Donald Winnicott - Définition

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Éléments de théorie

Le développement du nouveau-né selon Winnicott

Un nouveau-né sans troubles physiques ni neurologiques possède une tendance innée à se développer jusqu'à devenir une personne totale, créatrice, qui croit en la vie. Pour que cette tendance puisse s'exprimer, il est nécessaire et suffisant que l'environnement dans lequel va évoluer, grandir et se développer le nouveau-né se montre convenablement bon, de son point de vue à lui.

Durant la période post-natale, l'unité, ce n'est pas le bébé, mais l'ensemble individu-environnement. C'est la mère de l'enfant qui est la mieux à même de lui fournir un environnement convenablement bon. À ce stade, le terme « mère » est équivalent à « environnement » et englobe donc le père si celui-ci s'occupe du nouveau-né. Le père intervient de deux manières : en tant que mère, lorsqu'il s'occupe du nouveau-né et également en préservant la mère et l'enfant de ce qui pourrait venir s'immiscer entre les deux. Pour que la mère soit effectivement capable de fournir une telle chose, il est nécessaire qu'elle ait pu et puisse toujours bénéficier elle-même d'un environnement d'une certaine qualité.

« Pour remplir ce rôle, il faut que sa relation avec le père du bébé et aussi sa relation avec sa famille et les cercles de plus en plus étendus qui entourent sa famille et constituent la société donnent à la mère le sentiment de sécurité, le sentiment d'être aimée. »

Au cours de la grossesse, elle acquiert la capacité (la préoccupation maternelle primaire) de se dévouer totalement à son futur nouveau-né, capacité qu'elle perdra ensuite progressivement, à la mesure du développement du bébé.

« Au début, le fœtus et le nourrisson dépendent entièrement de ce que leur offre la mère vivante, qu'il s'agisse de son utérus ou de ses soins maternels.  »

Sous réserves des conditions sus-décrites, la tendance à se développer suivra les caractéristiques suivantes. Ce sont différents processus contemporains les uns des autres, bien évidemment liés entre eux, mais ayant leur propre temporalité.

D'un état où le bébé n'a même pas conscience d'être dépendant (ce que D. Winnicott appelle la “dépendance absolue” ou bien la “double dépendance”), celui-ci va ensuite connaître une situation de dépendance, dont il a conscience pour aboutir, ou plutôt tendre vers l'indépendance.

Au départ, l'environnement doit manifester une adaptation parfaite telle que le nourrisson soit soutenu dans son développement, que son « sentiment continu d'exister » soit préservé. Des empiètements ou des faillites de la part de son environnement forceraient le nourrisson à réagir, et non plus à agir, ce qui briserait sa continuité d'existence. À la dépendance absolue, « ...tout se ramène à une question essentielle : l'envahissement ou le non-envahissement de la vie du nourrisson... ». L'environnement doit être comme l'air que le bébé respire : ce dernier ne s'aperçoit pas que l'air est là, mais qu'il vienne à manquer...

Pendant cette période de dépendance absolue, la mère montre une adaptation très sensible aux besoins du bébé qui fait alors l'expérience (illusoire) de l'omnipotence. Cependant, la mère ne doit certainement pas être parfaite. Elle (ou l'environnement maternel) doit juste être une mère suffisamment bonne (ce qui implique qu'elle soit tout autant suffisamment mauvaise afin de ne pas être trop bonne), une mère banalement dévouée, selon les expressions de Winnicott. C'est dire que cette expérience de l'omnipotence, si importante pour le tout-petit, ne peut ni ne doit être permanente. En effet les défaillances maternelles sont inévitables et provoquent la désillusion nécessaire à la sortie de la symbiose initiale et à la reconnaissance progressive de la dure réalité. Mais si, à ce stade, les défaillances maternelles sont excessives en intensité et en durée le nourrisson ne peut ressentir de la colère vis-à-vis de l'objet défaillant du besoin et ne peut rétablir son sentiment de continuité d'être. Il est alors en proie aux "agonies primitives" comme les nomme Winnicott. Ce sont des angoisses de nature psychotique d'annihilation ou de désintégration. Il n'a pas d'autres solutions en ces circonstances que de dissocier son "self" (traduction littérale du soi que l'on a conservé dans en anglais dans ce cas) en faux-self et vrai-self, le premier dissimulant et protégeant le second pour le mettre définitivement à l'abri des empiètements de l'environnement responsables de ses "angoisses sans nom" selon Winnicott. Il en résultera durant toute la vie, parfois, un sentiment de ne pas vivre vraiment ou de ne pas être réel, chez ces sujets coupés de leur "vrai-self" authentique, spontané et pulsionnel même si leur réussite sociale est excellente.

Progressivement, le bébé prend la mesure de sa dépendance et adapte sa capacité de faire savoir à son environnement lorsqu'il a besoin de lui. En effet, la capacité du nourrisson à faire savoir à son environnement ce dont il a besoin n'est pas une capacité acquise, bien qu'elle évolue en fonction de l'expérience que le nourrisson fait de cet environnement. Winnicott parle du geste spontané du nourrisson pour désigner le fait que le nourrisson, dès sa venue au monde, a d'emblée une activité psychomotrice complexe qui lui permet de communiquer ses besoins à son environnement maternant. Ce fait connu depuis les travaux de Jean Piaget est aussi confirmé par les travaux des psychologues expérimentalistes qui parlent des compétences innées du nourrisson.

Certains pensent que cette progressive acquisition de l'indépendance n'est pas monotone, au sens mathématique, ce qui est vrai, et que les mêmes dépendances sont surmontées plusieurs fois. Certes oui, mais écrire que ce progrès est « chaotique » est un contre-sens. Il y a une théorie du chaos chez Winnicott et qui mériterait d'être développée. Il est exact, que selon Winnicott, l'adaptation presque parfaite de la mère aux besoins de l'enfant ne dure pas indéfiniment. Celle-ci prend de plus en plus de liberté par rapport aux besoins du bébé, à mesure que se développent ses capacités d'y suppléer. Elle peut ainsi désinvestir momentanément son bébé et retrouver son partenaire sexuel ouvrant ainsi la dyade initial à la triangulation et à la " scène primitive "

Certains comprennent à tort que "selon le même schéma « chaotique »" c'est vers l'âge d'un an qu'il y a intégration de la personnalité qui reste partielle, précaire, en devenir. Cette intégration se fait à partir d'un état non-intégré. « Au début, le nourrisson est fait de perceptions sensorielles et d'un certain nombre de phases de motricité. »

Si dans ", le bébé peut retrouver cet état de non-intégration lorsqu'il est au repos et sans angoisse car " la mère-environnement" répond avec précision à ses besoins. Elle soutient le bébé et fait preuve de constance et de fiabilité. aussi l'ensemble de ces sensations va peu à peu s'intégrer en une unité"

C'est le développement de l'intellect qui permet la progressive désadaptation de l'environnement, dans le sens que le bébé compense alors par sa compréhension ce qui serait sinon vécu comme une adaptation insuffisante. Par exemple, le bébé a faim, il ne mange pas encore mais il entend sa mère s'y apprêter, et il sait que c'est le début du repas; plus jeune, il n'aurait pas été capable de comprendre et aurait vécu cette attente comme une faillite.

D'autres étapes sont franchies, et, progressivement, « ...l'enfant devient capable de vivre une existence personnelle satisfaisante alors qu'il s'engage dans les affaires de la société. »

Mère suffisamment bonne

Vrai self, faux self

L'origine du "faux self" se situe à une période où le bébé ne différencie pas encore "moi" et "non-moi". Il est la plupart du temps non intégré, et lorsqu'il l'est, il ne l'est pas complètement. Il arrive parfois qu'alors, le bébé esquisse un geste spontané (qui "...exprime une pulsion spontanée..." Celui-ci manifeste qu'existe un vrai self, potentiel. Selon l'aptitude de la mère à jouer son rôle, elle favorisera l'établissement du vrai self ou, au contraire, du faux self.

Si la mère répond à ce qui se manifeste comme l'expression de l'omnipotence du nourrisson, à chaque occasion, elle lui donne une signification et participe à l'établissement du vrai self. Ainsi, elle permet à son bébé de faire l'expérience de l'illusion, de l'omnipotence. Cette expérience de l'illusion, qui a comme condition la possibilité de l'adaptation active de la mère, est le préalable à l'expérience des phénomènes transitionnels, d'où s'origine la créativité.

Si, au contraire, la mère est incapable de répondre à cette manifestation, elle substitue le sien au geste spontané du bébé, auquel ce dernier est contraint de se soumettre. Cette situation, maintes fois répétée, participe à ce qu'un faux self se développe.

Phénomènes transitionnels

Les phénomènes dits "transitionnels" sont au fondement des activités de penser et de fantasmer. Ils correspondent à des complexes d'activités et aux expériences du bébé lorsque, dans son développement, il commence à intégrer des objets "autre-que-soi" à ses activités "main-bouche".

Le phénomène transitionnel désigne :

«  l'aire d'expérience qui est intermédiaire entre le pouce et l'ours, entre l'érotisme oral et la relation objectale vraie, entre l'activité créatrice primaire et la projection de ce qui a déjà été introjecté, entre l'ignorance primaire de la dette et la reconnaissance de celle-ci.  »

De l'ensemble des phénomènes transitionnels, l'enfant extrait parfois un fragment particulier avec lequel il aura un rapport électif, c'est l'objet transitionnel. L'objet en lui-même importe moins que son usage. Il peut s'agir d'un bout de tissu, comme d'une petite mélodie, voire de la mère elle-même.

Remarques philosophiques

Sur le plan philosophique, il est possible – avec une certaine prudence – de rattacher D. Winnicott (comme les autres membres du Middle Group) à la tradition britannique de l'empirisme, comme le fait Gilles Deleuze. Son inventivité clinique met en avant l'importance de l'expérimentation ("Les empiristes ne sont pas des théoriciens, ce sont des expérimentateurs."). De même, la logique de relations complexes souvent présente chez les psychanalystes du "Groupe des indépendants" découle de "la" question des empiristes, à savoir, précisément, la question des relations. La position de Deleuze se défend sous certains aspects mais ne résiste pas à une analyse plus poussée. Quant à la forme "topologique" qu'a pris la découverte de D. Winnicott des phénomènes transitionnels, à savoir celle d'un "espace potentiel", lieu de la fantaisie et de la créativité, Deleuze le rapprochait de ce que, notamment pour Hume, l'imagination est moins une faculté qu'un lieu. On ne peut, par ailleurs, négliger l'importance qu'a eu, pour D. Winnicott, la lecture de Charles Darwin dont la théorie repose sur un jeu d'interactions individu / milieu / espèce dans lequel la question de l'adéquation entre le milieu et l'individu est centrale (l'adaptation).

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