Avant que les méthodes de calcul semi-probabilistes modernes deviennent la règle générale, les calculs de structure étaient basés sur le principe déterministe des coefficients de sécurité. Le coefficient de sécurité était défini comme le rapport d'une contrainte admissible sur une contrainte de calcul, les contraintes admissibles étant données par la nature des matériaux, et les contraintes de calcul déduites de la résistance des matériaux (RDM).
Lorsque les matériaux sont soumis à des combinaisons d'efforts, ce principe de calcul basé sur le coefficient de sécurité a montré ses limites et ses insuffisances. Un exemple significatif est celui de la cheminée soumise à son poids propre et au vent. Avec un coefficient de sécurité égal à 2, on peut croire que chaque effort élémentaire sollicitant la structure peut être doublé sans que l'on atteigne la ruine. Or on montre que ce raisonnement est faux et qu'une augmentation du vent de 10% peut entraîner la rupture de la cheminée.
Face à l'insuffisance du principe déterministe de coefficient de sécurité, il a fallu définir autrement la sécurité des structures : les sollicitations ont été scindées en deux genres qui ont ensuite évolué vers la définition des états limites.
Ainsi, le principe de sécurité des ouvrages est aujourd'hui basé sur des notions d'analyse de fiabilité probabiliste et non plus sur des coefficients de sécurité. Cette définition probabiliste fait intervenir des notions de spectres de sollicitation et de résistance. On démontre alors que mathématiquement, la sécurité absolue (probabilité de ruine nulle ou risque nul) ne peut exister, les coefficients de pondération utilisés dans les calculs réduisent les recouvrements des spectres et donc la probabilité de ruine mais ne l'annule jamais...
Pour que les habitudes de calcul ne soient pas totalement bouleversées, et malgré des concepts sous-jacents totalement différents, le formalisme des calculs suivant la nouvelle approche probabiliste de la sécurité, a été maintenu très proche du formalisme des anciennes méthodes de calcul déterministes ; on parle alors de méthode de calcul semi-probabiliste.
Bien que la notion de sécurité a été complètement redéfinie, les règles de calcul modernes (BAEL et Eurocode 2) emploient encore le terme de coefficient de sécurité, il faut le comprendre comme coefficient de pondération et non plus comme le définissaient les anciennes règles déterministes.
Les progrès scientifiques dans la compréhension du comportement des matériaux et des phénomènes physiques ont amené les règles de calcul à évoluer.
Jusque dans les années 1970, on utilisait uniquement le modèle de comportement linéaire des matériaux (contraintes proportionnelles aux déformations : Loi de Hooke), y compris pour les sollicitations du second genre où on utilisait une limite élastique conventionnelle.
Avec l'évolution de la notion de sécurité et des progrès scientifiques, les modèles de calcul se sont rapprochés du comportement réel, non linéaire, des matériaux. Les règles de calcul du béton armé aux états limites de 1980 (BAEL80) ont été les premières à intégrer pleinement le modèle de comportement non linéaire des matériaux. Ces règles ont ensuite évolué en BAEL83, BAEL91 et BAEL91 révisées 99.
L'Eurocode 2, qui remplace les règles BAEL depuis 2010, est dans la lignée des règles de calcul modernes intégrant les notions probabilistes de sécurité et les comportements non linéaires des matériaux.
Il s'agit du mode sollicitation de « tous les jours », l'ouvrage ne doit pas subir de déformation irréversible. Les matériaux sont employés dans leur domaine de comportement élastique. Tout naturellement, c'est le modèle élastique linéaire qui est utilisé pour les calculs à l'ELS.
En général pour les ouvrages courants de bâtiment, les éléments ne sont pas calculés à l'ELS, il le sont uniquement pour des environnements agressifs ou lorsque les conditions de fissuration ou de déformation sont préjudiciables à la durabilité de l'ouvrage dimensionné.
Dans ce mode de sollicitation, l'ouvrage est à la limite de la rupture, il doit résister aux charges mais il subit des déformations irréversibles et en ressort endommagé. Pour cet état, il est inutile de rester dans le domaine de comportement élastique des matériaux, on utilise alors des modèles de plasticité non linéaires qui se rapprochent du comportement réel des matériaux. On utilise aussi les modèles de calcul de stabilité de forme qui concernent le flambement et le voilement des éléments comprimés (poteau, buton, voile ou coque) ainsi que le déversement des éléments fléchis élancés.
Pour le béton, le diagramme contrainte déformation est habituellement une courbe parabole rectangle, un rectangle simplifié ou encore un diagramme bilinéaire. Pour certains ouvrages d'exception, il est aussi possible d'utiliser des lois de comportement plus élaborées modélisant mieux la rhéologie réelle et complexe du béton.
Pour l'acier, le diagramme contrainte déformation est habituellement un diagramme bilinéaire, une droite ayant pour pente le module d'élasticité, limitée par les zones plastiques horizontales ou incurvées.
Les modèles de stabilité de forme pour le béton sont bien trop complexes pour être expliqués dans ce chapitre traitant des "principes de calcul" du béton armé. Le lecteur intéressé pourra se reporter aux ouvrages spécialisés.
En général pour les ouvrages courants de bâtiment, les éléments sont calculés uniquement à l'ELU avec les lois de comportement simples.
Le calcul d'un ouvrage en béton armé ne se limite pas à la seule maîtrise du calcul du béton armé. Outre une bonne maîtrise de la mécanique des milieux continus et de la résistance des matériaux, cela nécessite aussi la compréhension des phénomènes physiques qui engendrent les efforts sur l'ouvrage (hydrostatique, mécanique des sols, effets du vent sur les structures, phénomènes vibratoires, rhéologie des matériaux, limites des modèles de calcul, etc.): c'est le métier d'ingénieur en béton armé.
Les progrès scientifiques et techniques accomplis à ce jour ont permis de réduire les quantités de matière nécessaires à la construction des ouvrages, et donc de réaliser des économies substantielles.
Le calcul du béton armé est bien trop complexe pour être expliqué en quelques lignes dans cet article. Le lecteur intéressé par le dimensionnement du béton armé pourra se reporter aux ouvrages spécialisés et aux règles de calcul du béton armé. Les cours cités dans les liens externes constituent une première introduction au calcul du béton armé.