Accédant au pouvoir en Allemagne en 1933 en plein contexte de crise mondiale liée aux conséquences du « jeudi noir », Hitler décide d'en finir avec la Reichswehr qualifiée de « honteuse armée de Versailles » et des gausseries sur les Tankattrappen des mises en pratique de Guderian. Remilitarisée par l'industrie, l'armée allemande serait crainte à nouveau par ses voisins, restaurant le mythe de son invincibilité qui avait été contournée dans l'opinion par le « coup de poignard dans le dos » au sortir de la Première Guerre mondiale.
Les entreprises doivent légalement se constituer en cartels dès le 15 juillet 1933.
Le Führer lance le pays dans une politique de grands travaux pour le moderniser. Ce seront bientôt les panzer qui circuleront de part et d'autre des frontières sur les nouvelles autoroutes (voir Autobahnen); parmi ces grands travaux se trouve une militarisation menée tambour battant qui mobilise l'acier obtenu des mines de fer de Suède et de Norvège avant la guerre.
Le nouveau régime s'appuie dans sa politique de réarmement sur la puissance de l'industrie mécanographique fournie par la Dehomag, dont une nouvelle usine s'ouvre en 1934. Cette technique de traitement de l'information, antérieure aux ordinateurs, contribua à organiser et optimiser les lignes de production.
L'intégration du complexe industriel bâti par les nazis passe par le traitement des grandes familles industrielles chrétiennes qui réalisèrent la première industrialisation dans la Ruhr. La refondation de l'industrie de l'armement donna un potentiel guerrier extrêmement dangereux pour l'Europe à la veille du conflit.
Le 17 mars 1940, Fritz Todt est nommé ministre de l'Armement du Reich et organise la rationalisation du secteur en temps de guerre dans une perspective d'intégration des industries des pays occupés. Celle-ci tournera à plein régime à partir de 1942 mais la capacité de production de ses adversaires s'est montrée largement supérieure.
Le complexe militaro-industriel soviétique combiné à celui celui des États-Unis et du Commonwealth ont contribué à écraser l'Allemagne et ses alliés par une production industrielle conjointe de matériel logistique et de guerre supérieure en quantité : c'est ce que Roosevelt a désigné sous le terme d’arsenal des démocraties.
Voici un comparatif de la production Allemagne nazie/Union soviétique sur la période 1941-1945 en milliers d'unités :
Ce tableau en image donne un comparatif Allemagne nazie/États-Unis/Union soviétique sur les quatre « années pleines » de guerre :
L'arme standard des fantassins allemands de la Seconde Guerre mondiale fut le Karabiner 98k, dérivé d'une arme conçue en 1898, et ayant déjà servi pendant la Grande guerre. Néanmoins cette ancienneté ne doit pas tromper. La plupart des armes individuelles allemandes de la Seconde Guerre mondiale étaient meilleures que leurs équivalents étrangers.
Après guerre, la firme Mauser se trouva dans la zone d'occupation de l'armée française. Le système de retardement de l'action par verrouillage par galets équipant les MG-42 fut repris par Heckler & Koch lors de la fondation de la firme en 1949, ce qui contribua à sa réputation.
Karabiner 98k | |||
MP 3008 |
Les ingénieurs allemands se distinguent dans une remontée de filière afin de développer les armements pour garantir les victoires de la Heer dans la Wehrmacht. Ils fabriquent des avions et font évoluer le principe du tank, véhicule à chenilles que les Britanniques avaient introduit au front sous ce nom de code (réservoir en anglais). Les constructeurs allemands se groupent autour de commandes étatiques, telles la création du Panzer I et son industrialisation, dissimulée au départ sous le nom anodin de tracteur agricole. Ce char léger et opérationnel fut préféré aux chars lourds qui lui étaient contemporains, à plusieurs tourelles et beaucoup moins mobiles (semblables au char B-1bis français) car il permettait de concrétiser la Blitzkrieg mise au point par les stratèges.
Après les accords de Munich, les nazis mettent la main sur la filière tchèque de production de chars, Škodovy závody, et l'intègrent à leur complexe de production avec la bénédiction de Jozef Tiso. Les chars sont indicés t comme tchèques 35(t) et 38(t) et leurs lignes de production continuent. Ils fourniront un contingent non négligeable lors de la bataille de Varsovie, la bataille de France et jusque l'opération Barbarossa, après quoi ils seront remplacés par des générations plus récentes de blindés.
Les Panzer furent employés par des commandants imaginatifs, palliant par la tactique des situations d'infériorité numérique ; on peut citer l'emploi que fait Rommel de ses canons de 88 mm lors des premiers échanges de la guerre du désert pour utiliser ses chars légers comme rabatteurs afin d'amener les tanks moyens Matilda de la VIIIe armée, si problématiques avec leurs panneaux de blindage latéral, à portée des canons anti-aériens employés en tir horizontal. Les 88 prisés par le renard du désert furent plus tard adaptés directement sur les Tigres I et II une fois que la taille du châssis l'autorisa.
Cette filière va montrer sa supériorité technique jusque l'apparition du char T-34, très mauvaise surprise sur le front de l'Est puisqu'il surclassait les Panzer IV qui formaient le fer de lance des panzerdivisionen au moment de son apparition. Les généraux qui furent confrontés à ce tank soviétique demandèrent même à leur hiérarchie la formation d'unités militaires de tankistes allemands équipés de T-34 ! Ce fut la fin de la Blitzkrieg, les catégories suivantes allaient monter en poids ; les unités de tankistes furent ensuite réorganisées dans les Mot Pulk jusque la grande bataille de Koursk.
Les ingénieurs développèrent systématiquement des dérivés à partir des châssis de toutes les générations de Panzerkampfwagen introduites:
Vers la fin de la guerre, les entreprises du C.M.I. constitué par les nazis étaient passés des 5 tonnes du panzer I au monstrueux Panzerkampfwagen VI Königstiger et ses 70 tonnes. À l'état de prototype fut rencontré le Maus qui fut détruit par l'armée soviétique, un blindé gigantesque qui avait sacrifié la vélocité au blindage et à la puissance de feu, engloutissant d'énormes quantités d'essence dans ses déplacements. Titan d'un poids de 188 tonnes, il s'agissait de la génération Panzerkampfwagen VIII, qui acheva la filière ; la technique avait dépassé le réalisme du terrain, l'Allemagne nazie se trouvant depuis deux ans privée d'accès aux champs pétroliers qui lui aurait permis un emploi efficace de tels armements.
La filière des tanks était complétée par une série de véhicules blindés permettant le transport des troupes et la mobilité des divisions : ainsi l'entreprise Opel fabrica les Panzerwerfer. Les SdKfz 7 furent eux largement employés pour tracter les canons anti-aériens de 88mm, l'arme absolue du Renard du désert contre les tanks adverses dans les combats de l'Afrika Korps.
Les panzers "économiques" :
Marder II |
Des ingénieurs aéronautiques de talent dont Willy Messerschmitt ou Kurt Tank ont permis à l'Allemagne d'être le pays le plus avancé technologiquement sur le plan aéronautique, pendant la Seconde Guerre mondiale.
Les combinats industriels avaient, dans une phase plus avancée de la guerre, fini par s'intégrer aux Arbeitslager qui leur fournissait une main d'œuvre servile, employable à merci. C'est le cas des usines de production de Mercedes-Benz, devenu équipementier pour une variété d'appareils de la Luftwaffe (fabrication des moteurs d'avions).
D'une manière moins significative, Blohm & Voss développa une filière de constructions d'hydravions en poursuivant la fabrique de la Hamburger Flugzeugbau sur l'Elbe. L'un d'eux fut neutralisé par les Alliés alors que l'appareil nazi envisageait son emploi pour une fuite dans les derniers mois de la guerre en Europe. Cette guerre sonna le glas de l'emploi de ce type d'avions dans un contexte militaire.
Du petit centre d'essais secret de Peenemünde depuis 1937 ont été élaborés les bombes volantes précurseur des drones sans intervention humaine avec la fusée à vol horizontal V1 et le missile V2 (le premier missile balistique) produites par la firme Fieseler qui relancèrent pendant un laps de temps la terreur du Blitz sur Londres par de nouvelles destructions.
Les V2 étaient construits dans une usine distincte du centre d'essais, sous le système de production carcéral instauré par les nazis (un camp de prisonniers couplé à une unité de productions enterrée afin de continuer malgré les bombardements). Cette usine produisait 45 V-2 par mois à la fin de la guerre. Les conditions de vie des prisonniers étant semblables aux survivants dans les complexes d'extermination, il a été estimé que la production des V-2 a causé plus de victimes que leur emploi au total.
Uniques machines employées dans une logique de production industrielle d'échelle, les autres engins en restèrent en 1945 à la situation d'épreuve sur la table à dessin ou ne sortirent pas des phases de test, hormis des engins moins connus tel le Kramer X4.
Les travaux de Wernher von Braun avaient attiré l'attention des services secrets américains ; ce savant symbolise à lui seul la filière scientifique et l'innovation sectorielle placée par les nazis au service d'engins de mort et de destruction, qui fut réutilisée au même escient par les deux camps vainqueurs à l'issue du conflit mondial. Les tentatives de mettre la main sur cette technologie ne se sont pas restreints aux scientifiques : les Britanniques ont mené pour le compte des Alliés l'opération Backfire dans la région de Cuxhaven (Basse-Saxe), visant à évacuer par pièces détachées les multiples rampes de lancement qui s'y trouvaient, ce qui souligne la priorité donnée à cet objectif.
Resté sur le plan théorique et expérimental, le projet de bombe allemande n'eut aucune concrétisation efficace, quoiqu'il ait été mené bel et bien. Fort heureusement pour les forces alliées, pressées tout autant d'en finir. Lire course à la bombe.
Afin de suppléer au mythe de l'invincibilité de la Wehrmacht écorné dans la seconde partie de la guerre, les propagandistes d'État se servirent de l'existence de l'innovation technologique dans le secteur de l'armement, devenue fierté nationale, pour propager des rumeurs d'armes secrètes qui allaient inverser le cours de la guerre.
Néanmoins, il faut reconnaître que les Allemands ont effectivement conçu de nombreux prototypes aux caractéristiques tout à fait inhabituelles et ont même mis en service un certain nombre d'armes pouvant être qualifiées d'armes 'miracles'.
Citons ainsi, parmi les armes étant entrées en service :
Parmi les prototypes ayant été effectivement fabriqués :
Alors que manifestement tout était perdu, on trouvait encore des Allemands parmi la population civile, et ce jusqu'aux dernières heures du conflit, attendre le fantasme de la survenue de machines diaboliques, inexplicablement laissées en réserve.
L'industrie de l'armement en temps de guerre, durcie par la tournure prise par la forme de guerre totale et d'usure des ressources, donna une forme d'encadrement très particulière des ouvriers en charge de la production des armes. Les peuples soumis se retrouvèrent dans des usines d'assemblage dans des conditions proches du servage, les usines étant couplées avec des quartiers d'habitation bâtis comme des camps de travail. Les bombardements d'usine par les forteresses volantes alliées se concentrant, les usines de matériel stratégiques avaient fini par être souterraines : c'est par exemple le cas pour le site de production de Dora-Mittelbau, qui se situe dans un réseau de tunnels sous la montagne de Kohnstein à Nordhausen et réunit dix mille travailleurs dans des conditions éprouvantes liées à cet environnement ; 2 900 moururent dans ces travaux forcés d'octobre 1943 à mars 1944. Quoique cette usine profondément enfouie sous le massif du Harz ne fut jamais bombardée par les Alliés, les bombardements parvinrent tout de même à nuire significativement au potentiel de renouvellement de l'arsenal du Troisième Reich à compter de l'année 1944.
L'identifiant comme fauteur de crimes de guerre, les Alliés ont démantelé cette industrie de l'armement et veillé à mettre fin à sa nocivité au cours de la période des zones d'occupation en Allemagne. Certains capitaines d'industries passèrent en jugement lors du procès de Nuremberg . Le consortium de l'industrie chimique, qui avait contribué au ravitaillement en essence synthétique, Interessengemeinschaft Farbenindustrie, fut éclaté en cinq entreprises par métier : Agfa, BASF, Hoechst, Bayer AG, Dynamit Nobel. Fritz Thyssen fut déchu, et le cartel Vereinigte Stahlwerke AG fut démantelé : lointaine héritière de l'empire Krupp, ThyssenKrupp AG est aujourd'hui un fabricant d'ascenseurs ainsi qu'une fondation investissant dans l'art pictural. Les ingénieurs en balistique furent transférés par les deux Grands à l'occasion de l'opération Paperclip (ainsi qu'une démarche équivalente côté soviétique) dans les effectifs qui allaient s'affronter dans la course à l'Espace la décennie suivante : l'URSS comme les États-Unis eurent donc « leurs Allemands » pour s'affronter sur le plan de la concurrence technologique. Si les Américains mettent la main sur le cerveau de la filière, Wernher von Braun, les Soviétiques ne parviennent à attirer que son assistant : Helmut Gröttrup.