Du battant des lames au sommet des montagnes - Définition

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Introduction

Trois-Bassins est l'exemple-type d'une commune s'étalant « du battant des lames au sommet des montagnes », en l'occurrence de la côte-sous-le-vent jusqu'au Grand Bénare.

« Du battant des lames au sommet des montagnes » est une expression française qui servit autrefois à définir l'extension géographique des concessions territoriales accordées par la Compagnie des Indes orientales aux colons de l'île de La Réunion alors que celle-ci s'appelait encore l'île Bourbon. Depuis, cette expression y est devenue une locution courante, voire une « formule figée ». Dans son sens le plus strict, elle agit grammaticalement comme un complément de manière et qualifie la façon dont sont découpées les terres en étroites bandes qui s'étirent du littoral aux plus hauts reliefs sans jamais s'étaler horizontalement. En revanche, lorsqu'on la considère dans son sens le plus large, l'expression fait office d'adverbe de lieu, synonyme de « partout ».

Origines

Signification des termes employés

Lame

Très exposé aux mers australes, le Cap Méchant de Saint-Philippe est battu par les lames.

Le mot « lame » désigne ici un « mouvement plus ou moins considérable de la mer dû à l'action du vent » ou une « masse d'eau qui se soulève, s'amincit à la crête, écume et déferle ». Il renvoie donc à une « vague d'une certaine importance » comme celles que l'on peut effectivement apercevoir très régulièrement en bord de mer à La Réunion.

L'île souffre d'une position géographique qui lui fait connaître de fortes houles dont les origines sont multiples. L'une d'elles est le régime des alizés et concerne surtout la côte orientale, la côte au vent. Une autre explication est l'absence de terres émergées entre les mers australes et les falaises du Sud sauvage, ce qui fait que les Cinquantièmes hurlants et les Quarantièmes rugissants peuvent se prolonger jusqu'à La Réunion sans jamais rencontrer aucun obstacle. Une troisième raison est l'inscription du département d'outre-mer français sur la trajectoire des cyclones tropicaux qui naissent au centre de l'océan Indien.

Battant des lames

Le mot « battant » tel qu'il est ici employé n'est recouvert par aucune des définitions que lui donne le Trésor de la langue française informatisé. D'après Le Français de La Réunion, un dictionnaire écrit par le professeur de littérature Michel Beniamino, ce terme forme en effet une locution nominale disposant d'un sens spécifique lorsqu'il est associé au mot « lames » dans le français de l'île de La Réunion. Ainsi, le « battant des lames » serait « la partie du rivage soumise à l'action des vagues ». Dans ce cas, il s'agirait de quelque chose d'assez proche de ce qu'on appelle l'estran en France métropolitaine.

Cependant, pour une côte bordée par un récif frangeant, le lieu où la lame s'abat est le récif lui-même, non l'estran.

Pour le reste, si Michel Beniamino estime que « bord de mer » reste le meilleur synonyme, d'autres intervenants considèrent que ce terme n'est pas équivalent. C'est le cas de l'auteur d'un mémoire qui a été remis à l'École supérieure des géomètres et topographes en juillet 2002 sous le titre Les Spécificités du bornage à l'île de La Réunion et leurs origines. Yannick Smil considère le bord de la mer comme moins exposé aux flots que le « battant des lames ».

Au sommet des montagnes

Point culminant de l'île, le Piton des Neiges n'est pas le « sommet des montagnes » évoqué dans l'expression originelle.

Les « montagnes » auxquelles renvoie l'expression sont les deux massifs montagneux de l'île, celui du Piton des Neiges et celui du Piton de la Fournaise. Cependant, le « sommet » évoqué dans la version originelle n'est aucun de ces deux pitons. Il s'agirait plutôt du Grand Bénare, ce qui s'expliquerait par son caractère nettement plus familier au moment où la formule fut forgée.

À cette époque, en effet, aucun des deux sommets évoqués ci-dessus n'a encore été approché. D'après les écrits de Jean-Baptiste Bory de Saint-Vincent, la première ascension du volcan actif de l'île remonterait au milieu du XVIIIe siècle. Celle du volcan éteint est encore plus tardive. L'expression renvoie quant à elle aux débuts de la colonisation de l'île, environ un siècle plus tôt.

Apparition historique

Contexte originel

Les origines exactes de l'expression ne sont pas clairement établies. Il est cependant tout à fait certain qu'elle fut d'abord employée pour désigner les limites physiques des gigantesques terrains que la Compagnie des Indes orientales concéda aux colons français tout juste établis sur les côtes de l'île à partir de la fin du XVIIe siècle. Il est donc fort probable qu'elle soit apparue par écrit sur les documents juridiques que ladite compagnie eut alors à produire pour procéder aux concessions en question, un privilège que lui conférait son statut de manufacture royale.

Dès l'origine du peuplement de La Réunion, l'ensemble du territoire insulaire est propriété du Roi. Cependant, les premiers habitants s'établissent comme ils l'entendent en prenant autant de terres qu'ils le souhaitent : il y a alors de la place pour tout le monde. C'est seulement quelques années plus tard que la Compagnie des Indes souhaita fixer les personnes afin qu'elles cultivent la terre plus efficacement. Le gouverneur Vauboulon fut alors le premier à tenter d'organiser une occupation du sol et inaugura le système des concessions. Les premières que l'on puisse retrouver aux Archives départementales remontent au 16 janvier 1690.

Logique derrière le principe

La ravine Saint-Gilles et ses cascades servirent de limite à une concession voisine dès 1699 au moins.

Très rapidement, les concessions sont partagées entre les ayants-droit et le sol est découpé en plusieurs lots. Or, à La Réunion, tout au long de son histoire, c'est la coutume de Paris qui sert de référence en matière de succession. Elle stipule le partage égal des biens entre tous les héritiers, quel que soit leur âge relatif et leur sexe.

Du fait de la variation du climat en fonction de l'altitude et donc des différences quant aux possibilités de mise en valeur, les découpages sont faits dans le sens de la pente afin de faire bénéficier chacun des descendants d'une palette complète et équitable : terres planes faciles d'accès dans les plaines proches des voies royales et de la mer, terres agricoles et à défricher à mi-hauteur et terres plantées de bois pour la construction ou la combustion un peu plus haut. L'étage intermédiaire peut lui-même être divisé selon trois affectations distinctes : la partie la plus basse reçoit les cultures vivrières, la partie la plus élevée les parcours d'élevage tandis que le centre est consacré aux plantations de café.

L'opération de découpage perpendiculairement à la côte était d'autant plus facile qu'il existe de nombreuses ravines difficilement franchissables qui parcourent La Réunion depuis les hauteurs et qui strient les flancs de cette île en forme de cône. Chaque terrain peut donc être délimité par deux torrents, à la manière de la concession allant du bord de la mer au sommet des montagnes que le gouverneur La Cour attribua à Chauveau et Grimaud le 10 février 1699 entre la ravine Saint-Gilles et la ravine des Sables. Les cours d'eau forment des frontières naturelles à peu près incontestables en aval.

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