Deux aspects sont envisagés ici. Tout d’abord la question du codage de l’information. On a déjà expliqué qu’un signal de communication est un processus physique, support de l’information. Il faut montrer ici comment la structure du signal peut coder de l’information, et envisager la diversité des informations codables. Ensuite, l’étendue des rôles biologiques des communications animales dans trois contextes essentiels : les relations entre partenaires sexuels, les relations parents-jeunes, les relations avec les autres individus de l’espèce.
en utilisant un exemple, on montre comment coder de l’information dans un signal. Un exemple pratique car assez simple est celui des signaux lumineux de certaines lucioles : leur fréquence d’allumage et la « forme » du signal dépend de l’espèce. La danse des abeilles fournit un autre exemple en principe assez connu (même si cette fameuse danse est en fait loin d’avoir livré tous ses secrets) : « distance à la nourriture », « direction par rapport au soleil », « nature de la nourriture » sont codées par des paramètres distincts. Un autre exemple peut être trouvé dans les modalités du codage de l’identité spécifique et individuelle dans le chant de l’oiseau.
Notion de codage discret (un répertoire de plusieurs signaux de structure différente, chacun codant pour une ou plusieurs informations différentes) et de codage gradé ou gradué (un type de signal dont les caractéristiques peuvent être modifiées graduellement pour coder une information différente ; ex. aboiement du chien).
Ces considérations devraient être suivies ou précédées d’un bref exposé des principes de la théorie de l’information (notion de volume/quantité d’information, de bande passante, de rapport signal/bruit, de redondance de l’information).
Informations codées dans les signaux de communication
Pour illustrer la puissance des codes utilisés par les communications animales, on liste les différentes informations susceptibles d’être portées par les signaux : signatures d’identité (espèce, groupe, sexe, individu), informations liées à l’environnement (ex. présence et localisation de la nourriture, de prédateurs), informations liées à l’état (physiologique et mental) de l’émetteur (parades nuptiales, signaux montrant l’état de réceptivité sexuelle, âge…). On n’attend pas ici de détails sur ces informations. En effet, l’exposé des rôles biologiques des communications animales va en donner l’occasion.
signaux informant sur l’identité spécifique et les caractéristiques individuelles de l’émetteur (état physiologique, réceptivité sexuelle, niveau d’agressivité, statut social dominant, dominé, son histoire de vie, patrimoine génétique).
souvent utilisation de plusieurs canaux de communication concomitamment (signaux visuels, acoustiques et chimiques ; ex. lors des parades nuptiales des cervidés).
en règle générale, la présence d’un fort risque de prédation entraine la diminution de la préférence pour un signal sexuel visible.
La communication parents-jeunes
développée chez les animaux pratiquant les soins aux jeunes (nombreuses espèces de poissons, crocodiles, oiseaux, mammifères).
les signaux permettent :
la reconnaissance parents-jeunes (processus particulièrement développé lorsque le risque de confusion est élevé, tel dans les colonies d’oiseaux marins et de pinnipèdes)
la quémande alimentaire par les jeunes est utilisée par les jeunes pour solliciter le nourrissage par leurs parents et il s'agit d'une démonstration extravagante qui peut être couteuse pour la fitness des jeunes. La quémande alimentaire est un signal informatif en partie honnête puisque l'intensité de la quémande est en principe corrélée à l’état de satiété. Cependant elle peut aussi être un signal malhonnête résultant de la compétition entre les jeunes d'une même nichée.
Des expériences ont été menées sur la quémande alimentaire chez le Moineau domestique (Passer domesticus), afin de tester les deux hypothèses suivantes:
- Les parents sont-ils sensibles à l'intensité de la quémande alimentaire des oisillons? Être un parent sensible à la quémande de ses oisillons permet de diminuer deux risques opposés : le risque de perdre trop de temps en revenant trop tôt au nid (gain de temps pour les parents donc augmentation de leur fitness) et le risque de négliger certains oisillons au hasard à plusieurs reprises.
- L'intensité de la quémande alimentaire a-t-elle une origine génétique? L’intensité de la quémande des oisillons a une origine génétique relativement faible. En revanche, de nombreux facteurs sociaux et environnementaux induisent des variations de l’intensité de la quémande (environnement éducatif commun aux oisillons et compétition frères-sœurs).
La compétition territoriale
caractéristiques des signaux territoriaux : en principe grande portée (ex. chants des oiseaux) et/ou rémanence temporelle (ex : marquage par les carnivores).
la structure du signal peut être corrélée aux capacités physiques de l’émetteur (permet l’évitement des affrontements physiques directs).
les signaux peuvent parfois permettre la reconnaissance entre compétiteurs voisins (et ainsi permettre d’éviter des combats = principe du « cher ennemi »).
La reconnaissance de parentèle et/ou du groupe social
Il s’agit ici d’un rôle tout à fait primordial des communications animales.
souvent observée lors des interactions parents-jeunes, la reconnaissance de parentèle peut s’étendre aux autres membres du groupe familial. Ex. sociétés d’insectes eusociaux (certains Hyménoptères, Isoptères).
la mise en place de la reconnaissance de parentèle peut s’effectuer selon deux grandes modalités :
par reconnaissance phénotypique (ex. chez la souris, les individus préfèrent des congénères à odeur semblable ; or les molécules odorantes dépendent du CMH des individus)
par apprentissage (ex. la jeune otarie apprend à reconnaître la voix de sa mère dans les 2-5 jours qui suivent sa naissance).
La reconnaissance du groupe social est importante pour permettre des relations de réciprocité entre individus (entre-aide, altruisme…) Elle est l’apanage des groupes possédant une forte structure et hiérarchie. Les singes (babouins) en sont un bon exemple, mais également les hyènes car ces 2 espèces possèdent une construction sociale assez similaire. Cette reconnaissance est, entre autres, acoustique et visuelle.
Tout d’abord, singes et hyènes savent tout deux reconnaître les individus qui leur sont apparentés :
Reconnaissance mère/petit : chez la hyène, lorsque le cri d’un petit est passé au haut-parleur, la mère s’approche de celui-ci et cherche même son petit. Il en est de même pour les singes (vervets.)
Reconnaissance de la « famille » : lorsque le cri d’un petit est passé au haut-parleur, les individus qui lui sont apparentés (frères et sœurs, tante, cousins…) cherchent activement le petit, d’autant plus s’ils sont fortement apparentés.
Ces 2 espèces à fort réseau social sont donc capables de reconnaître le cri d’un de leur proche. Mais sont-elles capables de reconnaître les relations d’affiliation qui existent entre différents individus ? Sont-elles capables de dire que tel individu est parent de tel autre ?
Les babouins en seraient tout à fait capables ! En effet, les femelles babouins peuvent reconnaître des liens qui unissent des individus non apparentés, et même adapter leur comportement en fonction des individus impliqués dans une relation. Par exemple, lorsqu’une femelle entend une dispute entre un de ses parents et un autre individu, elle se montrera ensuite plus distante si elle doit interagir avec un apparenté de cet individu.
De même, d’autres exemples existent chez différentes espèces de singes : en effet, chez les singes vervets, lorsque le cri d’un petit est passé au haut-parleur, toutes les autres femelles regardent la mère, ce qui signifie qu’elles associent bien un petit avec sa mère. Chez les macaques, une femelle entraînée serait capable d’associer des photos de petit avec celles de leurs mères, ce qui montre encore une fois que ces singes sont capables de reconnaître visuellement des individus affiliés.
Chez les hyènes, en revanche, un tel processus serait pour l’instant impossible. En effet, lorsque le cri d’un petit donné est passé au haut-parleur, les autres individus ne se tournent pas plus vers la mère que vers un autre individu. Cependant, les hyènes évoluant dans des groupes de plus d’une vingtaine d’individus et reconnaissant très bien leur position hiérarchique au sein de celui-ci, il est difficile de croire qu’elles sont incapables de reconnaître les affiliations entre individus. D’autres investigations sont nécessaires pour le prouver.
Le degré de reconnaissance sociale semble donc lié à la complexité de l’organisation du groupe social, mais aussi à l’évolution. Certains animaux semblent donc plus aptes que d’autres, les singes étant les maîtres en la matière.
Le signalement du statut social
dans un groupe social (ex. chez insectes, poissons, oiseaux, mammifères), le signalement du statut de l’individu est une donnée importante permettant la structuration du groupe (dominant/dominé, reproducteur/non reproducteur, sexe, âge, signatures individuelles et de groupe, …). Ces signaux sont souvent corrélés à l’état physiologique du moment (ex. protrusion sexuelle des singes femelles), mais aussi à l’histoire passée de l’individu (notion de « badges de statut »).
La coordination sociale
Les stratégies de communication antiprédatrices
Signaux d’alarme et de détresse, dont la structure est adaptée à la fonction (voir l’exemple des singes vervets cités plus haut ; il y a également des exemples chez les oiseaux – mésanges qui modifient la longueur de leur cri d’alarme en fonction de la taille du prédateur repéré). Ce sont souvent des signaux que leur structure rend difficiles à localiser par le prédateur.
Les collaborations au sein du groupe social
coopération pour la recherche de nourriture (ex. danse des abeilles ; chasse en groupe des grands carnivores).
utilisation de signaux lors des alliances sociales (ex. au sein des groupes de singes)
Conclusion
La communication est le processus fondateur de toute interaction sociale. Il serait judicieux dans cette conclusion d’aborder les notions d’altruisme et de bénéfice réciproque (amenée par les cris d’alarme, les quémandes alimentaires des jeunes). Les rapports coûts/bénéfices et un élargissement à la théorie des jeux sont aussi envisageables (tant que ces notions restent maniées avec circonspection ; on attend du candidat qu’il sache faire la différence entre théorie et preuve expérimentale).