Campylobacter a d'abord été classé dans la famille des Spirillaceae de par sa morphologie (forme spiralée et hélicoïdale): c'est un genre qui contient 17 espèces recensées à ce jour. Ce genre bactérien a été proposé en 1963 par Sebald et Véron (44) pour une bactérie préalablement connue sous le nom de Vibrio fetus. Des études de phylogénie par hybridation ADN-ADN puis ADN-ARNr (40, 52) et par comparaison des séquences ARN16S, véritable chronomètre de l’évolution ont montré que le genre Campylobacter appartient à la superfamille VI ou branche ε de la division des Proteobacteriae. Le genre Campylobacter constitue, avec les genres Arcobacter et Sulfurospirillum, la famille des Campylobacteraceae.
Campylobacter jejuni peut être cultivé sur un milieu sélectif particulier "CAMP" à 42 °C, la température normale du corps des oiseaux plutôt qu'à 37 °C, la température utilisée pour la plupart des autres bactéries pathogènes. Campylobacter jejuni préfère les conditions microaérophiles (elle privilégie les atmosphères pauvres en dioxygène) et capnophile, nécessitant une atmosphère de croissance aux proportions suivantes : 5% O (dioxygène), 10% CO (dioxyde de carbone) et 85% N (diazote). Elle se multiplie entre 30°C et 47°C avec une température optimale de croissance à 42°C. Elle est dite thermotolérante (comme C. lari, C. coli et C. upsaliensis par exemple) par comparaison avec une autre espèce ne cultivant pas à 42°C mais capable de se développer à 25°C, Campylobacter fetus (23). La zone optimale de pH pour obtenir une croissance convenable se situe entre 6,5 et 7,5 (9). D'autres milieux de culture peuvent être utilisés : milieu sélectif de Karmali par exemple.
Caractéristiques | Résultat |
---|---|
Croissance à 25 °C | - |
Croissance à 35-37 °C | - |
Croissance à 42 °C | + |
Réduction des nitrates | + |
Test à la catalase | + |
Test d'oxydase | + |
Croissance sur agar de MacConkey | + |
Mobilité | + |
Consommation de glucose | - |
Hydrolyse de l'hippurate | + |
Résistance à l'acide nalidixique | - |
Resistance à la céphalothine | + |
C. jejuni est un bacille à Gram négatif, fin, incurvé et de forme spiralée, de 0,2 à 0,5 µm de diamètre sur 0,5 à 8 µm de longueur (Figure 1). Cette bactérie présente généralement une ondulation qui lui donne un aspect en virgule ou en « S » et quelquefois en hélice pour les plus longues. Elle est asporulée et possède un ou deux flagelles polaires de taille variable qui peuvent atteindre trois fois la longueur du bacille. Ils lui confèrent une grande mobilité dite « en vol de mouette », qui est importante dans le phénomène de colonisation du tractus intestinal. La présence d’une capsule a été démontrée (20), celle-ci aurait des conséquences sur la virulence et la variabilité antigénique de C. jejuni.
Dans ses environnements naturels, c'est-à-dire dans le tractus gastro-intestinal des hôtes aviaires et mammifères, ou bien dans le milieu extérieur durant la transmission à l’humain, C. jejuni doit affronter des conditions de limitation de croissance potentiellement létales telles que : la pression osmotique, les chocs thermiques chaud et froid, les stress oxydatifs, azotés et pH ; ainsi que la limitation en fer ou en nutriments comme le carbone, le phosphate ou le soufre.
À l’heure actuelle, les connaissances acquises sur l’adaptation de C. jejuni à différentes conditions environnementales sont basées sur les analyses des séquences des génomes des souches NCTC11168 et RM 1221 et des expressions différentielles observées en réponse à des changements de température ou changements de milieu de culture (45, 34, 51). Ainsi, C. jejuni possédant trois facteurs σ, montre des systèmes de régulation différents de ceux d'E. coli et de B. subtilis avec environ 37 régulateurs répertoriés comme fonctionnels ou potentiels, et plusieurs systèmes à deux composantes (Tableau 1). C. jejuni ne possède ni RpoS (36) ou facteur σ de la réponse de la phase stationnaire ou de la carence, ni RpoH ou facteur σ de la réponse à un stress thermique chaud chez E. coli ou σB ou CtsR chez B. subtilus, ; pourtant la bactérie synthétise un groupe de protéines hautement résistantes appelées "protéines de choc thermiques" (HSP) suite à une augmentation de température.
Vingt quatre protéines HSP ont été identifiées chez C.jejuni. Parmi ces protéines, il fut identifié des homologues des gènes dnaJ, dnaK, groEL, groES, grpE, hrcA, hspR, clpB et lon. HrcA pourrait servir de régulateur négatif des gènes grpE et dnaK comme chez B. subtilis car il a été découvert dans la région promotrice de l’opéronhrcA-grpE-dnaK de C. jejuni un élément CIRCE (pour Controlling Inverted Repeat of Chaperone Expression) qui correspond à la séquence d’ADN que fixe la protéine HrcA. Cette séquence est également présente dans l’opéron groESL. C. jejuni contient aussi un homologue d’un autre régulateur, HspR retrouvé chez Streptomyces albus. Dernièrement des études ont révélé qu’HspR régulait l’expression de dnaK, groELS et cbpA chez C. jejuni (23, 45).
Concernant la réponse au choc froid C. jejuni ne possède pas d’homologue de la protéine majeure de réponse au choc froid d’E. coli qui est l’ARN chaperonne CspA (Cold shock protein A). Néanmoins, il a été montré qu’à 4°C, C. jejuni était mobile, consommait du dioxygène, synthétisait des protéines et était capable de survivre (17, 45). Cependant si aucun régulateur de la réponse du choc au froid est à ce jour connu, il semblerait que la bactérie ressente le choc au froid comme un choc oxydatif car plusieurs gènes dont les protéines sont impliquées dans la réponse au stress oxydatif voient leurs transcriptions augmentées à basses températures (45).
De plus, C. jejuni semble également s’adapter au froid en acquérant ou biosynthétisant des cryoprotecteurs et/ou des protéines stabilisatrices, et en maintenant une traduction efficace (45).
Campylobacter jejuni de par son cycle de vie évoqué précédemment, doit pouvoir survivre dans un milieu hostile tel que le milieu extérieur qui peut, au vu des ressources nutritives accessibles, être assimilé à la phase stationnaire du cycle physiologique classique d’une population bactérienne. On observe que des cultures âgées ou ayant été exposées à des conditions de stress, présentent des modifications dans la morphologie des cellules. Deux formes prédominent dans la phase exponentielle de croissance : "bacillaire et vibrioïde" tandis que la forme "coccoïde" est retrouvée dans une culture âgée ou stressée (21).
Une telle réduction de la taille de la cellule se déroule également chez d’autres bactéries que sont Vibrio vulnificus et Helicobacter pylori où cette transformation est associée à un état viable mais non cultivable (21). Dans la majorité des espèces bactériennes caractérisées à ce jour, l’entrée en phase stationnaire ou en carence, est accompagnée par de profonds changements structuraux et physiologiques qui se traduisent par une augmentation de la résistance aux chocs chaud, osmotique, aux stress oxydatif, acide.
Chez E. coli lors de l’entrée en phase stationnaire ou en carence plus d’une trentaine de gènes sont induits dont le facteur de la réponse générale, le facteur RpoS ou σS. L’analyse in silico de la séquence génomique de la souche NCTC11168 indique que le gène codant la protéine RpoS est absent. Cependant C. jejuni est capable de produire des facteurs de résistance lorsqu’il est mis en condition de carence. En effet, bien que la réponse de C. jejuni en condition de phase stationnaire et/ou carence soit peu connue, il a été observé dans les premières heures de ces conditions une synthèse protéique. Mais à l’heure actuelle cette synthèse protéique n’a pas encore été élucidée, cependant deux hypothèses s’affrontent soit cette production de protéines est le résultat d’une réponse spécifique induite par le stress, soit il s’agit d’une synthèse continue de protéines non adaptatives. Il faut noter également que C. jejuni est capable de mettre en place une réponse d’austérité face à une carence en acides aminés et/ou carbone. Car il est doté dans son génome d’homologues des enzymes du métabolisme de la guanosine polyphosphate («(p)ppGpp») que sont Ndk (Nucléoside diphosphate kinases), Gpp (Guanosine 5'-triphosphate,3'-diphosphate (pppGpp) pyrophosphatase) et SpoT (ppGpp synthetase) (14).
Il est également connu que lors de l’adaptation à des changements environnementaux, les régulations post-transcriptionnelles à savoir : contrôle de la stabilité des ARNm, transcrits antisens, inhibition de la traduction, sont des caractéristiques décisives pour l’expression des gènes. Des études d’intégration de C. jejuni en microcosme aqueux froid (18) sur deux souches : Bf et NCTC11168, ont révélé après analyse des protéomes, l’existence d’une synthèse de protéines en réponse aux stress et une diminution de certaines voies métaboliques.
Les données recueillies en transcriptomique sur la souche NCTC11168 ont permis de déceler la surexpression d’une protéine de ce stress aqueux froid (45). Il s’agit de la protéine CstA (gène Cj0917c chez NCTC11168). Chez E. coli CstA (carbon storage starvation) est un transporteur de peptide (10) et est impliqué dans le métabolisme des peptides (43). Son expression est induite par la carence en carbone et son induction nécessite l’AMPc et CRP (cAMP Receptor Protein) (43). Sa traduction est sujette à une régulation par CsrA (Carbon storage regulator) (10). Considéré comme un régulateur chez E. coli.