Aristote - Définition

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L’évolution de l’œuvre et sa transmission

Platon (à gauche) et Aristote (à droite). Aristote pointe le sol par le plat de sa main droite, ce qui symbolise sa croyance dans la connaissance par le biais de l'observation empirique et de l'expérience tout en tenant, dans l'autre main, une copie de son Éthique à Nicomaque. Platon pointe le doigt vers le ciel symbolisant sa croyance dans les idées (détail de la fresque L'École d'Athènes du peintre italien Raphaël).

On sait qu'Aristote écrivit dans sa jeunesse des dialogues à la manière de Platon. Il n'en reste que de rares fragments (Eudème, Protreptique, La Philosophie, ou Du Bien, etc.). Cicéron parle « d’un fleuve d’or de son éloquence » et les juge mieux écrits que ceux de Platon. Ces dialogues représentent les "discours exotériques" (έξωτερικοί λόγοι) d’Aristote, destinés à un public large. En revanche, les notes de cours que nous possédons sont l’œuvre technique d’Aristote, énorme, destinée au public du Lycée. Certains (dont Simplicios, Plutarque, Clément d'Alexandrie, Pic de la Mirandole) ont pu croire que l’œuvre d’Aristote contenait des enseignements ésotériques. Il n'en est rien, et le mot « ésotérique » n'apparaît pas : aux « discours exotériques » Aristote oppose des cours philosophiques (οἱ κατὰ φιλοσοφίαν) et le commentateur Aulu-Gelle des notes « acroamatiques » (ἀκροαματικά), c'est-à-dire des leçons orales (ἀκρόασεις), pour des disciples avancés en science platonicienne ou aristotélicienne, non pour des initiés de type pythagoricien.

Après sa mort, son œuvre perdure, grâce à de nombreux continuateurs, comme son élève et successeur Théophraste. Vers -60, Andronicos de Rhodes, onzième successeur d'Aristote à la tête du Lycée, fut chargé par Rome de restaurer le corpus aristotélicien laissé dans une cave. Il donna des titres à des recueils de textes qu'il a lui-même rassemblés et qui ne doivent rien à Aristote. Tous les recueils sont dans un des trois groupes suivants : sciences théorétiques, sciences pratiques ou sciences poétiques.

Des disputes politiques et théologiques ont marqué les relations entre les mondes grec et latin tout au long de l'Antiquité tardive et du Haut Moyen Âge. Disputes souvent liées à la nature divine et humaine du Christ et aux controverses à ce sujet. Les querelles de mots étaient d'autant plus importantes que chacune des deux cultures dominantes de l'Europe et de la Méditerranée privilégiait sa propre langue. L'idiome de référence des débats était d'une importance capitale dans cet affrontement culturel. Chacun s'est recentré sur sa langue de prédilection et l'Europe latine a relativisé l'importance du grec dans l'enseignement et la vie intellectuelle. Au bas Moyen Âge, les enjeux n'étant plus les mêmes, il y a un retour d'intérêt pour l'héritage grec et en particulier pour Aristote. Mais la situation politique est alors toute différente. Au Proche-Orient, Byzance est en concurrence avec le monde musulman qui s'étend à l'Égypte et à la Syrie, anciens foyers culturels grecs de première importance. Les ouvrages classiques grecs sont très tôt traduits en arabe qui devient une langue de diffusion de ce savoir. Par l'Andalousie musulmane, en particulier, le mode de diffusion est plus rapide et concurrence celui de Byzance.

La vie intellectuelle en Islam, aux mêmes époques, est imprégnée d'hellénisme. On peut citer parmi d'autres Al Kindi et, surtout, au XIIe siècle, Averroès (Ibn Rush) ainsi que le philosophe, théologien et médecin juif Maïmonide.

Cette transmission de l'héritage grec et donc aristotélicien non seulement par l'idiome grec ou latin mais aussi parfois par la langue arabe, au début du bas Moyen Âge, est aujourd'hui de nature polémique. La reconnaissance d'un rôle plus ou moins important de la culture arabo-musulmane dans le dialogue des civilisations porte en soi une charge politique et émotionnelle importante des deux côtés de la Méditerranée. Ainsi, les vifs débats autour des projets de constitution pour l’Europe qui ont porté sur des mentions explicites à ce que doit la culture européenne à la pensée chrétienne occidentale, ont mené certains polémistes à prendre à partie les recherches historiques effectuées sur les transmissions de la pensée aristotélicienne (notamment les phases de traductions vers le latin), dans le but d’y minimiser le rôle des héritiers arabo-musulmans de la pensée aristotélicienne.

Le développement des idées d’Aristote

L’état du corpus aristotélicien pose la question de l’ordre de rédaction de l’ensemble des œuvres d’Aristote ; dans son Histoire de la philosophie des Grecs, Édouard Zeller écrit :

« Toutes les œuvres en question appartiennent aux dernières années de la vie d’Aristote. Si un jour une heureuse découverte devait enrichir nos connaissances sur l’ordre chronologique de ces écrits, il n’y aurait pourtant pas à espérer que l’ouvrage le plus ancien nous fasse remonter à une époque où Aristote travaillait encore à son système. Dans toutes ses parties, celui-ci se présente à nous comme un tout achevé ; nulle part nous ne voyons encore l’architecte à l’œuvre. »

Cette hypothèse fut longtemps admise, et cette influence s’explique par la conception scolastique de la philosophie d’Aristote. L’exégèse traditionnelle, selon l’expression de Werner Jaeger, lui a ainsi donné un air rigide de schématisme conceptuel. C’est pourquoi, dans l’histoire de l’interprétation aristotélicienne, l’œuvre de Jaeger (Aristoteles, Grundlegung einer Geschichte seiner Entwicklung) est considérée comme un événement majeur. Au lieu de présenter un système tout fait, Jaeger s’efforce de retrouver le devenir interne de la doctrine. Il divise ce devenir en trois étapes :

  • L’époque de l’Académie : époque du dogmatisme platonicien.
  • Les années de voyage : naissance d’un platonisme critique.
  • Le maître : second séjour à Athènes, et avènement de l’aristotélisme proprement dit.

L’époque de l’Académie

C’est l’époque du dogmatisme platonicien (œuvres de jeunesse, l’Éthique à Eudème, Protreptikos). Jaeger rapproche la forme du dialogue aristotélicien et les derniers dialogues de Platon où domine la méthode de classification et d’abstraction, la dialectique. L’Éthique à Eudème nous montre un Aristote platonicien (substance et âme, transcendance du Bien, réminiscence, immortalité, Idées). Quant au Protreptikos, il date d’avant la mort de Platon, et il est un programme de vie et de formation platonicienne ; la phronèsis est un concept nettement platonicien, et le nous renvoie aux spéculations du Timée, du Philèbe, des Lois. Or, on ne trouve plus ce concept dans la Métaphysique. On ne trouve plus non plus dans l'Éthique à Nicomaque une éthique aussi exacte que les mathématiques ; cette conception y est même combattue.

Les années de voyage

C’est la naissance d’un platonisme critique. Platon meurt en -348/–347, et Aristote quitte Athènes. C’est, selon Jaeger, le Peri philosophias qui permet de se faire une idée de l’activité philosophique d’Aristote à cette époque. Jaeger s’efforce de reconstituer cette œuvre. Elle exprimerait une philosophie de transition, en procédant à des corrections du platonisme. Le premier livre fait l’histoire de la sagesse antique, et fait du platonisme un sommet de la philosophie. Le deuxième livre critique la théorie des Idées-nombres. Le Peri philosophias aurait d’ailleurs été écrit à la même époque que la critique des Idées dans le premier livre de la Métaphysique. Enfin, le troisième nous renseigne sur la cosmologie et la théologie du jeune Aristote. Plusieurs thèmes platoniciens y sont repris : identification de la théologie et de l’astronomie ; principe du premier moteur immobile (idée qui a son origine dans les Lois) ; l’âme des astres ; mais Aristote s’éloigne parfois de Platon. Ce serait là le moment de fondation de la théologie hellénique et même de la philosophie de la religion. On peut dire que même après la critique des Idées, Aristote garde encore assez longtemps certains concepts platoniciens (âme, immortalité, etc.)

Jaeger examine également la Métaphysique, et distingue plusieurs états du texte : il y trouve une métaphysique primitive et un platonisme corrigé. Ainsi avons-nous deux textes qui font la critique des Idées (A, 9 et M, 4-5). Pour Jaeger, les deux premiers livres feraient alors partie d’une métaphysique primitive ; le livre M daterait d’une époque où l’école péripatéticienne s’oppose à l’école platonicienne (donc, au moment du second séjour à Athènes). Mais la partie M, 9-10 ferait également partie de la métaphysique primitive, avant d’être remplacée par M, 1. Le livre Z, sur la substance, aurait été introduit plus tard, pour donner un plan à l’ensemble, puisque dans ce livre la métaphysique n’est plus la science du suprasensible, mais de l’être en tant qu’être ; ce point ferait donc apparaître aussi l’évolution critique d’Aristote par rapport à Platon, sans que l’on sache bien si Aristote soit parvenu à surmonter cette conception contradictoire de la métaphysique : théologie ou science de l’être en tant qu’être ?

De même en ce qui concerne l’éthique, on peut distinguer une étape platonicienne (Protreptikos), un platonisme critique (Éthique à Eudème), et l’aristotélisme proprement dit (Éthique à Nicomaque). Le même genre de remarques peut également s’appliquer à la politique.

Le maître du Lycée

Enfin, le second séjour à Athènes marque l’acmé de la philosophie aristotélicienne. Ce qu’on appelle habituellement aristotélisme a été élaboré pendant la seconde époque. Dans la troisième période, Aristote se livre à des recherches empiriques et il crée un nouveau type de science : ses enquêtes se caractérisent par la description et l’observation des choses particulières.

  • recherches archivistiques pour l’histoire du théâtre et des jeux ;
  • recherches zoologiques et botaniques ;
  • anthropologie et physiologie ;
  • histoire des sciences ;
  • médecine.
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