Les logiciels de géométrie dynamique utilisent fortement l'engagement direct, cette impression que le logiciel interprète correctement ce que l'on veut faire (on pointe l'intersection de deux objets, le logiciel construit cette intersection). Plus généralement l'engagement direct est un comportement général du logiciel qui reconnait l'utilisateur comme sujet cognitif ayant une intention : si un élève pointe l'intersection de deux droites, c'est qu'il veut construire cette intersection ... Avec l'anticipation des constructions, l'engagement direct franchit une étape supplémentaire. L'objet est préconstruit dès qu'il ne reste plus qu'un point à cliquer. Parfois, l'objet est construit et est alors déplacé avec la souris (parallèle, perpendiculaire, transformations ponctuelles). Ce déplacement participe alors à l'apprentissage de l'utilisateur par la perception qu'il donne du mouvement euclidien possible de l'objet. L'utilisateur se forge des représentations du concept qu'il manipule qui tiennent déjà compte de ces premières observations. L'anticipation des constructions permet à l'engagement direct d'aller plus loin que sans elle : il reconnait l'utilisateur aussi dans son statut d'apprenant et l'accompagne dans son apprentissage. Cet accompagnement dans l'apprentissage des concepts n'est pas le propre des classes de fin de l'école primaire ou de début de collège. Dans un autre registre, pour forger rapidement de bonnes représentations, on retrouve la même efficacité dans des micromondes non euclidiens avec des étudiants comme pour le parallélisme non arguésien du plan de Moulton ou l'orthogonalité dans cette même géométrie.
L’anticipation des constructions, s’appliquant à tout outil, y compris les macro-constructions, on peut l’utiliser pour structurer autrement des situations d’investigation. En particulier, il n’est plus nécessaire de finaliser une construction pour infirmer une conjecture, ou encore des constructions partielles – anticipées - peuvent renforcer des conjectures. Plus généralement, cette pratique, qu’il convient d’organiser dans un premier temps, favorise une réflexion métacognitive sur ce que l’on fait en analysant la rétroaction du logiciel en cours d’utilisation, pendant la manipulation directe. Là encore, selon le contexte, cela peut se faire sur des situations euclidiennes élémentaires ou dans des géométries moins standard.
En géométrie dynamique, la manipulation directe permet, en introduction à la démarche hypothético-déductive, de revisiter la notion de propriété géométrique comme invariant, et plus spécifiquement comme le résultat d’une construction qui résiste au mouvement (l’orthocentre, l’intersection des médianes, etc.).
Malgré son efficacité, il y a une situation importante en mathématique où la manipulation directe perd de sa pertinence. C’est le cas quand, dans une figure de géométrie ou d’analyse, un point particulier, mathématiquement significatif, est a priori inaccessible à la manipulation directe. Le simple tiers d’un segment n’est généralement pas atteignable à la souris.
L’aimantation pondérée permet de placer un point sur un objet (pondération forte) tout en le faisant passer par un point particulier de cet objet, significatif pour la figure (pondération minimale qui maintient l’illusion de la continuité du mouvement). La manipulation directe ainsi pondérée, passant par un point significatif, rend le réalisme de la situation augmenté du sens mathématique contenu dans le cas particulier.
Réaliser un logiciel de géométrie dynamique c’est choisir, entre autres, en permanence le déterminisme (la figure reprend la même instance quand les objets initiaux reviennent à leur position initiale) plutôt que la continuité (dont le suivi continu des intersections) tout en respectant le plus possible cette continuité qui fait sens à l’utilisateur. On sait que les deux concepts ne sont pas totalement compatibles et ce fut un travail important des pionniers en géométrie dynamique (l’équipe de Cabri Géomètre en France et de Cinderella (logiciel) en Allemagne) de dégager ce qui était réalisable ou non dans cette antinomie et de le traduire par des algorithmes.
CaRMetal a hérité du moteur de C.a.R. de la récursivité des points et des expressions. Cette récursivité permet de s’affranchir du déterminisme de manière contrôlée, mathématiquement significative, et donc prévisible (ce qui n’est pas toujours le cas de la continuité). Par ailleurs, en y ajoutant l’aimantation, on peut maintenir le déterminisme général d’une figure tout en lui autorisant des ilots de non déterminisme qui renforcent, d’une autre façon que ci-dessus, l’efficacité – ou le sens - mathématique de la simulation ou du micromonde que l’on propose à l’investigation des élèves ou des étudiants. Ce contexte nécessite d’être préparé et s’adresse donc à des enseignants qui veulent engager une ingénierie particulière. Quelques exemples simples sont téléchargeables sur les sites utilisant le logiciel, mais il ne semble pas que de véritables projets significatifs aient été développés.
Avec l’arrivée des scripts dans le logiciel, un nouveau champ d’investigation apparaît dans les sites d’utilisateurs. D’une manière générale, le principe est d’utiliser les aspects élémentaires de la programmation et la sortie dynamique de la figure produite par script comme processus d’intermédiation entre le numérique et l’algèbre : on perçoit du numérique (en géométrie sur quadrillage, ou en analyse dans un repère) on infère les propriétés observées de manière numérique, par une écriture algébrique qui est aussitôt testée et infirmée ou confirmée. Dans ce dernier cas on dispose d’une expression algébrique dont la validité est renforcée par l’exploration en manipulation directe : d’où l’expression de géométrie repérée dynamique (les autres pratiques de programmation étant par essence généralement statiques). Cette démarche fait le pari d’un outil intermédiaire vers l’algèbre (comme l'est aussi le tableur) tout en restant résolument du côté de l’algèbre, pas que n’a pas franchi l’usage du tableur.
La pratique est encore trop récente pour savoir si elle a véritablement l’effet qu’elle décrit.