Le Moabi ou Baillonella toxisperma est un grand arbre poussant dans les forêts tropicales humides d'Afrique. Il appartient à la famille des Sapotaceae. C'est l'unique espèce du genre Baillonella
C'est une espèce « multi-usage » traditionnellement utilisée par diverses populations africaines. Il est également commercialement exploité par des exportateurs de bois tropicaux.
Habitat et répartition
Le moabi ne pousse que dans les forêts tropicales humides d'Afrique, entre le Nigeria et la République démocratique du Congo. Sauf s'il est planté en pleine lumière, ou qu'il bénéficie d'une trouée de lumière (chablis), il croît d'abord très lentement à l'ombre de la canopée jusqu'à ce qu'il accède à la lumière (à un diamètre d'environ 40 cm). Puis il connait une croissance accélérée, avant un ralentissement au débur de sa maturité (130 cm de diamètre) et durant celle-ci. Il domine alors la canopée, ce qui le rend plus facile à repérer pour l'abattre.
Usages
Son bois est exploité (et essentiellement exportés), surtout au Cameroun et au Gabon où la production était en forte croissance (40 000 m3 en 1998 uniquement pour le Gabon) et, dans une moindre mesure, en Guinée équatoriale et en République du Congo à la fin du XXème siècle.
Les fruits charnus et leurs grosses graines riches en lipides sont ou étaient appréciées de nombreux mammifères : chimpanzés, potamochères, éléphant ... Mais en fait les disséminateurs efficaces de cette espèce sont peu nombreux : ce sont principalement l'éléphant, le rat d'Emin (et l'homme ? Il semble qu'à proximité des villages, la régénération soit plus dynamique).
Un second bouillon fournit une sorte de graisse végétale crémeuse, proche du beurre de karité, utilisée comme cosmétique par les femmes.
Description
Poussant jusqu’à 70 m de hauteur, pour un diamètre de 5 m voire plus, il présente un fût droit et cylindrique, s'évasant légèrement à la base, c'est l'un des plus grands arbres africains. On estime qu'il met environ 600 ans pour atteindre une hauteur de 60 m et qu'il lui faut environ 260 ans pour atteindre un diamètre de 1m. À maturité, sa large cime en parasol surplombe la canopée.
Importance économique et culturelle du moabi
Importance culturelle
Le moabi est un arbre particulièrement important pour les populations locales, ce qui explique qu'il est un motif de conflit avec les compagnies d’exploitation forestière, surtout au Cameroun.
Pour les villageois Bantous et les pygmées Baka, le moabi revêt une importance économique, culturelle et médicinale particulière.
Les chasseurs bakas utilisent les grands moabis comme points de repère pour s’orienter en forêt mais également pour devenir... invisibles ! Lors d’une cérémonie traditionnelle dite « yeyi », les sorciers réduisent en poudre des fragments d'écorce de moabi et concoctent une potion de camouflage dont les chasseurs se recouvrent le corps pour devenir invisibles aux animaux.
Des enquêtes ethnobotaniques ont été conduites en 1994 et 1996 par le chercheur Jean Lagarde Betti dans le cadre du programme Ecofac mené dans la réserve du Dja au Cameroun. Près de 350 espèces végétales permettent le traitement de plus de 77 maladies ou symptômes, dont le moabi, cité pour 50 utilisations différentes.
De nombreux lieux-dits évoquent le moabi. Ainsi au Gabon, le chef-lieu du département de Doigny se nomme-t-il Moabi
Importance économique
Les fruits, l'huile ou le beurre végétal qu'on peut produire à partir du moabi
L’énorme fruit du moabi (environ 20 cm de diamètre) est un régal apprécié des hommes comme des animaux. L'amande contenue dans le fruit est extrêmement toxique si consommée crue (d’où son nom d'espèce toxisperma = « à fruit toxique ») mais une fois pilée, bouillie et pressée, les femmes en extraient une délicieuse huile alimentaire riche en acide palmitique. De son écorce sont également extraits des remèdes médicinaux.
Avec les graines des fruits, les villageois produisent une huile proche de l’huile de Karité qui peut être ou consommée ou vendue. Sur les marchés camerounais, la demande en huile de Karité est plus élevée que l’offre et la vente de l’huile du moabi est une source importante de revenus. Les estimations faites au milieu des années 1990 indiquaient que les revenus de l'huile sur de 10 à 15 ans dépassent déjà les revenus qui auraient été fournis par la coupe et vente du bois pour un arbre de 100 cm de diamètre (soit environ 9 m3 de bois). Le bois de moabi était alors vendu à environ 150 €/m3, soit environ 1.350 € par arbre de 1m de diamètre. Le moabi produit une bonne fructification environ tous les 3 ans fournissant alors environ 150 L d’huile (vendue environ 1,8 € vers 1995) garantissant une rente de 270 € environ tous les 3 ans. En 15 ans, les revenus de l'huile dépassent déjà ceux de l'abattage d’un arbre de 260 ans Sa valeur non-ligneuse est non seulement reconnue par les marchés locaux mais aussi par l’industrie cosmétique qui a montré son intérêt pour cette huile.
Le moabi a aussi une valeur sur les marchés internationaux du bois et la demande de l’Europe méridionale est particulièrement élevée. Cependant, en termes relatifs le moabi ne constitue pas une part majeure des revenus des compagnies et des exportations du pays. Au Cameroun, le moabi représente 10% de la production totale des compagnies forestières et entre 3,4 et 5% de la valeur totale des exportations de grumes de l’ensemble des essences. Le Cameroun a produit 33 000 m³ en 1997 et 35 000 m³ en 1998. Au Gabon (1er exportateur de moabi), les exportations ont augmenté de façon considérable récemment passant de 26.052 m³ en 1996 à 39.724 m³ en 1998. Le moabi y était l'une des 4 essences les plus coupées et exploitées en 2003 En Guinée Equatoriale la production est aussi en hausse et les estimations indiquent qu’elle a doublé, passant de 1.000 m³ au début des années 1990 à 2.000 m³ en 1999.
La filière moabi fait ainsi vivre des centaines d'employés et leurs familles, en particulier au Gabon et au Cameroun. La filière bois est souvent en zone forestière africaine la principale source d'argent, via les salaires versés, la construction ou l'entretien d'infrastructures.