkénaze
E1b1b1 (M35)
G (M201)
J1 ou J* (12f2b)
J2 (M172)
Q1 (P36)
R1a1 (M17)
R1b1 (P25)
Nb échantillons
E1b1b1a
(M78)
E1b1b1c (M123)
G2c (M377)
J1 (M267)
J*
J2a* (M410)
J2a1b (M67)
Q1b (M378)
R1b1b2
(M269)
R1b1* (P25)
Behar 2004
442
16.1 %
7,7 %
19 %
19 %
5,2 %
7,5 %
10 %
Semino 2004
~ 80
5,2 %
11,7 %
Non testé
14,6 %
12,2 %
9,8 %
Non testé
Non testé
Non testé
Hammer 2009
important
~ 3%
~ 17 %
~ 7 %
~ 17 %
~ 6 %
~ 14 %
~ 7 %
Non donné
~ 9 %
~ 2 %
Nebel 2001
79
23 %
?
24 %
19 %
?
12,7 %
 ?
Shen
20
10 %
10 %
5 %
20 %
5 %
15 %
5 %
20 %
10 %

ADN-Y des Juifs séfarades

Le terme séfarade désigne des populations significativement différentes d'une étude à l'autre. Il peut avoir un sens très restrictif en ne faisant référence qu'aux populations parlant le judéo-espagnol (à l'exclusion des Juifs marocains) ou à l'opposé le terme séfarade peut désigner l'ensemble des populations juives non-ashkénazes (à l'exclusion des juifs d'Éthiopie, du Yémen et des Juifs kurdes). Entre ces deux extrêmes, toutes sortes de variantes existent.

Les investigations faites par Nebel et ses collègues sur les relations génétiques entres les Juifs ashkénazes, kurdes et séfarades (Afrique du Nord, Turquie, péninsule Ibérique, Irak et Syrie) indiquent que les Juifs sont plus proches génétiquement des groupes du nord du croissant fertile (Kurdes, Turcs et Arméniens) que de leur voisins arabes. Il faut toutefois remarquer que seul un très petit échantillon de 78 individus a été étudié (dont 37 Juifs nord-africains, principalement du Maroc).

ADN-Y des Juifs d'Afrique du Nord

L'étude la plus importante à ce jour sur les Juifs d'Afrique du Nord a été menée par Gérard Lucotte et ses collègues en 2003. Cette étude a montré que les Juifs d'Afrique du Nord présentaient des fréquences de leurs haplotypes paternels quasiment égales à celles des Libanais et des Palestiniens non juifs.

Les auteurs ont aussi comparé la distribution des haplotypes des juifs d'Afrique du Nord avec celle des Juifs ashkénazes et celle des juifs orientaux et ont constaté un patrimoine commun mais aussi des différences significatives, notamment la présence de deux haplotype qui sont majoritairement trouvés en Afrique chez les premiers. L'haplotype V a une proportion de 18.6 % chez les juifs d'Afrique du nord. Les auteurs soulignent que cet Haplotype apparait dans des proportions comparables chez les Palestiniens (15.9 %) et les Libanais (16.7 %). L'haplotype IV, que l'on trouve principalement en Afrique Sub-Saharienne, a une proportion de 8.4 % chez les juifs d'Afrique du Nord mais est absent chez les juifs Ashkénazes.

La communauté juive de l'ile de Djerba en Tunisie suscite un intérêt particulier, la tradition la faisant remonter à l'époque de la destruction du premier temple. Deux études ont tenté de vérifier cette hypothèse la première de G. Lucotte et ses collègues date de 1993, la seconde de F. Manni et ses collègues date de 2005. Elles concluent également que le patrimoine génétique paternel des Juifs de Djerba est différent de celui des Arabes et des Berbères de cette île. Pour la première 77.5% des échantillons testés sont de l'haplotype VIII (probablement similaire à l'haplogroupe J selon Lucotte), la seconde montre que 100% des échantillons sont de l'Haplogroupe J*. La seconde suggère qu'il est peu vraisemblable que la majorité de cette communauté provienne d'une colonisation ancienne de l'Ile alors que pour Lucotte il est difficile de déterminer si cette fréquence élevée représente réellement une relation ancestrale.

Ces études suggèrent donc que le patrimoine génétique paternel des juifs d'Afrique du Nord provient majoritairement du Moyen-Orient avec une contribution africaine, probablement berbère, minoritaire mais significative.

ADN-Y des Juifs de la péninsule ibérique

Une étude récente de Inês Nogueiro et ses collègues (juillet 2009) sur les Juifs du nord-est du Portugal (région de Trás-os-Montes) a montré que leur lignées paternelles se composaient de 28% d'haplogroupes R1b1b2-M269, caractéristiques des populations d'Europe de l'Ouest et de 53% de lignées proche-orientales (J1: 12%, J2-M172: 25% et T-M70: 16%) et qu'en conséquence, les Juifs portugais de cette région étaient génétiquement plus proches des autres populations juives que des Portugais non-juifs.

ADN-Y des Juifs orientaux

Par ailleurs, Lucotte et ses collègues montrent que les juifs orientaux (Turquie - 19, Grèce - 10, Irak - 12, Iran - 12 et Syrie - 3) comportent une distribution d'haplotypes comparable mais avec des différences significatives à celle des Libanais et des Palestiniens non-juifs.

ADN-Y des Juifs romains

Les Juifs romains sont comme leur nom l'indique des juifs se désignant comme originaires de Rome en Italie. M. Hammer et ses collègues montrent que leurs lignées paternelles sont proches de celles des juifs ashkénazes.

ADN-Y des Juifs kurdes

Dans l'article de Nebel et ses collègues les auteurs montrent que les Juifs kurdes et séfarades ont des patrimoines génétiques paternels non différentiables. L'étude indique que les mélanges entre les Juifs kurdes et leurs hôtes musulmans sont négligeables. M. Hammer avait déjà montré la très forte corrélation entre le patrimoine génétique des juifs d'Afrique du Nord avec leur coreligionnaires kurdes.

ADN-Y des Juifs du Yémen

Les études de Shen et de Hammer et de leur collègues montrent que le patrimoine génétique paternel des Juifs du Yémen est similaire à celui des autres populations juives.

ADN-Y des Juifs d'Éthiopie

Une étude de Lucotte et Smets a montré que le patrimoine génétique paternel des Beta Israël (Juifs d'Éthiopie) était proche des populations éthiopiennes non juives. Ceci est cohérent avec le fait que les Beta Israël descendent des anciens habitants d'Éthiopie et non du Moyen-Orient.

Hammer et ses collègues en 2000, ainsi que l'équipe de Shen en 2004 arrivent aux mêmes conclusions, à savoir un patrimoine génétique non différentiable des autres populations du nord de l'Éthiopie, ce qui indique probablement une conversion de populations locales.

Le cas des familles sacerdotales

Étude sur les Cohanim

Le Dr. Karl Skorecki, un néphrologue canadien d'origine ashkénaze, a remarqué qu'un homme séfarade qui était un Cohen comme lui avait des caractéristiques physiques complètement différentes. Selon la tradition juive, tous les Cohanim sont les descendants du prêtre Aaron, frère de Moïse. Skorecki a suggéré que si les Cohanim étaient effectivement les descendants d'un seul homme, ils devaient avoir un ensemble de marqueurs génétiques communs.

Pour vérifier cette hypothèse, il a contacté le professeur Michael Hammer, de l'Université de l'Arizona, un chercheur en génétique moléculaire et un pionnier dans la recherche sur le chromosome. Leur article, publié dans Nature en 1997, a eu un certain retentissement. Un ensemble de marqueurs particuliers (appelé Cohen Modal Haplotype ou CMH) était en effet plus susceptible d'être plus présent chez les Cohanim, des Juifs contemporains portant le nom de Cohen ou un dérivé, et de ce fait supposés descendre de l'ancienne lignée sacerdotale, que dans la population juive en général. Une origine commune avait été strictement préservée pendant des milliers d'années.

Cependant, des études ultérieures ont montré que le nombre de marqueurs génétiques utilisés et le nombre d'échantillons (de personnes se disant Cohen) n'étaient pas assez grands. La dernière de ces études réalisée en 2009 par Hammer et Behar et leurs collègues indique qu'il n'existe pas un seul haplogroupe commun à tous les Cohen mais 21 et que 79,5% des haplogroupes des Cohen proviennent de 5 haplogroupes. Parmi ces 5 haplogroupes le premier (J-P58* ou J1e) tient compte de 46.1% des Cohen et le second (J-M410 ou J2a) de 14,4%. Hammer et Behar ont redéfini un CMH étendu comme étant l'haplotype déterminé par un ensemble de 12 marqueurs et ayant comme « arrière-plan » l'haplogroupe déterminant la plus importante des lignées J1e (46.1%). Cet haplotype est absent chez les 2099 non-juifs analysés dans l'étude. Il serait apparu il y a 3000 +/- 1000 ans. Cette dernière étude confirme tout de même que les Cohen actuels descendraient d'un nombre restreint d'ancêtres paternels.

Étude sur les Lévites

Contrairement aux Cohanim, des études sur les Lévites montrent une disparité d'origine entre les Lévites ashkénazes et séfarades (non-ashkénazes). En effet, une proportion importante (50% des échantillons testés) de Lévites ashkénazes présente un haplogroupe R1a1 proche des haplogroupes européens alors que l'haplogroupe des Lévites séfarades est proche des haplogroupes des populations proche-orientales. Les auteurs émettent l'hypothèse d'une origine est-européenne des Lévites ayant l'haplogroupe R1a1.

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