Au moment de la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois (CBJNQ), en 1975, il n’existait aucun précédent comparable en Amérique du Nord ; les Cris de la région de la Baie James bénéficieront d'un régime de droit particulier, distinct de celui imposé aux autres Premières nations par la Loi fédérale sur les Indiens, avec ses dispositions colonialistes et son esprit paternaliste. Les Cris de la Baie James, ainsi que les Inuits du Nunavik et plus tard les Naskapis de Kawawachikamach pouvaient prendre pleinement contrôle des institutions locales et régionales et aborder leur avenir avec confiance. Lignes aériennes, entreprises, écoles, hôpitaux, infrastructures municipales, tous les éléments de la vie moderne arrivaient à grand pas aux portes des communautés jusqu’alors isolées du Québec méridional industrialisé, et souvent isolées des unes des autres par des centaines de kilomètres de territoire sans routes. La CBJNQ est un traité autochtone d’une nouvelle sorte, et les négociations menant à sa signature en novembre 1975 ont donné naissance non seulement aux nouvelles institutions politiques régionales (Administration régionale crie et Administration régionale Kativik), mais les négociations ont aussi donné naissance à de nouvelles identités collectives, voire nationales, chez les Cris et les Inuits du Québec.
Or, dès 1990, le Grand Chef des Cris, Matthew Coon-Come, évoquait la déconfiture de la Convention. Sur un fond de déception provoquée par le fonctionnement des nouvelles institutions, par l'impact social du Projet de la Baie-James, et par l'ouverture de la route de la Baie James en 1974, les communautés cries et inuites se sont opposées avec fermeté à la réalisation d'un projet hydroélectrique sur la Grande rivière de la Baleine, lancé par Hydro-Québec en 1989. C'est au sujet du projet de la Grande-Baleine — pourtant prévu et décrit en détail dans le texte de la CBJNQ — que les autochtones et le gouvernement du Québec se sont affrontés, d’abord sur le thème de l'impact environnemental du projet, ensuite, sur un thématique plus large : le contrôle de leurs destins collectifs respectifs.
Avec l’élection d'un nouveau premier ministre du Québec en 1994, Jacques Parizeau du Parti québécois, le gouvernement du Québec prend un virage important et suspend le projet de la Grande-Baleine. Il s'engage par la suite dans un débat d’égal à égal avec le Grand Conseil des Cris pour discuter de l’ensemble des questions touchant la région de la Baie-James.
En 2002, le Grand Chef Ted Moses et le premier ministre Bernard Landry signent un nouvel accord, entièrement à l'extérieur des structures prévues à la CBJNQ : l'Entente concernant une nouvelle relation entre le gouvernement du Québec et les Cris du Québec, « La Paix des Braves ». Dès lors, on peut parler du début d'une cogestion crie-québécoise du développement du territoire, allant des projets hydroélectriques d'envergure plus modeste, tel que la dérivation Rupert, à l’amélioration des pratiques forestières dans le sud de la région (un meilleur contrôle des « coupes à blanc »).
Le premier "attendu que" indique que les parties jugent souhaitables que le Québec prenne des mesures en vue de:
- l'organisation,
- la réorganisation,
- la bonne administration,
- le développement planifié des régions admises au Québec en 1898 et 1912.
Le deuxième "attendu que" rappelle que le Québec avait assumé certaines obligations envers les autochtones habitant ces régions.
Le troisième énonce que le Québec s'acquittera de certaines obligations envers les autochtones habitant ces régions.
La quatrième indique que les parties conviennent des conditions de cession des droits invoqué dans les lois de l'extension des frontières du Québec de 1912.
La cinquième traduit l'intention du Canada et du Québec de recommander l'adoption des modifications aux lois de l'extension des frontières du Québec de 1912.
La sixième stipule que les sociétés d'état provinciales (SDBJ, SEBJ, Hydro-Québec) ont avantage à développer le territoire de façon planifié.
Le septième traduit l'intention du Canada et du Québec de recommander l'adoption de lois pour approuver et mettre en vigueur la présente convention.
Le découpage des terres en catégorie (I, II et III)
Un régime de chasse, de pêche et de piégeage
Deux régimes distincts (Cris et Inuits) de la protection de l'environnement
Un régime sur le contrôle et l'opération des pourvoiries
Des mesures de protection de la faune
Des mesures de soutien aux activités traditionnelles
Des mesures de développement économique et social
Suite à la signature de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, il y eut 18 conventions complémentaires numérotées, la dernière remontant à 2005, modifiant en partie la CBJNQ. Il y eut également la signature de la « Convention de Chisasibi », la « Convention du Lac Sakami », la « Convention La-Grande (1986) », la « Convention sur le mercure », la « Convention de Kuujjuaq », la « Convention d'Oujé-Bougoumou », la « Convention La-Grande (1992/Opimiscow) », l'entente de principe Kuujjuarapik (1993) et la paix des Braves (2002).
La CBJNQ divise le territoire du Nord du Québec en trois catégories :
Les Conventions prévoient que les Cris, les Inuits et les Naskapis du Nord du Québec recevront à court et à moyen terme une compensation financière d’environ 234 millions de dollars (Cris 134 M$, Inuits 91 M$, Naskapis 9 M$). Les fonds sont administrés par trois sociétés de développement autochtones, le Bureau de l’indemnité cri, la Société Makivik et la Société de développement des Naskapis. D’autres indemnités ont été versées dans le cadre des 17 conventions supplémentaires et des ententes parallèles. Selon des données compilées par Hydro-Québec, de 1975 à 1999, les Cris ont reçu des indemnités totalisant 450 M$ et des contrats d'une valeur de 215 M$, tandis que les Inuits ont reçu des indemnités de 140 M$ et des contrats d'une valeur de 120 M$.
La Convention prévoit la création de deux comités consultatifs pour le Nunavik et la Jamésie, composés de représentants des gouvernements du Québec et du Canada et des autorités autochtones. Le Comité consultatif de l'environnement Kativik est consulté par les gouvernements du Québec et du Canada et par les villages nordiques lorsqu'ils élaborent des lois et des règlements affectant l’environnement ou le milieu social au Nunavik. Le Comité consultatif pour l'environnement de la Baie-James est consulté par les gouvernements du Québec et du Canada, le Grand Conseil des Cris, les villages cris, le conseil régional de zone et les municipalités lors de l'élaboration des lois et règlements affectant l'environnement ou le milieu social dans la région de la Baie-James. Les deux comités ont pour fonctions d’encourager l'échange de points de vue et de renseignements.
La Convention prévoit aussi la création d’une Commission de la qualité de l'environnement Kativik (CQEK) qui évalue et examine les projets situés au Nunavik. Elle décide si le projet devrait être assujetti à la procédure d’évaluation et d’examen des impacts sur l’environnement et le milieu social prévue à Loi sur la qualité de l’environnement du Québec et, le cas échéant, elle élabore une directive sur la portée de l’étude d’impact. La CQEK analyse les études d'impact et peut organiser des audiences publiques dans les villages touchés par un projet. La CQEK rend une décision sur l'autorisation ou non du projet.
Pour les projets dans la région de la Baie-James, la CBJNQ prévoit la création d’un Comité d'évaluation qui examine les projets situés dans la région de la Baie-James et recommande au sous-ministre de l’Environnement du Québec d'assujettir ou non le projet à la procédure d’évaluation prévue à la Loi sur la qualité de l’environnement du Québec et, en cas de décision positive, il élabore une directive sur la portée de l'étude d'impact à réaliser et la recommande au sous-ministre de l'Environnement du Québec.
Chez les Cris et les Naskapis, les terres de catégorie IA, de juridiction fédérale, sont administrées par des conseils de bande en vertu de la Loi fédérale sur les Cris et les Naskapis du Québec de 1984. Les terres de catégorie IB, généralement limitrophes, sont de juridiction provinciale et sont administrées par des « municipalités de village » qui sont, dans les faits, des corporations foncières. Les terres de catégorie II se trouvent généralement au pourtour des villages cris et naskapi. La communauté crie d’Oujé-Bougoumou, fondée après la signature de la CBJNQ, est un « établissement autochtone » sur des terres provinciales ; elle est en attente d’une régularisation de son statut depuis plusieurs années. Les villages cris sont tous représentés au sein du Grand Conseil des Cris (Eeyou Istchee), créé par les Cris en 1974 en vue de négocier la CBJNQ. La CBJNQ prévoit la création d’une Administration régionale crie (ARC) pour les affaires régionales, mais dans les faits, les responsables de l’ARC sont les mêmes personnes qui dirigent le Grand Conseil des Cris ; les deux instances sont ainsi fusionnées.
Au Nunavik, les 14 communautés sont constituées en villages nordiques sur des terres de catégorie I de juridiction provinciale. Tous les villages nordiques participent à l’Administration régionale Kativik (ARK). Toutefois, le village cri de Whapmagoostui, jumelé au village nordique de Kuujjuarapik, n’en fait pas partie ; Whapmagoostui participe à l’Administration régionale crie et au Grand Conseil des Cris.
Chez les Naskapis de la Côte-Nord, près de la ville de Schefferville, il existe un conseil de bande de Kawawachikamach sur les terres de catégorie IA-N de juridiction fédérale où se trouve la communauté, et une municipalité de village naskapi de Kawawachikamach sur les terres IB-N de juridiction provinciale à quelque 20 km au nord de la communauté. Étant donné que la Loi sur les Indiens ne s’applique ni aux Naskapi, ni aux Cris du Québec, on ne peut parler de « réserves indiennes » pour décrire leurs villages.
Dans la Jamésie, la Convention prévoit une administration conjointe des terres provinciales de catégorie II où les Cris possèdent le droit exclusif de chasse, de pêche et de piégeage. Ces terres font partie du territoire de la municipalité de la Baie-James et sont administrées conjointement par l'Administration régionale crie et la municipalité de la Baie-James dans le cadre du Conseil régional de zone de la Baie-James.
Les conventions prévoit la création d’une commission scolaire crie pour les villages cris, la commission scolaire Kativik pour les résidents des villages nordiques et une école spéciale pour les élèves naskapis de Kawawachikamach. Les deux commissions scolaires sont régies par les lois du Québec, mais chaque commission scolaire dispose de pouvoirs spéciaux qui les permettent de se doter de programmes d’enseignement qui leur sont propres. Un comité d’éducation de l’école spéciale naskapie joue un rôle analogue. L’emploi des langues crie, inuktitut et naskapie est donc encouragé à tous les niveau ; l’anglais et le français sont des langues secondes. Le financement des commissions scolaires et école naskapie est partagé entre les gouvernements du Québec et du Canada.