La caractérologie est une ancienne branche de la psychologie qui avait pour objet l'étude du caractère psychologique, abandonnée par la recherche expérimentale dans les années 1970. Elle persiste toutefois dans le privé (associations 1901 et entreprises). Établie par René Le Senne et popularisée par Gaston Berger, la psychologie contemporaine préfère au concept de caractère, celui de personnalité même si ces deux notions sont parfois assez proches. La principale différence tient au fait que les différentes dimensions de la personnalité sont déduites d'une analyse statistique de la diversité humaine.
En dépit de l'idée spontanée que le caractère est quelque chose à la fois de trop individuel et de trop insaisissable, la caractérologie en avait fait un objet scientifique par l'application de méthodes (règles, mesures, moyens objectifs). Elle faisait le pari de prendre acte de la grande diversité des individus tout en cherchant à établir des constantes générales scientifiquement incontestables.
Si son premier constat était que dans une même situation, les hommes réagissent de différentes façons, la caractérologie s'attachait au fait qu'un individu particulier agit ou réagit en toutes circonstances selon un mode qui dans un premier temps paraît lui être propre. S'appuyant alors sur cette relative stabilité des comportements individuels, révélatrice d'un caractère, elle cherchait à en dégager les ressorts ; ressorts communs à tous les hommes mais qui jouent différemment chez chacun d'eux.
Comme pratique scientifique de son époque, la caractérologie utilisait les instruments habituels de la psychologie quand elle s'occupe de vastes populations. Elle s'appuyait sur la statistique, sur les questionnaires, etc. Elle supportait donc toutes les critiques que ces outils induisent nécessairement.
Comme pratique individualisée de connaissance de soi, elle utilisait l'observation, le questionnaire, les tests, etc.
Pour franchir le fossé entre la diversité humaine et la généralité exigée par la science, la caractérologie consistait pour une grande part à établir un objet intermédiaire : une typologie qui par un côté tire chaque homme vers un modèle humain général et par l'autre laisse ouvert l'accès aux individualités irréductibles à ce modèle.
Ce rôle important dévolu à la typologie tend souvent à la faire confondre avec la caractérologie même. Pourtant, pour tirer parti de ses résultats, il faut apprendre à s'affranchir de cet objet ambivalent comme de la définition stricte du caractère.
Il était essentiel pour la caractérologie en tant que démarche scientifique de bien cerner les contours de son objet d'étude : le caractère. Accepter sans débat le sens commun, serait pour elle vouer par avance ses résultats à divers avatars critiques permis par les malentendus. Cependant, si ce souci de définition était partagé par les auteurs, il s'en faut de beaucoup - là comme ailleurs - qu'une seule et même définition ait fait l'unanimité en pratique et en théorie (où une évolution est légitimement liée à l'avancement ou renouvellement des travaux).
Fondateur de la caractérologie française, René Le Senne définit résolument le caractère comme « l'ensemble des dispositions congénitales qui forme le squelette mental d'un homme ».
L'auteur insiste avant tout sur la stabilité qu'il faut reconnaître au caractère et préconise l'emploi des concepts de personnalité ou de moi pour les formes ou aspects que peut prendre le caractère au cours de l'existence, en partie par la maîtrise de l'individu par lui-même.
Par ailleurs, si le caractère congénital est mentionné, il ne fait pas l'objet d'une démonstration, l'outil statistique n'étant pas encore pratiqué dans les sciences humaines à cette époque.
Fondamentalement, le caractère peut être analysé selon trois axes :
Ces axes ont été choisis en raison de leur importance dans la constitution du caractère. Nous parlerions aujourd'hui de composantes principales dans le cadre d'une Analyse de la variance. Les combinaisons extrêmes, c'est-à-dire dans lesquelles les propriétés présentent soit leur minimum soit leur maximum, conduisent directement à une typologie : typologie dans laquelle personne ne devrait se reconnaître mais dans laquelle chacun peut se retrouver. Se retrouver si bien d'ailleurs que Gaston Berger lancera la boutade : « Les caractères, je les ai tous ! ».
Voici les types de bases résultant des combinaisons des propriétés constitutives :
On observe que, deux par deux, ces types présentent deux propriétés communes pour une seule les différentiant. Mais les proportions s'inversent en quelque sorte dans les conséquences exprimées par le caractère ; en effet les descriptions extrêmement riches que René Le Senne fait de ces types montrent qu'un monde sépare généralement deux types qui ne s'opposent pourtant que pour une propriété.
Deux autres types sont parfois introduits dans des travaux postérieurs à Le Senne :
Émotivité | Activité | Retentissement des représentations | Caractères | Ampleur de la conscience | Caractères plus définis | Personnalité historique |
---|---|---|---|---|---|---|
E | A | P | Colérique | L | Syntonie | Danton |
nL | Improvisation | Murat | ||||
S | Passionné | L | Majesté | Louis XIV | ||
nL | Impétuosité | Condé | ||||
nA | P | Nerveux | L | Rêverie | Watteau | |
nL | Instabilité | Byron | ||||
S | Sentimental | L | Introversion | Amiel | ||
nL | Rigorisme | Robespierre | ||||
nE | A | P | Sanguin | L | Adaptivité | Fontenelle |
nL | Sens pratique | Bacon | ||||
S | Flegmatique | L | Intuitivité | Bergson | ||
nL | Analyticité | Kant | ||||
nA | P | Amorphe | L | Négligence | La Fontaine | |
nL | Gaspillage | Louis XV | ||||
S | Apathique | L | Passivité | exclut l'historicité | ||
nL | Habitude | Louis XVI |