Antibiotique - Définition

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Introduction

Un antibiotique (du grec anti : « contre », et bios : « la vie ») est une molécule qui détruit ou bloque la croissance des bactéries. Dans le premier cas, on parle d'antibiotique bactéricide et dans le second cas d'antibiotique bactériostatique. Un même antibiotique peut être bactériostatique à faible dose et bactéricide à dose plus élevée.

Un grand nombre d'antibiotiques sont des molécules naturelles, fabriquées par des micro-organismes, des champignons ou d'autres bactéries. Ces derniers les produisent pour éliminer les bactéries concurrentes avec lesquelles ils sont en compétition dans leur biotope. Les antibiotiques agissent de manière spécifique sur les bactéries, en bloquant une étape essentielle de leur développement : synthèse de leur paroi, de l'ADN, des protéines, production d'énergie... Ce blocage se produit lorsque l'antibiotique se fixe sur sa cible, une molécule de la bactérie qui participe à l'un de ces processus métaboliques essentiels. Cette interaction entre l'antibiotique et sa cible est très sélective, spécifique des bactéries et ces composés ne sont en général pas actifs ni sur les champignons ni sur les virus. Il existe aussi d'autres molécules actives sur ces autres types d'agents infectieux que l'on 'appelle des antifongiques ou des antiviraux et qui sont distincts des antibiotiques.

Généralités

Historique et importance de la découverte

Depuis l'antiquité on a pu recourir empiriquement à des moisissures se développant sur le pain, le soja ... pour soigner des infections; c'est cependant après l'adoption de la théorie des germes , puis sous l'impulsion de la théorie de l'évolution , que commence véritablement l'histoire de ce qui allait s'appeler les antibiotiques : les microorganismes ayant été identifiés comme causes de maladies, les scientifiques se mirent à chercher des substances qui pourraient en inhiber, partiellement ou totalement, le développement. La diffusion des antibiotiques à partir de la fin des années 1940 eut un impact considérable sur la santé des populations, la pratique médicale et la recherche scientifique. Leur utilisation en médecine vétérinaire ainsi qu'en agriculture conduisirent à des changements également conséquents .

Origine de la dénomination "antibiotique"

Si le terme d'antibiose fut proposé en 1889 par Paul Vuillemin , en opposition au phénomène de symbiose, pour décrire le phénomène d'antagonisme entre deux espèces microbiennes ,la paternité du terme antibiotique ( sous forme adjective ou substantive )est discutée : certains en créditent René Dubos ( dès 1940 )[2] , d'autresSelman A. Waksman ( en 1941 suite à sa découverte de la streptomycine qualifiée par lui de "médicament antibiotique"; voire même dès 1932 [3])

Waksman proposa en 1947 les définitions suivantes afin de diminuer les ambiguïtés sur le sens du terme antibiotique:

  • antibiotique : « inhibition de la croissance ou des activités métaboliques de bactéries ou d'autres micro-organismes par une substance chimique d'origine microbienne »
  • une substance antibiotique ou un antibiotique: « une substance chimique d'origine microbienne, possédant des propriétés antibiotiques »

L'apparition d'antibiotique de synthèse mena à une nouvelle définition énoncée en 1957 par Turpin et Velu :

« Tout composé chimique ,élaboré par un organisme vivant ou produit par synthèse ,à coefficient chimiothérapeutique élevé dont l'activité thérapeutique se manifeste à très faible dose ,d'une manière spécifique, par l'inhibition de certains processus vitaux, à l'égard des virus,des micro-organismes ou même de certaines cellules des êtres pluricellulaires »

On relèvera dans cette définition la mention d'usages à destination non seulement de bactéries, mais aussi de virus , et même d'êtres pluricellulaires qui pourrait surprendre tant les récentes campagnes à destination du public - du moins en France - ont rappelé la destination exclusivement antibactérienne des antibiotiques. De nos jours plusieurs définitions coexistent, elles différent par la présence ou non des concepts de toxicité sélective, d'origine bactérienne et de limitation de cible aux seules bactéries.

De manière simplifiée un antibiotique sera « une substance chimique organique d'origine naturelle ou synthétique inhibant ou tuant les bactéries pathogènes à faible concentration et possédant une toxicité sélective » d'un point de vue médical ou sera synonyme de substance anti-bactérienne pour la plupart des microbiologistes ou chimistes.

En médecine humaine, il est possible de voir la dénomination « antibiotiques anti-fongiques » pour des classes pharmaceutiques ayant un spectre d'action large comprenant bactéries et champignons.

Différence d'avec les antiseptiques...

Les antiseptiques ne sont pas des antibiotiques. Leur fonction est de tuer un maximum de germes (bactéries, champignons, virus), leur mode d'action n'est pas spécifique, ils ne s'utilisent que localement en application externe et mal employés (trop concentrés par exemple) ils peuvent provoquer des lésions et/ou retarder la cicatrisation.

L'invention des antibiotiques et de leurs usages

Certaines observations, fortuites ou provoquées, incitèrent différents scientifiques à identifier des bactéries inoffensives qui pourraient s'opposer au développement de bactéries pathogènes. En 1877 déjà, Pasteur et Jules Joubert observèrent que l'injection à des rats d'une solution contenant de l'anthrax ainsi que diverses bactéries du sol ne conduisait pas les rats à développer la maladie du charbon. Par ce travail , Pasteur apporta la première description claire et univoque de l'antagonisme microbien que d'autres avaient pu indiquer avant lui. En outre, il entrevit les possibilités thérapeutiques de ce phénomène. En 1887, Rudolf Emmerich montra quant à lui que des animaux auxquels on avait préalablement injecté le streptocoque ne développaient pas le choléra. En 1889, Bouchard montra que l'injection de Pseudomonas aeruginosa prévenait le développement de l'anthrax chez les rats[4].

C'est en 1888 qu'une substance antibactérienne fut extraite de Bacillus pyocyaneus par E. von Freudenreich. En 1889, Rudolf Emmerich et Oscar Löw effectuent des essais cliniques sur une substance antibiotique, la pyocyanase produite par Bacillus pyocyaneus une bactérie appelée aujourd'hui Pseudomonas aeruginosa( "Bakteriolytische Enzyme als Ursache der erworbenen Immunität und die Heilung von Infectionskrankheiten durch dieselben". Zeitschr. F. Hygiene 31: 1–65. ).Instable et toxique, le médicament fut abandonné (mais connut quelques applications sous forme de pommade pour les dermatoses)[5].

Plusieurs centaines d'exemples d'antagonisme microbien furent ainsi mis en évidence sans avoir de suite pratique [6].Cela est en partie dû à l'attention accordée alors à une autre voie de recherche ,chimiothérapique , suite à la découverte du Salvarsan. Par ailleurs l'utilisation thérapeutique des bactériophages ,récemment découverts, semblait également à l'époque une voie prometteuse .

Le premier antibiotique identifié fut la pénicilline. Si dès la fin du XIXe siècle Ernest Duchesne découvrit les propriétés curatives de Penicillium glaucum , la découverte de la pénicilline est à mettre au crédit de Sir Alexander Fleming qui s'aperçut en 1928 que certaines de ses cultures bactériennes dans des boîtes oubliées avaient été contaminées par les expériences de son voisin de paillasse étudiant le champignon penicillium notatum. Mais l’importance de cette découverte, ses implications et ses utilisations médicales ne furent comprises et élaborées qu’après sa redécouverte, entre les deux grandes guerres notamment suite aux travaux de Howard Walter Florey, Ernst Chain, et Norman Heatley en 1939 .

En 1932 Gerhard Domagk chez Bayer AG met au point le Prontosil, un sulfamidé, le premier antibiotique de synthèse. C'est toutefois La redécouverte subséquente des travaux de J. et Th. Tréfouel, F. Nitti parus en 1935 qui ouvrira effectivement la voie à la sulfamidothérapie .

René Dubos isole en 1939 la tyrothricine (un mélange de tyrocidine et de gramicidin) à partir du Bacillus brevis dont il avait observé l'action antibactérienne .L'importance de cette découverte ne fut pas tant d'ordre thérapeutique que théorique : si la gramicidine fut effectivement le premier antibiotique commercialisé , son utilisation fut limitée à une application locale -en topique -; toxique en intraveineuse,la gramicidine s'avéra par contre très efficace pendant le second conflit mondial pour guérir les blessures et les ulcères . Comme Howard Florey lui-même devait le rappeler plus tard , la découverte de la gramicidine fut une étape déterminante en cela qu'elle encouragea les recherches autour des applications thérapeutiques de la pénicilline qui avaient souffert jusque là de plusieurs déconvenues.

En 1944 Selman A. Waksman , Albert Schatz et E. Bugie découvrent la streptomycine,le premier antibiotique ayant un effet sur le bacille de Koch ,rendant ainsi possible le traitement de la tuberculose .

En 1952 commercialisation sous la marque Ilosone® del' érythromycine nouvellement isolée par J. M. McGuire, de la firme Eli Lilly .

En 1956 est découverte la vancomycine

Développement des quinolones à partir de 1962 puis des fluoroquinolones dans les années 1980 .

À partir de 2000, mise sur le marché de la Linezolide (approuvée par la FDA le 18 avril 2000).


Le premier antibiotique (de synthèse) a ouvert une voie nouvelle dans la lutte contre de nombreuses maladies qui étaient considérées comme incurables auparavant. Les antibiotiques ont augmenté l'espérance de vie d'environ 15 ans, à ceux qui y ont accès. Comparativement, un médicament qui guérirait 100 % des cancers n'augmenterait l'espérance de vie que de 5 ans.

Choix de l'antibiotique à utiliser

Le choix de l'antibiotique dépend du germe responsable, de la localisation de l’infection et du terrain (insuffisance rénale ou hépatique, notion d’allergie...). Il peut être orienté par l'antibiogramme : le germe responsable est mis en culture dans une boîte de gélose Müller-Hinton contenant plusieurs pastilles d’antibiotiques qui vont inhiber plus ou moins le développement du micro-organisme, ce qui permet de comparer la sensibilité des bactéries à tel ou tel antibiotique.

un antibiogramme

Certains antibiotiques sont bactéricides, c’est-à-dire, tuent les bactéries. D’autres ne sont que bactériostatiques, c’est-à-dire empêchant le développement du germe.

Les paramètres d'activité d'un antibiotique

De nombreux paramètres sont à prendre en compte pour définir l'activité d'un antibiotique sur un germe.

  • Le spectre d'activité d'un antibiotique est la liste des espèces bactériennes sur lesquelles un antibiotique agit. Le spectre est propre à chaque antibiotique, et peut varier dans le temps suite à l'apparition de résistance bactériennes.
  • La Concentration Minimale Inhibitrice (CMI) correspond à la concentration minimale d'antibiotique permettant d'inhiber (bactériostase) totalement la multiplication bactérienne, après 18 à 24 heures de contact à 37 ° .
    • La CMI50 est la plus faible concentration inhibant, en 18 à 24 heures la multiplication de 50 % des bactéries.
    • La CMI90 est la plus faible concentration inhibant, en 18 à 24 heures la multiplication de 90 % des bactéries.
  • La Concentration Minimale Bactéricide (CMB) est la plus faible concentration permettant de détruire (bactéricidie) 99,9 % des bactéries après 18 à 24 heures de contact avec l'antibiotique.
  • La CMI et la CMB sont caractéristiques d'un antibiotique pour une souche donnée.
    • Quand le rapport CMB / CMI = 1, l'antibiotique est dit "bactéricide absolu"
    • Quand le rapport CMB / CMI proche de 1, l'antibiotique est dit "bactéricide"
    • Quand le rapport CMB / CMI > 2 l'antibiotique est dit "bactériostatique"

En dépit d'efforts de standardisation des méthodes de détermination des CMI, il subsiste des différences d'un auteur à l'autre.
Divers facteurs peuvent jouer : Composition des milieux, taille de l'inoculum, souches de phénotypes différents, etc.

  • L'index thérapeutique sérique est prédictif de l'efficacité clinique d'un antibiotique. Il est égale à Cmax / CMI50, la Cmax étant la concentration maximale sérique ou pic sérique.
  • Le temps d'antibiotique utile est la durée pendant laquelle la concentration sérique d'un antibiotique donné est supérieure à sa CMI pour un geme donné.
  • Le Tmax est le temps qu'il faut attendre pour atteindre la Cmax.
  • La Cmax est la concentration sérique maximale atteinte après l'administration de l'antibiotique.
  • La surface sous la courbe est un très bon indicateur de l'activité d'un antibiotique. On trace la courbe de l'évolution de la concentration de l'antibiotique dans le temps ; on place la ligne horizontale qui correspond à la CMI90. La surface sous la courbe est celle comprise entre la courbe des concentration et la ligne de la CMI90. La surface sous la courbe est propre à UN antibiotique pour UN germe donné.

Les familles d’antibiotiques

Il existe plus de 10 000 molécules antibiotiques, mais seulement une centaine, dont un quart sont des pénicillines, sont efficaces et utilisables pour des applications thérapeutiques. Les autres sont trop toxiques, trop instables ou ont une biodisponibilité insuffisante chez l'homme. La plupart des antibiotiques sont des produits naturels, synthétisés par des procaryotes, des champignons, des végétaux supérieurs, des animaux ou des lichens.

Des médicaments, mais pas seulement

Les bactéries étant responsables d'infections chez l'homme ou chez l'animal, certains antibiotiques sont utilisés en thérapeutique comme médicaments. Il existe un grand nombre d'antibiotiques naturels, mais tous ne sont pas utilisées en thérapeutique, soit en raison d'effets secondaires, soit parce qu'ils sont éliminés rapidement par l'organisme ou mal assimilés (faible biodisponibilité), soit enfin parce que les bactéries pathogènes y sont devenues résistantes.

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