Architecture gothique - Définition

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Introduction

L'architecture gothique (ou ) est un style architectural qui s'est développé à partir de la seconde partie du Moyen Âge en Europe occidentale.

La cathédrale Notre-Dame de Chartres (Le Gothique classique)
La cathédrale Saint-Étienne de Bourges

Avant-propos

Intérieur de la cathédrale de Sées, Basse-Normandie : galeries d'arcs en ogive

Ce sont les Italiens de la Renaissance qui ont nommé « gothique » ce style initialement nommé francigenum opus « manière de bâtir en Île de France ». Le terme « gothique » fut utilisé a posteriori dans un sens péjoratif : l'art gothique était l'art des Goths, un art de « barbares » qui auraient oublié les techniques et les canons romains. Un certain nombre d'historiens de l'art réfutent aujourd'hui ce jugement et montrent que, par rapport à l'architecture romane qui la précède, l'architecture gothique n'est pas tant une rupture qu'une évolution.

L'architecture gothique apparaît en Haute Picardie au XIIe siècle ; elle se diffuse rapidement au nord de la Loire puis en Europe jusqu'au milieu du XVIe siècle. L'esthétique gothique reste très présente dans l'architecture française jusqu'au début du XXe siècle.

Son identité très forte est autant philosophique qu'architecturale. Elle représente probablement, de ces deux points de vue, l'un des plus grands accomplissements artistiques du Moyen Âge.

Historique

Le style gothique apparaît essentiellement en Haute Picardie. Le style évolue dans le temps : au gothique dit « primitif » (XIIe siècle) succèdent en France le gothique « classique » (1190 - 1230 environ), puis le gothique « rayonnant » (v.1230- v.1350), enfin le gothique « flamboyant » (XVe / XVIe siècle). À la Renaissance, le style gothique évolue, en France, vers un style hybride de structure gothique et de décor renaissance (église Saint Étienne du Mont à Paris).

Son expansion géographique se fait essentiellement en Europe Occidentale et l'architecture gothique se décline en de nombreuses variantes locales : gothique angevin, normand, perpendiculaire...

Cathédrale Dates Hauteur sous nef (en mètres) Longueur totale (en mètres)
Sens environ 1135
24
113
Noyon environ de 1140
22
102
Laon 1155
25
110
Paris 1163
35
130
Strasbourg 1190 à 1439
31
115
Bourges 1192
38
118
Chartres 1194
37
130
Angers XIIesiècle
24,7
90,47
Le Mans environ 1220
34 (chœur)
134 (avec nef romane)
Amiens 1220
42,50
145
Beauvais 1225
48
70 (chœur et transept, pas de nef)
Metz 1220 à 1520
41,77
136
Troyes 1208 - XVIIesiècle
29,50
114

Avant le gothique

Depuis la fin du Xe siècle, les églises sont construites dans le style roman commun à une grande partie de l'Europe occidentale : les nefs sont souvent couvertes d'une voûte en berceau ; les murs sont épais et soutenus par des contreforts massifs situés à l'extérieur. Le nombre et l'ampleur des fenêtres sont limités et l'intérieur des édifices est décoré par des fresques aux couleurs vives.

Les historiens d'art actuels tendent à diminuer la rupture entre les styles roman et gothique, en démontrant que l'héritage antique n'a pas été complètement oublié du style gothique. Les sculpteurs et les architectes s'inspirent souvent des méthodes romaines.

Le gothique primitif ou protogothique

Bien que des éléments techniques utilisés par les maitres d'œuvre de l'époque existent depuis de nombreux siècles (ogive), l'édification de la basilique Saint-Denis et de la cathédrale Saint-Étienne de Sens sont généralement considérés comme les premiers jalons majeurs dans la genèse de l'esthétique gothique en architecture.

Les premiers édifices gothiques apparurent vers les années 1130-1150 en Île-de-France et surtout en Picardie. À cette époque, la croissance démographique commande une augmentation de la taille des édifices religieux. La religion, le culte des reliques sont une composante essentielle de la vie des fidèles. La diffusion des innovations techniques rend le travail plus productif. Enfin, les villes et le commerce se développent, ce qui entraîne l'émergence d'une riche bourgeoisie.

Premières réalisations

Le déambulatoire de la basilique Saint-Denis, dont la construction débuta en 1141 sous la direction de l'abbé Suger.

L'église de l'Abbaye Notre-Dame de Morienval présente déjà quelques traits du gothique. Elle est antérieure à l'abbatiale de Saint-Denis, mais celle-ci est une des premières constructions religieuses encore debout à se démarquer nettement du style roman.

L'abbaye bénédictine de Saint-Denis est un établissement prestigieux et riche, grâce à l'action de Suger, abbé de 1122 à 1151. Ce dernier souhaite rénover la vieille église carolingienne afin de mettre en valeur les reliques de saint Denis dans un nouveau chœur : pour cela, il souhaite une élévation importante et des baies qui laissent pénétrer la lumière.

Suger décide d'achever la construction de sa nouvelle abbatiale en s'inspirant du nouveau style entraperçu dans la cathédrale Saint-Étienne de Sens. En 1140, il fait édifier un nouveau massif occidental, en s'inspirant des modèles normands de l'âge roman comme l'abbatiale Saint-Étienne de Caen. En 1144, la consécration du chœur de la basilique marque l'avènement d'une nouvelle architecture. Reprenant le principe du déambulatoire à chapelles rayonnantes en le doublant, il innove en prenant le parti de juxtaposer les chapelles autrefois isolées en les séparant par un simple contrefort. Chacune des chapelles comporte de vastes baies jumelles munies de vitraux filtrant la lumière. Le voûtement adopte la technique de la croisée d'ogives qui permet de mieux répartir les forces vers les piliers.

Le premier art gothique s’étend durant la seconde partie du XIIe siècle dans le nord de la France. Le clergé séculier est alors tenté par un certain faste architectural. Saint-Denis passe pour le prototype : mais ce parti, très audacieux, ne sera pas immédiatement compris et suivi (façade harmonique, double déambulatoire, voûtes d'ogives). La cathédrale Saint-Étienne de Sens est un autre exemple initiateur de ce mouvement, moins audacieux que Saint-Denis : alternance des supports (piles fortes et piles faibles), voûte sexpartite, murs qui restent relativement épais - l'utilisation des arcs-boutant ne se généralisera qu'à la période classique (même si leur première apparition attestée date de la décennie 1150 à Saint-Germain-des-Prés). Cependant on peut y constater des innovations telles que l'absence de transept qui unifie l'espace et l'éclairage plus abondant. Les apports de Sens sont compris plus vite que ceux de Saint-Denis. La cathédrale de Sens va avoir davantage de répercussions et rapidement de nombreux édifices vont suivre son exemple, au nord de la Loire dans un premier temps. La cathédrale de Laon présente encore une forme "archaïque" en conservant une élévation à 4 niveaux, dont des tribunes. Le contrebutement de la nef, malgré des voutes sexpartites et une alternance piles fortes / piles faibles, n'est pas encore pleinement résolu.

Intérieur de la cathédrale de Laon
Tableau des principaux édifices du gothique primitif en France
Ville Edifice Début des travaux Fin des travaux (gros œuvre) Date de la consécration
Sens Saint-Étienne 1135 Entre 1490 et 1517 1164
Noyon Notre-Dame de Noyon 1145 1235
Senlis Notre-Dame de Senlis 1153 inconnue 16 juin 1191
Laon Notre-Dame de Laon 1155 1235
Soissons Saint-Gervais-et-Saint-Protais 1176 1212 pour le principal de l'œuvre

Le gothique classique

Le gothique classique (en anglais, High Gothic) correspond à la phase de maturation et d'équilibre des formes (fin XIIe-1230 environ). On construit alors toutes les plus grandes cathédrales : Reims, Bourges, Amiens, etc. Le rythme et la décoration se simplifient. L'élan vertical est de plus en plus prononcé. L'architecture s'uniformise : on abandonne l'idée de principe de piles alternées très marqué à Sens.
C'est dans le domaine royal de la dynastie capétienne que le style trouve son expression la plus classique. Pour cette période, on commence à connaître le nom des architectes, notamment grâce aux labyrinthes (Reims). Le travail se rationalise. La pierre se standardise. Le monument prototype est Chartres, projet ambitieux avec une élévation à trois niveaux qui a pu être possible grâce au perfectionnement dans le contrebutement. La mise au point des arcs-boutants permet de supprimer les tribunes qui jusqu'alors jouaient ce rôle. Les autres pays d'Europe commencent à s'intéresser à cette nouvelle forme architecturale (Cantorbéry, Salisbury, etc.).

Tableau des principaux édifices du gothique classique en France
Ville Edifice Début des travaux Fin des travaux (gros œuvre) Date de la consécration
Reims Notre-Dame de Reims 1211 1275 inconnue
Bourges Saint-Étienne 1195 1230 le 13 mai 1324
Amiens Notre-Dame d'Amiens 1220 1264 à compléter
Chartres Notre-Dame de Chartres 1194 environ 1220 1260

Le gothique rayonnant

Rose de la façade nord, Notre-Dame de Paris
Gothique rayonnant : chœur de la basilique de Saint-Denis

Encore une fois, ce style est né à Saint- Denis avec la réfection des parties hautes du chœur de l'abbatiale en 1231. Il s'impose réellement à partir des années 1240 ; les édifices alors en chantier prennent immédiatement en compte cette nouvelle « mode » et changent partiellement leur plan. Le gothique rayonnant va se développer peu à peu jusqu'en 1350 environ, et se répandre dans toute l'Europe avec une certaine homogénéité. Des architectes français seront employés jusqu'à Chypre ou en Hongrie.

Les églises deviennent de plus en plus hautes. Sur le plan technique, c'est l'utilisation d'une armature de fer (technique de la "pierre armée") qui permet des bâtiments aussi vastes et des fenêtres aussi grandes..

Les fenêtres s'agrandissent jusqu'à faire disparaître le mur : les piliers forment un squelette de pierre, le reste étant de verre, laissant pénétrer une lumière abondante. La surface éclairée est encore augmentée par la présence d'un triforium ajouré comme à Châlons. A Metz, la surface vitrée atteint 6 496 m2. Les fenêtres sont en outre caractérisés par des remplages d'une grande finesse qui ne font pas obstacle à la lumière. La rose, déjà très utilisée auparavant, devient un élément incontournable du décor (Notre-Dame de Paris, transept ; façade de la cathédrale de Strasbourg).

On notera aussi une certaine unité spatiale : les piliers sont tous identiques ; la multiplication des chapelles latérales permet aussi d'agrandir l'espace de la cathédrale.

Le pilier est le plus souvent fasciculé, c'est-à-dire entouré de multiples colonnettes rassemblées en faisceau. Contrastant avec la tendance du pilier fasciculé, tout un groupe de cathédrales et grandes églises adoptent cependant des piles cylindriques à l'imitation de Cathédrale Saint-Étienne de Châlons.

Le gothique flamboyant

Gothique flamboyant - Façade de la Sainte-Chapelle de Vincennes

Appelé abusivement gothique tardif, il naît dans les années 1350 et se développe jusqu'à la fin du XVe siècle, et même dans certaines régions, telle la Lorraine, durant la première partie du XVIe siècle : voir par exemple la Basilique de Saint-Nicolas-de-Port. En Champagne il arrive après 1450 environ avec des maçons tels que Florent Bleuet, actif à Troyes et à la basilique Notre-Dame de l'Épine. Ce gothique dit "flamboyant" tire ce nom des motifs en forme de flammes (soufflets et mouchettes) que l'on peut voir dans les remplages des baies, des rosaces ou sur les gâbles par exemple.

Par rapport à la période précédente, la structure des édifices reste la même ; mais leur décor évolue vers un ornement exubérant, caractérisé par une grande virtuosité dans la stéréotomie (taille de la pierre). La technique de la « pierre armée » de la période rayonnante fait place à la « pierre taillée » : cela explique par exemple que les rosaces soient de dimensions plus modestes, même si elles se font plus aériennes reposant sur des structures plus légères comme dans la Sainte-Chapelle de Vincennes. Les façades présentent également la caractéristique d'être ouvragées sur plusieurs plans. A l'intérieur des bâtiments, la voûte d'ogive se fait plus complexe, devenant dans certains édifices, décorative ; c'est le cas à la cathédrale Saint-Guy de Prague. La clef pendante ou cul-de-lampe, véritable prouesse technique, se fait plus fréquente (Saint-Ouen de Rouen, portail des Marmousets).

Cette période voit des styles distincts apparaître dans différentes régions d'Europe. En France, l'élévation se simplifie quelque peu avec souvent une élévation à deux niveaux (Saint-Germain l'Auxerrois), ou bien avec une élévation à trois niveaux mais avec un triforium aveugle. Les piliers se prolongent sans interruption du sol jusqu'à la clé de voûte ; les multiples colonnettes qui les flanquaient sont remplacées par des nervures.

Exemples d'édifices flamboyants : l'église Saint-Maclou et le Parlement de Rouen, la chapelle de Saint-Louis du château de Saint-Germain-en-Laye, la collégiale Saint-Thiébaut de Thann, l'église de Louviers, l'église de Brou, près de Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, la façade de l'abbaye de la Trinité à Vendôme, la façade de la basilique Notre-Dame de l'Épine, la collégiale Saint-Vulfran d'Abbeville, la cathédrale d'Auch (excepté la façade).

Déclin de l'art gothique à la Renaissance

Eglise Saint-Eustache, Paris : structure gothique, détails Renaissance

Les Humanistes de la Renaissance souhaitaient un retour aux formes classiques hérités de l'Antiquité, considérée comme un modèle de perfection. Le terme « gothique » est employé pour la première fois par Giorgio Vasari en 1550 pour désigner l'art médiéval, avec une connotation péjorative : il est fait référence aux Goths, des barbares, dont les armées avaient notamment envahi l'Italie et pillé Rome en 410.

Le dédain pour cet art fut tel qu'on projeta même de détruire la cathédrale Notre-Dame de Paris pour la remplacer par un nouvel édifice. Ce projet ne put cependant se concrétiser lorsqu’éclata la Révolution. La vente ou l'abandon des biens de l'Église entraina la disparition de nombreux chefs-d'œuvre de l'architecture gothique, dont la plus grande partie furent des abbayes, mais aussi plusieurs cathédrales comme Arras, Cambrai ou Liège (Belgique).

Malgré ce dédain affiché, le gothique connaît encore de beaux succès dans la première moitié du XVIe siècle. Les formes gothiques disparaissent progressivement, se mêlent aux formes Renaissance comme dans l'église Saint-Eustache à Paris où un décor renaissant habille une structure gothique. Certaines églises gothique de la fin du XVIe siècle ont subi des influences de l'art de la Renaissance dans leur architecture, comme par exemple la Cathédrale Notre-Dame du Havre.

Le romantisme réhabilite le gothique : le néogothique

Façade néogothique de la cathédrale Saint-Patrick, New York, (1885-1888), James Renwick Jr.

Lorsqu'au XIXe siècle naquit le mouvement romantique, l'intérêt pour l'ensemble du Moyen Âge, y compris l'architecture gothique se développa, et ce mot perdit sa connotation négative. Le roman de Victor Hugo, Notre-Dame de Paris (1831) relance l'intérêt pour les cathédrales d'Île-de-France.

S'inspirant des travaux de recherche de Jean-Baptiste-Antoine Lassus et d’Eugène Viollet-le-Duc, de nombreux édifices, notamment religieux, imitent le style médiéval : à Paris un exemple fameux est l'église Sainte-Clotilde. Dès 1840, la Basilique Notre-Dame de Bonsecours près de Rouen, inaugure l'ère des églises néogothiques, suivie de peu à Nantes par l'église Saint-Nicolas. Suivent, entre autres, le Sacré-Cœur de Moulins dans l'Allier, l'église Saint-Vincent-de-Paul (Réformés-Canebière) à Marseille, l'Église Saint-Paul de Strasbourg, etc., sans oublier, notamment, la finition de cathédrales jamais achevées comme à Moulins et surtout à Clermont-Ferrand avec ses hautes flèches… Les innovations techniques permettant aux constructions de s'affranchir de certaines contraintes qui dictaient leur forme, une nouvelle architecture réinterprète son patrimoine historique, et après le néo-classique, le néogothique fait son apparition, particulièrement en Angleterre suivie par les États-Unis dans les années 1840. Ce style connaît un grand succès dans les universités (Harvard), les musées (Smithsonian Institution) et bien sûr les églises. À New York, c'est à James Renwick Jr que l'on doit la cathédrale Saint-Patrick (1858-1888), synthèse des cathédrales de Reims et de Cologne. L'utilisation de matériaux plus légers que la pierre permet de se passer d'arc-boutants et contreforts extérieurs. Le succès du néogothique se prolongea jusqu'au début du XXe siècle dans de nombreux gratte-ciel, notamment à Chicago et New York. En Europe, le monument le plus célèbre s'inspirant de l'héritage gothique tout en s'en démarquant très nettement dans le style organique propre à Gaudi est probablement la Sagrada Família à Barcelone (Espagne).

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