Aristote - Définition

Source: Wikipédia sous licence CC-BY-SA 3.0.
La liste des auteurs de cet article est disponible ici.

Postérité

L’œuvre d’Aristote a eu une postérité considérable (aristotélisme). Son œuvre s’est transmise en plusieurs étapes, tantôt avec une fidélité exacerbée, tantôt avec de profondes remises en causes.

Antiquité

Les ouvrages d’Aristote tels que nous les connaissons n’ont pas été conçus par Aristote lui-même. Le classement de ses notes en volumes est dû à Andronicos de Rhodes, le premier éditeur d’Aristote, qui vécut vers le IIe siècle av. J.-C. Nous lui devons les titres des ouvrages d’Aristote, comme Éthique à Nicomaque ou la Métaphysique.

Le successeur d'Aristote à la tête du Lycée fut Théophraste, qui écrivit des ouvrages sur les plantes et conçut le « Premier moteur » de manière plus immanente que ne l'avait fait Aristote lui-même.

À la disparition du Lycée, certains travaux d’Aristote disparaissent ; des ouvrages sont perdus (dont une partie, qui n’était vraisemblablement composée que de copies des originaux, lors de la destruction de la Bibliothèque d’Alexandrie), et la Métaphysique ne fut éditée que très tardivement.

Aristote fut commenté par la tradition néoplatonicienne et intégré à cette philosophie, qui tenta une synthèse entre Platon, Aristote et l'orientalisme, par exemple Plotin, Porphyre et Simplicius.

Le philosophe latin Boèce, également consul de l’Empire romain autour de l’an 500 sous le roi ostrogoth Théodoric le Grand, traduisit la Logique et les Analytiques d’Aristote. Il laissa en outre trois livres de commentaires. Son œuvre, à la disposition des intellectuels du haut Moyen Âge, fait de lui un relais majeur entre l’Antiquité et le Moyen Âge occidental.

Moyen Âge

Au Moyen Âge, sa philosophie spéculative fut redécouverte, dans un contexte de rivalités d’écoles, grâce aux philosophes judéo-musulmans, en particulier à Maïmonide et Averroès. Au XIIe siècle se déroula un mouvement général de traduction d’œuvres de philosophes et scientifiques grecs et arabes par des érudits des trois grandes religions monothéistes (christianisme, judaïsme, islam). (Voir Hunayn ibn Ishaq). Ces traductions eurent lieu entre 1120 et 1190, à Tolède puis dans quatre villes d’Italie (Palerme, Rome, Venise, Pise). Cette période correspond à la Renaissance du XIIe siècle. Les œuvres d’Aristote furent traduites mot à mot en latin par Albert le Grand et Guillaume de Moerbeke, proche de Thomas d’Aquin.

Au XIIIe siècle, la philosophie aristotélicienne, transformée par Thomas d’Aquin en doctrine officielle de l’Église catholique, malgré quelques soubresauts tels la Condamnation de 1277 d'un ensemble de propositions aristotéliciennes par l'évêque de Paris Étienne Tempier, devint alors la référence philosophique et scientifique de toute réflexion sérieuse, donnant ainsi naissance à la scolastique et au thomisme. On considère que Thomas d’Aquin a effectué une réconciliation entre les œuvres d’Aristote et le christianisme. Il a notamment commenté la Métaphysique, le livre De l'âme, les Politiques, la Logique et l'Éthique à Nicomaque. Aristote est l'auteur le plus cité dans la Somme théologique et il y a eu de nombreux conflits d'interprétation entre Thomas d'Aquin et les philosophes musulmans comme Averroès. Le succès de cette entreprise fut si grand que dans les Universités Chrétiennes, on nommait Aristote simplement « le Philosophe ».

Le franciscain Roger Bacon, au XIIIe siècle, entreprit de vérifier par curiosité certains aspects de l’œuvre d’Aristote qui n’avaient pas fait l’objet d’une révision critique. À sa surprise, il découvrit que quelques faits exposés dans l'Organon étaient erronés.

La via moderna et le nominalisme (Guillaume d'Ockham) réformèrent la philosophie aristotélicienne et préparèrent le terrain pour la Renaissance. Par ailleurs, Dante Alighieri s'inspire beaucoup de l'aristotélisme, sous sa forme thomiste et averroïste, par exemple dans le De la Monarchie.

Époque moderne

Des controverses internes à la scolastique avaient commencé à entraîner son déclin au XVIe siècle : en France, le premier à remettre en cause la doctrine physique d’Aristote fut Pierre de la Ramée (1515-1572) qui déclara dans sa thèse : « quaecumque ab Aristotele dicta essent commentitia esse », « tout ce qu’a dit Aristote n’est que fausseté ».

Francis Bacon, l'un des pères de la science et de la philosophie modernes, contestera l'autorité d'Aristote dans Du progrès et de la promotion des savoirs (1605) : « Le savoir dérivé d'Aristote, s'il est soustrait au libre examen, ne montera pas plus haut que le savoir qu'Aristote avait. »

La Réforme protestante est une vaste réaction contre l'intellectualité scolastique, et Luther ne perdra pas une occasion dans sa correspondance d'exprimer sa haine contre la pensée d'Aristote (sous sa forme thomiste, qui servit idéologiquement à justifier le papisme).

De même, Nicolas de Cues s'oppose vivement à l'aristotélisme et au thomisme, notamment dans la Docte ignorance, leur préférant le socratisme platonicien et la mystique de Maître Eckhart.

De manière générale, un grand mouvement pluriel de réaction à la doxa aristotélicienne (l'aristotélisme scolastique) naît à la Renaissance, qui aboutira à la science et à la philosophie modernes.

Il faudra attendre Galilée puis Torricelli et Blaise Pascal pour que, sur des bases expérimentales, quelques-uns de ses enseignements en matière de sciences physiques soient contestés : suicide du scorpion entouré de flammes, vitesse de chute des corps proportionnelle à leur poids, horreur de la nature pour le vide, etc. Les critiques de l’époque moderne ne sont pas surprenantes étant donné qu’Aristote vécut au IVe siècle av. J.-C., et qu’il ne disposait pas des moyens d’observation et d’expérimentation scientifiques apparus à partir du XVIIe siècle.

Aristote peint par Raphaël

À partir du début du XVIIe siècle, la controverse sur les représentations du monde (géocentrisme contre héliocentrisme) entraîna la remise en cause de l’œuvre d’Aristote. En effet, dans ce que l’on appela ultérieurement la Métaphysique, Aristote représentait le monde en deux parties (sublunaire et supralunaire). Les astres étaient supposés être des sphères parfaites. Cette conception dans laquelle la Terre se trouvait au centre de l’univers, développée par Ptolémée et non remise en question pendant presque un millénaire et demi, déjà remise en cause par Copernic (1543), fut évidemment fortement discutée à partir du début du XVIIe siècle par des personnages comme Giordano Bruno, et surtout Galilée. Galilée avait mis en scène dans le Dialogue sur les deux grands systèmes du monde (Dialogo sopra i due massimi sistemi del mondo de 1632) trois personnages, dont l’un (Simplicio) était favorable aux théories d’Aristote. Galilée fut condamné en juin 1633, et sa peine commuée par Urbain VIII en assignation à résidence.

Descartes apprit l’issue du procès de Galilée en novembre 1633, et lorsqu’il reçut une copie de l’ouvrage de Galilée, il renonça à publier son propre ouvrage (le Traité du monde et de la lumière).

C’est ainsi que Descartes décida de se lancer dans une carrière philosophique, et écrivit successivement le célèbre Discours de la méthode (1637), les Méditations métaphysiques (1641), et les Principes de la philosophie (1644). Descartes, influencé par les idées de son siècle, critiqua vivement les positions des aristotéliciens" et précipita la fin de la scolastique, parachevée par l'empirisme et Kant.

On reprochait à l’œuvre d’Aristote quelques invraisemblances dans sa physique, par rapport aux découvertes de la science moderne au XVIIe siècle, comme par exemple :

  • Monde sub-lunaire/ supralunaire (Sphères parfaites, en contradiction avec les montagnes sur la lune, les taches solaires, les satellites de Jupiter observés par Galilée),
  • Mouvement, associé à la force, et non à l’accélération (en fait la force correspond à la cause efficiente).

Époque contemporaine

La philosophie cartésienne et ses suites au XVIIIe eurent donc pour effet de faire oublier la métaphysique d’Aristote, et par voie de conséquence, toute sa philosophie et la métaphysique scolastique. Dans la plupart des ouvrages d’histoire des sciences et de philosophie, jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’œuvre d’Aristote a systématiquement été décriée, en raison de la représentation géocentrée, en même temps que l’on critiqua les erreurs de l’Église catholique dans le procès de Galilée.

Néanmoins, le XIXe siècle vit un retour à la métaphysique aristotélicienne, sous la plume de Ravaisson, Trendelenburg et Brentano, précédés d'ailleurs par la dernière philosophie de Schelling. Le mouvement initié par Brentano aboutit à la révolution philosophique de Heidegger, qui répète la question de l'être, occultée par les modernes, à partir de son commencement aristotélicien.

L'influence d'Aristote demeure dans la philosophie contemporaine avec les nombreuses références à son œuvre dans la pensée d'Hannah Arendt et des philosophes politiques communautaristes. La philosophe américaine Ayn Rand s'en revendique également considérablement.

La grande influence de l'œuvre d'Aristote s’explique sans doute en partie par son caractère encyclopédique, qui tente de totaliser le savoir. Platon l’appelait d’ailleurs « le lecteur ». Pourtant, si l’on a pu considérer Aristote comme la synthèse incarnée de toute la culture philosophique et scientifique grecque, il n’est pas concevable de considérer, aujourd’hui comme hier, que sa philosophie donne une réponse simple et définitive à toute question : au contraire, la lecture attentive de ses œuvres montre qu’Aristote avait conscience de ce qu’il peut y avoir d’interminable dans la recherche de la vérité, et que certaines questions d’ordre métaphysique restent ouvertes. C’est la postérité d’Aristote qui en donnera une image de dogmatique ayant réponse à tout, et c’est cette image qui sera combattue par Francis Bacon dans son Nouvel Organon. Ainsi, l'Aristote du XIXe siècle sera plus célébré pour ses intuitions métaphysiques et les questions qu'il laisse ouvertes, que pour ses vues scientifiques et encyclopédiques.

Historiquement, Aristote apparaît comme le premier auteur effectuant des classifications hiérarchiques du savoir de façon systématique. Ce mode de classement, qui pourrait être de son invention (il était en tout cas inconnu des bibliothécaires de Sumer), a survécu jusqu’à nos jours. Il est employé par exemple dans les cartes heuristiques depuis les années 1970, dans un esprit holistique. Nous ne commençons à nous en détacher qu’avec les bases de données relationnelles.

En septembre 1998, une encyclique du pape Jean-Paul II (Fides et ratio) souligne l’importance de la philosophie d’Aristote dans la transmission du savoir.

Page générée en 0.005 seconde(s) - site hébergé chez Contabo
Ce site fait l'objet d'une déclaration à la CNIL sous le numéro de dossier 1037632
A propos - Informations légales | Partenaire: HD-Numérique
Version anglaise | Version allemande | Version espagnole | Version portugaise