Carl Gustav Jung - Définition

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Critiques de C. G. Jung

Richard Noll et la polémique de la période nazie

L'accusation de sympathie avec le régime nazi dont C. G. Jung a fait l'objet dès 1932 l'a poursuivi toute sa vie, alimentant une polémique quant à la place de ses théories en psychologie pendant la Seconde Guerre mondiale. Parmi les nombreux détracteurs de Jung le principal est l'Américain Richard Noll, psychologue et professeur d'histoire des sciences à Harvard, qui a publié deux ouvrages contre Jung : Le Culte de Jung (The Jung cult en 1994) et Le Christ aryen (The Aryan Christ en 1997). Noll y assimile Jung à un gourou aux délires de grandeurs, accumulant autour de lui une « mafia » pétrie de théories racistes et nazies et promoteur d'un Christianisme intégriste. Il voit en Jung un « prophète völklich ». Néanmoins, derrière l'arrière-plan des accusations de collusion avec le nazisme sur lesquelles Noll ne délivre aucune analyse rationnelle, l'auteur appuie son réquisitoire sur la critique de Jung comme destructeur de la religion chrétienne : « J'ajouterai une remarque, au risque de susciter la controverse après avoir réfléchi des années à l'impact considérable de Jung sur la culture et le paysage spirituel du vingtième siècle, je suis parvenu à la conclusion qu'il a exercé une influence aussi importante que l'empereur romain Julien l'Apostat sur l'érosion du christianisme institutionnel et la restauration du polythéisme hellénistique dans la civilisation occidentale » explique-t-il. Noll ne croit pas que Jung ait jamais cru à ses concepts : « je suis convaincu – et c'est l'un des arguments de cet ouvrage – que Jung a fabriqué délibérément, et quelque peu trompeusement, ce masque du vingtième siècle pour rendre sa vision du monde magique, polythéiste et païenne plus acceptable à une société laïcisée, conditionnée à ne respecter que les idées d'apparence scientifique. ». Néanmoins ces ouvrages sont, pour la plupart des psychologues et historiens de la psychanalyse, des attaques personnelles. Élisabeth Roudinesco, pourtant elle-même critique à l'égard de Jung, argumente dans ce sens : « Même si les thèses de Noll sont étayées par une solide connaissance du corpus jungien (…), elles méritent d'être réexaminées, tant la détestation de l'auteur vis-à-vis de son objet d'étude diminue la crédibilité de l'argumentation. ». Élisabeth Roudinesco a également consacré un article entier, « Carl Gustav Jung, De l’archétype au nazisme. dérives d’une psychologie de la différence » à la polémique autour de Jung et du nazisme.

Noll fonde enfin ses attaques sur la période trouble de la biographie de Jung, dès 1932, lorsqu'il remplace Ernst Kretschmer à la présidence de Société internationale de psychothérapie, alors récupérée par les nazis allemands et suisses. Noll argue que Jung fut alors, de sa volonté même, « Reichsführer » de la psychothérapie en Allemagne, et qu'il chapeautait également la société freudienne de psychanalyse, comme le relate le biographe de Freud Ernest Jones dans sa célèbre biographie, La Vie et l’œuvre de Sigmund Freud.

Néanmoins, Deirdre Bair dans sa biographie qui cumule des centaines de sources différentes conclut que Jung a été manipulé par Matthias Göring, proche du pouvoir alors que Henri Ellenberger résume qu'« il reste que Jung, comme bon nombre de ses contemporains, avait sous-estimé, au début, la force de pénétration du fléau nazi ». Comme Friedrich Nietzsche, l'œuvre de Jung fut récupérée à son insu, et détournée selon lui. Des preuves existent que Jung a fait modifier les statuts de la société « afin de permettre aux psychothérapeutes juifs allemands - qui pouvaient encore le vouloir - une affiliation individuelle » car ceux-ci étaient en effet interdits dans toutes les sociétés savantes en Allemagne. De plus Jung a aidé à l'exil sur le sol suisse de nombreux intellectuels juifs. Richard Noll affirme également que dans sa tour de Bollingen, Jung, franc-maçon, fait représenter un certain nombre « d'outils et de symboles maçonniques et alchimiques ». Cette thèse est reprise dans l'ouvrage de Jean-Luc Maxence, Jung est l'avenir de la Franc-Maçonnerie. Par ailleurs, Gérard Badou, dans son Histoire secrète de la psychanalyse, chapitre « Le flirt de Jung avec le diable » explique que, à propos de la collusion de Jung avec le nazisme : « dès lors, Jung est littéralement piégé. Sa marge de manœuvre à la tête de la société internationale est pratiquement nulle. Il en fera la cruelle expérience dès le mois de décembre 1933 », lorsqu'il constate que sa signature accompagne celle de Göring lors de la publication de la revue de la Société. Pour Badou, Jung va tenter de se faire déclasser aux yeux du régime nazi. On oppose souvent à sa bonne foi une citation sur la force de l'inconscient aryen face à celui juif, or Badou montre que dès 1934 Jung a valorisé la culture juive : L'inconscient aryen encore plus proche - selon Jung- d'un état de jeunesse barbare est opposé à l'inconscient juif dont les racines sont aussi profondes que celles de la psychologie chinoise. Dans le contexte de l'époque, l'article n'est cette fois-ci plus considéré comme une simple gaffe, mais une provocation, propos qui entraînent son statut de persona non grata au sein de la Société.

Autres critiques émanant de la psychanalyse

Dès le début de la psychologie analytique, Freud et son cercle de proches psychanalystes mettent Jung à l'index. La critique prend deux formes : la protection du statut de Freud comme créateur de la psychanalyse et l'entreprise de destruction des concepts jungiens.

Ainsi, dans son essai « Critique de l'essai d'une présentation de la théorie psychanalytique de C. G. Jung » Karl Abraham s'attaque aux postulats de Jung. Il dénonce le « délayage de l'inconscient » opéré par le psychiatre suisse. La « teinte religieuse » du concept, qui devient dès lors un « arrière-plan mystique » fait de Jung un « théologien » et non plus un psychanalyste. Cette critique est récurrente dans la littérature psychanalytique ; ainsi Yvon Brès explique que le concept jungien « témoigne également de la facilité avec laquelle on peut glisser du concept d'inconscient psychologique vers des perspectives relevant d'un univers de pensée étranger à la tradition philosophique et scientifique dans laquelle ce concept est né ». La seconde génération de psychanalystes freudiens, représentée par Donald Woods Winnicott ou Jacques Lacan par exemple, perpétuent la critique également, faisant encore aujourd'hui de Jung une persona non grata en psychanalyse. Ainsi, Dominique Bourdin, agrégé de philosophie et docteur en psychopathologie et psychanalyse, stigmatise Jung dans La Psychanalyse, de Freud à aujourd'hui : « Renonçant aussi bien à l'importance de la sexualité infantile qu'au rôle organisateur de la crise œdipienne dans l'histoire singulière de chaque individu, Jung est sorti de la psychanalyse – même s'il continue à utiliser ce terme, désormais compris comme analyse de contenus psychiques généralement inconscients (...). Peut être est-ce un prophète du « retour du religieux », indépendamment des Églises traditionnelles, et en précurseur du courant spirituel du New Age, selon lequel nous entrons désormais dans « l'ère du Verseau », que nous pourrions le décrire le plus adéquatement. Ce faisant, il a délibérément quitté le terrain des sciences humaines et de la pensée rationnelle ».

L'attitude de Jung envers Freud est pour beaucoup dans son ostracisme. La synthèse critique est réalisée par Edward Glover, continuant celle d'Ernest Jones, dans Freud ou Jung (1941). La personnalité de Jung est au centre des attaques, Glover dénonçant le culte de Jung. La critique existe également au sein même de la psychologie analytique. Andrew Samuels dans Jung and the PostJungians étudie les nombreuses dissensions internes autour de concepts clés de Jung ; il a également, plus récemment, collaboré, avec un certain nombre d'auteurs, à une critique de la théorie jungienne, dans Controversies in Analytical Psychology de Robert Withers.

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