Le DDT est synthétisé la première fois par Othmar Zeidler en 1874, mais ses propriétés d'insecticide ne sont découvertes qu'en 1939 par Paul Hermann Müller qui reçoit à cet effet le prix Nobel de médecine en 1948. Le DDT est alors abondamment utilisé lors de la Seconde Guerre mondiale par les militaires pour contrôler les insectes porteurs du paludisme et du typhus, parvenant à pratiquement éliminer ce dernier. Les civils en répandent sur les murs avec un spray pour tuer les moustiques qui viennent s'y poser, permettant de chasser des souches jusqu'alors résistantes. Des villes entières en Italie sont aspergées du produit pour tuer les poux porteurs de typhus. Après 1945, il est abondamment utilisé par l'agriculture, et en Grande-Bretagne pour tuer les midges (Culicoides impunctatus : moucherons piqueurs répandus en Écosse).
Le DDT a contribué à l'éradication complète du paludisme en Europe et en Amérique du Nord, bien que des mesures d'hygiène prises au début du XXe siècle et l'augmentation du niveau de vie aient déjà permis une quasi-disparition dans les pays développés. Le paludisme connaît en effet un déclin en Europe et aux États-Unis dès la fin du XIXe siècle en raison des assèchements de marais et de la suppression des bassins de réserve. Mais au Brésil et en Égypte, ce sont principalement les abondantes pulvérisations de DDT qui sont responsables de l'éradication du paludisme.
En 1955, l'OMS débute un programme mondial d'éradication du paludisme reposant principalement sur l'utilisation du DDT. Bien que le programme ait été un succès (le taux de mortalité lié au paludisme est tombé de 192 pour 100 000 à 7 pour 100 000), entre-temps des résistances sont apparues chez certains insectes. En outre, le DDT se montre moins efficace dans les régions tropicales à cause du cycle de vie continu des moustiques et des mauvaises infrastructures. Le programme n'est pas du tout suivi en Afrique subdésertique pour ces raisons, avec pour conséquence une faible diminution du taux de mortalité et le fait que ces régions restent actuellement les plus soumises au paludisme, surtout depuis l'apparition de souches résistantes aux médicaments et la propagation du Plasmodium falciparum.
Des doutes apparaissent sur l'effet du DDT sur l'environnement à travers des observations personnelles constatant une diminution du nombre d'oiseaux, confirmées ensuite par des études scientifiques. En 1957, le New York Times relate les efforts infructueux d'un mouvement contre le DDT dans le comté de Nassau dans l'État de New-York. Ceci constitue alors le premier mouvement attesté opposé à ce produit. L'éditeur William Shawn pousse la biologiste et auteur populaire Rachel Carson à écrire sur le sujet, et cette dernière publie en 1962 le bestseller Silent Spring (traduit en français en 1963 sous le titre Printemps silencieux). Malgré le tollé suscité par ce livre, le DDT n'est pas interdit avant les années 1970.
Quelques années plus tard, Carol Yannacone assiste à la mort de poissons dans les mares de Yaphank suivant une pulvérisation de DDT menée par la commission de contrôle des moustiques du comté de Suffolk. Elle convainc son mari Victor Yannacone, un avocat, de les poursuivre en justice, ce qui mène à une interdiction locale d'utiliser le DDT. Le scientifique Charles Wurster, professeur à l'université de l'État de New York à Stony Brook, avait auparavant remarqué que l'utilisation du DDT sur les ormes tuait les oiseaux sans pour autant sauver les arbres. Art Cooley, un instituteur de Bellport, constate entre-temps le déclin des balbuzards et autres grands oiseaux aux alentours de la rivière de Carman, et suppose un lien avec l'utilisation du DDT. En 1967, la famille Yannacone se joint à Wurster et Cooley pour former l'EDF (Environmental Defense Fund depuis rebaptisé en Environmental Defense) et lancer une plus grande campagne contre l'utilisation du DDT qui mène à son interdiction aux États-Unis. Suite à cette dernière, les balbuzards et aigles, espèces alors considérées en danger, se sont multipliés.
Au cours des années 1970 et 1980, l'usage du DDT pour l'agriculture est interdit dans la plupart des pays développés, et remplacé dans la lutte contre le paludisme par des produits moins persistants et plus chers. Les premiers pays à interdire le DDT sont la Norvège et la Suède en 1970, mais le Royaume-Uni ne l'interdira pas avant 1984.
De nos jours, le DDT est toujours utilisé dans les pays – principalement tropicaux – où la transmission du paludisme et du typhus reste un sérieux problème de santé. Son utilisation est principalement limitée à l'intérieur des bâtiments, par son inclusion dans des produits ménagers, et des pulvérisations sélectives, ce qui limite considérablement les dommages écologiques par rapport à son utilisation antérieure en agriculture. Cet usage permet également de réduire le risque de résistance au DDT, et requiert seulement une infime fraction de ce qui était utilisé pour un usage agraire : la quantité de DDT utilisée pour traiter tout le Guyana (215 000 km2) est à peu près celle qui était utilisée pour traiter 4 km2 de coton lors d'une seule saison des pousses.
La convention de Stockholm, ratifiée le 22 mai 2001 et effective depuis le 17 mai 2004, vise à interdire le DDT ainsi que d'autres polluants organiques persistants. Celle-ci est signée par 158 pays et soutenue par la plupart des groupes environnementaux. Cependant, une interdiction totale de l'utilisation du DDT dans les pays où sévit le paludisme est actuellement impossible car peu d'alternatives économiquement abordables ou suffisamment efficaces ont été découvertes. L'utilisation du DDT à des fins sanitaires reste donc tolérée jusqu'à ce que de telles alternatives soient développées. La Malaria Foundation International (Fondation internationale du paludisme) déclare :
En septembre 2006, presque trente ans après avoir abandonné les projections de DDT dans les pièces des maisons, l'OMS annonce que le DDT sera utilisé comme l'un des trois principaux outils dans la lutte contre le paludisme et recommande la pulvérisation des pièces dans les zones épidémiques, ainsi que dans les endroits à transmission du paludisme constante et élevée. L'Agence des États-Unis pour le développement international annonce en conséquence qu'elle financera l'utilisation du DDT.
En mai 2009, seulement trois ans après l'avoir réintroduit, l'OMS retire son approbation pour son utilisation dans la lutte antivectorielle et vise à ce qu'il ne soit plus utilisé d'ici 2020.
En 1962 est publié le livre Silent Spring de Rachel Carson, qui soutient que les pesticides, surtout le DDT et les PCB (polychloro-biphényle), empoisonnaient à la fois la faune et l'environnement, mais mettaient également en danger la santé humaine. Les réactions publiques envers Silent Spring amorcent le développement des mouvements écologiques modernes aux États-Unis, et le DDT devient la cible principale des mouvements antichimiques et antipesticides des années 1960. Cependant, Rachel Carson avait également dédié une page de son livre à une présentation réfléchie de la relation entre le DDT et les moustiques transmettant le paludisme, mais en prenant en compte le développement de la résistance des moustiques :
Rachel Carson avait également fait la déclaration controversée que le DDT pouvait causer le cancer chez les humains, croyance toujours largement acceptée par le grand public. Charles Wurster, le scientifique en chef de l'Environmental Defense Fund (Fonds de défense de l'environnement) est cité dans le Seattle Times du 5 octobre 1969 pour avoir dit : « Si les écologistes l'emportent sur le DDT, ils atteindront un niveau d'autorité qu'ils n'avaient jamais eu auparavant. D'une certaine façon, on peut dire qu'il a plus gros en jeu que le DDT. » Cependant, comme la recherche dans le domaine des pesticides était encore immature à l'époque de sa publication, il s'est avéré par la suite que de nombreuses affirmations faites dans Silent Spring étaient scientifiquement inexactes.
À la fin des années 1960, la pression des groupes écologistes s’intensifie et en janvier 1971, le tribunal fédéral de première instance ordonne à William Ruckelshaus, premier directeur de l’EPA, de commencer la procédure de désinscription du DDT. Après six mois de procédures, William Ruckelshaus rejette l’interdiction en se référant à des études concluant que le DDT ne pose aucun danger pour l’homme ou son environnement. Cependant, les découvertes de cette équipe ont été critiquées car les études ont été menées pour la plupart par des entomologistes du département de l’Agriculture, que beaucoup d’écologistes soupçonnent d’être en faveur des lobbies agricoles et donc de minimiser les dangers pour l’homme. La décision de ne pas interdire le produit a donc causé une controverse dans la population.
L’EPA a organisé sept mois d’audience en 1971-1972 lors desquels des scientifiques ont tour à tour donné des preuves incriminant ou innocentant le DDT. Lors de l’été 1972, William Ruckelshaus annonce l’interdiction du DDT pour toutes les utilisations aux États-Unis. Le DDT est alors classé comme substance toxique de classe II.
L’interdiction du DDT aux États-Unis dans les années 1970 avait lieu dans un climat de méfiance pour les communautés scientifiques et industrielles et faisait suite à des fiascos tel l’agent orange ou l’utilisation de l’hormone DES (diéthylstilbestrol). En outre, le placement du pygargue à tête blanche sur la liste des espèces menacées fut d’un poids significatif dans l’interdiction du DDT aux États-Unis : l’abus du DDT était cité comme étant le principal responsable du déclin de la population des pygargues à tête blanche – déclaration depuis sujette à controverse.
L’interdiction est vivement critiquée par les partisans du DDT, lesquels incluent Steven Milloy, Roger Bate et Richard Tren les arguments s’appuient sur les travaux de l’entomologiste J. Gordon Edwards, qui, introduit en tant que témoin lors des audiences avait annoncé qu’il n’y avait preuve concrète des effets nocifs du DDT sur l’homme. Ils rapportent qu’à la fin des audiences, l’examinateur Edmund Sweeney avait annoncé qu’aucun élément scientifique ne permettait de justifier une interdiction du DDT. Lors de l’été 1972, William Ruckelshaus passa en revue les avis données lors des audiences, ainsi que les rapports de deux groupes chargés d’étudier le DDT (les études Hilton et Marc) qui étaient parvenus à une conclusion diamétralement opposée. Steven Milloy et Edmund Sweeney déclarèrent que William Ruckelshaus n’avait assisté à aucune des audiences de la commission et (selon des assistants restés anonymes) n’avait même pas fait l’effort de lire les transcriptions de ces audiences. William Ruckelshaus rejeta les affirmations de Steven Milloy en déclarant que le DDT était « un avertissement que l’homme pourrait s’être exposé à une substance qui pourrait bien avoir un effet sérieux sur sa santé. »
Certaines critiques affirment que les restrictions sur l’utilisation du DDT dans la lutte contre les vecteurs de maladie imposées par certains gouvernements, pays donateurs et agences d’aide d’internationales en réponse à la pression des mouvements écologistes auraient entraîné la mort de millions de personnes. En général ces affirmations font référence à l’interdiction de 1972 des États-Unis et impliquent qu’il s’agirait d’une interdiction internationale, laquelle, selon Nicholas Kristof aurait conduit à des centaines de milliers de morts. Selon l'auteur Michael Crichton dans son roman État d'urgence :
Une autre critique est que cette interdiction fait preuve d’un manque de compassion envers les pays du tiers monde : alors que les traitements au DDT ont été utilisés suffisamment longtemps dans les pays développés pour éliminer le paludisme, il est interdit quand les pays en voie de développement en ont besoin. Selon Paul Driessen, l’auteur de Imperialism: Green Power, Black Death, non seulement les épidémies de paludisme tuent deux millions de personnes par an, mais rendent ceux qui y survivent incapables de contribuer à l’économie, malades et plus vulnérables à d’autres maladies qui pourraient les tuer. De nombreuses ressources en Afrique sont alors mobilisées pour les malades, rendant les pays pauvres encore plus pauvres.
Pourtant, le DDT n’a jamais été interdit pour la lutte contre le paludisme dans les pays tropicaux. Dans de nombreux pays développés, les programmes de pulvérisation ont été arrêtés pour des raisons de sûreté et de protection de l’environnement, ainsi qu’en raisons de problèmes dans la mise en œuvre au niveau administratif et financier. Les efforts se sont alors concentrés sur l’utilisation de moustiquaires imprégnées d’insecticide.
Les groupes écologistes ont été vivement critiqués pour avoir tenté d’interdire complètement le DDT. De nombreux groupes écologistes se sont battus contre l’utilisation du DDT à des fins sanitaires lors de la convention de Stockholm de 2001, malgré l’opposition des gouvernements du tiers monde et de nombreux chercheurs du paludisme. « Greenpeace, World Wildlife Fund, Physicians for Social Responsibility et plus de 300 autres organisations environnementalistes ont prôné pour l’interdiction totale du DDT, et ceci dès 2007 dans certains cas. » Un article de Nature Medicine s’était à l’époque violemment opposé à une interdiction : « Les écologistes de pays riches et développés ne gagnent rien du DDT et les risques leurs paraissent plus grands que les bénéfices que les pays pauvres tropicaux pourraient en tirer. Plus de 200 groupes environnementalistes, y compris Greenpeace, Physicians for Social Responsibility et la World Wildlife Fund, condamnent le DDT comme étant “ une source sérieuse de danger pour l'homme ” »
Le groupe pro-DDT Africa Fighting Malaria (AFM) a déclaré que l’USAID ainsi que d’autres organisations internationales donatrices ont refusé de financer des programmes de sanitaires utilisant du DDT. De même, Roger Bates de l’AFM soutient que de nombreux pays ont été mis sous pression de la part d’organisations de santé internationales et d’agences environnementales pour qu’ils abandonnent le DDT sous peine de perdre leurs subventions. Ainsi, le Belize et la Bolivie ont fait publiquement savoir qu’ils ont cédé en ce sens à la pression du USAID.
De nombreux pays africains aimeraient utiliser le DDT pour contrôler le paludisme et sauver des vies, mais il leur a été signifié que leurs exportations agricoles pouvaient ne pas être acceptées si la pulvérisation était « étendue ».
L’argumentation principale des partisans du DDT est que les alternatives sont généralement plus chères, plus toxiques pour l’homme, et pas toujours aussi efficaces pour contrôler le paludisme ou d’autres maladies transmises par les insectes, et que les compagnies pétrochimiques qui brevettent ces alternatives ont supporté l’interdiction du DDT pour leurs propre profit : le DDT est entré dans le domaine public, mais pas leurs insecticides brevetés.
Les partisans du DDT avancent que certains détracteurs du DDT craignent que toute utilisation du DDT mènera à des abus, et confondent la pulvérisation à des fins agraires avec pulvérisation intérieure afin de contourner tout raisonnement scientifique. Les adversaires du DDT rétorquent que l’utilisation du DDT se traduit par la diminution des populations d’oiseaux et menace de la biodiversité.
Bien que soulevant des questions importantes quant à la manière dont l’Occident traite la crise sanitaire avec le tiers monde, le cœur de la discussion reste controversée. Bien que la publication de Silent Spring ait sans doute influencé l’interdiction du DDT aux États-Unis en 1972, la réduction de l’utilisation du DDT pour éradiquer le paludisme avait commencé déjà une décennie auparavant à cause de la l’apparition de souches de moustiques résistantes. Paul Russel, un ancien directeur de l’Allied Anti-Malaria Campaign (campagne unie contre le paludisme) fait observer que les programmes d’éradication devaient se garder de se fier au DDT trop longtemps car « des souches résistantes sont apparues après six ou sept ans. »
En outre, l’utilisation du DDT qui s’est trouvée être la plus gênante pour les écologistes et les agents sanitaires était celle de l’agriculture. Tandis que les programmes antipaludisme réduisaient la quantité de DDT qu’ils utilisaient, les producteurs de coton et autres cultures de rente pulvérisaient de plus en plus de pesticide, limitant l’efficacité du DDT. El Salvador vit ses cas de paludisme augmenter lors des années où l’on utilisait beaucoup de DDT.
Kent R. Hill de l’USAID déclare que l’agence avait été pervertie :
Cependant, l’USAID « privilégia » les alternatives du DDT dans ses financements :