Une épidémie de chikungunya a sévi à La Réunion entre le début de l'année 2005 et le milieu de l'année 2006. Apparue en juillet 2004 aux Comores, le chikungunya est une maladie virale transmise par des moustiques.
Le premier cas enregistré à La Réunion date du 22 février 2005. Dominique Vian, le préfet alors en fonction, estime que la maladie est bénigne et que l'hiver austral aura raison du moustique vecteur de transmission de celle-ci. Mais 4 500 personnes ont été contaminées fin novembre. Elles sont plus de 6 000 fin décembre, ce qui représente déjà le quart des arrêts de travail enregistrés sur l'île et même 36% dans la région de Saint-Pierre.
Le 8 janvier 2006, le bilan s'élève à 7 122 cas, un nombre qui augmente jusqu'à atteindre 10 383 cas officiels pour 50 000 officieux le 19 janvier. On atteint ensuite 30 000 cas le 27 janvier d'après les estimations de l'Institut de veille sanitaire. Le décompte officiel avait commencé en février 2005.
Le 24 janvier 2006, la DRASS confirma la mort de six personnes induite par le chikungunya.
À noter que cette épidémie a été causée par un variant du virus classique appelé « CHICKV », ce variant ayant muté et réarrangé son génome en échangeant un seul amino-acide de sa chaîne protéique. Cette transformation lui a semble-t-il permis de mieux coloniser Aedes albopictus et de se répandre plus efficacement qu'à travers son hôte originel, Aedes aegypti.
Selon un article du Journal de l'île de La Réunion, l'épidémie de Chikungunya représente 6 273 cas officiels à Maurice et environ 30 000 officieux. La situation est préoccupante.
Le 28 décembre deux communiqués sont publiés. L'un émane de la DRASS et confirme ce que tout le monde redoutait : l'épidémie ne cesse de progresser puisqu'au 25 décembre, ce sont 6 273 personnes qui ont été infectées. L'autre est un communiqué conjoint émanant du ministère de la Santé et du ministère de l'Outre-mer. Les deux communiqués reconnaissent l'importance de l'épidémie.
Destiné tant aux agences de presse de métropole qu'aux opinions publiques de l'Outre-mer, le communiqué de Xavier Bertrand et François Baroin décrit les traits principaux de la maladie et souligne l'ampleur des difficultés rencontrées par les collectivités réunionnaises dans la lutte contre l'expansion du virus : « La lutte contre la maladie passe par la prévention de la prolifération des moustiques, c'est-à-dire par la réduction de toutes les sources possibles de gîtes larvaires que constituent les eaux stagnantes ou tout récipient susceptible de retenir les eaux de pluie. »
L'insistance des deux ministres sur la nécessité d'éliminer toutes les sources possibles de gîtes larvaires conforte toutes celles et ceux, médecins, acteurs de terrain, victimes du chikungunya, qui sont persuadés que l'ampleur des actions à entreprendre pour répondre aux préconisations des deux ministres ne sont pas possibles avec les moyens dont disposent actuellement les collectivités locales.
La question que chacun se pose désormais est celle-ci : quand donc va-t-on doter La Réunion des moyens permettant à ses responsables, maires, conseillers régionaux et généraux d'agir efficacement ? Les chiffres officiels, même s'ils apparaissent toujours minorés par rapport à la réalité, sont en constante, rapide et forte augmentation. Il y a donc urgence car, quelles qu'aient pu être les actions entreprises, elles ont été quasiment exclusivement à la charge des communes.
À Saint-Louis, le sous-préfet Olivier Magnaval et la maire Cyrille Hamilcaro déclarent : « Le virus a été pris à la légère. Qu'a fait l'État pour éviter l'épidémie ? ». Le sous-préfet ajoute que « le virus a été détecté pour la première fois en mars 2005. »
L'assemblée rétorque via un habitant de Plateau-Goyaves, Henri Rougemont, que les premiers cas ont été détecté un an auparavant. En 2004, plusieurs cas de dengue ont en effet été traités au Port. « Mais notre action avait permis d'enrayer rapidement l'épidémie », soutient Olivier Magnaval.
« Ce qu'il faut, c'est nettoyer les espaces verts. Lutter contre les gîtes larvaires et les eaux stagnantes », assure Olivier Magnaval qui ne convainc pas l'assemblée. Un habitant de la Rivière Saint-Louis s'énerve : « Venez avec nous à la Rivière Saint-Louis. Nous sommes infestés de moustiques. S'il y a 6 000 cas déclarés à La Réunion, alors il y en a 7 000 à la Rivière ! »
Jusque-là absent des débats, Cyrille Hamilcaro décide de monter au créneau. : « Au lieu de s'interroger sur les responsabilités, la question essentielle est de savoir comment parer à ce phénomène dans les semaines qui viennent. Nous ne pouvons pas traiter chaque foyer. Imaginez un peu, il y en a 16 000 à Saint-Louis et 240 000 dans le département. »
L'épidémie explose. Début janvier, il y a 500 cas par semaine, et à la mi-janvier 700.
Au Port, ils sont plusieurs centaines à participer à une grande réunion d'information sur le chikungunya. À l'initiative de la Région, un millier d'emplois verts vont se joindre à la lutte contre l'épidémie. Une lutte dans laquelle le Département souhaite s'engager davantage, mais le service de prophylaxie qui lui est transféré est une "coquille vide". Nassimah Dindar, présidente du Conseil général, s'est dite prête à engager un millier de personnes si l'État s'implique davantage. Au CTR, à la CCI et à la Chambres des métiers, on se mobilise pour faire face à l'impact économique de l'épidémie. En France, l'IGAS a publié son rapport. Une mission de cette institution s'est rendue dans l'île en décembre 2005. Elle arrive aux mêmes conclusions que les personnes et les médias réunionnais qui se sont impliqués dans la lutte.
À l'Assemblée nationale, Huguette Bello a demandé la création d'une commission d'enquête parlementaire sur le chikungunya, demande cosignée par Christophe Payet et René-Paul Victoria. À Paris, l'Association des médecins urgentistes de France qui, en 2003, avait été la première à dénoncer l'hécatombe de la canicule estime qu'il est « urgent » d’agir contre l'épidémie à La Réunion et demande l'envoi de renforts.
Au 19 février, les derniers chiffres de l'InVS font état de 130 000 cas de personnes contaminées, incluant des formes asymptomatiques, des formes plus ou moins graves et 77 décès imputables directement ou indirectement à l'épidémie de chikungunya. La population locale, aidée par le gouvernement, fait face à la crise sur tous les fronts : sanitaire, politique, sociale, économique, écologique...
Selon le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, on recense, au 3 mars 2006, 186 000 cas de la maladie et 93 décès directs ou indirects.
Le mercredi 8 mars 2006, Lee Jong-wook, directeur général de l'OMS, se trouvant à Maurice, estime que les médias exagèrent face à l'épidémie de chikungunya de La Réunion et souligne que cette maladie est rarement mortelle. « Je pense que c'est exagéré. La situation est moins alarmante que celle qui est dépeinte dans les médias ». « Si c'était un véritable problème, nous nous rendrions au chevet des malades dans les hôpitaux où nous verrions des gens en train de mourir. » Sur 186 000 personnes malades, 93 sont décédées directement ou indirectement avec un âge médian de 78 ans.
Une estimation du nombre de personnes atteintes est faite par une enquête de séroprévalence (CIC-INSERM) réalisée en août et septembre 2006. Elle consiste à rechercher les anticorps fabriqués contre un agent infectieux donné, par une personne. C'est la seule façon d'estimer assez précisément l'importance d'une épidémie passée. Une telle enquête consiste à prélever un tout petit peu de sang et à l'analyser en laboratoire. Elle se fait en général après le passage de l'épidémie ou lors d'une accalmie.
Un échantillon de 2 442 personnes a été sondé parmi lesquelles 38,25 % se sont avérées positives pour les IgG anti chikungunya. Cela signifie que 300 000 personnes ont eu le chikungunya, sur une population de 775 000 personnes. Le pourcentage de formes asymptomatiques est de 6 % : ce qui signifie que 46 500 personnes ont eu le chikungunya sans le savoir, c’est-à-dire sans présenter de fièvre, douleurs articulaires, etc. La plupart des maladies infectieuses ont des patients asymptomatiques, c'est-à-dire sans les signes de la maladie. Ce sont des patients qui soit se défendent mieux contre le virus, soit sont atteints par un virus moins agressif. En tout cas, ces personnes fabriquent des anticorps qui sont détectés dans le sang.
Le pourcentage de faux positifs est de 6 % également : ce qui signifie que 46 500 personnes disent avoir eu le chik, mais en réalité ne l'ont pas eu ! Soit elles n'ont rien eu et se sont convaincues de l'avoir eu par sympathie ou par mimétisme, soit elles ont eu une autre infection virale ou bactérienne, ou bien des rhumatismes…
La répartition par sexe montre 38,74 % de positifs pour les femmes et 37.74% pour les hommes. Cela veut dire en gros qu'autant de femmes que d'hommes ont eu le chikungunya. La répartition par âge montre une augmentation avec l'âge jusqu'à 79 ans, puis une décroissance. Cela signifie que plus on est âgé, plus on est susceptible d'être affecté par le chikungunya. La raison n'en est pas connue.
Par zone géographique, 30 % de séropositivité au Nord, 38 % au Sud, 41 % à l'Ouest et enfin 48 % à l'Est. L'Est a été le plus atteint et le Nord le moins atteint.