El Niño - Définition

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Introduction

Anomalies de températures à la surface des océans (en °C) lors d’El Niño en 1997

El Niño (littéralement « courant de l’Enfant Jésus », car il apparaît peu après noël), désigne à l'origine un courant côtier saisonnier au large du Pérou et de l'Équateur. Le terme désigne maintenant par extension le phénomène climatique particulier, différent du climat usuel, qui se caractérise par une élévation anormale de la température de l’océan dans la partie est de l'océan Pacifique sud, représentant une extension vers le sud du courant chaud péruvien. Il a été relié à un cycle de variation de la pression atmosphérique globale entre l'est et l'ouest du Pacifique que l'on nomme l'oscillation australe et l'on unit souvent les deux sous le titre de ENSO (El Niño-Southern Oscillation).

El Niño est une conséquence régionale d'une perturbation dans la circulation atmosphérique générale entre les pôles et l'équateur. Son apparition déplace les zones de précipitations vers l'est dans l’océan Pacifique et empêche la remontée d'eau froide le long de la côte de l’Amérique du Sud, ce qui coupe la source de nutriments pour la faune de ces eaux et y nuit considérablement à l’industrie de la pêche. Sans que l’on soit encore capable d’expliquer toutes les relations physiques, El Niño fait partie des anomalies dans la circulation qui peuvent dérouter les cyclones tropicaux de leurs routes habituelles, déplacer les zones de précipitations et de sécheresse ainsi que changer localement le niveau de la mer par le changement de la pression moyenne. Cependant, les relations entre ces effets sont moins claires à mesure que l'on s'éloigne du bassin Pacifique.

Description

En temps normal (appelé anti-Niño ou la Niña), les côtes du Chili, du Pérou et de l'Équateur sont baignées par le courant froid de Humboldt se dirigeant vers le Nord et balayées par les alizés maritimes, qui soufflent du sud-est vers le nord-ouest. Ces derniers chassent les eaux chaudes superficielles résiduelles du rivage et provoquent un vide qui est comblé par une remontée d’eaux froides des profondeurs, c’est le phénomène connu comme upwelling en anglais. Ces eaux, venant d’une profondeur de 100 à 200 m, sont riches en gaz carbonique et permettent un fort développement planctonique qui attire les poissons, les oiseaux et, logiquement, favorise l’activité de la pêche.

Tous les ans, peu après Noël et ce jusqu’au mois d’avril, un faible courant côtier inverse ce mouvement et s’écoule vers le sud. Par intervalles irréguliers, ce courant d’El Niño est plus important et descend davantage vers le sud. Les eaux froides sont remplacées par des eaux plus chaudes et les poissons disparaissent des côtes ruinant l’activité des pêcheurs. Dans la même période, les régions littorales habituellement peu pluvieuses du nord du Pérou et de l’Équateur connaissent des précipitations abondantes. Ainsi, autrefois, une année El Niño était considérée pour l’agriculture dans ces régions comme une année d’abondance.

Étude et prévision du phénomène

Les débuts de l'étude d'El Niño

Sir Gilbert Walker et l'oscillation australe

Scientifique britannique et chef du service météorologique indien, Sir Gilbert Walker fut affecté en 1920 en Inde, afin de trouver un moyen de prévoir la mousson asiatique. Brillant scientifique, il s'attela à la tâche avec détermination. Il se mit en contact avec des scientifiques sud-américains qui lui fournissaient le résultat de leurs études sur les effets locaux d'El Niño. En étudiant ces données climatiques et atmosphériques et celle qu'il avait à sa disposition, il parvint à établir, en 1923, une corrélation temporelle entre les relevés barométriques à l'ouest et à l'est du Pacifique sud. En effet, il se rendit compte que la pression augmentait à l'ouest quand elle diminuait à l'est (phénomène El Niño), et inversement. Du fait de cette situation d'équilibre et de balance, il nomma ce phénomène Southern Oscillation (oscillation australe en français).

Axant ses recherches sur l'oscillation australe, Sir Walker réussit à déterminer, toujours en 1923, un index auquel il donna son nom. Ce dernier aurait pour fonction de mesurer l'écart de pression entre l'est et l'ouest de l'océan Pacifique. Quand l'indice, et donc l'écart, augmentait, la pression était élevée à l'est du Pacifique, et les alizés étaient plus forts. Lorsque l'indice était plutôt bas, les alizés étaient moins puissants, entraînant des hivers plutôt doux dans le Canada et l'Amérique occidentale. Le tout est accompagné par des sécheresses en Australie, en Indonésie, en Inde et certains secteurs africains.

L'un de ses collègues l'attaqua à ce sujet dans une revue scientifique, trouvant « parfaitement ridicule l'idée que des conditions climatiques de régions du globe aussi distantes l'une de l'autre puissent être liées entre elles de la sorte ». Ce à quoi Sir Walker répliqua qu'une explication plus précise devait exister, mais qu'elle « exigerait vraisemblablement une connaissance des structures du vent à des niveaux autres que le sol ». Cela impliquait des notions et des moyens d'observation inconnus à l'époque mais les méthodes de recherche actuelles ont effectivement confirmé la théorie de l'index de pression Walker.

Jacob Bjerknes et le phénomène ENSO 

Dans les décennies qui suivirent, les chercheurs étudiant les variations climatiques se penchèrent sur l'énigme des îles désertiques du Pacifique central équatorial. Ces îles, bien que recevant (selon des statistiques climatiques américano-canadiennes) la même quantité de pluie que leurs voisines luxuriantes, étaient désespérément stériles. En fait, cette stérilité était due à une variation de l'index de pression Walker : la plupart du temps, l'indice de ce dernier était plutôt élevé, entraînant de très faibles, voire inexistantes, précipitations annuelles. Cependant, au cours d'une période qui se répétait tous les deux à sept ans environ, ces îles subissaient un véritable déluge qui durait plusieurs mois, de décembre à la mi-juin.

Le lien, apparemment évident entre cet étrange phénomène et El Niño, ne sera pourtant établi qu'au cours des années 1960, par un météorologue norvégien : le professeur Jacob Bjerknes. Il fut le premier à remarquer, en 1967, le rapport entre les observations de Sir Walker et El Niño. Les deux phénomènes concordant en tout point, il eut même l'idée de compléter le nom d'El Niño en y associant la découverte du Britannique : le phénomène se nommerait désormais ENSO, soit El Niño Southern Oscillation (El Niño Oscillation australe).

Le professeur Bjerknes a également établi, quelques années plus tard, le lien entre les changements de températures à la surface de la mer, la puissance des alizés et les fortes précipitations qui accompagnent habituellement les creux barométriques à l'est comme à l'ouest du Pacifique. Ce qui correspond aux phases d'un index de Walker d'indice bas.

Un intérêt grandissant vers la fin du XXe siècle

Depuis 1982, date d'un ENSO ayant dévasté toute la ceinture des pays de la ceinture intertropicale et même affecté le climat européen, des milliers de scientifiques et de chercheurs du monde entier ont essayé de comprendre le phénomène. Durant cette période, seuls deux programmes apportèrent des réponses à certaines interrogations.

TOGA

Lancé en 1985, le programme de collaboration internationale Tropical Ocean and Global Atmosphere (TOGA : « Étude des océans tropicaux et étude globale de l'atmosphère »), a permis de mieux comprendre le couplage océan-atmosphère. Il a duré 11 ans et a servi de base au lancement de ses successeurs. Il s'est penché tout particulièrement sur les variations du couplage dues à El Niño.

WOCE

Programme lancé cinq ans après le TOGA par 44 pays, dont tous ceux de l'Union européenne de l'époque, le World Ocean Circulation Experience (WOCE : « Expérience sur la circulation océanique à l'échelle mondiale ») avait pour but d'établir une description océanique globale. Il a notamment permis d'établir un modèle climatique pouvant plus ou moins prévoir les années durant lesquelles frapperait le phénomène ENSO.

CLIVAR et GODAE

La suite de ces programmes fut prise par le Climate Variability and predictability programme (CLIVAR : « Programme d'étude de prévision et de variation du climat ») qui étudiait le climat et les interactions océan-glace-atmosphère à l'échelle de la planète, et par le Global Ocean Data Assimilation Experiment (GODAE) qui, en 2003-2005, préparaient la mise en place d'un système mondial de surveillance et de prévision climatique.

Les années 2000

Après des débuts balbutiants, l'étude d’El Niño connut un véritable essor au XXIe siècle. Les nouvelles techniques et les nouveaux moyens mis à la disposition des chercheurs permirent d'effectuer des progrès considérables dans l'analyse du phénomène.

Institut de Recherche pour le Développement

En 2000, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a lancé le programme ECOP (Étude climatique de l'océan Pacifique tropical) pour étudier les variations climatiques dues à ENSO et à son opposé, La Niña. La même année, l'IRD lançait également, avec un budget de 132 000 €, le programme PALEOCEAN qui, de son côté, étudiait les coraux. La technique du carottage du corail, récemment développée, lui permis d'utiliser les coraux comme paléothermomètres. Ces derniers contiennent de l'uranium et du strontium, dont la quantité présente varie en fonction de la température de surface de la mer, et qu'on mesure par spectrométrie. Ces éléments-témoins datent les coraux et attestent de la fluctuation du niveau de la mer au cours des ans. Ils révèlent la présence de myocardiopathies, des organismes vivants dont l'état témoigne de l'impact d'ENSO sur l'environnement.

Un satellite bien particulier

En 1992, la Nasa et le Centre national d'études spatiales (CNES) s’unirent pour lancer le satellite Topex/Poseidon avec la fusée Ariane 4. L’engin de 2,4 tonnes fut envoyé à une altitude de 1.336 km, faisant un tour de la Terre toutes les 112 minutes, et pouvant observer jusqu'à 90 % des océans. Le CNES et la Nasa mirent les 50 000 mesures quotidiennes de Topex/Poseidon à la disposition de la communauté scientifique dès juillet 1993. Plus de 600 scientifiques de 54 pays exploitèrent ces mesures, distribuées via 2 banques de données : l’une située aux États-Unis, l’autre, le centre AVISO, se trouvant à Toulouse. Ce centre produisait tous les mois un cédérom regroupant toutes les données collectées par le satellite, soit près de 2 millions de mesures mensuelles.

En octobre 2005, un incident technique a fait perdre au satellite ses capacités de manœuvre sur orbite, se mettant ainsi dans l’impossibilité d’acquérir de nouvelles données scientifiques. Le satellite a donc terminé sa mission le 5 janvier 2006, après 13 ans dans l’espace et plus de 60 000 révolutions autour de la Terre.

Prévision

Les observations de Topex/Poseidon s’insérèrent dans plusieurs grands programmes scientifiques internationaux, parmi lesquels WOCE, TOGA, CLIVAR, et GODAE (avec MERSEA sa composante européenne). Les organismes de météorologie, eux aussi, puisaient dans les données du satellite. Ainsi, ces mesures se révélèrent bientôt indispensables, et il devint évident qu'un nouveau programme devrait prendre la suite de Topex/Poseidon.

Le programme Jason

Depuis son lancement par Delta II le 7 décembre 2001, le satellite Jason-1, successeur de Topex/Poseidon, livre des données exploitables en temps réel (environ 3 heures après la réception des données). Le programme Jason a été conçu comme une série de satellites. Ainsi le satellite Jason-2, dont le lancement est prévu en 2008, a entamé sa phase de développement en 2004. Le satellite Jason-1 est 5 fois plus léger que Topex/Poseidon (seulement 500 kilos pour 3 mètres d'envergure) et environ 2 fois moins cher. Il permet une précision au moins égale, si ce n'est supérieure, à celle de son prédécesseur, du fait de la collaboration entre ses mesures et celles prises, directement à la surface océanique de la Terre, par des navires spécialisés ou des balises météorologiques.

Les données altimétriques fournissent également en temps presque réel des observations océaniques permettant l’élaboration de prévisions météorologiques. Grâce aux mesures de Jason-1, Météo-France fournit ainsi des bulletins réguliers sur l’état de l’océan mais aussi des alertes en cas de dégradation des conditions météorologiques. Jason-1 s’insère dans le projet d’océanographie opérationnelle Mercator, lancé en 1997 et devenu un Groupement d’Intérêt Public en 2002 (partenariat entre le CNES, le CNRS/INSU, l’IFREMER, l’IRD, Météo-France et le SHOM). Mercator permet d’effectuer une surveillance en temps réel des océans (réalisation de bulletins hebdomadaires de l’état de la mer), mais aussi des prévisions à long terme concernant les phénomènes bioclimatiques tels qu'El Niño.

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