Cabane en pierre sèche - Définition

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Les noms des cabanes en pierre sèche

Les cinq grandes catégories d'appellations

Les noms donnés aux cabanes de pierre sèche sont nombreux et variés. Ils sont pour la plupart issus des langues régionales et généralement francisés.

Ils se répartissent en plusieurs grandes catégories :

  1. Les appellations génériques sont celles qui servent à caractériser les constructions indépendamment du lieu où se trouvent ces dernières, et qui sont comprises de tous, depuis le grand public jusqu'au monde des spécialistes en passant par les propriétaires ou utilisateurs. A proprement parler, il n'existe qu'une désignation générique, c'est celle de cabane ou, plus précisément, de cabane de pierre(s) sèche(s) ou en pierre(s) sèche(s), « cabane » indiquant le niveau socio-économique de la construction et « de/en pierre(s) sèche(s) » indiquant le matériau employé et mis en œuvre.
  2. Les appellations vernaculaires sont celles qui étaient employées par les bâtisseurs ou les utilisateurs des édifices et qui ont survécu au-delà de la fin de la durée de vie utile de ces derniers, ainsi bar(r)aque, cabote, cadole, capitelle, caselle, etc. Elles ont pour caractéristique de couvrir une aire plus ou moins vaste, limitée à une région ou transcendant les frontières régionales.
  3. Les appellations savantes sont le résultat de l'appropriation des édifices par certains érudits et de leur transformation en objets archéologiques, détachés de leur cadre rural authentique et de leur contexte historique véritable, ce à des fins de valorisation et de promotion personnelles au plan local. L'exemple de choix est le duo bori (masc.) / borie (fém.) « inventé » précisément pour remplacer, par une seule et unique appellation, aux connotations archaïsantes, la variété des termes existant en Provence (« Il est permis de croire qu'un type de construction aussi exactement reproduit sur de si grandes étendues devait avoir, à l'origine, un même nom dans toute la Provence », affirmait un David Martin, soucieux de plier la réalité à ses fantasmes).
  4. Les appellations fantaisistes rassemblent des termes qui paraissent incongrus, appliqués aux cabanes de pierre sèche : les termes habituellement réservés à des bâtiments plus élevés dans la hiérarchie socio-économique (ainsi grange, mas, maset), voire à des structures encore moins élaborées que la cabane de pierre sèche comme l'abri sous roche (cove, caravelle); les termes familiers, affectueux, inventés par certains auteurs (ainsi pastourette, capeline) et sans réalité ethnologique véritable; les termes humoristiques (chambrette, nichette) ou ironiques (mas, moutier) donnés par des informateurs ruraux malicieux à des érudits ou des ethnologues naïfs.
  5. Les appellations fonctionnelles sont celles qui décrivent la fonction des édifices (ainsi agachon pour affût, aiguier pour citerne, galinière pour poulailler, grangeon pour petite grange, etc.); il faut savoir cependant que ces désignations, loin d'être circonscrites aux seules bâtisses en pierre sèche, s'appliquent également à des bâtiments remplissant les mêmes fonctions mais construits plus solidement et durablement en maçonnerie liée.

Les appellations génériques

L'appellation générique reconnue de tous est le terme cabane soit sous sa forme française, soit sous ses équivalents dans les langues régionales :

  • cabane (f) : ce terme désignait la cabane de pierre sèche (à l'exception de la guérite) dans les causses quercinois au sud de la vallée du Lot; il se retrouve à plusieurs centaines de kilomètres de là, en montagne dijonnaise (Hauteville-lès-Dijon) et dans le Châtillonnais (Côte-d’Or), à Theizé-en-Beaujolais et au Mont d'Or lyonnais (Rhône), à Sommières, à Uzès et dans le massif des gorges du Gardon dans le Gard, à Gigean et sur le plateau de l'Auverne dans l'Hérault, à Cornillon-Confoux dans les Bouches-du-Rhône, à Gordes en Vaucluse (où il servait à qualifier les grandes nefs de pierre sèche du lieu);
  • cabana (f) et sa variante cabanya : nom en catalan de la cabane de vigneron à Estagel et à Latour-de-France dans les Pyrénées-Orientales;
  • chabane (f) : francisation du terme chabana ou chebana en Dordogne; ou encore de tsabana dans la région de Clermont-Ferrand et dans celle de Riom;
  • tsabano (f) : nom (graphie occitane tsabana) de la cabane en pierre sèche dans le causse corrézien;
  • tsabone (f) : francisation du terme tsabana dans l'ancien vignoble du Puy-en-Velay en Haute-Loire.

Les appellations vernaculaires

Les cinq cabanons pointus de Forcalquier, immortalisés par les cartes postales du début du XXe siècle; le cinquième est hors prise de vue, à gauche.

Les appellations vernaculaires sont celles qui sont ancrées dans un territoire plus ou moins étendu pouvant être une commune, un « pays », une région, voire une aire géographique encore plus vaste (mais non sans discontinuité spatiale dans ce cas) et qui étaient employées jusque vers le milieu du 20e siècle par les propriétaires des édifices :

  • acoigneau (m) : autrement dit « petit coin », appellation parfois donnée au coupe-vent en pierre sèche dans la région de Bar-sur-Seine (Aube);
  • baracou (m) : francisation de l'occitan barracon, ce diminutif de barraca (litt. « petite baraque ») est appliqué aux cabanes en pierre sèche des causses de Blandas et de Campestre (Gard) et à celles de la commune de Saint-Félix-de-l'Héras dans le Larzac héraultais;
  • baraque (avec un seul « r ») (f) : francisation de l'occitan barraca, ce terme est employé pour désigner les cabanes en pierre sèche à Villeveyrac dans l'Hérault et sous le diminutif baraquette au Mont-Saint-Clair près de Sète; il est aussi attesté dans le haut Vidourle (Gard); à des lieues de là, le français baraque est, avec cabane, un des noms des abris en pierre sèche du Châtillonnais (Côte-d’Or);
  • barracun (m) (pron. « barracon ») : appellation en bonifacien des cabanes cylindro-coniques de la région de Bonifacio (Corse du Sud);
  • barraque (avec deux « r ») (f) : francisation du catalan barraca, ce terme est le vieux nom des cabanes d'estive aux XVIIe et XVIIIe siècles en Catalogne française (ou Pyrénées-Orientales); le terme catalan est pour sa part attesté dans les Aspres;
  • borniotte (f) : cette dénomination est attestée dans le Morvan, aux confins de l'Auxois (Yonne);
  • cabanon (m) : ce terme, francisation du provençal cabanoun, désignait une cabane en pierre sèche dans la région de Rognes dans les Bouches-du-Rhône;
  • cabanon pointu (m) : ce vocable imagé, francisation du provençal cabanoun pountchou, désigne, aux environs de Forcalquier et de Mane dans les Alpes-de-Haute-Provence, une bâtisse en pierre sèche à la silhouette caractéristique : une base de plan circulaire, parfois carrée, sous une toiture conique dont la rive en saillie court sur tout le pourtour de l'édifice; il semblerait que la faveur dont jouit cette expression, soit redevable à la parution, au début du 20e siècle, d'une carte postale représentant un ensemble de cinq cabanes juxtaposées au lieu dit La Ponchère à Forcalquier;
  • caborde (f) : cette désignation est attestée dans le sud de l'Yonne, en Haute-Saône dans les clos de vigne de Champlitte et de Bucey-les-Gy, dans les anciennes collines vinifères de Besançon (Doubs) et dans certaines communes du Premier Plateau dans le Jura;
  • caborne ou caborgne (f) : c'est un des noms de la cabane en pierre sèche dans le Mont d'Or lyonnais (Rhône) (à côté de cabane);
  • cabot ou chabot (m) : cabot est le nom de la cabane de pierre sèche du paysan du Salonnais dans les Bouches-du-Rhône au XIXe siècle; chabot est le nom de l'abri sous roche fermé par un mur de pierre sèche où se réfugiait le berger dans les zones les plus hautes des Alpes-Maritimes au début du 20e siècle;
  • cabote/cabotte ou cabioute (f) : cette dénomination est celle des anciennes cabanes de vigne dans les vignobles de Nolay et de Meursault en Côte-d'Or;
  • cadole ou cadeule (f) : c'est le nom de la cabane en pierre sèche dans la Côte chalonnaise et la Côte mâconnaise (Saône-et-Loire) ainsi que, plus au nord, dans le Barséquanais (Aube);
  • caforne (f) : cette francisation locale de l'occitan caforna (dans l'acception de cahute ou réduit) s'applique aux abris de murs de soutènement et aux cabanes de la commune de Claviers dans le Var;
  • cajolle (f) : ce terme serait une appellation de la cabane en pierre sèche dans le Périgord (en plus de chabane cité plus haut);
  • capitelle (f) (l'orthographe capitèle est des plus rares) : cette forme francisée de l'occitan capitèl (masc.), employé en Ardèche, ou de capitèla (fém.), employé dans les garrigues du Gard, est attestée dès 1620 (sous la forme cappitelle) en français notarial à Nîmes, où il désigne une cabane de vigne; propagé par les érudits gardois et ardéchois du 20e siècle, « capitelle » a connu un franc succès et une grande diffusion, supplantant totalement ou partiellement les vocables vernaculaires dans d'autres régions (ainsi dans les Pyrénées-Orientales, dans l'Hérault et dans l'Aude) et même tendant à prendre le sens générique de « cabane de pierre sèche » dans l'ensemble du Languedoc-Roussillon; le terme capité, employé dans la région du Monastier, en Haute-Loire, est à rapprocher de capitèl;
  • casèle/caselle ou chasèle/chaselle (f) : casèle/caselle, forme francisée de l'occitan casèla, sert à désigner les cabanes en pierre sèche dans le Lot sur le causse quercynois (au nord de la rivière Lot), en Lozère sur le causse Méjean occidental, dans l'Aveyron sur le causse de Sauveterre, le causse Comtal et le causse Rouge, dans l'Hérault sur les communes du Cros et de Saint-Michel (sur la continuation du causse du Larzac), sur la commune de Soubès et sur celle de Sigean; la forme palatalisée chasèle/chaselle se rencontre en Lozère sur le causse Méjean oriental et sur le causse de Sauveterre;
  • casot (m) : nom catalan des cabanes en pierres sèches (ou en pierres liées), non voûtées, coiffées d'un toit à une seule pente couvert de tuiles ou de tôle ondulée, que l'on rencontre dans les vignes du canton de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales);
  • casourne ou chasourne (f) : ces formes francisées de l'occitan casorna et chasorna sont attestées dans le secteur d'Arlempdes dans le sud de la Haute-Loire;
  • cayon (m) et cayenne (f) : ce masculin et ce féminin sont employés dans l'Auxois (Yonne) pour désigner la cabane en pierre sèche; cayenne est également attesté dans le nord de la Vienne (13);
  • cella (f) : nom en bonifacien (litt. « cellule ») donné aux guérites voûtées par encorbellement de la région de Bonifacio (Corse du Sud);
  • écoyeu (m) : c'est le nom donné, dans les clos de vignes de Champlitte et de Bucey-les-Gy en Haute-Saône, aux abris rustiques inclus dans un amas d'épierrage et épousant la forme du corps;
  • gabinelle (f) : francisation de l'occitan gabinèla, ce nom est donné aux cabanes de pierre sèche par un vigneron de Ruch, près de Lodève, dans l'Hérault;
  • gaboureau (m) : nom donné, dans le département de la Vienne, aux cabanes à voûte en pierre sèche (puis aux grangettes couvertes de tuiles ou de paille de seigle sur chevrons édifiées dans les vignes);
  • guérite (f) : nom local – en français – de petits abris en pierre sèche inclus dans les murs d’enclos ou de séparation d’anciennes parcelles viticoles à Sigourney en Vendée;
  • loge (f) : c'est le nom des anciennes cabanes de vigne du Barséquanais dans l'Aube (aussi appelées cadoles); sous la forme locale de louèges, c'est le nom de celles de l'Avalonnais et du Vézelien dans l'Yonne; c'est le nom des cabanes de vigne de Châteauneuf-sur-Cher et de Venesmes dans le Cher; c'est le nom de celles de la moitié nord de la Vienne (aussi appelées cayennes) et de celles des confins de la Creuse et de la Haute-Vienne; la coexistence du terme avec d'autres noms vernaculaires montre qu'il possède une certaine valeur générique;
  • maisonnette (f) : nom local – en français – de grands abris en pierre sèche subsistant dans d’anciennes parcelles viticoles à Sigournais en Vendée;
  • masicot (m) : ce terme est attesté dans la commune de Soubès dans l'Hérault, concurremment avec caselle;
  • oustalet (m) : forme francisée de l'occitan ostalet, diminutif de ostal, « maison », ce terme désigne la cabane en pierre sèche dans les Cévennes gardoises et dans l'Hérault à Saint-Jean-de-Buèges;
  • raparo ou raparro (m) : ce terme roussillonnais a été appliqué par Anny de Pous aux renfoncements, couverts ou non, ménagés dans l’épaisseur des murs en pierre sèche pour servir d'abri individuel contre le vent ou la pluie;
  • tonne (f) : ce terme, répandu dans la région de Clermont-Ferrand, est la francisation de l'occitan tona, au sens premier « cuve », « tonne », et par métonymie « cabane de vigne »; au départ purement viticole, cette appellation avait acquis une valeur générique et en était venue à désigner indifféremment la cabane de pierre sèche ou la maisonnette des champs servant autrefois d'annexe à la ferme ou à la maison de ville.

Les appellations savantes

Si les appellations vernaculaires sont celles des bâtisseurs et utilisateurs de cabanes en pierre sèche, en revanche les appellations savantes sont celles adoptées par les érudits locaux « inventeurs » (au sens de découvreurs) de ces constructions, perçues abusivement comme réalité archéologique, sans lien avec la culture locale contemporaine ou subactuelle.

  • borie (f) : francisation du terme provençal bóri, employé au XIXe siècle uniquement dans le sens péjoratif de « masure », de « cahute » (comme l'indique Frédéric Mistral dans son « Tresor dòu Felibrige ») après avoir désigné une « ferme » aux XVIIe et XVIIIe siècles (ainsi que l'attestent la toponymie et les documents d'archives), le mot borie, pris dans l'acception nouvelle de « cabane en pierre sèche », a été popularisé par certains archéomanes provençaux de la 2e moitié du XIXe et du début du 20e, pour habiller archéologiquement un objet d'étude purement ethnologique et par trop contemporain; ce contresens, qui réserve aux vestiges de l'habitat rural saisonnier ou temporaire une appellation qui ne s'appliquait qu'à l'habitation permanente, a été repris par Pierre Desaulle dans les années 1960 avec son livre « Les bories de Vaucluse », par Pierre Viala dans les années 1970 avec son musée de plein air « Le village des bories » et enfin par le parc naturel régional du Luberon dans les années 1990 avec son livre « Bories »; la vogue du terme a même gagné le Périgord dans les années 1970, non sans y entrer en conflit avec l'acception d' « exploitation rurale », de « ferme isolée », à laquelle ce mot était cantonné jusque là dans cette région;
  • chasalou (m) : forme francisée de l'auvergnat chasalon, ce terme a été popularisé par les érudits de la fin du XIXe siècle et du début du 20e pour désigner les maisons ruinées des villages et hameaux médiévaux et post-médiévaux abandonnés en Auvergne ; si les fonds de maisons dégagés par la fouille sont en pierre sèche, il n'y a pas lieu toutefois d'amalgamer ces vestiges d'habitations permanentes aux cabanes en pierre sèche, lesquelles sont vouées à un séjour temporaire ou momentané;
  • chibotte (f) : cette forme francisée de l'occitan chibota s'applique aujourd'hui aux cabanes en pierre sèche de l'ancien vignoble de Vals-près-le-Puy en Haute-Loire mais il semble bien que la vogue en soit due aux écrits d'un érudit dans la première moitié du 20e siècle;
  • gariote ou gariotte (f) : forme francisée de l'occitan gariòta désignant, dans le parler de Cahors (Lot), une guérite enclavée dans un mur ou un pierrier, cette appellation a été étendue à toutes les cabanes en pierre sèche du haut Quercy vers 1950;
  • orri (m) : l'acception de « cabane des hommes » donnée à ce terme est un contresens patent : dans le Val d'Ariège et le Haut-Vicdessos on entendait autrefois par orri le site d'habitation et d'exploitation pastorale dans les estives, c'est-à-dire une réalité spatiale et non pas architecturale ; de même, l'acception de « bergerie d'altitude voûtée en pierre sèche » donnée à ce vocable dans les Pyrénées-Orientales, est une entorse à la vérité : dans le Conflent ces bergeries d'altitude répondaient au nom de cortal alors que terme orri désignait au sens large un quartier de pâturage et au sens restreint un gîte non couvert pour les ovins incorporant la demeure du gardien ou barraca.

Les appellations fantaisistes

Souvent citées sans grand discernement dans la littérature du domaine concerné, ces diverses appellations méritent une mise au point.

  • boutigon (m) : ce serait, paraît-il, une appellation donnée aux cabanes dans les Alpes-Maritimes; ce même terme, sous la graphie boutigoun, devient synonyme de « cochonnier » (loge à cochons ?) dans le volume « Provence » du Corpus de l'architecture rurale française, et ce pour la vallée de la Bléone dans le Var oriental; il s'agit donc là d'une appellation purement fonctionnelle et qui n'est pas propre au type architectural;
  • capeline (f) : c'est le nom donné par un auteur à certaines cabanes du causse Comtal dans l'Aveyron dont la forme extérieure, vue de côté, fait penser à la capeline de bure des anciens bergers caussenards; il n'y a pas lieu de pérenniser cette désignation analogique d'autant plus que les dizaines de tonnes de pierre nécessaires à l'édification de ces édifices n'ont certainement pas été extraites du sol par des bergers;
  • caravelle ou carabelle (f) : cette désignation, rencontrée sur la commune de Faugères dans l'Hérault, est la forme francisée et féminisée du terme occitan masculin caravèl désignant un creux; ce n'est rien d'autre qu'une image;
  • chambrette (f) : cette appellation, attestée dans les années 1970 autour du village de Nébian dans l'Hérault (29), est le diminutif de chambre, peut-être une allusion humoristique aux ébats amoureux qui pouvaient s'y dérouler autrefois;
  • cove (f) : ce vocable serait attesté, selon un auteur, dans la région des Gariotxes (au nord-ouest d'Olette) dans les Pyrénées-Orientales; il est la francisation du catalan cova, signifiant « creux », « grotte », « cave » ; il s'agit d'une appellation soit imagée, soit fonctionnelle;
  • grange (f) : ce vocable fonctionnel, francisation de l'occitan granja (désignant le lieu où sont serrés le blé en gerbes, le grain, le foin, les fruits, les outils), servait dans les années 1970 à qualifier les cabanes en pierre sèche à Roujan dans l'Hérault; son emploi est curieux dans la mesure où grange s'applique d'ordinaire à un édifice ayant une place plus élevée dans l'échelle socio-économique des bâtiments agricoles; on s'attendrait plutôt au diminutif grangette;
  • mas (m) : ce terme habituellement réservé à l'habitation permanente, est signalé dans la région d'Octon dans l'Hérault dans les années 1970; il doit s'agir d'un emploi ironique; son pendant, à un niveau architectural plus élevé, serait la comparaison d'une maison à un château;
  • maset (m) : diminutif de mas, ce terme, aujourd'hui figé dans le Languedoc dans l'acception de maisonnette champêtre à pièce unique en maçonnerie liée et à toiture de tuiles, est employé pour désigner la cabane de pierre sèche à La Vacquerie dans l'Hérault; c'est une façon de dire que la cabane est, tout comme le maset, une habitation temporaire ou saisonnière;
  • moutier (m) : aux dires d'un auteur, ce terme désigne une loge incorporée dans un mur d'enclos de vigne dans la moitié nord de la Vienne; comme moutier n'est rien d'autre qu'une version populaire de « monastère », il y a fort à parier qu'il ne s'agit que d'une appellation plaisante, la guérite étant vue comme un lieu où l'on fait retraite;
  • pastourette (f) : appellation familière donnée par un auteur aux petites guérites ayant servi naguère d'abris de berger dans les parcours de la garrigue de Nîmes (Gard); il n'y a pas lieu de retenir cette invention de pure commodité, aussi peu enracinée dans le terroir que des moutons en carton-pâte;
  • portissoun (m) : d'après un auteur, ce terme qualifierait les abris de berger des plateaux de Vaucluse ou des environs de Forcalquier; c'est là une acception aberrante, qui ne se retrouve dans aucun dictionnaire : le dictionnaire occitan-français de Louis Alibertdonne portisson (graphie occitane normalisée) comme signifiant « guichet » dans le Rouergue; le volume « Comté de Nice » du Corpus de l'architecture rurale françaisedonne la graphie portissòu (m) et les sens de « petite porte » et de « guichet »;
  • nichette (f) : cette appellation serait celle des cabanes en pierre sèche à Montbazin dans l'Hérault; s'il s'agit du diminutif du français niche, on s'attendrait plutôt à voir ce vocable appliqué aux niches ou aux renfoncements réservés dans la maçonnerie des murs d'enclos, mais s'il s'agit de la francisation de l'occitan niset, « petit nid », alors on a affaire à une appellation peut-être humoristique, à l'instar de chambrette.

Que fantaisie et humour aient pu présider au détournement de certains termes pour leur faire désigner les cabanes en pierre sèche, ne saurait surprendre l'ethnologue averti. Un exemple remarquable de ce phénomène nous est fourni par Miguel Garcia Lisón et Artur Zaragozà Catalán dans leur étude « L'architecture rurale en pierre sèche du pays valencien »: à côté d'expressions soit génériques comme barraques de pedra en sec (« baraques de pierre sèche »), soit fonctionnelles comme barraques de pastor (« baraques de berger »), ces chercheurs ont relevé toute une litanie de qualificatifs familiers comme casetes de formiguer (« maisonnettes de fourmis »), casetes de cucos (« maisonnettes de coucous »), casetes de catxerulos (« maisonnettes de chats »), casetes de mullós (« maisonnettes de mulots »), ou encore imagées comme cucurulls (« cornets à glace »), voire impropres comme chozos (« chaumières »), sans parler de diminutifs divers et variés.

Les appellations fonctionnelles

Elles désignent en général des bâtisses qui sont très typées architecturalement et morphologiquement (du fait même de la fonction qu'elles remplissent) :

  • agachon (m) : dans le Var, dans l'Hérault (sur le plateau de l'Auverne), affût de chasse à meurtrières de tir;
  • aiguier (m) : terme français correspondant au provençal aiguié (aguièr en occitan normalisé) désignant une citerne creusée dans la roche et alimentée par un système de récupération des eaux de ruissellement; la plupart des aiguiers sont couverts d'une voûte de pierres sèches soit encorbelées, soit clavées;
  • galinière (f) : francisation de l'occitan galinièra, cabane de plan circulaire et à toit conique de lauses, à usage de poulailler, se dressant dans les fermes ou en plein champ, dans le haut Quercy;
  • grangeon (m) : francisation du provençal granjon désignant une grange en pierres sèches dans le Vaucluse et les Alpes-de-Haute-Provence;
  • jas (m) : terme provençal (jaç en graphie occitane normalisée) employé pour désigner les grandes bergeries en pierre sèche (ou non) des Monts de Lure et d'Albion dans les Alpes-de-Haute-Provence;
  • pailler (m) : francisation du corse pagliaghju (pron. « pailliadiou ») désignant les cabanes en pierre sèche à usage de grenier à paille dans le Nebbio et dans le canton des Tenda en Haute-Corse;
  • tine (f) : francisation de l'occitan tina, nom donné, dans la garrigue de Nîmes (Gard), au cuvier en maçonnerie couvert par une voûte de pierres sèches encorbelées et servant d'entrepôt provisoire de la vendange ou de la récolte à olives.

Sont souvent associées à ces cabanes des structures qui ne ressortissent pas véritablement du genre « cabane en pierre sèche » :

  • apié (m) : appellation provençale du rucher (en pierre sèche ou non) (apièr en occitan normalisé), succession d'alvéoles ou niches à ruche, réservées dans un mur;
  • assousta ou sousta (f) : ces termes nissarts ou provençaux (issus du verbe s'assousta, se tenir sous) sont appliqués aux renfoncements, couverts ou non, réservés dans des murs en pierre sèche pour servir d'abri temporaire au travailleur des champs dans les Alpes-Maritimes et le Var;
  • cargadou ou descargadou (m) : ces termes nissarts ou provençaux, traduisibles par « chargeoir » et « déchargeoir », qualifient de petites aires caladées de 3 m sur 2, entourées sur trois côtés par une murette en pierre sèche et ayant servi, dans les Alpes-Maritimes et le Var, à entreposer les olives, voire le raisin, en attente de leur transport au village;
  • rond à garennes (m) : à Aubigny-lès-Sombernon en Côte-d'Or, nom donné aux lapinières en pierre sèche.
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