Dans les sciences du vivant, la classification scientifique des espèces (que l'on peut donc aussi appeler « classification biologique ») correspond autant à la systématique, qui est la méthode ou ensemble de méthodes pour classer le vivant, qu'à la taxinomie, qui est la classification elle-même, résultante de l'application de la méthode. Les méthodes de la classification dite classique ou traditionnelle ont été dominantes jusqu'à la seconde moitié du XXe siècle, avec l'arrivée, en 1950, de la systématique phylogénétique ou cladistique.
Les termes concernés par les différentes classifications ne bénéficient pourtant pas d'une définition unanimement admise. Chaque ouvrage scientifique, chaque dictionnaire et pour ainsi dire chaque auteur ayant la sienne. Comme écrivait Small (1989) : « L'ironie est de constater que les spécialistes en classification biologique n'ont pas réussi à se doter d'une claire systématique et d'une claire nomenclature à l'intérieur de leur propre champ d'activité et de ses composants […] ».
Le besoin de classer semble être lui-même un caractère inhérent à l'espèce humaine. C'est en comparant les organismes vivants que l’Homo sapiens a défini des taxons élémentaires (correspondant souvent au genre et à l'espèce), eux-mêmes classés dans un système.
Liée à une culture, à un état d'avancement des connaissances, toute classification évolue et varie avec l'évolution des sociétés elles-mêmes. En réalité, le découpage conceptuel varie avec chaque langue (y compris les langues de métier), chaque civilisation ou spécialité ayant tendance à surestimer l'objectivité de sa pensée classificatrice.
De plus, alors que la société traditionnelle évolue peu, ou très lentement, c'est l'inverse pour les sociétés dites scientifiques, beaucoup plus versatiles et indépendantes les unes des autres. De ce fait découle la multiplicité de classifications.
Première en date, c'est elle qui « primitivement » (et vernaculairement) a permis de distinguer les genres et les espèces. Elle conserve encore, de nos jours, son importance. Fondée sur des critères simples : l'apparence, les mœurs supposées, les cris, etc. elle ne s'embarrasse guère de données scientifiques. Devant l'inconnu, elle procède par extension et/ou assimilation : par exemple, la souris → la chauve-souris → le kiwi (couvert de poils, le kiwi était pour les chinois assimilable à une souris végétale…). Toutefois, le mécanisme universel de l'assimilation est basé sur une étape de l'observation se retrouve aussi dans la formation des noms scientifiques. La science des hommes n'étant, après tout, « qu'une suite d'erreurs... rectifiées » (Georges Becker).
Elle distingue de même, par exemple les hiboux des chouettes, les crapauds des grenouilles, les rats des souris ... toute espèces apparentées qui sont dans l'esprit d'un certain nombre, censées être maris et femmes. Ainsi le hibou serait le mâle de la chouette, le crapaud celui de la grenouille, le corbeau celui de la corneille, etc. Bien sûr cela varie selon les langues et n’a, bien sûr, aucun sens en anglais (dans Tom et Jerry, bien que ce soit une souris, Jerry est un mâle, comme le confirment de nombreux épisodes).
Certes, le côté naïf et spontané de ces croyances peut prêter à sourire (Lorenz) ou même agacer mais il serait vain, et même nuisible, d'en rire, surtout au nom de la Science (la connaissance). Car dans l'imaginaire populaire ces appellations ont une forte signification. Et comme a si bien su le dire Fleming : Pour que le plus grand nombre s'intéresse à la science, la science doit d'abord s'intéresser au plus grand nombre.
La vision ethnocentrique qui préjuge d'une supériorité de l'homme moderne sur le primitif est invalidée par de très nombreux travaux comparatifs en anthropologie moderne.
Ces études montrent en effet que, dans tous les cas où l'homme prétendu « primitif » ou sauvage (pour son économie de subsistance) est resté intégré à son milieu, son sens aigu d'observation et sa pleine conscience des rapports entre la vie animale et végétale, qui ne laissent pas d'étonner les scientifiques, constitue une science considérable.
Ainsi, d'après Claude Lévi-Strauss, les indiens Navaho distinguent plus de 500 plantes, les Hanunóo des îles Philippines classent les oiseaux en 75 catégories et divisent leur flore locale, au plus bas niveau, en plus de 1 800 taxons, alors que les botanistes distinguent pour la même flore moins de 1 300 espèces, d'un point de vue scientifique moderne.
Par exemple, dans une population arriérée des îles Ryû-Kyû, le botaniste A.H. Smith rapporte que « même un enfant peut souvent identifier l'espèce d'un arbre d'après un menu fragment de bois et, qui plus est, le sexe de cet arbre selon les idées qu'entretiennent les indigènes sur le sexe des végétaux; et cela en observant l'apparence du bois et de l'écorce, l'odeur, la dureté et d'autres caractères du même ordre ». Les observations de ce type abondent.
L'enseignement qu'on en retire est un rappel de l'évidence : quand on a la prétention de classer scientifiquement l'univers, il importe de recueillir de la façon la plus large possible, l'héritage de tous les classificateurs, qu'ils soient passés ou présents ou quel que soit leur niveau d'éducation.
classification classique |
Règne : Animal |
Règne : Plante |
Règne : Champignon |
Règne : Protiste |
Règne : Bactérie |
Règne : Archée |
Continuellement enrichie depuis sa création princeps, la classification traditionnelle (ou classique) des espèces, actuellement obsolète mais encore défendue par quelques auteurs, est issue de celle de Linné. Elle reste importante dans la mesure où elle imprègne encore de nombreux écrits, parfois récents, ainsi que certains manuels scolaires. Linné commença par diviser les êtres naturels en trois règnes, un pour le monde minéral et deux autres pour le monde vivant, les règnes végétal et animal. Le nombre de règnes eut tendance ensuite à s'accroître au fur et à mesure que les systématiciens prennaient conscience de la complexité du monde vivant. On ajouta ainsi le règne fungi (les champignons) et plus tard les règnes protiste (eucaryotes unicellulaires) et monère (procaryotes unicellulaires). Actuellement, la classification traditionnelle est telle que six règnes divisent le monde vivant :
La classification traditionnelle est basée sur des caractères multiples (biologiques, phénotypiques, physiologiques). Dans de nombreux cas, le critère est la présence d'un caractère, s'opposant à son absence, considérée comme primitive (par exemple vertébrés et invertébrés). Mais les taxons définis par l'absence d'un caractère se sont révélés, à l'usage, très fragiles et les méthodes modernes de classification (phylogénétique, cladistique, phénétique ou évolutive, entre autres) ont tendance a les invalider.
La classification traditionnelle repose sur une hiérarchie fixe de catégories (les rangs de taxon), définie de la façon suivante :
À titre d'exemple, pour l'espèce humaine (Homo sapiens) :
La classification classique évolue en tenant compte des avancées en classification systématique phylogénétique (voir ci-dessous). Le terme embranchement est remplacé maintenant par division ou phylum, et la classification admet au-dessus de ce niveau des sous-règnes, (ainsi que des super-divisions et sous-divisions en dessous). Au-dessus du règne, on parle maintenant d'empire (bien que souvent non présenté dans les arbres phénétiques car implicite et largement documenté par ailleurs) :
Depuis la seconde moitié du XXe siècle la classification traditionnelle s'est vu de plus en plus remplacée par la classification phylogénétique, qui est uniquement basée sur le modèle évolutif et la notion d'ascendance commune (ou phylogénie). Les taxons sont désormais obtenus par sa méthode, la méthode cladistique. Cette nouvelle classification ne valide que des groupes monophylétiques (ceux qui incluent un ancêtre et tous ses descendants) et permet de mieux visualiser les embranchements du vivant constitués par différenciations successives au cours du temps.
La hiérarchie fixe de catégories (les rangs taxinomiques : espèce, genre, famille, etc) est abandonnée au profit d'un système de taxons emboîtés les uns dans les autres, système exprimé par le biais de cladogrammes. Chaque taxon devient ainsi une ramification de taxons subordonnés entre eux, un clade.
La classification traditionnelle en cinq règnes a été ramenée - en l'état actuel des recherches - à 3 clades, les premiers de la classification de l'ensemble du vivant :
Savoir lesquels de ces trois groupes partagent un ancêtre commun qui les distingue du troisième est un sujet de recherche, comme ce l'est d'ailleurs avec tous les taxons non divisés en deux autres taxons (les « arbres non enracinés »). Certains chercheurs ont déjà proposé leur propre cladogramme, faisant de deux de ces trois clades les deux premiers de leur classification globale du vivant.
Les premiers travaux de la classification phylogénétique ont d'abord consisté à corriger les taxons de la classification traditionnelle mais en l'état actuel des choses les chercheurs travaillent uniquement sur la construction de cladogrammes, en ayant abandonné les arbres généalogiques et les rangs taxinomiques de l'ancienne classification et en la rendant par là même obsolète. La classification traditionnelle ne survit que dans certains manuels scolaires non actualisés ou chez une minorité d'auteurs qui cherche encore à la faire appliquer, en attribuant aux anciens rangs taxinomiques (ou même en créant de nouveaux) les nouveaux taxons obtenus par la méthode de la classification phylogénétique.