Selon les chiffres 2007 de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) , la dengue serait l'arbovirose la plus répandue au monde, avec environ 40 % de la population mondiale exposée au virus, soit 2,5 milliards de personnes. Chaque année il y aurait environ 50 millions d'infections dans le monde, dont 500 000 cas de « dengue hémorragique » entrainant la mort dans au moins 2,5% des cas.
Ces chiffres ont été largement revus à la hausse en 2008 lors de la 2ème Conférence internationale sur la dengue avec 55% de la population mondiale exposée au virus, soit 3.6 milliards de personnes, 124 pays endémiques, 70 à 500 millions d'infections (symptomatiques ou non) par an, dont 36 millions de cas de dengue classique, 2.1 millions de formes sévères (formes hémorragiques et formes avec syndrome de choc) et 21.000 décès.
Alors qu'elle était présente uniquement en Asie du Sud-Est, elle est depuis quelques années en pleine progression dans le reste de l'Asie, en Afrique, en Polynésie française, et surtout en Amérique du Sud, où le nombre de cas a été multiplié par 60 entre 1989 et 1993. Les raisons sont multiples :
En 2001, plus de 609 000 cas ont été signalés dans les Amériques, dont 15 000 ont été hémorragiques.
Depuis 2006, plusieurs pays et territoires de la Caraïbe ont mentionné des cas : la Dominique, la Jamaïque, le Suriname, Sainte-Lucie, la Martinique, la Guadeloupe, Saint-Martin et la Guyane.
Début 2008, environ 36 000 habitants de Rio de Janeiro ont contracté la dengue, surchargeant les urgences hospitalières. 50 % des malades avaient moins de 14 ans, 24 sont morts. 2 053 nouveaux cas ont été signalés pour la seule journée du 20 mars.
À l'automne 2009, dans l'Atlantique, c'est le petit archipel du Cap-Vert qui a été balayé pendant deux mois par une épidémie de dengue de type 3 et qui, avec plus de 20 000 cas, a touché 5 % de sa population, causant six morts.
Il existe différentes formes cliniques de l'infection par le virus de la dengue, plus ou moins sévères. La dengue est le plus souvent bénigne. La gravité est très variable selon les individus, allant des formes asymptomatiques (infection sans aucun symptôme) ou paucisymptomatiques (formes atténuées, avec des symptômes très discrets) aux formes sévères (formes hémorragiques ou avec syndrome de choc) pouvant mettre en jeu le pronostic vital.
L'OMS distingue dans sa classification de la dengue en 1997 différents aspects cliniques (OMS : Dengue Hemorrhagic Fever: diagnosis, treatment, prevention and control, 1997) :
La définition OMS 1997 d'une « dengue classique » (DF) probable est un état fébrile aiguë associé à deux ou plus des manifestations suivantes:
et
ou
La définition OMS 1997 d'une « dengue confirmée » est une dengue cliniquement probable confirmée par un critère biologique de laboratoire (isolation du virus, modification des anticorps, mise en évidence d' antigènes ou de séquence du génome du virus).
La définition OMS 1997 d'un cas de « dengue hémorragique » (DHF) nécessite la présence de tous les items suivants:
La définition OMS 1997 d'un cas de « dengue avec syndrome de choc » (DSS) nécessite à la fois la présence des quatre critères définissant une « dengue hémorragique » (fièvre, tendance hémorragique, thrombopénie et fuite plasmatique) plus des signes de défaillance circulatoire tels que :
ou
Dans le guide de l'OMS de 1997, la « dengue hémorragique » (DHF) est aussi classée selon quatre stades de sévérité. Le grade I est défini comme l'association d'une fièvre et de signes non spécifiques; les seules manifestations hémorragiques sont un test du tourniquet positif et/ou des contusions d'apparition facile. Le grade II est un grade I incluant des saignements spontanées, le plus souvent sous la forme d'hémorragies cutanés ou d'autres localisations. Le grade III est une défaillance circulatoire se manifestant par un pouls rapide et faible et une pression artérielle différentielle pincée ou une hypotension, avec une peau moite et froide et une agitation. Le grade IV est un état de choc profond, avec un pouls ou une pression artérielle indétectable. Les grades III et IV définissant la « dengue avec syndrome de choc » (DSS).
Cette classification de l'OMS, datant de 1997, a par la suite montrée ses limites. Sa pertinence et son intérêt ont progressivement été remis en cause au fur et à mesure de l'accroissement des connaissances sur la maladie. Ainsi en 2005, l'OMS écrit que dans le contexte de la prise en charge clinique en pédiatrie, la classification s'avère inappropriée pour les quatre raisons suivantes (Dengue in the context of the IMCI, OMS, 2005) :
L'OMS propose alors une nouvelle classification, simplifiée et ne mettant plus l'accent sur la présence d'hémorragie ou le décompte des plaquettes (Dengue in the context of the IMCI, OMS, 2005):
Dans cette classification, c'est la perméabilité vasculaire, responsable d'une fuite plasmatique, qui devient le critère principal d'une dengue sévère. Les signes précoces de fuite de plasma sont l'hémoconcentration, les épanchements pleuraux et les ascites. Les signes de gravité d'une dengue sévère sont les signes de chocs circulatoires (froideur des extrémités, pouls radial faible, lenteur à la revascularisation capillaire), une altération de l'état de conscience, des hémorragies des muqueuses (hématémèse, méléna, saignements du nez ou des gencives) et des manifestations inhabituelles telles que lésions hépatiques importantes, cardiomyopathie, encéphalopathie et encéphalite.
Les formes asymptomatiques ou paucisymptomatiques, c'est à dire sans symptôme ou avec des symptômes discrets (par exemple une fièvre isolée et de courte durée), pourraient être les formes les plus fréquentes.
Lors d'une étude prospective réalisée à Bangkok et publiée en 1988, portant sur 1 757 enfants âgés de 4 à 16 ans, on a constaté que 87% des élèves infectés de façon aiguë par le virus de la dengue ne présentaient que pas ou peu de symptômes. Cependant une autre étude réalisée en Thaïlande et publiée en 2002 retrouvait une incidence à peu près égale (répartition à 50% environ) des cas de dengues asymptomatiques et symptomatiques, remettant en cause l'idée que la plupart des infections par la dengue étaient silencieuses.
Ainsi selon les sources et les études, le taux d'infection peu ou pas symptomatiques diffère grandement. Globalement, le taux de formes asymptomatiques est généralement compris dans une fourchette allant de 50 à 90% des cas.
La forme dite « dengue classique » (DF pour dengue fever, OMS 1997) est la forme la plus habituelle de l'infection symptomatique par un virus de la dengue. Elle est habituellement bénigne mais peut évoluer vers des formes sévères.
L'infestation débute avec la piqure du moustique infecté par un des virus de la dengue. L'incubation, période lors de laquelle le virus se réplique dans le sang sans pour autant donner de symptôme, dure généralement de 5 à 6 jours, avec des extrêmes allant de 3 à 15 jours.
Les premiers symptômes se rapprochent d'un syndrome pseudo-grippal sévère et brutal, avec une fièvre élevée à plus de 39 °C, pouvant durer de 2 à 7 jours (une fièvre plus durable remet le diagnostic en cause), associée à des céphalées (maux de tête) souvent importantes et invalidantes, frontales et rétro-orbitaires, des myalgies (douleurs des muscles, des arthralgies (douleurs des articulations), et une asthénie (fatigue) majeure. Parfois seulement, en fin de fièvre, il y a apparition d'une éruption maculo-papulaire (plane et/ou en relief), localisée initialement au niveau du tronc puis s'étendant au visage et aux extrémités, responsable ou pas de prurit (démangeaison). Des manifestations digestives telles que vomissements et douleurs abdominales modérées sont fréquentes. Des manifestations hémorragiques sont possibles telles que pétéchies, purpura thrombocytopénique, gingivorragies, épistaxis, hémorragie génitale, hématurie, hémorragies digestives. Ces manifestations hémorragiques ne signifie pas que le patient est atteint d'une forme de « dengue hémorragique » stricto sensu (qui, selon l'OMS 1997 est définie par : fièvre, manifestations hémorragiques, thrombopénie et fuite plasmatique.)
L’hémogramme retrouve fréquemment une leuco-thrombopénie, une légère augmentation de la CRP, une cytolyse hépatique et musculaire modérée. Il faut rechercher une augmentation de l’hématocrite et de la protéinémie qui signe une hémoconcentration, signe d'une fuite plasmatique, facteur de gravité principal.
Parfois après quelques jours d'évolution, les nausées et vomissements parfois intenses empêchent toute alimentation, entraînant une déshydratation avec un « syndrome d'épuisement » répondant bien à une ré-hydratation intra-veineuse.
Dans la majorité des cas la dengue est peu sévère et évolue spontanément vers la guérison : les symptômes disparaissent après la défervescence de la fièvre et le malade récupère sans séquelle. Dans certains cas, le plus souvent chez les enfants de moins de 15 ans, la dengue peut évoluer vers une forme sévère à partir du 3e-4e jour : la température s'effondre, l'état du patient s'aggrave brutalement, une fuite de plasma hors des vaisseaux capillaires et des troubles diffus de la coagulation entrainent un tableau grave avec ecchymose en nappe, saignements digestifs abondants, choc et collapsus cardiovasculaire; le malade peut rapidement tomber dans un état critique et mourir dans les 12 à 24 heures, ou au contraire récupérer rapidement, moyennant un traitement médical adapté. Faute d'un traitement adapté, la « dengue hémorragique » peut entrainer la mort dans plus de 20% des cas, chiffre pouvant être abaissé à moins de 1% avec une prise en charge adaptée.
Pour résumer on peut distinguer différentes phases évolutives lors d'une dengue classique:
Il semble de plus en plus évident que les définitions classiques de l'OMS pour la « dengue hémorragique » (DHF, OMS 1997) et la « dengue avec syndrome de choc » (DSS, OMS 1997) ne désigne pas réellement des entités cliniques distinctes, mais que ces différentes formes ne sont que les aspects cliniques variés de la dengue sévère.
Différentes formes de dengues sévères existent, on peut citer la « forme hémorragique » où l'hémorragie est au premier plan et menace directement le pronostic vital; la « forme avec syndrome de choc » où la fuite plasmatique due à l'augmentation de la perméabilité capillaire entraine un état de choc ; d'autres formes sévères avec atteinte neurologique (méningo-encéphalite aiguë), hépatique (hépatite aiguë grave), myocardique (myocardiopathie) ou splénique (rupture de rate).
Les formes DH et DSC sont graves mais leur incidence est faible, représentant entre 1 et 10 % de l’ensemble des formes de dengue.
Les formes hémorragiques et avec syndrome de choc : parfois, le plus souvent chez des enfants de moins de 15 ans, l’infection évolue après 2 à 7 jours et la décroissance thermique vers un tableau sévère du à une augmentation de la perméabilité capillaire et à des anomalies de la coagulation, avec apparition d'ecchymoses en nappe, des saignement digestifs abondants, avec ou sans syndrome de choc associé.
Les formes avec des manifestations neurologiques : rarement, les patients peuvent développer des signes neurologiques tels que convulsions, parésies spastiques, altération de l’état de conscience, tableau de méningo-encéphalite aiguë avec ou sans manifestations hémorragiques.