L'histoire
Le monde
L'histoire se déroule en 2019 à Los Angeles sur une Terre où a été anéantie la quasi-totalité de la faune et de la flore de la planète.
Les gouvernements terriens encouragent très fortement l'exil vers les « mondes extérieurs » qui sont en cours de colonisation. Pour favoriser les départs, ceux-ci offrent gracieusement un « androïde à tout faire » à toutes les personnes qui s'exilent. Ces androïdes sont appelés « réplicants » et sont plus ou moins considérés comme des esclaves modernes. Ils sont aussi utilisés dans les travaux pénibles ou dangereux, comme objets de plaisirs ou dans les forces armées.
Les réplicants sont créés par la seule Tyrell Corporation, firme à la fois riche, puissante et influente. Après une révolte sanglante des réplicants dans une colonie martienne, ces derniers sont alors interdits sur Terre. Toutefois, certains réussissent à s'enfuir et à regagner la Terre pour retrouver leurs créateurs (dont Eldon Tyrell, lui-même) et les obliger à rectifier leur caractère génétique qui les limite à une durée de vie de quatre à cinq ans au plus.
Les unités policières Blade Runner sont là pour faire respecter la loi aux contrevenants androïdes. Ils ont donc l'autorisation de tuer n'importe quel réplicant en situation irrégulière. On n'appelle pas cela une exécution mais un « retrait ». Chaque retrait donne droit à une prime substantielle pour le Blade Runner qui l'a effectué.
Toutefois, ces androïdes modernes sont tellement évolués qu'il est difficile aux Blade Runners de les identifier et ils doivent alors enquêter longuement afin d'avoir la certitude qu'il s'agit bien d'un androïde avant de le retirer.
Pour repérer les réplicants, le Blade Runner se concentre sur les différences qui existent entre eux et les humains. Voici les trois principales :
- Les réplicants ne sont pas sensibles à la vie animale (à laquelle les humains sont très attachés, d'autant plus que les vrais animaux sont très, très rares) et ne ressentent rien lorsqu'un animal est mis à mort. Ainsi, un massacre dans une animalerie mettra sûrement le Blade Runner sur la piste de réplicants (c'est d'ailleurs la trame initiale du jeu vidéo Blade Runner).
- Les réplicants n'ont a priori aucune forme d'empathie entre eux et envers les autres... Ainsi, ils ne feront rien pour aider l'un des leurs et deviennent souvent résignés quand un Blade Runner les attrape. C'est pourquoi les Blade Runners sont capables de détecter un réplicant en effectuant un test d'empathie Voight-Kampff, en décelant les réactions physiologiques involontaires du sujet face à une mise en situation donnée (attachement maternel, stress affectif ou moral).
- Les réplicants ont une moelle osseuse différente de celle des humains, du fait que leur génome a été créé artificiellement, ce qui permet une vérification post-mortem.
Le film s'attache à montrer subtilement que les chasseurs de réplicants n'éprouvent pas beaucoup plus d'empathie que les réplicants eux-mêmes. Mais cet aspect des choses n'est pas perçu tout de suite par le héros.
Les personnages
Synopsis
Le film nous fait suivre l'histoire de Rick Deckard, un Blade Runner qui a pour mission de trouver et retirer quatre réplicants parmi six évadés d'une colonie de l'espace (le cinquième et le sixième ayant « grillé » dans un champ d'énergie en se rendant à la Tyrell Corporation).
L'histoire commence à Chinatown, un des quartiers de Los Angeles, où Deckard est conduit en spinner par Gaff au quartier général de la police du secteur. Là, il apprend que Holden, le meilleur Blade Runner de l'équipe, s'est fait assassiner en faisant passer le test de Voight-Kampff au réplicant Léon de type « Nexus-6 », le modèle le plus évolué des réplicants (excepté Rachel, un modèle unique). Il découvre alors que sa traque consiste à retirer les quatre androïdes restants de ce modèle, notamment leur chef, le redoutable Roy Batty.
À la Tyrell Corporation, Deckard rencontre Rachel, une réplicante qui se croit humaine et dont il tombe peu à peu amoureux. Par la suite, Rachel prendra conscience de sa nature de réplicante. Deckard sera dès lors chargé de l'éliminer elle aussi, mais ne pourra s'y résoudre.
Les androïdes sont mus uniquement par leur recherche de la vérité et essaient de trouver les explications sur eux-mêmes dans une profonde quête initiatique. Ils cherchent un moyen de vivre plus longtemps et gravissent un à un les échelons vers la connaissance, mais leur destin (la mort) les rattrape... En effet, au fil des années, ils semblent développer des sentiments et prennent conscience de leur propre fin « programmée »...
Quant à Deckard, il en apprend progressivement plus sur lui-même au contact de ces humanoïdes dont l'« humanité » est parfois plus forte que celle des Blade Runners.
Les thèmes et aspects récurrents
- L'atmosphère oppressante : cette ville aux grands gratte-ciel, sombre et éclairée à la lumière des néons publicitaires, la pluie, les embouteillages et le « cityspeak » (argot composé de plusieurs langues) participent à donner une impression rebutante sur le spectateur. En effet, pour créer cet univers cyberpunk et de film noir, Ridley Scott a apporté un soin particulier aux décors et à l'ambiance du Los Angeles de 2019 pour qu'ils jouent un rôle de premier ordre dans le film.
- L'œil, le « miroir de l'âme » dont les réplicants manqueraient, est omniprésent dans le film. Dès la première scène, le bâtiment pyramidal de la Tyrell Corporation se reflète dans un gros plan de l'œil d'Holden afin d'évoquer la symbolique de l'œil de la Providence. Hannibal Chew, généticien pour la firme, est spécialisé dans la création d'yeux artificiels pour les réplicants. Le test de Voight-Kampff analyse, entre autres chose, la dilatation de la pupille. Enfin, dans la « version Warner » du montage du film, les yeux des réplicants « brillent » lorsqu'ils sont troublés.
- Le symbolisme religieux par l'intermédiaire de paraboles religieuses. Étant donné les capacités surhumaines des réplicants, ils sont créés par Tyrell (Dieu) et leur chute des cieux (l'« off-world ») en fait des anges déchus. Roy Batty partage beaucoup de similitudes dans ce contexte avec Lucifer, et cela devient plus évident quand il cite délibérément de façon incorrecte un extrait de l'œuvre de William Blake : « Fiery the angels fell... » au lieu de « Fiery the angels rose... » (America: a Prophecy). Zhora se sert d'un serpent rappelant la Genèse avec Adam et Ève. Vers la fin de sa vie, Roy a des stigmates puis se place dans une position ressemblant au Christ pour signifier son salut à Deckard. À sa mort, l'âme de Roy monte dans les cieux sous la forme d'une colombe, ce qui semble « accomplir » la métaphore prématurée de Tyrell du « Fils Prodigue ». De même, les blessures de pistolet laser de Zhora sont toutes deux sur ses omoplates, la faisant ressembler à un ange dont les ailes ont été coupées.
- Le cogito de Descartes : le réplicant, même s’il n’est pas humain, a conscience de son existence et donc de sa fin, tel Roy qui essaie de la repousser. Ainsi, la certitude de Descartes « Je pense, donc je suis » s’applique sans aucun doute aux réplicants les plus avancés, les rapprochant encore un peu plus de la nature humaine. D’ailleurs, le nom Rick Deckard n'est pas sans évoquer celui de René Descartes…
- Les stéréotypes féminins : les principaux rôles féminins tendent à rendre la femme comme « objet ». Entre Pris, le modèle de plaisir basique, Zhora la danseuse érotique et Rachel mi-secrétaire, mi-femme fatale. On pourrait même croire que le film serait misogyne, étant donné que Pris et Zhora peuvent être vues comme des « femmes fortes et indépendantes » mais sont tuées, tandis que Rachel qui est leur opposée, reste en vie. Néanmoins, on peut y voir, plutôt que de la misogynie de la part des auteurs du film, un regard pessimiste sur la condition de la femme, comme dans Thelma et Louise, du même Ridley Scott. D'autre part, Deckard devra sa vie à Rachel, qui empêche le réplicant Leon de le tuer.
- La prégnance de la publicité : de nombreuses publicités sont visibles à travers le film, beaucoup sont le résultat de placements de produits mais cela participe aussi à créer une atmosphère spéciale dans le film. Parmi les entreprises présentes, on peut voir entre autres Atari, Toshiba, Polaroid Corporation, Marlboro, Bell Telephone Company, Budweiser, Hilton, Citizen, Trans World Airlines et The Coca-Cola Company, TDK, Bulova, Pan Am.
- L'ambiance du film est inspirée de celle des films noirs américains de la fin des années quarante. Deckard possède plusieurs attributs des détectives typiques des films noirs : c'est un anti-héros, il boit beaucoup, porte un imperméable et est solitaire et renfermé. Rachel est l'archétype de la "femme fatale" : séduisante mais attirant les problèmes. Le déroulement du film est également identique à celui d'un film noir classique : le personnage principal est entraîné dans une enquête banale qui prend des proportions de plus en plus grandes et qui finit par lui échapper. L'esthétique du film est également inspirée de ce courant : la pluie incessante, la nuit profonde, les rues désertes, une atmosphère glauque et oppressante. Enfin : dans le roman, l'histoire se déroule à San Francisco. Dans le film elle fut déplacée à Los Angeles, ville mythique et récurrente dans les films et romans noirs de Raymond Chandler à James Ellroy.
- Les animaux : chaque personnage important est identifié à un animal : ainsi Tyrell est la chouette (référence à sa chouette artificielle et au logotype de son entreprise), Rachel est l'araignée (par rapport à son test Voight-Kampff), Leon la tortue (toujours à cause du test), Zhora le serpent, Pris le raton-laveur (référence à son maquillage à la fin du film), Deckard est le coq puis la licorne (à cause des origamis de Gaff') et Roy Batty le loup (rôle de meneur + ses cris à la fin du film) et la colombe (cf. sa mort).