Atlantide - Définition

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Introduction

L’Atlantide (du grec ancien Ἀτλαντὶς / Atlantìs, sous-entendu νῆσος / nễsos, « île », c'est-à-dire « île d'Atlas ») est une île qui aurait été engloutie dans la pré-Antiquité. Elle est mentionnée pour la première fois par Platon dans le Timée puis le Critias.

Carte fantaisiste de l'Atlantide de: Athanasius Kircher, Mundus Subterraneus, (1665)

Origine

Rapportée dans deux dialogues de Platon, à une date où celui-ci est déjà âgé, vers 357 av. J.-C., l'histoire de l'Atlantide a soulevé de nombreuses questions, de nombreux débats et a été l'objet de milliers d'ouvrages, si bien qu'on a pu la présenter comme le plus grand de tous les mystères.

Pour qui accorde de la véracité au récit de Platon, il résonne depuis près de 2 370 ans comme un avertissement sur l'incroyable pérennité des connaissances humaines d'une histoire qui se serait transmise sur plus de 11 600 ans. Ainsi le géologue Jacques Collina-Girard a étudié les possibilités d'une transmission orale de lointains événements historiques et géologiques. Heinz-Günther Nesselrath, lui a cependant objecté que les cas attestés de telles transmissions orales ne correspondent jamais à une situation semblable à celle présentée dans le cas de l'Atlantide, où la mémoire des événements aurait été conservé en un lieu et par un peuple très éloigné de la catastrophe initiale.

Mais si Platon précise dans ses dialogues « le fait qu'il ne s'agit pas d'une fiction, mais d'une histoire véritable et d'un intérêt capital » une majorité de livres universitaires s'accordent aujourd'hui à voir le mythe de l'Atlantide comme une fable de Platon. C'est l'opinion qui s'est en effet imposée avec les travaux de Pierre Vidal-Naquet qui n'a pas abordé le mythe de l'Atlantide par les sciences du climat, de la géologie, de l'océanographie mais du point de vue de l'historien et du philologue et de Christopher Gill dans le monde anglo-saxon ou encore de Heinz-Günther Nesselrath en Allemagne. « La narration platonicienne introduit effectivement quelque chose de nouveau : dire le fictif en le présentant comme le réel. Avec une perversité qui lui a valu un immense succès, Platon a fondé le roman historique, c'est-à-dire le roman situé dans l'espace et dans le temps ». Aristote et Ératosthène avaient dès l'Antiquité marqué leur scepticisme face au mythe de Platon. Pour Hervé Duchêne, professeur d'histoire ancienne à l'université de Bourgogne, le procédé rhétorique de Platon, présentant le fictif comme le réel aurait égaré « ceux qui cherchent naïvement dans le Critias et le Timée une réalité historique ou topographique précise ».

La construction de cette fiction s'explique pour Kathryn A. Morgan par la nécessité d'élaborer une vision d’Athènes qui correspond aux idéaux politiques de Platon : l’histoire de l’Atlantide correspond au noble mensonge qui peut servir de récit fondateur à une cité . Pour construire son pastiche historique Platon a donc réutilisé les lieux communs de l'historiographie de son temps. De même, pour Bernard Sergent, chercheur au CNRS, Platon a « fabriqué un mythe » en s’inspirant de motifs puisés dans la mythologie grecque : notamment des mythes de cataclysme et d'engloutissement, la mythologie propre à Poséidon et trois récits de guerre, athénien, béotien et thessalien, enfin il considère la proximité du mythe platonicien et de la trifonctionnalité indo-européenne. Luc Brisson, chercheur au CNRS, traducteur, éditeur et spécialiste des textes de Platon a lui aussi repris l'analyse de Pierre Vidal-Naquet à propos du récit de la guerre entre Athènes et l'Atlantide. Il remarque "beaucoup de lecteurs sont restés insensibles à l'ironie - à la perversité - de Platon, qui ont considéré comme une vérité historique le récit fait par Critias le jeune […] le génie de Platon, dans cette affaire, aura été de montrer à quel point il est difficile, dans la pratique, de distinguer la fiction de la vérité et le sophiste de l'historien et du philosophe". Selon Guy Kieffer, chargé de recherche au CNRS, géographe et géologue qui s'est penché sur les sources de Platon : « Il est maintenant admis que l'Atlantide n'a jamais existé et qu'il s'agit d'un mythe créé par Platon ». Il conclut : « L'Atlantide n'a jamais existé. Elle correspond à une allégorie imaginée par Platon pour donner une leçon de civisme et de bonne conduite à ses concitoyens d'Athènes et dénoncer leur mercantilisme, leur indiscipline, leurs querelles et l'esprit démagogue de leurs mœurs politiques » mais considère que Platon s'est inspiré des réalités géologiques observables en Sicile, plus particulièrement dans la zone de l'Etna, pour donner à son récit une apparence crédible et une précision forte dans ses descriptions.

Ces conceptions sur l'origine fictive du mythe ne sont pas cependant toujours partagées en dehors de la communauté des historiens et archéologues. En effet, des érudits de tous genres, des géographes, et des géologues, continuent leurs études et leurs explorations. Ainsi le géologue-préhistorien Jacques Collina-Girard propose de voir l'Atlantide dans un site géologique avéré près du détroit de Gibraltar, mais à une époque où aucune civilisation sédentaire n'existait. Selon lui seul le récit du cataclysme s'inspirerait de faits réels transmis dans le temps long par la mémoire orale et que la géologie permettrait de retrouver, alors que la description de la civilisation atlante ne serait due qu'à l'imagination de Platon.

Une conférence internationale s’est tenue en Grèce à Milos en 2005 avec pour ambition proclamée de trancher sur la question de l’origine du mythe et de faire le point sur les connaissances récentes. Si le professeur Christos Doumas, historien et archéologue grec, y a soutenu l’idée de la non-existence de l’Atlantide, des indépendants et des chercheurs de diverses disciplines ont présenté diverses hypothèses de localisations sans parvenir à aucun accord sur la localisation définitive de l'Atlantide et ont établi une liste de 24 critères nécessaires à l'identification d'un site avec l'Atlantide. Une deuxième conférence fut organisée en 2008 à Athènes, une nouvelle est prévue à Santorin en 2010.

Récit du Timée

Le philosophe introduit le mythe dans le Timée, au cours d'un récit fait par Critias, un riche Athénien disciple de Socrate et parent de Platon lui-même. Selon Critias, son arrière-grand-père, Dropidès, s'est vu confier par le législateur Solon (VIe siècle av. J.-C.) une confidence que lui-même tenait d'un prêtre égyptien du temple de Saïs.

Aux dires du prêtre,

« En ce temps-là, on pouvait traverser cette mer Atlantique. Elle avait une île, devant ce passage que vous appelez, dites-vous, les colonnes d'Hercule. Cette île était plus grande que la Libye et l'Asie réunies. (…) Or, dans cette île Atlantide, des rois avaient formé un empire grand et merveilleux. »

— trad. Albert Rivaud

Le prêtre entreprend ensuite de narrer la lutte des Hellènes menés par Athènes, puis d'Athènes seule, contre les soldats atlantes venus des îles « du fond de la mer Atlantique », événements qu'il situe 9000 ans avant son époque. Peu après la victoire, des tremblements de terre surviennent à Athènes ainsi que dans l'Atlantide.

« Dans l'espace d'un seul jour et d'une nuit terribles, toute votre armée athénienne fut engloutie d'un seul coup sous la terre et, de même, l'île Atlantide s'abîma dans la mer et disparut. Voilà pourquoi, aujourd'hui encore, cet océan de là-bas est difficile et inexplorable, par l'obstacle des fonds vaseux et très bas que l'île, en s'engloutissant, a déposés. »

— trad. Albert Rivaud

Le Timée donne ensuite une description générale de la civilisation atlante, de son expansion, de la guerre contre Athènes et de la destruction finale de l'Atlantide.

Récit du Critias

Le Critias entre davantage dans les détails, contant l'origine des habitants (nés de l'union de Poséidon et d'une mortelle, elle-même fille d'un autochtone) et leurs mœurs, la géographie de l'île, son organisation sociale et politique. La fin du Critias est perdue. Le récit s'interrompt au moment où Zeus décide de punir les Atlantes décadents.

Si la légende nous semble transmise par Platon, celui-ci ne l'utilise néanmoins qu'accessoirement pour illustrer son propos, qui est le devenir d'Athènes. Il est désormais considéré par un nombre croissant de spécialistes de l'antiquité et de Platon que le récit de l'Atlantide n'est qu'une fiction entièrement élaborée par Platon à partir de références mythologiques nombreuses et de ses idées politiques et philosophiques (voir infra).

Platon a décrit de façon précise l’Atlantide, qu'il présente comme un monde idyllique. On peut en résumer les détails comme suit :

  • L’île est située au-delà des Colonnes d'Hercule, où se trouvent des fonds vaseux, restes de l'île disparue. Depuis cette île, on a accès au continent situé plus loin. À l'époque de Platon, les Colonnes d'Hercule étaient positionnées de part et d'autre du goulet de l'actuel Gibraltar.
  • Le roi éponyme de l'Atlantide est Atlas, fils du dieu de la mer Poséidon et de la nymphe Cleito.
  • L’île est divisée en dix royaumes gouvernés par Atlas et ses neuf frères puis par leurs descendants. Chaque royaume possède sa propre capitale, copiée sur la cité-mère, capitale du royaume d'Atlas, dessinée par Poséidon lui-même. La cité-mère est située autour d’un mont. Elle est circulaire et entourée de fossés navigables.
  • L'île est riche en ressources naturelles, parmi lesquelles figure un métal mystérieux, l'orichalque.
  • La religion des Atlantes était centrée sur Poséidon, le père des dynasties royales, et incluait le sacrifice annuel d’un taureau que l'on devait capturer pour ensuite l'égorger sur un autel en forme de colonne.
  • Les Atlantes deviennent corrompus au fil du temps. Ils fondent par les armes des colonies des deux côtés de leur île, conquérant une partie de l’Afrique jusqu’à l’Égypte, et de l'Europe jusqu'à l'Italie. Athènes est le seul État capable de s’opposer à leur expansion.
  • L’Atlantide, ainsi que l'armée athénienne, ont été engloutis lors d'un immense raz-de-marée associé à des tremblements de terre, en un jour et une nuit. Platon ne donne pas d'explication géologique à cette catastrophe.
  • Ces événements ont lieu 9 000 ans avant l'époque de Solon.

L'Atlantide dans les textes anciens

Contrairement à une idée reçue, l'Atlantide en tant que telle apparaît très peu dans les anciens textes grecs ou latins :

  • Hérodote (v. 484—425 av. J.-C.) parle des Atlantes comme étant les habitants de la région du mont Atlas et tirant leur nom de cette montagne (Enquête, IV, 184-185). Néanmoins rien ne confirme qu’ils aient été autre chose que cela. Il n’y a pas de lien apparent avec Atlantide. L'évocation d'Hérodote n'a donc rien de fantastique. Selon Pierre Vidal-Naquet, Platon a pu s'inspirer du nom de la tribu libyenne donné par Hérodote - le dernier qu'il puisse citer vers l'ouest - pour nommer la cité fictive qu'il imaginait.
  • Thucydide (v. 460 ?—400 av. J.-C.) dans son Histoire de la guerre du Péloponnèse fait remonter l'histoire de la Grèce à la thalassocratie de Minos. Certains peuvent y voir une allusion à l'Atlantide, mais Thucydide ne cite jamais explicitement le mot « atlante » ou "Atlantide".
  • Le Pseudo-Apollodore (IIe siècle av. J.-C.), dans sa Bibliothèque, (II-5 –11 et II-119-120), situe le mont Atlas au pays des Hyperboréens, c'est-à-dire au nord de la mer Noire. Il n'y a pas de raison de lier le mont Atlas à l'Atlantide.
  • Diodore de Sicile, historien grec du Ier siècle av. J.-C., évoque l'Atlantide (Bibliothèque historique, III).
  • Le témoignage de Diogène Laërce (IIIe siècle) nous rapporte une tradition selon laquelle Platon aurait plagié l'œuvre de Philolaos de Crotone pour écrire son Timée. On ne saurait en déduire que Philolaos avait écrit avant Platon l'histoire de l'Atlantide : dans le Timée le récit sur l'Atlantide ne constitue qu'une digression tandis que l'essentiel du dialogue est composée par un exposé cosmologique placé dans la bouche de Timée, c'est à ces conceptions cosmologiques qui auraient été empruntées à l'école pythagoricienne que fait référence Diogène Laërce, reprenant au demeurant ici « une tradition assez communément reçue dans l'Antiquité ». Selon Léon Robin il s'agit là d'une « fable » élaborée par des pythagoriciens pour s'accaparer le platonisme ou des platoniciens soucieux de placer leur maître sous le patronage quasiment légendaire de Pythagore : « de toute façon elle ne mérite aucun crédit ».
  • Selon Proclus (412-485), le philosophe platonicien Crantor (IVe siècle av. J.-C.) avait vu de ses yeux l'histoire de l'Atlantide sur une inscription égyptienne. Selon H.-G. Nesselrath, professeur de philologie classique à l'université de Göttingen, il faut noter la contradiction entre le témoignage de Proclus et celui de Platon - où le prêtre égyptien tient le récit entre ses mains et non pas sur un support épigraphique - et surtout il faut se rappeler que Crantor ne connaissait pas la langue égyptienne ni ne savait lire les hiéroglyphes. Comme Hérodote rapportant avant lui des interprétations erronées sur les monuments égyptiens, Crantor était dépendant de ses informateurs et de ses préjugés : son témoignage ne peut en aucun cas être probant.
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