Développement durable - Définition

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Des approches opposées sur la notion de durabilité

Si les objectifs du développement durable font l'objet d'un relatif consensus, c'est son application qui demeure source d'oppositions. L'une des questions posées par le terme de « développement durable » est de savoir ce que l'on entend par « durable ». Or, la nature peut être vue de deux manières, complémentaires : il existe d'une part un "capital naturel", non-renouvelable à l'échelle humaine (la biodiversité par exemple), et d'autre part des ressources renouvelables (comme le bois, l'eau...). Cette distinction étant faite, deux conceptions sur la durabilité vont s'opposer.

La première réponse à la question du développement durable est de type technico-économiste : à chaque problème environnemental correspondrait une solution technique, solution disponible uniquement dans un monde économiquement prospère. Dans cette approche, aussi appelée « durabilité faible », le pilier économique occupe une place centrale et reste prépondérant, à tel point que le développement durable est parfois rebaptisé « croissance durable ». C'est ainsi que dans la revue de l'École polytechnique, Jacques Bourdillon exhorte les jeunes ingénieurs à : « ne pas renoncer à la croissance [...] dont l'humanité a le plus grand besoin, même sous prétexte de soutenabilité ». L'une des réponses apportées du point de vue technologique consiste à rechercher la meilleure technique disponible (MTD, en anglais best available technology, BAT) pour un besoin identifié, ou des attentes exprimées par un marché, qui concile les trois piliers du développement durable d'une façon transversale.

Ce discours est légitimé par la théorie économique néoclassique. En effet, Robert Solow et John Hartwick supposent le caractère substituable total du capital naturel en capital artificiel : si l'utilisation de ressources non-renouvelables conduit à la création d'un capital artificiel transmissible de génération en génération, elle peut être considérée comme légitime.

Certains acteurs, et notamment de nombreuses organisations non gouvernementales ou associations environnementales, ont un point de vue tout à fait opposé à l'approche technico-économiste : pour eux, « la sphère des activités économiques est incluse dans la sphère des activités humaines, elle-même incluse dans la biosphère » : le "capital naturel" n'est dès lors pas substituable. Afin d'insister sur les contraintes de la biosphère, les tenants de cette approche préfèrent utiliser le terme de « développement soutenable » (traduction littérale de sustainable development).

Les économistes systémiques légitiment cette approche : plutôt que de se concentrer sur l'aspect purement économique des choses, ceux-ci souhaitent avoir une vision « systémique [qui] englobe la totalité des éléments du système étudié, ainsi que leurs interactions et leurs interdépendances ». On peut citer Joël de Rosnay, E.F. Schumacher ou encore Nicholas Georgescu-Roegen.

Ces deux approches opposées ne sont bien entendu pas les seules : de nombreuses autres approches intermédiaires tentent de concilier vision technico-économiste et environnementaliste, à commencer par les acteurs publics. On pourra voir à ce sujet la typologie dressée par Aurélien Boutaud.

Enjeux et objectifs du développement durable

Crise écologique et sociale

La Révolution industrielle du XIXe siècle a introduit des critères de croissance essentiellement économiques, principal critère aisément mesurable : ainsi le produit intérieur brut dont l'origine remonte aux années 1930 est souvent vu comme l'indicateur de la richesse d'un pays. Des corrections ont été apportées dans la deuxième moitié du XIXe siècle sur le plan social, avec d'importantes avancées sociales. L'expression « économique et social » fait depuis partie du vocabulaire courant.

Mais les pays développés ont pris conscience depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979 que leur prospérité matérielle était basée sur l'utilisation intensive de ressources naturelles finies, et que par conséquent, outre l'économique et le social, un troisième aspect avait été négligé : l'environnement. Pour certains analystes, le modèle de développement industriel n'est pas viable ou soutenable sur le plan environnemental, car il ne permet pas un "développement" qui puisse durer. Les points cruciaux en faveur de cette affirmation sont l'épuisement des ressources naturelles (matières premières, énergies fossiles pour les humains), la destruction et la fragmentation des écosystèmes, ainsi que la diminution de la biodiversité qui diminuent la résilience de la planète ou encore le changement climatique dû aux émissions de gaz à effet de serre et de manière générale la pollution due aux activités humaines. Les catastrophes industrielles de ces trente dernières années (Seveso (1976), Bhopal (1984), Tchernobyl (1986), Exxon Valdez (1989), etc.) ont interpellé l'opinion publique et les associations telles que le WWF, les Amis de la Terre ou encore Greenpeace (Voir aussi Chronologie de l'écologisme).

Au problème de viabilité subsiste une pensée humaine à adapter. Ce qui s'ajoute à un problème d'équité : les pauvres subissent le plus la crise écologique et climatique, et il est à craindre que le souhait de croissance des pays sous-développés (souvent appelés pays du Sud) vers un état de prospérité similaire, édifié sur des principes équivalents, n'implique une dégradation encore plus importante et accélérée de l'habitat humain et peut-être de la biosphère. Ainsi, si tous les États de la planète adoptaient l'American Way Of Life (qui consomme près de 25% des ressources de la Terre pour 5% de la population) il faudrait 5 ou 6 planètes pour subvenir aux besoins de tous selon l'association écologiste WWF.

Le développement actuel étant consommateur de ressources non renouvelables et considéré par ces critiques comme inéquitable, une réflexion a été menée autour d'un nouveau mode de développement, appelé « développement durable ».

Un modèle économique en question

Ce qui est en question, c'est le rôle du progrès technique dans le développement économique par rapport aux problèmes environnementaux (mais aussi sociaux), comme le soulignait le philosophe Hans Jonas dès 1979 dans Le Principe Responsabilité. Depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, ainsi que dans la succession des crises économiques et le tassement de la croissance économique observés depuis les années 1970, le modèle du capitalisme productiviste dans lequel les pays occidentaux se sont lancés au cours du XXe siècle semble être en crise. L'économiste Bernard Perret s'interroge sur la question de savoir si le capitalisme est durable.

Les modèles qui décrivaient l'accroissement de la productivité des facteurs de production atteignent leurs limites. Alors que les physiocrates considéraient la terre comme le principal facteur créateur de valeur, l'école classique et l'école néoclassique n'ont retenu que les deux facteurs de production capital et travail, négligeant le facteur terre (l'environnement). Certes, dans certains courants néoclassiques, comme le modèle de Solow, la productivité globale des facteurs correspond à une augmentation de la productivité qui n'est pas due aux facteurs de production capital et travail, mais au progrès technique. Encore faut-il que celui-ci respecte les contraintes environnementales.

Il semble donc que les problèmes environnementaux que nous rencontrons soient dus au fait que le facteur de production terre n'a pas été suffisamment pris en compte dans les approches économiques récentes, notamment classique et néoclassique. Un modèle de développement qui permet de concilier progrès technique, productivité, et respect de l'environnement est donc à repenser.

Une nouvelle démarche : « agir local, penser global »

La Terre vue de la Lune : une des premières visions de la Terre comme un ensemble fini et fragile.

Les aspects essentiels du développement durable, sur les capacités de la planète et les inégalités d'accès aux ressources posent des questions philosophiques et éthiques.

Hans Jonas avança l'idée selon laquelle le modèle économique de l'Occident pourrait ne pas être viable sur le long terme s'il ne devenait pas plus respectueux de l'environnement. En effet Jonas posa l'idée d'un devoir vis-à-vis des êtres à venir, des vies potentielles et « vulnérables » que nous menaçons et il donne à l'homme une responsabilité. Depuis, l'un des thèmes de la philosophie qui interpelle le plus nos contemporains est celui de la philosophie de la nature, qui interroge sur la place de l'homme dans la nature. Ainsi, en 1987, Michel Serres décrit l'homme comme signataire d'un contrat avec la nature, reconnaissant les devoirs de l'humanité envers celle-ci. À l'inverse, le philosophe Luc Ferry souligne, dans Le Nouvel Ordre écologique, que l'homme ne peut pas passer de contrat avec la nature et estime que cette vision qui consiste à donner des droits à la nature participe d'une opposition radicale à l'Occident, de nature révolutionnaire et non-réformiste, doublée d'un anti-humanisme prononcé.

Jean Bastaire voit l'origine de la crise écologique chez Descartes selon qui l'homme devait se « rendre comme maître et possesseur de la nature ». Au contraire, la géographe Sylvie Brunel critique le développement durable, car elle y voit une conception de l'homme comme un parasite, et la nature comme un idéal. Or, pour elle, l'homme est souvent celui qui protège la biodiversité, là où la nature est le règne de la loi du plus fort, dans lequel « tout milieu naturel livré à lui-même est colonisé par des espèces invasives ».

Sans en aborder tous les aspects philosophiques, le développement durable comporte également des enjeux très importants en matière d'éthique des affaires. André Comte-Sponville entre autres, aborde les questions d'éthique dans Le capitalisme est-il moral ?. Paul Ricœur et Emmanuel Lévinas le firent aussi sous l'angle de l'altérité et Patrick Viveret et Jean-Baptiste de Foucauld sur celui de la justice sociale.

Le philosophe français Michel Foucault aborde ces questions sur le plan épistémologique. Il parle de changements de conception du monde, qui se produisent à différentes époques de l'Histoire. Il appelle ces conceptions du monde, avec les représentations qui les accompagnent, des épistémès. On pourrait sans doute affirmer que le développement durable, et son corollaire la mondialisation, correspondent au concept d'épistémè, qui, appliqué à notre époque, est appelé hypermodernité par Michel Foucault.

La formule « agir local, penser global », employée par René Dubos au sommet sur l'environnement de 1972, est souvent invoquée dans les problématiques de développement durable. Elle montre que la prise en compte des enjeux environnementaux et sociaux nécessite de nouvelles heuristiques, qui intègrent le caractère global du développement durable. Elle fait penser à la philosophie de Pascal, plutôt qu'à celle de Descartes, celle-ci étant davantage analytique. En pratique, elle devrait se traduire par des approches systémiques.

Depuis quelques décennies, les ONG environnementales et des leaders d'opinion comme Nicolas Hulot ont sensibilisé l'opinion publique sur les enjeux de l'environnement et du développement durable.

Les trois piliers

L'objectif du développement durable est de définir des schémas viables qui concilient les trois aspects économique, social, et écologique des activités humaines : « trois piliers » à prendre en compte par les collectivités comme par les entreprises et les individus. La finalité du développement durable est de trouver un équilibre cohérent et viable à long terme entre ces trois enjeux. À ces trois piliers s'ajoute un enjeu transversal, indispensable à la définition et à la mise en œuvre de politiques et d'actions relatives au développement durable : la gouvernance. La gouvernance consiste en la participation de tous les acteurs (citoyens, entreprises, associations, élus...) au processus de décision ; elle est de ce fait une forme de démocratie participative. Le développement durable n'est pas un état statique d'harmonie, mais un processus de transformation dans lequel l'exploitation des ressources naturelles, le choix des investissements, l'orientation des changements techniques et institutionnels sont rendus cohérents avec l'avenir comme avec les besoins du présent.

On peut considérer que les objectifs du développement durable se partagent entre trois grandes catégories :

  • Ceux qui sont à traiter à l'échelle de la planète : rapports entre nations, individus, générations ;
  • Ceux qui relèvent des autorités publiques dans chaque grande zone économique (Union européenne, Amérique du Nord, Amérique latine, Asie…), à travers les réseaux territoriaux par exemple ;
  • Ceux qui relèvent de la responsabilité des entreprises.

Répondre aux besoins des générations actuelles et à venir

« Le développement durable est un mode de développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Rapport Brundtland

La définition classique du développement durable provient du rapport Brundtland de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement. Ce rapport rappelle le propos prêté à Antoine de Saint-Exupéry : « Nous n’héritons pas de la Terre de nos ancêtres, nous l’empruntons à nos enfants ». Ce rapport insiste sur la nécessité de protéger la diversité des gènes, des espèces et de l'ensemble des écosystèmes naturels terrestres et aquatiques, et ce, notamment, par des mesures de protection de la qualité de l'environnement, par la restauration, l'aménagement et le maintien des habitats essentiels aux espèces, ainsi que par une gestion durable de l'utilisation des populations animales et végétales exploitées.

Cette préservation de l'environnement doit être accompagnée de la « satisfaction des besoins essentiels en ce qui concerne l’emploi, l’alimentation, l’énergie, l’eau, la salubrité ». Cela étant, on se heurte à une difficulté, qui est de définir ce que sont les besoins des générations présentes, et ce que seront les besoins des générations futures. On pourrait retenir par exemple les besoins élémentaires pour se nourrir, se loger, et se déplacer.

Dans ce contexte, le développement durable a été inséré parmi les Objectifs du millénaire pour le développement fixés par l’ensemble des États membres de l’ONU. Afin de subvenir aux besoins actuels sans pour autant se reposer sur l'utilisation non durable de ressources non renouvelables, un scénario en trois points a été proposé :

  • efficacité (techniques plus performantes),
  • sobriété (techniques utilisées avec parcimonie),
  • utilisation de ressources renouvelables (par exemple : l'énergie solaire, les éoliennes, etc.).

Le patrimoine culturel ne doit pas être oublié : transmis de génération en génération et faisant preuve d'une grande diversité, l'UNESCO en souhaite la préservation.

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