Bernard Kouchner - Définition

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Introduction

Bernard Kouchner
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Mandat(s)
Ministre des Affaires étrangères et européennes
Actuellement en fonction
Depuis le 18 mai 2007
Président(s) Nicolas Sarkozy
Gouvernement(s) François Fillon I
François Fillon II
Prédécesseur(s) Philippe Douste-Blazy
Ministre délégué de la Santé
6 février 2001 - 6 mai 2002
Président(s) Jacques Chirac
Gouvernement(s) Lionel Jospin
Prédécesseur(s) Dominique Gillot
Successeur(s) Jean-François Mattéi
Secrétaire d'État chargé de la Santé
4 juin 1997 - 7 juillet 1999
Président(s) Jacques Chirac
Gouvernement(s) Lionel Jospin
Prédécesseur(s) Hervé Gaymard
Successeur(s) Dominique Gillot
Ministre de la Santé et de l'Action humanitaire
4 avril 1992 - 30 mars 1993
Président(s) François Mitterrand
Gouvernement(s) Pierre Bérégovoy
Prédécesseur(s) Bruno Durieux
Successeur(s) Simone Veil
Représentant spécial du secrétaire général de l'ONU au Kosovo
15 juillet 1999 - 15 janvier 2001
Prédécesseur(s) Sergio Vieira de Mello
Successeur(s) Hans Hækkerup
Biographie
Nom de naissance Bernard Jean Kouchner
Date de naissance 1er novembre 1939 (1939-11-01) (70 ans)
Lieu de naissance Avignon (Vaucluse)
Nationalité Drapeau de la France Français
Parti(s) politique(s) UEC
PRG
PS
Conjoint(s) Évelyne Pisier
Christine Ockrent
Enfants Avec Évelyne Pisier :
Julien
Camille et Antoine
Avec Christine Ockrent :
Alexandre
Diplômé(e) de Faculté de médecine de Paris
Profession Médecin gastro-entérologue
Militant humanitaire

Bernard Kouchner, né le 1er novembre 1939 à Avignon, est un médecin humanitaire (gastro-entérologue) et homme politique français, cofondateur de Médecins sans frontières et de Médecins du monde, ministre de gouvernements de gauche et de droite, haut représentant du secrétariat général de l'ONU au Kosovo.

Médecin de formation, Bernard Kouchner a connu une vie militante, qui l'a conduit à adhérer à l'Union des étudiants communistes, au début des années 1960, au PS, au PRG, puis à nouveau au Parti socialiste avant de devenir ministre de Nicolas Sarkozy, ce qui entraîne son exclusion de ce parti. Il est également connu comme militant de l'action humanitaire et du droit d'ingérence.

Il a été secrétaire d'État et ministre chargé de l'action humanitaire ou de la santé sous les gouvernements socialistes de Michel Rocard, Pierre Bérégovoy, Édith Cresson et Lionel Jospin. Depuis le 18 mai 2007, il est ministre des Affaires étrangères et européennes dans le gouvernement François Fillon (reconduit dans le gouvernement Fillon II, le 19 juin 2007).

Biographie

Origines, études et famille

Il est le fils de Georges Kouchner, un médecin juif d'origine lettone, et de Léone Mauric, infirmière bénévole de la Croix-Rouge issue d'une famille protestante aisée. Samuel, le père de Georges avait quitté la Lettonie pour la France en 1908 et avait fait venir son épouse Rachel l'année suivante. Pendant la Seconde Guerre mondiale Samuel et Rachel ont été arrêtés en 1944 et déportés à Auschwitz. Ils font partie du convoi no 76 en date du 30 juin 1944.

Bernard Kouchner suit des études de médecine dans les années soixante tout en menant des activités militantes intenses à la rédaction de Clarté, le journal de l'Union des étudiants communistes. Il est père de Julien, né en 1970, Camille et Antoine, jumeaux nés en 1975, trois enfants issus de sa première union avec Évelyne Pisier, professeur de droit. Avec sa compagne Christine Ockrent, journaliste, il eut Alexandre.

Bernard Kouchner avait rencontré sa première femme Évelyne en 1964 lors du voyage à Cuba organisé pour les dirigeants de l'UEC. Pour Évelyne, ce voyage a aussi été à l'origine d'une liaison avec Fidel Castro. Après mai 1968, alors que Bernard Kouchner transformait son engagement politique en engagement humanitaire, Évelyne restait sur des positions révolutionnaires. En 1975, lors d'une mission au Viêt Nam, il écrivait à sa femme « …C'est dans ces bois que se cachent les VC (Viêt-Congs). Toi, tu ris, car tu les aimes, les VC. Moi, je ne les hais pas ». Mais, en 1980 la rupture du couple, d'ailleurs mal vécue par Bernard, ne résulte pas d'un différent politique. D'après Burnier, biographe et ami de Bernard Kouchner, Évelyne ne supportait pas le style de vie imposée par les missions incessantes de Bernard Kouchner « Je venais de passer quelques années avec un héros, Fidel Castro, et j'en avais marre des héros », déclare-t-elle à propos d'une première rupture survenue dès la fin des années 1970. Évelyne a pris comme second mari un professeur de droit, Olivier Duhamel, socialiste rocardien.

Christine Ockrent, compagne de Bernard Kouchner à partir du début des années 1980, avait un parcours à l'écart de tout mouvement révolutionnaire : fille d'un diplomate belge proche de Paul-Henri Spaak, elle avait effectué son début de carrière de journaliste aux États-Unis. Elle avait acquis la célébrité en 1981 en devenant la présentatrice du journal de 20 heures sur Antenne 2. Elle n'est pas rebutée par les escapades humanitaires d'où son compagnon revient barbu, amaigri et insupportable « C'est ça qui m'intéresse a-t-elle déclaré à Michel-Antoine Burnier. Bernard n'est sûrement pas un mec qui revient à six heures et demie du soir avec sa petite serviette. Je n'ai pas choisi ce genre de vie et je n'ai pas choisi ce genre d'homme ». Christine et Bernard se font construire une maison près de Bonifacio en Corse.

Bernard Kouchner a hérité de son père Georges d'un athéisme radical. Exceptionnellement, il se plie au rituel du judaïsme comme lorsqu'il récite le Kaddish sur la tombe de son amie Ania Francos en 1988. Sans renier son identité juive, il peut être agacé par les « imbéciles qui lui demandent s'il se sent juif ». « Moi, monsieur, je suis juif quand je veux », lance-t-il en guise de boutade à Burnier en 1991. Face à l'Abbé Pierre qu'il a beaucoup fréquenté dans les années 1990, il développe l'idée qu'il se fait des juifs :

« Je pense que les Juifs ont un devoir supplémentaire, un devoir de plus que les autres hommes. Je pense que les Juifs sont chargés d'être justes. Je pense que les Juifs, parce qu'ils ont eu connaissance de ce qui est arrivé aux leurs, ne peuvent pas profiter de la vie comme les autres. »

Militant à l'UEC, à Clarté, au Comité Vietnam (1958-1968)

Bernard Kouchner qui avait fréquenté les Jeunesses Communistes dès l'âge de quatorze ans rejoint l'Union des étudiants communistes (UEC) au moment de la guerre d'Algérie par antifascisme. En 1961, à l'époque où l'OAS fait la une des journaux, il assure notamment la protection de l'appartement de Simone de Beauvoir. Il participe également au groupe UEC. Mais, recruté par Jean Schalit, c'est surtout au sein de l'équipe de rédaction du journal Clarté que s'exprime le militantisme de Kouchner au sein de l'UEC. Il y rencontre Michel-Antoine Burnier dont il resta proche tout au long de sa carrière. Le travail pour le journal Clarté l'amène à fréquenter un certain nombre d'intellectuels de renom : Jacques Monod, Louis Aragon, Claude Roy. En 1963, il publie dans Clarté une « Lettre à un moderne Rastignac » où il conseille à ceux qui veulent réussir de décrier la société :

« Je suis communiste et Rastignac. Paradoxe ? Détrompez-vous ; le mélange n'est pas détonnant. Il est même étonnamment efficace. Vous riez ? Je vous attends… ».

À cette époque, les étudiants communistes de l'UEC sont plus ou moins en conflit avec la direction du PCF et se sentent plus proches des positions du parti communiste italien qui s'est engouffré dans la critique de Staline amorcée par Khrouchtchev au moment où le parti français dirigé par Maurice Thorez restait beaucoup plus timoré sur ce point. Kouchner fait partie des « Italiens ». La reprise en main définitive de l'UEC et l'éviction des Italiens de la direction ne sera chose faite qu'en 1965. Entre temps, Jean Schalit mit sur pied Clarté-voyage et organisa un voyage à Cuba dont font partie une bonne partie des dirigeants de l'UEC. Ce fut l'occasion pour Kouchner d'interviewer Fidel Castro.

Kouchner qui n'avait jamais adhéré au PCF, mais seulement à l'UEC, quitte la mouvance communiste en 1965, lorsque les « Italiens » sont écartés de la direction de l'UEC. Toujours aux côtés de Jean Schalit et Michel-Antoine Burnier, il siège à la direction du Comité Vietnam national qui pourfend l'impérialisme américain qui s'englue dans la Guerre du Viêt Nam. Il poursuit également des activités journalistiques en participant toujours avec Michel-Antoine Burnier à la création du journal L’Événement d'Emmanuel d'Astier de la Vigerie.

Pendant les événements de mai 68, Bernard Kouchner participe activement à la rédaction d'un « Livre blanc » de la faculté de médecine.

Le French doctor des années 1970

Après mai 68 dans lequel il ne s'est que modérément impliqué, Bernard Kouchner, qui a terminé ses études de gastro-entérologie mais n'a pas encore passé sa thèse, apprend par un de ses amis, Marek Halter que la Croix-Rouge française recrute des médecins pour faire face aux problèmes humanitaires consécutifs à la guerre du Biafra. Le docteur Bernard Kouchner séjourna au Biafra à trois reprises, de septembre à octobre 1969, en décembre 1968 et d'octobre à novembre 1969. Le responsable de la mission, Max Récamier, et Kouchner rompent le devoir de réserve imposé par le CICR et témoignent dans les colonnes du Monde daté du 28 octobre 1968, prenant fait et cause pour les rebelles biafrais. Plus tard, dans Le Nouvel Observateur du 19 janvier 1970, sous le titre « Un médecin accuse », Kouchner écrira ceci : « Comment peut-on être de gauche et laisser massacrer deux millions d’individus ? Le massacre des Biafrais est le plus grand massacre de l’histoire moderne après celui des juifs, ne l’oublions pas. Est-ce que cela veut dire que le massacre de millions d’hommes n’a pas de dimension politique ? […] La gauche, s’il en existe une, a fermé les yeux […] Sa préoccupation est simple : les gens qui meurent sont-ils de gauche ? ».

Parallèlement à ses missions humanitaires à l'étranger qui ne sont pas rémunérées, tout au long des années 1970 et 1980, jusqu'en 1988, Kouchner travaille à l'hôpital Cochin, à Paris comme gastro-entérologue. Il exerce également dans une polyclinique de la rue Claude Bernard. En plus de sa carrière médicale, il collabore régulièrement avec le magazine Actuel fondé par, entre autres, son ami Michel-Antoine Burnier. Son père Georges qui avait lancé une série de journaux médicaux plus ou moins liés à des laboratoires pharmaceutiques lui en laisse la direction au début des années 1970. Beaucoup d'anciens « italiens » de l'UEC font des piges pour ces journaux médicaux. Cette façon d'exercer des activités multiples esr à l'origine du titre du livre Les 7 vies du Dr Kouchner que Burnier consacra à son ami. De 1976 à 1986, Kouchner se procure de substantiels revenus comme scénariste des soixante feuilletons de la série télévisée Médecins de nuit.

Après le Biafra, Kouchner participe à d'autres missions humanitaires dans les points chauds du globe comme la Jordanie, en 1970. Il fait souvent équipe avec René Frydman, comme lui ancien de l'UEC. En 1987, il a commenté auprès d'Hervé Hamon et Patrick Rotman, journalistes et historiens de cette génération de l'UEC, ce que représentait pour lui cette série d'aventures : « …Bien des fois, au Kurdistan, au Liban, j'ai éprouvé cet étrange sentiment qui pousse à aller jusqu'au bout de l'aventure, à courir les plus grands risques, à gouter le délicieux frisson du danger, à frôler le grand saut. Des années après, j'ai saisi que l'aide humanitaire, j'en faisais d'abord pour moi-même… ».

En décembre 1971 Bernard Kouchner participe à la création de Médecins sans frontières aux côtés d'hommes de terrain comme Max Récamier, Xavier Emmanuelli et de membres de l'équipe du journal médical Tonus, Raymond Borel et Philippe Bernier. Kouchner revendique avoir proposé et défendu le nom de « médecins sans frontières » alors que d'autres fondateurs avaient proposé « Secours Médical Français ». Dans la charte de MSF, Philippe Bernier introduisit une règle inspirée de la Croix-Rouge stipulant que les membres « respectent le secret professionnel et s'abstiennent de porter un jugement ou d'exprimer une opinion […] à l'égard des évènements, des forces, et des dirigeants qui ont accepté leur concours ». Kouchner tenta, en vain, de s'opposer à cette règle en expliquant qu'en rendant publics les crimes de masse, on pourrait contribuer à arrêter les massacres.

En mission à Saïgon, au Viêt Nam, en 1975, au moment de l'offensive finale nord-vietnamienne, Kouchner eut l'occasion de s'intéresser à nouveau au Viêt Nam. En 1979, il participe à l'opération « Un bateau pour le Vietnam » qui aboutit à affréter un bateau, l’Ile de Lumière, censé venir en aide aux Vietnamiens qui fuient le Viêt Nam communiste sur de frêles embarcations et que l'on appelle les « Boat people ». En fait, l’Ile de Lumière servit surtout de bateau hôpital, au large de l'île malaise de Poulo Bidong où s'entassaient des dizaines de milliers de réfugiés. L’Ile de Lumière bénéficie d'une ample couverture médiatique qui fait connaitre Kouchner au grand public.

C'est à cette occasion que Kouchner est mis en minorité au congrès annuel de MSF qui se tient à Paris en juin 1979. Le président sortant Claude Malhuret ne cite pas l’Ile de Lumière dans son rapport moral, met en avant le succès des opérations à long terme en Thaïlande ou en Ogaden et s'en prend à l'indiscipline des kouchnériens « On ne peut pas faire des coups spectaculaires seuls ». Malhuret réclame aussi l'anonymat dans les missions. Kouchner se défend en dénonçant « les bureaucrates de la charité, les technocrates de l'assistance ». Le rapport de Malhuret est approuvé par 80 voix contre 30 et une vingtaine d'abstentions. Kouchner quitte définitivement MSF pour fonder Médecins du monde en 1980.

Compagnon de route des socialistes (1986-2007)

Après l'accession au pouvoir de François Mitterrand en 1981, on trouve un certain nombre d'anciens « Italiens » de l'UEC dans les cercles du pouvoir. Parmi eux, Roland Castro qui présente Kouchner à Mitterrand. Kouchner mène alors campagne dans les institutions internationales pour la reconnaissance du droit d'ingérence, notion développée à l'origine par Jean-François Revel.
En 1987, le président Mitterrand et son premier ministre Jacques Chirac honorent de leurs présences un colloque organisé par Kouchner sur le thème du « Droit et morale humanitaire ». Les deux hommes soutiennent l'idée du devoir d'ingérence défendu par Kouchner. « J'ai noté une belle formule, une belle expression du docteur Kouchner : la morale de l'extrême urgence… » aurait glissé le président Mitterrand. À cette époque, Chirac, premier ministre s'affiche beaucoup plus favorable au droit d'ingérence que le président Mitterrand. Il a créé dans son gouvernement un poste de « secrétaire d'état aux droits de l'homme » confié à Claude Malhuret que Kouchner considère toujours comme un usurpateur depuis sa prise de pouvoir de MSF en 1979.

À la veille de l'élection présidentielle française de 1988, deux jours avant le premier tour, dans un texte cosigné par Bernard-Henri Lévy paru dans Le Monde, Kouchner prend position pour le candidat Mitterrand tout en exprimant une vision politique qui se veut moderniste et qui n'est pas forcément celle qui domine au sein du Parti Socialiste.

« Et si la gauche française entrait enfin, avec quelques décennies de retard dans le XXe siècle? Et si, sans perdre pour autant son âme […] elle s'apprêtait à rompre pour de bon avec ce corpus philosophique et culturel poussiéreux, qui la tenait prisonnière du siècle précédent et qu'on appelait le socialisme ? C'est ce pari, qui aujourd'hui, nous anime ».

Bernard Kouchner qui caracole dans le peloton de tête des sondages de popularité des personnalités françaises est nommé secrétaire d'état chargé de l'insertion sociale dans le premier gouvernement Rocard. Ceci ne le met pas à l'abri d'un échec électoral cuisant auquel il doit faire face dans la 20e circonscription du Nord aux législatives de 1988 qui suivent la présidentielle de moins de deux mois. Il est parachuté par le parti socialiste dans un bastion communiste. Il arrive loin derrière son adversaire communiste Alain Bocquet et son score est bien inférieur à la moyenne socialiste dans le département. Alors qu'il hésite à se maintenir au deuxième tour en tentant de rallier les voix centristes pour battre le candidat communiste, il est contraint, après le retrait de son suppléant socialiste, d'accepter la discipline de parti et de se retirer.

Malgré cet échec électoral, Bernard Kouchner conserve son poste au gouvernement à l'encontre de la tradition républicaine qui veut qu'un ministre battu à une élection législative présente sa démission, tradition à laquelle se conforment pourtant à la même date Georgina Dufoix et Catherine Trautmann. La raison invoquée sera qu'au contraire des deux précédentes, il n'était pas député sortant. Il fit ensuite partie de presque tous les gouvernements socialistes de 1988 à 2001 : secrétaire d'État chargé de l'Action humanitaire dans le deuxième gouvernement Rocard, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, chargé de l'Action humanitaire dans le gouvernement Cresson, ministre de la Santé et de l’Action humanitaire dans le gouvernement Pierre Bérégovoy, secrétaire d'État puis ministre délégué chargé de la Santé dans le gouvernement Jospin. En 1988, il est considéré comme trop incontrôlable par Mitterrand pour prendre en charge le ministère de la santé. Il se constitue un cabinet pléthorique dans lequel des anciens copains d'Actuel comme Patrick Rambaud côtoient le juriste Mario Bettati qui a donné des bases juridiques théoriques au droit d'ingérence et des grands professeurs de médecine comme Alexandre Minkowski.

Avec ses fonctions de secrétaire d'état à l'action humanitaire, la vie de Bernard Kouchner reste ponctuée de déplacements dans les régions du monde troublées. En 1989, il a ainsi l'occasion de se rendre au Soudan où il franchit la frontière sans l'autorisation du gouvernement de Khartoum en vertu de la résolution 43/131 portant « droit d'accès aux victimes des catastrophes naturelles et des situations d'urgence du même ordre » qui avait été votée par l'Assemblée générale de l'ONU en décembre 88 sur proposition de Kouchner au nom de la France. Il s'embarque également avec un hôpital mobile au Salvador où une guerre civile a éclaté. Il est également en Roumanie au moment de la chute de Ceaucescu et au Libéria, à Monrovia complètement anéantie par la guerre civile.

Le 28 juin 1992, Kouchner, alors ministre de la santé et de l'action humanitaire, accompagne le président Mitterrand à Sarajevo. Pierre Péan a écrit que c'est à cette occasion qu'il a gagné la confiance de Mitterrand et qu'il a bénéficié dans les huit derniers mois du gouvernement Pierre Bérégovoy d'un statut de « ministre-bis des Affaires Étrangères ». Péan ajoute qu'il avait pris le pas sur le ministre en titre Roland Dumas et aussi sur le ministre de la défense, Pierre Joxe. Ainsi, c'est contre l'avis de Joxe qu'il aurait engagé la France dans l'intervention militaro-humanitaire de Somalie en décembre 1992. Kouchner avait inspiré une campagne de collecte de riz dans les écoles le 20 octobre 1992 et le 5 décembre, il est présent sur les plages somaliennes devant les caméras de télévision et son image, sac de riz à l'épaule fera le tour des médias.

Ministre à part entière, à la Santé, en 1992 dans le gouvernement Pierre Bérégovoy, Kouchner consacre une partie de son énergie à répandre les traitements antidouleur dans les établissements hospitaliers français. Il met également en route une loi sur la bioéthique que les responsables de la Santé firent plus tard aboutir dans le Gouvernement Balladur, Simone Veil et Philippe Douste-Blazy. En 1997, Kouchner supporta mal la tutelle de Martine Aubry, alors qu'il n'est plus que secrétaire d'État chargé de la Santé dans le gouvernement Jospin. Martin Hirsch est alors son directeur de cabinet. Il quitte le gouvernement en 1999 pour accomplir sa mission d'. Lorsqu'il reprend son poste en 2001, il doit faire face à la crise de la vache folle. Il fait également voter la loi qui porte son nom sur le Droit des malades.

En 1993, après la victoire de la droite aux élections législatives, Kouchner crée la Fondation pour l’action humanitaire qui s'investit notamment dans la lutte contre le SIDA et l'installation de boutiques d'accueil pour les SDF. Bien que n’étant pas membre du PS, il est élu en 1994 sur la liste européenne du parti socialiste conduite par Michel Rocard après avoir annoncé le 3 octobre 1993 la constitution d'une liste indépendante. Selon Michel-Antoine Burnier, il commet alors une gaffe et une erreur politique. La gaffe consiste à se vanter, au soir des élections, de n'avoir pas voté pour sa propre liste. L'erreur politique consiste à adhèrer en 1996 au Parti radical de gauche rebaptisé « Radical », sur les traces de Bernard Tapie. Il y prend le titre de « président délégué à l'innovation politique » . Il s’est prononcé, à titre personnel, en faveur de la réforme Juppé de la Sécurité sociale. Il préside l'association Réunir et est à la fois proche de Michel Rocard et de Lionel Jospin. Il subit un nouveau grave échec lors d'une élection législative partielle en 1996 à Gardanne où il tentait de prendre la succession de Bernard Tapie, lequel avait été déchu de son mandat et où il est encore une fois devancé par un communiste, Roger Meï. Un ultime essai de parachutage l'année suivante en Lorraine ne fit pas long feu devant le ferme refus des militants socialistes locaux. Il adhère au PS le 6 octobre 1998.

Haut représentant de l'ONU au Kosovo (1999-2001)

De janvier à mars 1999 se tint près de Paris, sous l'égide de l'OTAN, la Conférence de Rambouillet, réunissant les représentants de la République fédérale de Yougoslavie dirigée par Slobodan Milošević et des représentants des Albanais du Kosovo, notamment l'UÇK, pour tenter de trouver une solution à la Guerre civile du Kosovo. La conférence n'aboutit pas, et le 24 mars, l'aviation de l'OTAN commence à bombarder la Serbie pour contraindre Milošević à retirer les troupes serbes du Kosovo. Pour Bernard Kouchner, alors secrétaire d'État à la Santé, il s'agit d'une victoire :

« Combien de fois l'avons-nous espéré : un jour viendra […] où nous pourrons dire à un dictateur : « Monsieur le dictateur, nous allons vous empêcher d'opprimer, de torturer, de massacrer vos populations. » Cette intervention dans l'ancienne Yougoslavie, nous l'avons réclamée dès 1991 […] et pour le Kosovo, depuis huit ans. »

Il faut attendre le 10 juin pour que Milošević cède et retire ses troupes du Kosovo. 45 000] soldats de l'OTAN s'installent alors au Kosovo. Le ministre français des Affaires étrangères de l'époque, Hubert Védrine, ne partage pas les idées de Kouchner sur le droit d'ingérence mais a l'idée de proposer Kouchner pour diriger la Mission d'administration intérimaire des Nations Unies au Kosovo (MINUK). Finalement, le 2 juillet, Kofi Annan, Secrétaire général des Nations Unies, annonce la nomination de Bernard Kouchner comme Haut-représentant du Secrétariat général des Nations unies au Kosovo.

Bernard Kouchner a ainsi administré le Kosovo en tant qu'Haut représentant de l'ONU de juillet 1999 à janvier 2001. Cette mission faisait suite au vote de la résolution 1244 du conseil de sécurité qui autorisait l'établissement d'une autorité « administrative internationale civile », autrement dit la MINUK.

Pendant dix-huit mois, il applique la politique de l'ONU consistant à créer une administration et un système politique pour combler les lacunes laissées par la séparation de la Serbie et à remettre sur pied une économie anéantie par les trois ans de la guerre. Cette politique aboutit à des élections municipales à la fin de l'an 2000.

Bernard Kouchner a par la suite été un candidat malheureux à différents postes à hautes responsabilités au sein des Nations unies : Haut commissaire aux réfugiés (HCR) en 2005, et directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) en 2006.

Le socialiste marginal (2002-2007)

Bernard Kouchner, le 17 mai 2006.

Le 6 février 2001, il est nommé Ministre de la Santé dans le gouvernement Jospin. Il reste à ce poste jusqu'au 7 mai 2002. Il donne en particulier son nom à la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé.

« Que faire et comment gagner sa vie quand on n'est plus ministre, ni député ni fonctionnaire ? » C'est la question que pose Michel-Antoine Burnier en évoquant la situation de Bernard Kouchner en 1993 après la victoire électorale de la droite. La même question se pose à nouveau après la défaite de Jospin aux présidentielles de 2002. Et Burnier d'expliquer qu'en 1993, la candidature de Kouchner à un poste de professeur de médecine humanitaire à l'hôpital Cochin a été bloquée par le professeur Bernard Debré qui déclara qu'il ne suffisait pas d'avoir sa carte au PS pour devenir professeur, qu'en 2002 il est parti enseigner six mois à l'école de santé publique d'Harvard et qu'à son retour à Paris, en 2003, il devient titulaire de la chaire Santé et Développement au CNAM. Burnier souligne que Kouchner est alors beaucoup plus disponible pour s'occuper de ses enfants dont les aînés sont déjà engagés dans la vie active et dont le dernier va passer le bac. En 2009, un pamphlet de Pierre Péan porte à la connaissance du grand public que Kouchner a également exercé une activité de consultant rémunérée en proposant ses services auprès de grands groupes comme Pfizer ou Total ou auprès de gouvernements africains comme celui du Gabon ou du Congo. En fait, son avaient déjà fait l'objet d'une controverse publique en 2003.

Bernard Kouchner est longtemps resté à l'écart de la vie politique du Parti socialiste et a pris des prises de position publiques en contradiction avec son propre camp politique : militant socialiste, il est favorable à certaines mesures conduites par la droite comme le contrat nouvelle embauche, ou l'ouverture du capital d'EDF. Il se décrit lui-même comme un militant de gauche de tendance sociale-démocrate.

Le 11 janvier 2006, il se dit « candidat à des primaires à l'italienne » pour l'élection présidentielle de 2007.

En 2004, François Hollande, premier secrétaire du parti socialiste nomme Kouchner « secrétaire national pour l'innovation sociale et politique », plus pour l'attacher que pour l'écouter, précise Burnier. Dans un sondage de popularité IPSOS Le Point d'octobre 2005, Kouchner arrive en tête des personnalités pour lesquelles les Français aimeraient voter, juste devant Sarkozy. Dès lors, Kouchner va se mettre en posture pour devenir candidat aux présidentielles de 2007, mais à la fin de l'été 2006, devancé dans les sondages par Ségolène Royal, il doit se faire à l'idée de renoncer à sa candidature. Toutefois, le site Bernardkouchner2007 poursuit son existence jusqu'à l'élection présidentielle. En décembre 2006, Bernard Kouchner indiqua qu'il se verrait bien ou pourquoi pas dans un gouvernement d'union nationale si Nicolas Sarkozy était élu, tout en réaffirmant sa fidélité au Parti socialiste.

En février 2007, il rejoint l'équipe de campagne de la candidate socialiste Ségolène Royal tout en prônant l'ouverture politique comme la propose François Bayrou. Dans cette logique, et suite à l'appel de Michel Rocard pour un accord PS-UDF, il prend position pour un rapprochement avant le premier tour entre Ségolène Royal et François Bayrou, dans une interview accordée au Journal du dimanche du 15 avril 2007.

Ministre des Affaires étrangères (depuis 2007)

Le 18 mai 2007, bien que membre du Parti socialiste, il accepte de participer au gouvernement François Fillon I, en tant que ministre des Affaires étrangères et européennes. Le PS, par la voix de son premier secrétaire, a aussitôt précisé qu'une procédure d’exclusion à son encontre sera enclenchée rapidement. Après cette exclusion, Bernard Kouchner n'a pas rejoint d'autre parti politique.

Bernard Kouchner a signé un article intitulé « Pourquoi j'ai accepté » et publié dans l'édition datée du 20 mai 2007 du journal Le Monde, où il s'explique sur son ralliement à un gouvernement de droite en se revendiquant social-démocrate. Ses prises de position ultérieures en politique intérieure sont parfois critiquées à l'intérieur de son nouveau camp. Début mai 2009, il déclara ne pas savoir encore pour qui il allait voter aux élections européennes du mois suivant ; devant la polémique et les pressions, il fit machine arrière tois jours plus tard en affirmant son soutien à la liste de la majorité conduite par Michel Barnier.

Il se rend en Irak pour un voyage officiel de trois jours, le 19 août 2007. Le ministre est le premier haut responsable français à y aller depuis l'invasion américaine de mars 2003, à laquelle la France s'était opposée. Il y rencontre des représentants de toutes les communautés, y compris celle des catholiques chaldéens, et suggère une piste de travail [qui] pourrait être un partenariat entre trois « piliers » : « Les Américains parce qu'ils sont là, un gouvernement irakien peut-être un peu plus habile que celui qui existe actuellement et les Nations unies avec une présence élargie ». À cette occasion, il formula des excuses au gouvernement irakien pour avoir proclamé dans le pays qui l'invitait : Beaucoup de gens pensent que le premier ministre devrait être changé. Mais je ne sais pas si cela va se produire, parce qu'il semble que le président (George W.) Bush est attaché à M. Maliki. Mais le gouvernement ne fonctionne pas..

Bernard Kouchner déclare le 16 septembre 2007 que la crise du nucléaire iranien impose de « se préparer au pire » qui est « la guerre ».

Dans le cadre de ses fonctions, en novembre 2007, Bernard Kouchner accompagne la politique étrangère de la France vis-à-vis de l'Allemagne, en enregistrant avec Frank-Walter Steinmeier, le ministre des Affaires étrangères et vice-chancelier allemand, dont il partage la spiritualité, et le chanteur allemand Muhabbet une chanson dont l'objectif est de promouvoir la compréhension et l'amitié des Allemands envers la communauté germano-turque. Cet acte inhabituel, quoiqu'officiel, est accompli en parallèle de la visite du président français dans le pays.

Bernard Kouchner se bat pour aider les réfugiés du Darfour, lors de son arrivée à ses fonctions de ministre des Affaires étrangères, il dit vouloir y ouvrir un couloir humanitaire. La guerre civile du Darfour, région riche en ressources naturelles, aurait fait 300 000 morts et 2,7 millions de déplacés selon l'ONU. Le docteur Denis Lemasson, de Médecins sans frontières, voit cela comme un mélange entre approches militaire et humanitaire, qui pourrait nuire à la sécurité des acteurs humanitaires sur le terrain.

Bernard Kouchner et le président de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, le 21 mai 2008

L'association Arche de Zoé, tente d'emmener en France des enfants du Tchad, les présentant comme orphelins du Darfour. Les membres de l'association sont arrêtés et inculpés par la justice tchadienne d'« enlèvement de mineurs en vue de compromettre leur état civil » et d'« escroquerie ». Éric Breteau, un des principaux organisateurs de l'association, accuse Bernard Kouchner, alors ministre des Affaires étrangères, d'être impliqué dans l'affaire.

Arnaud Montebourg l'accuse de ne jouer qu'un « tout petit rôle de figurant » après que le ministre a été plusieurs fois contraint de s'effacer derrière la cellule diplomatique de l'Élysée. Selon le député UMP, Claude Goasguen, le ministère n'est pas dirigé par Kouchner, mais par Nicolas Sarkozy.

En décembre 2008, Bernard Kouchner estime avoir eu tort de demander un secrétariat d'État aux droits de l'homme : « Je pense que j'ai eu tort de demander un secrétariat d'État aux Droits de l'Homme. C'est une erreur. Car il y a contradiction permanente entre les droits de l'homme et la politique étrangère d'un État, même en France ». À contre-courant de son image d'humanitaire, ces déclarations lui font perdre aussitôt 10 points d'opinions positives.
Le poste de secrétaire d'État aux droits de l'homme disparaît lors du remaniement du printemps suivant.

À compter du 4 juillet 2010, il assure les fonctions d'Alain Joyandet, secrétaire d'État à la Coopération et à la Francophonie démissionnaire.

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