Nos connaissances sur les instruments utilisés ou fabriqués par les astronomes musulmans du Moyen Âge nous viennent essentiellement de deux sources : d’une part les instruments conservés dans les collections privées et des musées, d’autre part les copies de traités et les manuscrits du Moyen Âge parvenus jusqu'à nous.
Les musulmans tout en perfectionnant les instruments des Grecs et Chaldéens en y adjoignant de nouvelles échelles, inventèrent un arsenal de nouveaux outils d'observation : leur contribution à l’astronomie instrumentale est donc considérable. Beaucoup de ces instruments ont été imaginés ou construits pour les besoins du culte, comme la détermination de la qibla (direction de La Mecque) ou de l’heure des Salah.
On fabriqua des astrolabes en laiton partout dans le monde musulman, et on les utilisait surtout pout trouver la qibla. Le plus ancien spécimen date des années 927-928. On attribue la fabrication du premier astrolabe du monde musulman à Muhammad al-Fazari. Bien que la civilisation hellénistique ait vu naître des astrolabes primitifs qui servaient à cartographier le ciel, al-Fazari l'a considérablement perfectionné. Les Arabes en systématisèrent l'usage et le perfectionnèrent pour déterminer notamment la date du Ramadan, les heures des prières (Salah), la direction de La Mecque (Qibla).
Au Xe siècle, al-Soufi décrivait 1 000 utilisations possibles de l’astrolabe, dans des champs aussi divers que l’astronomie, l’astrologie, les horoscopes, la navigation maritime, la topographie, la mesure du temps, la Qibla, les Salah, etc.
Ibn Yunus releva soigneusement plus de 10 000 positions du Soleil pendant des années en se servant d’un astrolabe d’un diamètre de près de 1,40 m.
Les premiers astrolabes mécaniques à engrenages sont apparus dans le monde musulman, et ont été perfectionnés par Ibn Samh (vers 1020). Un de ces appareils, comportant huit roues dentées fut aussi fabriqué sur les indications d’Abū Rayhān al-Bīrūnī en 996. Ces instruments peuvent être considérés comme les ancêtres des horloges astronomiques mises au point ultérieurement par les ingénieurs arabes.
Le premier astrolabe de navigation est apparu dans le monde musulman au Moyen Âge, utilisait une projection polaire/
Abu Rayhan al-Biruni imagina et composa le plus ancien traité connu sur l’astrolabe orthographique autour de l'an mil.
Les premiers astrolabes étaient utilisés pour déterminer l'heure du lever et du coucher du Soleil et des étoiles fixes. Au XIe siècle, Arzachel d’al-Andalus construisit le premier astrolabe universel : à la différence de ses prédécesseurs, cet appareil ne dépendait plus de la latitude du lieu d’observation : on pouvait l'utiliser n'importe où sur Terre. L’astrolabe universel se répandit en Europe sous le nom grec de « scaphée ». Autre astrolabe, le zouraqi (cf. supra) imaginé par al-Sijzi est le seul conçu pour intégrer un modèle planétaire héliocentrique où c'est la Terre, et non les cieux, qui sont mobiles.
Dans un livre célèbre, al-Tūsī décrit un astrolabe linéaire de son crû, parfois appelé « bâton d’al-Tusi »
Ibn al-Shatir a inventé cet appareil dans la Syrie du XIVe siècle.
On inventa plusieurs calculateurs analogiques pour calculer la latitude du Soleil, de la Lune et des planètes, l’écliptique du Soleil, la date des conjonctions planétaires et aussi pour effectuer des interpolations linéaires.
L’Équatoire était un calculateur analogique inventé par Arzachel dans l’al-Andalus, probablement vers 1015. Cet appareil mécanique sert à trouver les longitudes et positions de la Lune, du Soleil, et des planètes sans calcul. Il s'appuie sur un modèle géometrique rendant compte de la position et de l’anomalie moyenne des astres.
Au début du XIe siècle, Abū Rayhān al-Bīrūnī composa le premier traité sur le planisphère, la plus ancienne carte du ciel, et sur un calculateur analogique primitif.
Abū Rayhān al-Bīrūnī inventa aussi le premier calendrier luni-solaire à calculateur mécanique utilisant un train d’engrenages et huit roues dentées. C'est là un exemple primitif de machine de traitement des données à câblage fixe.
Geber (vers 1100-1150) inventa le torquetum, à la fois instrument d’observation and calculateur analogique permettant de convertir les coordonnées équatoriales. Il permettait de relever la position des astres et de les convertir en trois système de coordonnées: horizontales, équatoriales, et écliptiques.
En 1235, Abi Bakr d’Ispahan fabriqua un astrolabe équipé d'un calendrier mobile à engrenages en s'inspirant du calendrier mécanique d’Abū Rayhān al-Bīrūnī. L’astrolabe à engrenages d’Abi Bakr, qui met en œuvre un train réducteur, constitue la plus vieille machine à engrenages fonctionnelle encore intacte
Au XVe siècle, al-Kashi mit au point une Plaque des conjonctions, calculateur permettant de trouver la date des conjonctions planétaires, et d’effectuer des interpolations linéaires.
Au XVe siècle, ce même al-Kashi proposa un calculateur planétaire mécanique qu’il appela « plaque à orbes », et qui permettait de résoudre graphiquement un certain nombre de problèmes relatifs aux orbites des planètes, dont la prédiction de la longitude vraie du Soleil, de la Lune et des planètes en considérant les orbites comme elliptiques ; les latitudes du Soleil, de la Lune et des planètes ; et l’écliptique du Soleil. Cet instrument comportait aussi une alidade et une règle.
Les Musulmans équipèrent leurs observatoires d’horloges astronomiques de haute précision.
Al-Jazari inventa de monumentales horloges astronomiques à eau qui animaient des effigies du Soleil, de la Lune et des étoiles. La plus grande horloge astronomique représentait le zodiaque et les orbites solaire et lunaire. Innovation supplémentaire, cette horloge comportait dans la partie supérieure d'un panneau une bielle permettant d’ouvrir une trappe toutes les heures.
Taqi al-Din inventa la première horloge astronomique à ressorts, décrite dans un livre intitulé Les plus brillantes étoiles pour la construction d'horloges mécaniques (Al-Kawākib al-durriyya fī wadh' al-bankāmat al-dawriyya, 1556-1559).
Taqi al-Din inventa le premier carillon mécanique à heures fixes, décrite dans l'ouvrage cité précédemment. La sonnerie était déclenchée par une bille sur un cadran à roue.
Taqi al-Din inventa aussi l’« horloge d’observation », qu'il décrit comme « une horloge mécanique à trois cadrans donnant les heures, les minutes, et les secondes. » C'était la première horloge à mesurer le temps en secondes, et il l'utilisa spécifiquement pour mesurer l’ascension droite des étoiles. On considère que c'est l’une des plus importantes innovations d'astronomie pratique du XVIe siècle, dans la mesure où les horloges précédentes n'étaient pas assez précises pour l'astronomie. Il améliora encore cette horloge, comme il l’explique dans son Sidrat al-muntaha, en n'utilisant plus qu'un cadran pour indiquer les heures, minutes et secondes. Il décrit cette horloge d’observation comme « une horloge mécanique à cadran unique affichant les heures, minutes et secondes où nous avons divisé chaque minute en cinq secondes. »
Les astronomes et ingénieurs musulmans inventèrent d'innombrables types de cadrans pour la mesure du temps, et pour calculer les heures des cinq prières.
Les musulmans apportèrent des contributions significatives à la théorie et la fabrication des cadrans solaires, dont le principe leur venait de leurs prédécesseurs indiens et grecs. Al-Khwarizmi composa des tables qui abrégèrent et facilitèrent considérablement la fabrication de ces instruments. Les cadrans solaires arabes pouvaient être utilisés tels quels n’importe où sur Terre. On en plaçait fréquemment au fronton des mosquées pour vérifier l'heure de la prière. L’un des plus beaux spécimens fut fabriqué au XIVe siècle par le muwaqqit (grand horloger) de la mosquée omeyyade de Damas, Ibn al-Shatir. Les astronomes et ingénieurs musulmans furent les premiers à coucher par écrit des instructions sur la construction de cadrans solaires tant horizontaux que verticaux ou polaires.
Comme les anciens cadrans étaient des écrans à style avec des lignes horaires rectilignes, ils marquaient des heures inégales (appelées d’ailleurs « heures apparentes ») qui variaient avec les saisons, chaque jour étant divisé en douze segments égaux : de la sorte, les heures étaient plus courtes l’hiver et plus longues l’été. L’idée de marquer des heures d’égale durée quelle que soit la période l’année est une innovation due à al-Shatir en 1371, suggérée par les découverte en trigonométrie d’Albategnus. Déjà, Ibn al-Shatir savait que « un gnomon parallèle à l'axe de la Terre fait un cadran solaire dont les divisions horaires marquent des heures de durées égales tout au long de l’année ». Son cadran solaire est le plus vieux cadran à axe polaire encore intact. Ce concept est connu de l’Occident dès 1446.
Il s’agit d’un cadran horaire universel inventé au IXe siècle à Bagdad. On l'utilisait pour la mesure exacte du temps avec le Soleil et les étoiles, et il pouvait servir sous n'importe quelle latitude (c’est là son caractère « universel »). L’Europe le reçut à la Renaissance sous le nom de « Navicula de Venetiis », et le considérait comme l'horloge la plus précise.
Au XIIIe siècle, Ibn al-Shatir inventa la boussole à cadran, une horloge combinant un cadran solaire universel et une boussole : il l’utilisait pour trouver l’heure des Salah.
Une sphère armillaire s'utilise de la même façon qu'un globe. Il ne subsiste aucune sphère armillaire provenant des pays arabes, mais plusieurs traités ont été composés sur l’« instrument à bagues ».
Les astrolabes sphériques sont apparus pour la première fois dans le monde arabe. C'était une variante régionale de l’astrolabe et de la sphère armillaire des Grecs, dont seul un spécimen, daté du XIVe siècle, subsiste.
Le premier globe de l’Ancien Monde fut fabriqué dans le monde arabe au cours du Moyen Âge, par des géographes et des astronomes musulmans actifs sous le calife abbasside Al-Mamoun, au IXe siècle.
On utilisa d'abord les globes célestes pour résoudre les problèmes d'astronomie. Aujourd’hui, il subsiste 126 de ces appareils à travers le monde, dont le plus ancien remonte au XIe siècle. À l'aide de cet appareil, on pouvait déterminer la hauteur du Soleil, ou l’ascension droite et la déclinaison des étoiles en marquant la position de l’observateur le long de l'anneau méridien du globe.
Au XIIe siècle, Geber fut « le premier à concevoir une sphère céleste portative pour mesurer et expliquer les mouvements des astres. »
Les globes célestes d’une seule pièce fabriqués par des artisans de l’Empire moghol (à Lahore et dans le Cachemire), sont considérés comme l’un des plus hauts faits de métallurgie et d’artisanat de l’époque moderne. Tous les autres globes connus sont fabriqués par soudure de plusieurs éléments, et encore au XXe siècle, les métallurgistes considéraient qu’il était impossible de faire un globe de métal sans aucun pli de soudure. Mais dans les années 1980, l’archéologue Émilie Savage-Smith découvrit à Lahore et dans le Cachemire plusieurs globes de métal sans soudure. Le plus ancien a été construit au Cachemire par l’orfèvre Ali Kashmiri ibn Luqman en l'an 1589 sous le règne d’Akbar le Grand ; un autre, coulé en l'an 1659 par Muhammad Salih Tahtawi, porte des inscriptions en arabe et en sanskrit ; un troisième a été coulé à Lahore par l'orfèvre hindou Lala Balhumal Lahuri en 1842 sous le règne de Jagatjit Singh Bahadur. Il existe vingt-et-un autres globes de ce genre. Ces orfèvres du moghol avaient su développer une technique de coulée à la cire perdue pour atteindre ce résultat.
Ces globes célestes d’une seule pièce sont sans équivalent : un auteur n’hésite pas à comparer cette prouesse à ce que peut représenter la pyramide de Khéops pour l'architecture.
Les astronomes et ingénieurs musulmans mirent au point toute une variété d’instruments de visée muraux (quadrants et sextants).
Le quadrant à sinus, inventé par Al-Khawarizmi dans le Bagdad du IXe siècle, servait aux calculs astronomiques.
Le premier quadrant horaire qui ne servait que sous certaines latitudes, fut imaginé par Al-Khawarizmi dans la Bagdad du IXe siècle, alors le centre de production de ces instruments. On l'utilisait pour trouver l'heure (surtout les heures des prières) en observant le Soleil et les étoiles.
Le Quadrans Vetus (« vieux quadrant », tel qu'on l’appelait en Europe lorsqu'on le connut, au XIIIe siècle) était un quadrant à temps universel. Cet appareil mathématique ingénieux avait lui aussi été imaginé par Al-Khawarizmi dans le Bagdad du IXe siècle. On pouvait l'utiliser sous n'importe quelle latitude et à n'importe quel moment de l'année pour trouver l'heure à partir de l’altitude du Soleil. C'est, derrière l’astrolabe, le deuxième instrument astronomique le plus répandu au Moyen Âge. Sa principale utilisation dans le monde musulman était le calcul des heures de la Salah.
Ce quadrant–astrolabe, que l’Europe a appelé Quadrans Novus (« quadrant moderne ») est apparu en Égypte au XIe siècle ou au XIIe siècle.
Le premier quadrant à almucantarat est né dans le monde musulman, et se fondait sur les relations de trigonométrie. Le mot « almucantarat » lui-même vient de l'arabe. Le quadrant à almucantarat n'est au départ qu'un astrolabe amélioré.
Le premier sextant, fabriqué à Ray (Teheran), est l’œuvre d’Abu-Mahmud al-Khujandi en 994. Il décrit cet instrument, permettant une très grande précision dans les mesures astronomiques, dans son traité, Sur l’inclinaison de l’écliptique et les latitudes des villes. Au XVe siècle, Ulugh Beg fit construire le « Sextant de Fakhri », d’un rayon d’à peu près 36 m. Il se dressait à Samarkande, en Ouzbékistan, et cet arc édifié avec beaucoup de soin comportait des escaliers de chaque côté pour permettre aux assistants chargés des mesures de se déplacer rapidement.
On trouve la première référence à un « tube d’observation » dans l’œuvre d’Albatenius (853-929), et la première description exacte d’un tel tube est due à al-Biruni (973-1048), dans une partie de son livre « consacrée à la vérification de la présence du croissant nouveau sur l’horizon. » Bien que ces diaphragmes primitifs soient encore dépourvus de lentille optique, ils « permettaient à l'observateur de se concentrer sur une zone du ciel en éliminant les interférences de la lumière. » Ces tubes furent adoptés plus tard dans l’Europe latine, où ils influencèrent le développement de la lunette astronomique.
Pour prouver que « de la lumière est émise de chaque point de la surface éclairée de la Lune », Alhazen fabriqua « un appareil ingenieux » montrant « que l’intensité de la tache de lumière formée sur un écran par la projection de la clarté lunaire à travers deux petites ouvertures diminue constamment à mesure que l’on obture l’un des trous. »
Le premier travail d’optique décrivant une loupe intégrée à un instrument est le Traité d’Optique (1021) composé par Alhazen. Ses descriptions furent reprises en Europe lors des premières recherches sur la réfraction ; quant à ses autres travaux sur la réfraction, les miroirs paraboliques, et ses autres instruments comme la chambre noire, jouèrent également leur rôle dans la Révolution mécaniste.
Taqi al-Din imagina un « appareil pour voir à longue distance », comme il l'affirme dans son Livre de la Lumière de la pupille et de la Vérité des images de 1574 ; il a pu s'agir d'une lunette astronomique primitive : il dit que cet instrument fait apparaître les objets éloignés plus près qu'il ne sont, et qu'il permet de voir les détails d'objets éloignés. Taqi al-Din affirme qu'il a écrit un autre traité (perdu aujourd'hui) où il explique la fabrication et l’utilisation de cet instrument. Ce qu'il décrit est cependant confus car il ajoute que son appareil est semblable à celui qu’utilisaient les Grecs au Pharos d’Alexandrie.
D'autres instruments astronomiques ont vu le jour dans le monde arabe :