Bastide (ville) - Définition

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Fondation d'une bastide

La fondation d'une bastide se fait par un certain nombre d'étapes :

  • le choix de l'emplacement,
  • le choix du nom de la bastide. Les noms des bastides sont construits étymologiquement sur 5 racines :
    • du nom du sénéchal les ayant fondées,
    • de l'autorité royale,
    • rappelant des villes extérieures ou étrangères,
    • ressemblant aux noms de villes plus anciennes (racines latines),
    • marquant leur origine ou leurs privilèges,
  • le contrat de paréage entre les seigneurs co-propriétaires,
  • la conception du plan de la ville,
  • la charte de coutumes.

Emplacements des bastides

Ainsi pour le choix de l'emplacement, deux conditions sont indispensables : disposer d'une assise foncière suffisante et être détenteur de l'autorité nécessaire. D'où le recours fréquent aux contrats de paréage, associant seigneur foncier et détenteur de l'autorité publique. Puis les coutumes et libertés fixent les conditions de la vie sociale. D'autre part, l'urbanisme de ces bourgs se caractérise souvent par l'adoption de plans de rues orthogonales (différent selon le moment, la situation topographique ... ) résultat d'une intervention volontaire. À l’origine confondue avec le castrum, la bastide s’en différencie rapidement par un faisceau original de caractères : l’origine (fondations princières, paréages), l'époque (seconde moitié du XIIIe siècle), la forme (plans en grille centrés sur la place du marché), l’ampleur (vocation de lieu central).

Nom des bastides

La désignation d'un nom pour chaque nouvelle bastide semble correspondre à une intention très déterminée, soit pour inciter les populations à venir, soit pour laisser une empreinte dans l'histoire. Les noms se répartissent en plusieurs catégories, toutes à caractère délibéré :

  • en rapport avec les fondateurs, à l'instar de Montréjeau ou Villeréal pour le caractère royal du fondateur, ou plus simplement encore résultant du patronyme du fondateur comme pour Beaumarchés (Eustache de Beaumarchès) ou Libourne (Roger de Leyburn),
  • en rapport avec des villes étrangères, visitées par les seigneurs lors de croisades ou de guerres lointaines. Pavie, Fleurance (pour Florence), Grenade, Cordes (pour Cordoue), Tournay (pour Tournai en Flandres) ainsi que Bruges et Gan, sont quelques exemples de noms exprimant sans doute une fascination et un certain exotisme à l'époque,
  • en rapport avec un caractère du site choisi, comme Monségur ou Montastruc, précisant le caractère défensif ou agréable de l'endroit,
  • en rapport avec les avantages, comme pour Villeneuve et Labastide, noms fixant immédiatement le statut de la nouvelle fondation.
  • en rapport avec un toponyme, comme Saint-Aulaye dont le nom vient de Sainte-Eulalie.

Contrat de paréage

La première nécessité pour fonder une bastide est de posséder le sol. Mais le droit médiéval était complexe. On rencontre souvent, un contrat de paréage établi préalablement entre deux autorités, civile et ecclésiastique. Ce contrat signé devant notaire fixe le statut juridique et fiscal de la bastide. Il prévoit aussi ce qu'il adviendra si la bastide est un échec ou si elle croît.

Il existe au Moyen Âge plusieurs niveaux de propriété du sol, comportant divers droits qu'un seigneur pouvait détenir ou partager :

  • la seigneurie éminente, ou supérieure, droit de protéger et de rendre la justice (haute et/ou basse) ;
  • la seigneurie honorifique, qui correspond au pouvoir spirituel et auquel correspond, en principe, le prélèvement des dîmes ;
  • la seigneurie utile, comportant le droit d'administrer, c'est-à-dire de louer ou de percevoir des impôts (cens, péages et redevances diverses).

Souvent la terre est détenue en indivision, un seigneur possédant tous les droits à la fois sur une même terre étant très rare.

Au moment de la fondation des bastides, il faut tenir compte de ces propriétés du sol. Dans des bastides comme Revel ou Montréal-du-Gers, le roi est le seul seigneur laïc. La fondation en est donc grandement facilitée. Mais ailleurs de longues tractations entre les co-seigneurs doivent avoir lieu. De plus, quelquefois des constructions existent déjà sur les terres choisies pour fonder une bastide, par exemple des granges.

Le contrat de paréage définit les droits des divers seigneurs et prévoit les limites de la bastide et ce qui y sera fait à l'intérieur :

  • nombre de maisons, de jardins, de terres cultivables
  • taille des parcelles
  • les bâtiments civiques et religieux et leur défiscalisation.

Cependant le contrat de paréage ne fixe pas le statut des forêts et pâturages autour de la ville (propriété collective ou répartition égale entre les nouveaux venus). C'est à la nouvelle communauté de le décider. De plus, il ne fait d'aucune manière allusion au plan de la nouvelle ville.

Cérémonie de fondation

Pour célébrer la fondation d'une bastide, une manifestation est organisée par le fondateur sur le site choisi en réunissant les représentants du (ou des) fondateur(s) et les notables. Évêques, notaires, juges et seigneurs locaux s'y retrouvent avec des gens du peuple, ces derniers étant le plus souvent les futurs habitants de la bastide fondée. Lors de cette cérémonie - appelée fixatio pal -, un long pieux – le pal - avec les armoiries du fondateur, est planté dans le sol. Cet événement est cité dans plusieurs textes fondateurs de l'époque, comme des contrats de paréage. C'est l'occasion aussi de faire lecture publique à voix haute de la charte de coutumes (quand elle existe à ce moment-là) à la population présente. Des crieurs publiques continuent cette lecture dans la campagne environnante de la bastide, pour informer les absents ou les indécis.

Charte de coutumes

Afin qu'une population vienne peupler la bastide nouvellement créée, il faut attirer des familles de paysans en établissant une charte de coutumes, qui énumère les privilèges accordés aux habitants (ou poblans). Elle est d'ailleurs présentée comme une simple liste, sans ordre apparent, comme si on en rajoutait de temps en temps pour attirer de nouveaux habitants, ce qui était sûrement d'ailleurs le cas.

Ces privilèges étaient de 3 sortes :

  • des allègements fiscaux,
  • des mesures judiciaires,
  • des mesures honorifiques.
Place de Labastide d'Armagnac (Landes)

Tous ces avantages donnés aux habitants, l'égalité pour ce qui est de la distribution des terres et la quasi-égalité juridique dont bénéficient les nouveaux bourgeois peuvent faire apparaître les bastides comme des terres de liberté et d'égalité. Mais elles n'avaient pas du tout ce but-là. Elles ne cherchaient pas à remettre en cause le droit féodal, ni à créer un désordre. Il ne s'agit que d'ajustements locaux afin d'améliorer le rendement économique et fiscal de terres sous-exploitées.

Si les habitants paraissent libres, ils ne jouissent en fait que d'un régime économiquement libéral. S’ils paraissent égaux, ce n'est qu'une égalité des chances à leur installation. De toute façon, l'inégalité et l'absence de libertés individuelles proviennent surtout de l'état de la société médiévale.

D'ailleurs, pour permettre l'établissement de ces privilèges, les bastides ont dû refuser l'établissement en elles de classes ayant déjà des obligations ou privilèges, incompatibles avec ceux-ci. Ainsi, les serfs, les nobles et les religieux sont interdits d’installation dans la ville . Certains petits nobles vont préférer troquer leur titre de noblesse contre celui plus lucratif de bourgeois et faire don de leurs terres à la bastide.

Si les hommes et les femmes ont des statuts différentiés, on remarque que les femmes possèdent une pleine capacité juridique dès lors qu'elles sont chef de famille (veuves): elles contractent, achètent, vendent, testent, administrent des commerces, votent pour élire les consuls.

Les lépreux ne sont pas bienvenus dans les bastides. Des léproseries les accueillent dans quelques bastides mais ils sont de toute façon exclus de la société. Ils sont obligés de porter un insigne montrant qu'ils sont malades et ils doivent vivre à part des personnes saines. La législation de la Gascogne entre 1290 et 1326 dit même : « Dans les bastides ou nouveaux villages où ne se trouve pas une léproserie, les lépreux ne peuvent recevoir l'aumône. »

Les juifs ne font pas l'objet de mesures explicites d'exclusion des bastides, mais il n'est pas non plus prévu de quartier particulier qui leur permettrait d'y vivre en communauté religieuse séparée, comme c'est le cas avec les judearia dans les anciennes villes (avant leur bannissement du royaume à partir de 1306 par Philippe le Bel). D'autre part, il faut garder à l'esprit que la cohésion sociale de ces villes nouvelles qui rassemblent des familles étrangères de provenance diverses est fondée sur la paroisse catholique et sur le calendrier des fêtes religieuses.

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